Lymphomes des voies aérodigestives supérieures

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Introduction :

La fréquence croissante des lymphomes (septième cause de cancers en France, deuxième pathologie tumorale par l’augmentation d’incidence) fait que le spécialiste des voies aérodigestives supérieures (VADS) va être plus fréquemment confronté avec cette pathologie.

Lymphomes des voies aérodigestives supérieuresLes VADS sont aussi le siège de contacts extrêmement riches avec de multiples stimulations antigéniques, et de ce fait, sont pourvues de structures lymphoïdes très actives, elles-mêmes en rapport avec le réseau lymphatique et ganglionnaire le plus dense de l’organisme.

Ainsi, la présentation initiale des lymphomes en général, qui est le plus souvent ganglionnaire, se situe très fréquemment au niveau cervical.

Il s’agit majoritairement de lymphomes non hodgkiniens (LNH) qui se présentent sous la forme des différentes entités reconnues au sein des nouvelles classifications qui intègrent désormais, en plus de la morphologie classique, les données de l’immunophénotypage moderne.

Dans un tiers des cas, les lymphomes peuvent aussi naître de n’importe quelle structure lymphoïde présente dans de nombreux tissus.

Après les présentations digestives, les localisations des VADS sont les plus fréquentes des atteintes extraganglionnaires, et ce avant tout au niveau de l’anneau de Waldeyer (environ 90 % des cas).

La maladie peut également intéresser les cavités nasosinusiennes, les glandes salivaires (en très grande majorité la parotide) ou la thyroïde.

La maladie de Hodgkin survient, quant à elle, et de façon isolée, exceptionnellement au niveau des VADS.

On associe à cette description les plasmocytomes extraosseux

La décision thérapeutique ne se discute qu’après un diagnostic histologique clairement établi, suivi d’un bilan de la maladie et du malade.

La prise en charge doit être multidisciplinaire :

– oto-rhino-laryngologique (ORL), puisque après une biopsie ou exérèse chirurgicale, l’inventaire des lésions doit être précis et certaines localisations et/ou certains types histologiques peuvent nécessiter un traitement local chirurgical complémentaire ;

– hématologique, car le traitement médical est celui établi pour le type histologique donné du lymphome, quel qu’en soit le siège ;

– radiothérapeutique lorsque, localisés, ces lymphomes peuvent faire appel à une irradiation adaptée très précisément à la topographie de l’atteinte initiale.

Nous nous proposons de décrire successivement les circonstances amenant à diagnostiquer un lymphome des VADS, les modalités du bilan, puis les thérapeutiques propres aux principales variétés histologiques, avant de considérer la spécificité des localisations des VADS, puisque la catégorisation histologique est plus déterminante dans la prise en charge que la localisation anatomique.

Circonstances du diagnostic :

Chez l’adulte, les lymphomes s’observent un peu plus fréquemment chez l’homme, et le sex-ratio est d’environ 1,5.

L’incidence augmente régulièrement avec l’âge, et chez les patients âgés, ils apparaissent relativement plus fréquents que les carcinomes.

Au moment du diagnostic, ce qui frappe est l’importance du volume de la tumeur, ferme sans être dure, évoluant sous une muqueuse non ulcérée, contrastant avec l’absence de douleur.

Ainsi, en cas de localisation amygdalienne, un lymphome peut simuler un phlegmon de l’amygdale, mais ce qui doit attirer l’attention est l’absence de signes infectieux, de douleur, de trismus et d’oedème de la luette.

Il n’est cependant pas exceptionnel de voir ces lésions incisées de première intention…

En ce qui concerne la présentation clinique des autres localisations, elle est fonction de la taille de la tumeur.

Il faut noter le peu de retentissement osseux radiologique contrastant avec le volume tumoral pour les lésions se développant au contact de structures osseuses : nasopharynx, massif facial (à l’exception des granulomes centrofaciaux).

L’atteinte ganglionnaire associée est fréquente et s’observe dans deux tiers des cas environ, soit de façon unilatérale pour les lésions développées à partir d’une loge amygdalienne, soit de façon bilatérale pour les lésions développées à partir de structures médianes (nasopharynx, base de langue).

Ces adénopathies sont souvent volumineuses mais restent fermes, mobiles et indolores, bien différentes des métastases de carcinomes épidermoïdes.

De volumineuses masses ganglionnaires peuvent être sensibles, voire douloureuses dans certains lymphomes de haut grade à croissance tumorale rapide.

Ces adénopathies caractéristiques doivent faire rechercher une lésion primitive au niveau de l’anneau de Waldeyer quand elles sont la première manifestation de la maladie.

La suspicion clinique de lymphome permet d’adapter et de programmer les modalités de prélèvement sous anesthésie locale ou sous anesthésie générale, en prévenant l’anatomopathologiste de la probabilité d’un lymphome.

Le diagnostic peut aussi être orienté par la réalisation d’un prélèvement cytologique dès la première consultation.

En effet, la méthodologie diagnostique faisant appel à un immunophénotypage sophistiqué et éventuellement à de la cytogénétique, le prélèvement doit être de taille suffisante et surtout techniqué de façon appropriée avec congélation partielle.

Diagnostic histologique :

Les récentes classifications des lymphomes, à la différence de l’ancienne classification à usage international datant de 1982, cherchent à faire correspondre les caractéristiques de la cellule lymphoïde tumorale avec l’une des multiples étapes de la différenciation lymphocytaire au sein de diverses entités anatomocliniques.

Cette correspondance commence par l’analyse morphologique simple de la cellule tumorale (taille, aspect du cytoplasme et du noyau) et de l’architecture du tissu prélevé (envahissement tumoral diffus ou organisé en follicules).

L’immunohistochimie, quelquefois utile pour affirmer le caractère lymphoïde de la cellule maligne (et éliminer un carcinome ou un mélanome indifférencié), est désormais absolument nécessaire, non seulement pour affirmer le phénotype B (positivité du CD20, CD19, du CD22, des immunoglobulines de surface) ou T (positivité de CD3, CD2) de la cellule maligne, mais également pour rechercher d’autres marqueurs propres à chaque sous-type.

La plupart de ces antigènes de différenciation ne sont pas analysables sur coupes en paraffine, mais uniquement sur tissu congelé frais.

C’est dire que le geste chirurgical (exérèse d’un ganglion ou biopsie d’une lésion des VADS) est une étape essentielle, en coordination avec l’anatomopathologiste.

Il peut être nécessaire de le répéter en cas de doute sur la classification précise du lymphome, avant d’entreprendre le bilan préthérapeutique qui dépend lui-même en partie de la nature précise du lymphome.

Enfin, une analyse cytogénétique (à la recherche d’anomalies chromosomiques) ou une étude en biologie moléculaire (détection de transcrits issus de translocation ou mise en évidence d’une clonalité) peut compléter le bilan diagnostique.

Bilan de la maladie et du malade :

Les lymphomes ayant une propension à la diffusion lymphatique de proche en proche et à la diffusion hématogène (variable selon les types histologiques), la recherche d’une dissémination ganglionnaire ou viscérale est entreprise dès confirmation du diagnostic.

Dans tous les cas, en complément de l’examen général et locorégional, elle se fait par une tomodensitométrie (TDM) cervico-thoraco-abdominopelvienne.

Cette exploration est en général complétée par une biopsie médullaire dont le rendement est très variable selon le type de lymphome et qui peut être programmée en même temps que la biopsie d’un ganglion si celle-ci est faite sous anesthésie générale.

Cette biopsie médullaire peut alors être faite par le chirurgien au niveau de la crête iliaque antérieure, sur le patient en décubitus dorsal ; sinon, elle est faite par l’hématologue sous anesthésie locale à la Xylocaïnet, le plus souvent sur la crête iliaque postérieure.

La ponction lombaire n’est faite qu’en cas de lymphome agressif.

L’existence d’une atteinte de l’anneau de Waldeyer invite classiquement à réaliser une endoscopie digestive haute oeso-gastroduodénale.

Une TDM ou une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale et de la base du crâne peut être nécessaire en cas d’atteinte orbitaire, nasopharyngée ou des structures du massif facial.

Le rôle de la tomographie à émission de positrons (PET scan), dans le cadre du bilan initial, se conçoit surtout en cas de maladie localisée, après évaluation clinique et radiologique classique, et si l’on envisage une radiothérapie exclusive sans recours à la chimiothérapie, voire, après exérèse complète, une abstention thérapeutique, et ce dans quelques sous-types histologiques de bas grade.

Cette étape du bilan permet de classer la maladie selon les stades d’Ann-Arbor.

Il est en effet essentiel de préciser si la maladie est localisée (stade I avec atteinte seulement du site ayant conduit au diagnostic, ou stade II si s’associent des adénopathies périphériques du même côté du diaphragme) ou plus étendue (stade III ou IV).

Le bilan du retentissement de la maladie sur le patient comprend l’indice de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de condition de vie, la recherche de signes généraux, le dosage des lacticodéshydrogénases (LDH), de la bêta-2 microglobuline, une électrophorèse des protides, la recherche d’un syndrome inflammatoire.

Parmi ces paramètres, les LDH ont une valeur pronostique majeure qui, corrélée au volume tumoral, annule la valeur de celui-ci en étude multiparamétrique.

Le bilan du malade inclut la fonction myocardique (avant un éventuel traitement par anthracyclines) et, outre la biologie standard, les sérologies des virus de l’immunodéficience humaine (VIH), human T-cell lymphoma virus (HTLV)1, Epstein-Barr virus (EBV) et de l’hépatite C, en vue de rechercher un contexte viral ayant pu favoriser la survenue du lymphome.

Une évaluation stomatologique doit se faire si une irradiation est envisagée : en effet, celle-ci risque d’intéresser les glandes salivaires si l’atteinte siège au niveau de l’anneau de Waldeyer.

Enfin, si le patient est un homme jeune, une cryopréservation de sperme doit être proposée en cas de chimiothérapie, et chez la femme jeune, il faut prévoir une contraception pendant la durée du traitement.

Profil évolutif, pronostic et principes thérapeutiques communs à l’ensemble des lymphomes susceptibles d’affecter les voies aérodigestives supérieures :

La prochaine classification de l’OMS qui sera dérivée de la Revised European-American Lymphoma (REAL) classification différencie les LNH de phénotype B ou T et classe à part la maladie de Hodgkin, bien qu’il soit désormais admis qu’il s’agisse d’une lymphoprolifération B.

Les LNH de phénotype B étant de loin les plus fréquents, des estimations de fréquence sont mentionnées dans le texte pour certains sous-types à partir de données concernant l’ensemble des localisations possibles.

Les lymphomes T, représentant moins du quart de tous les LNH en général, sont encore plus rares au niveau des VADS, tout comme la maladie de Hodgkin.

Comme le type histologique détermine le traitement, et ce très spécifiquement, nous mentionnons pour chacun d’entre eux les modalités thérapeutiques.

A – LNH DE PHÉNOTYPE B :

Ils peuvent avoir un profil évolutif spontané indolent ou agressif.

1- LNH B d’évolution lente ou indolente :

* Lymphomes lymphocytaires (fréquence 6 %) :

Ce sont des variants non leucémisés de la leucémie lymphoïde chronique dont ils ont les caractéristiques lentement évolutives.

L’atteinte est souvent disséminée sur le plan ganglionnaire, avec occasionnellement une extension au niveau de l’anneau de Waldeyer.

L’envahissement médullaire est quasi constant.

L’aspect est celui d’une atteinte diffuse du ganglion par des cellules d’aspect proche de celui de petits lymphocytes dont l’immunophénotypage, outre la présence de marqueurs B, est de type CD5+, CD10-.

Le traitement est superposable à celui de la leucémie lymphoïde chronique, pouvant aller de l’abstention thérapeutique pour les formes peu étendues et sans retentissement hématologique, à une chimiothérapie orale par chlorambucil, ou intraveineuse plus agressive lorsque la maladie est étendue.

* Lymphomes folliculaires (deuxième LNH par fréquence : soit 22 %) :

Ils sont caractérisés par l’aspect nodulaire (ou folliculaire) de la prolifération tumorale au sein du ganglion, elle-même faite d’un mélange de centrocytes (petites cellules à noyau clivé) ou de centroblastes (grandes cellules à noyau clivé) en proportion variable.

L’évolution très lente, avec même possibilité de périodes de régression spontanée, se caractérise, du moins au début, plus par une accumulation de cellules malignes que par une prolifération de celles-ci.

De fait, la maladie est associée dans 90 % des cas à une translocation 14 ; 18 qui implique le gène de la chaîne lourde d’immunoglobuline et celui de l’oncogène bcl2 dont la surexpression bloque l’apoptose des cellules malignes.

Ainsi, la lenteur de progression de la maladie explique sa constatation chez des patients le plus souvent âgés, ainsi que son caractère rarement localisé avec de multiples localisations ganglionnaires et une grande fréquence de l’atteinte médullaire.

La diffusion de la maladie peut se faire au niveau de l’anneau de Waldeyer et elle est parfois découverte au sein des glandes salivaires.

L’évolution se fait vers une lente extension à tous les organes lymphoïdes ou hématopoïétiques et peut être aggravée par une transformation en lymphome de haut grade, dans 60 % des cas.

La survie médiane se situe, tous patients confondus, aux alentours de 10 ans.

La probabilité de guérison est nulle, sauf pour les rares stades localisés. Les principes de traitement intègrent ces paramètres évolutifs.

Le traitement peut être agressif chez un sujet de moins de 60 ans avec forte masse tumorale.

On cherche à évaluer dans ce contexte si le traitement de référence consistant en une chimiothérapie à doses modérées contenant de l’adriamycine (mini CHVmP) mais avec de l’interféron alpha en continu, peut être surclassé par une chimiothérapie plus lourde consolidée d’emblée par une intensification avec irradiation corporelle totale suivie de greffe de cellules souches hématopoïétiques périphériques.

Pour les patients âgés ou ceux avec faible masse tumorale, l’attitude peut osciller entre une simple surveillance du malade et une chimiothérapie peu agressive (chlorambucil oral, chimiothérapie intraveineuse avec cyclophosphamide et vincristine [CVP]).

La maladie semble aussi pouvoir bénéficier d’une nouvelle modalité de traitement que sont les anticorps monoclonaux anti-CD20 (rituximab), actuellement indiqués lors des rechutes. Les rares formes localisées sont exclusivement irradiées.

Ce sont ces formes qui peuvent bénéficier d’un PET scan pour affirmer leur caractère localisé.

* Lymphomes de la zone marginale du follicule (6 % des LNH) :

Ils regroupent différentes entités, parmi lesquelles les lymphomes du mucosa-associated lymphoid tissue (MALT) qui sont caractérisés par des localisations extraganglionnaires dont la plus fréquente est l’estomac, mais qui peuvent être la thyroïde, l’orbite et les glandes salivaires (parotide).

Dans ces dernières localisations, il n’y a pas de lien avec une infection reconnue comme celle par Helicobacter pylori pour l’estomac.

Cependant, des cas rapportés font ponctuellement état de l’efficacité des antibiotiques dans des localisations conjonctivales et salivaires.

L’aspect cytologique est hétérogène, avec expression des marqueurs B, des immunoglobulines de surface avec négativité du CD5, du CD10 et du CD23 ; un contingent élevé de grandes cellules évoque une transformation.

L’atteinte initiale est le plus souvent localisée à l’organe atteint, dans plus de deux tiers des cas.

La lenteur d’évolution est compatible avec des traitements peu agressifs, chlorambucil oral ou radiothérapie locale (à doses modérées de l’ordre de 30 Gy) ou encore exérèse chirurgicale.

Ce lymphome est le seul où la chirurgie a une place dans le traitement à visée curative de première intention.

Le pronostic global est bon lorsque l’atteinte se limite au MALT, avec plus de 80 % des patients en survie à 10 ans.

* Lymphomes du manteau (fréquence 6 %) :

Ils sont habituellement inclus dans les lymphomes indolents, mais représentent une forme frontière dotée d’une certaine agressivité.

Ils sont constitués d’une prolifération diffuse faite de cellules de petite taille à noyaux clivés et expriment, outre un phénotype B, le CD5 et le CD43 avec négativité du CD10 et du CD23.

Une translocation 11 ; 14 implique les gènes de la chaîne lourde d’immunoglobulines et celui de la cycline D1 qui est surexprimé et permet de mieux identifier le lymphome, soit par immunohistochimie, soit par cytogénétique classique, soit encore par technique de biologie moléculaire.

La maladie est généralement disséminée, tant sur le plan ganglionnaire qu’extraganglionnaire, avec atteinte fréquente au niveau médullaire, digestif, mais aussi de l’anneau de Waldeyer où le diagnostic peut être initialement fait.

Les patients ont le plus souvent dépassé la quarantaine et l’évolution initialement peu agressive s’accélère vite, d’autant que la maladie est peu sensible aux polychimiothérapies classiques.

Le pronostic est mauvais avec très peu de patients guéris.

La survie à 10 ans est inférieure à 20 %.

2- Lymphomes d’évolution agressive :

* Lymphomes diffus à grandes cellules :

Les lymphomes diffus à grandes cellules (avec différents variants de pronostic équivalent) occupent le premier rang en termes de fréquence (supérieurs à 30 %).

Ils sont caractérisés par une évolution spontanée rapide, et de ce fait la présentation initiale est localisée (stade I-II) dans plus du tiers des cas.

On note une grande fréquence des atteintes extraganglionnaires (35 % des cas environ), parmi lesquelles celles des VADS occupent le deuxième rang de fréquence, après les localisations digestives.

Elles concernent alors essentiellement l’anneau de Waldeyer, et à un degré moindre, les cavités nasosinusiennes ou la parotide.

L’atteinte est histologiquement diffuse avec grandes cellules tumorales pouvant prendre divers aspects avec marqueurs phénotypiques B.

Ces formes ne posent pas en général de difficulté d’identification.

La fréquence de ce type de lymphome et la relative homogénéité des chimiothérapies ont permis la mise au point d’un index pronostique international qui a identifié cinq facteurs péjoratifs indépendants : l’âge supérieur à 60 ans, l’élévation des LDH audessus de la normale, un indice de condition de vie (performance status) supérieur à 1, un stade III ou IV et la présence de plus d’un site extraganglionnaire.

Chez les patients de moins de 60 ans, seuls sont significatifs les LDH, le stade et l’indice de condition de vie.

Ceci permet une comparaison des approches thérapeutiques rapportées à cet indice et d’adapter les traitements actuels au risque encouru : chez les patients de moins de 60 ans, la survie à 5 ans est estimée à 83, 69, 46, 32 % selon que sont présents initialement zéro, un, deux ou trois facteurs péjoratifs.

La maladie est curable avec tendance à l’obtention d’un plateau des courbes de survie lorsqu’une réponse complète a été obtenue avec le traitement de première ligne et quand il n’y a pas eu de rechute durant les deux premières années.

Le traitement de première ligne est adapté aux facteurs pronostiques initiaux décrits plus haut.

Il repose sur la chimiothérapie qui seule peut donner une chance de guérison.

La radiothérapie ne peut jouer qu’un rôle adjuvant.

La chimiothérapie de référence est le protocole CHOP (cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine, prednisone) administré en ambulatoire, généralement bien toléré.

Des chimiothérapies plus agressives et plus toxiques n’ont pas encore fait la preuve de leur supériorité, que ce soit avec des protocoles dits « de troisième génération » qui multiplient le nombre de cytotoxiques sans augmenter la dose de cyclophosphamide ou de doxorubicine, ou que ce soit avec des protocoles dits « super CHOP » où la dose-intensité de cyclophosphamide ou de doxorubicine est considérablement accrue grâce à l’aide de facteurs de croissance hématopoïétiques.

Les protocoles de troisième génération devraient être abandonnés puisque plusieurs études randomisées ont bien montré leur inutilité.

Les super CHOP sont en cours d’évaluation et doivent être donnés dans le cadre d’essais thérapeutiques. Schématiquement, les indications thérapeutiques sont les suivantes :

– chez un patient sans facteurs péjoratifs (et donc de stade localisé, comme cela pourrait être le cas pour une atteinte isolée des VADS), le standard thérapeutique consiste en trois à quatre cures de CHOP suivies de radiothérapie des sites initialement envahis à la dose de 40 Gy ;

– chez un patient de moins de 60 ans avec un facteur péjoratif, il est souhaitable d’évaluer un super CHOP dans le cadre d’un essai contrôlé ; si la maladie était initialement localisée, une radiothérapie complémentaire peut être proposée ; elle est cependant peu admise par les équipes hématologiques françaises, y compris en présence d’une masse résiduelle, mais préconisée par les oncologues français et les oncohématologues anglo-saxons ;

– chez des patients de moins de 60 ans avec deux ou trois facteurs péjoratifs, le consensus s’oriente vers une chimiothérapie d’induction de type super CHOP suivie de consolidation avec intensification et greffe de cellules souches périphériques ;

– chez le patient plus âgé, il faut toujours, dans la mesure du possible, tenter un protocole CHOP et en cas de mauvaise tolérance, donner des traitements moins agressifs, moins susceptibles d’entraîner une guérison. L’impératif est toujours d’obtenir une réponse complète.

Celle-ci est facile à admettre en l’absence de lésion résiduelle ; si un doute existe, et notamment au niveau des VADS, une biopsie, voire une résection, doit pouvoir être faite.

La preuve d’une réponse seulement partielle après confirmation histologique implique un programme de rattrapage avec intensification thérapeutique.

Il en est de même lors des éventuelles rechutes constatées ultérieurement.

* Lymphomes de Burkitt :

Ils sont fréquents chez l’enfant (où ils représentent près de la moitié des cas de lymphomes) et très rares chez l’adulte (< 1 %).

Les cas cervicofaciaux sont dominés par la classique forme africaine d’atteinte maxillaire.

En Europe, les atteintes abdominales prédominent, mais des présentations au niveau de l’anneau de Waldeyer sont possibles, caractérisées par une croissance tumorale extrêmement rapide pouvant justifier une chimiothérapie d’urgence.

En l’absence d’atteinte neuroméningée, la chimiothérapie exclusive guérit près de 90 % des cas.

B – LYMPHOMES DE PHÉNOTYPE T :

Chez l’adulte, au niveau cervicofacial, ils existent essentiellement sous la forme de lymphomes anaplasiques et de lymphomes à cellules natural killer (NK).

1- Lymphomes anaplasiques (fréquence 2 %) (CD30+, avec translocation 2 ; 5 fréquente) :

Ils sont avant tout ganglionnaires et cutanés, mais peuvent toucher l’anneau de Waldeyer. Ils sont traités comme des lymphomes diffus à grandes cellules B mais ont un meilleur pronostic.

2- Lymphomes à cellules T périphériques (fréquence 6 %) post-thymiques (CD3+, CD4+ ou CD8+) ou de type NK (CD3-, CD2+, CD16+, CD56+, EBV +) :

Ils peuvent toucher les ganglions, la peau, le foie ou la rate, souvent avec des signes généraux.

Au niveau cervicofacial, et en dehors de la peau, ces lymphomes n’existent que sous la forme de granulomes centrofaciaux qui représentent une entité anatomoclinique rare mais bien individualisée.

C – MALADIE DE HODGKIN :

Alors que l’incidence des LNH augmente rapidement avec l’âge, la maladie de Hodgkin présente une courbe bimodale d’incidence avec un important pic entre 15 et 30 ans et un deuxième vers 50 ans.

Elle est issue d’une cellule centrofolliculaire de phénotype B.

Les localisations au niveau de l’anneau de Waldeyer sont exceptionnelles.

Pourtant, leur présence au niveau du nasopharynx, soupçonnée devant des adénopathies spinales hautes et/ou sousmastoïdiennes, ne doit pas être méconnue car alors, le champ de radiothérapie cervicale doit être modifié en conséquence.

La réponse au traitement, le pronostic de ces localisations n’offrent pas de particularité par rapport aux autres localisations de la maladie de Hodgkin.

Le protocole de référence de chimiothérapie ABVD (doxorubicine, bléomycine, vinblastine, dacarbazine) précède une radiothérapie qui est de plus en plus limitée aux sites initialement envahis, car la chimiothérapie permet de faire l’économie des champs plus larges (mantelet, « Y » inversé).

Dans les formes localisées et de bon pronostic (absence de signes généraux, âge inférieur à 40 ans, petit volume tumoral), la survie à 10 ans est de près de 90 % et le souci est de limiter la toxicité des traitements. Dans les autres cas, la survie à 10 ans dépasse 50 %.

D – PLASMOCYTOMES EXTRAOSSEUX :

Les plasmocytomes des VADS, bien que rares, sont les plus fréquents des plasmocytomes extraosseux. Ils s’observent le plus souvent chez l’homme de plus de 50 ans.

Le nasopharynx et les cavités nasosinusiennes représentent les trois quarts des localisations observées, loin devant les localisations laryngées et oropharyngées.

Des localisations aux glandes salivaires et à la thyroïde ont été signalées.

Des adénopathies cervicales s’observent dans 20 à 25 % des cas.

La malignité de la prolifération cellulaire est affirmée sur son caractère monoclonal, ce qui permet d’éliminer certains états inflammatoires chroniques.

Le bilan cherche à éliminer un myélome multiple par un examen complet du squelette et la recherche de protéine monoclonale sérique qui peut cependant s’observer exceptionnellement lors d’un plasmocytome extramédullaire isolé.

La radiothérapie reste l’élément le plus important du traitement et permet d’obtenir un contrôle local presque constant avec des doses de l’ordre de 40 Gy.

Certaines formes localisées peuvent bénéficier d’une chirurgie si celle-ci s’avère complète et non mutilante.

Les plasmocytomes des VADS évoluent plus rarement vers un myélome multiple que les plasmocytomes osseux (20 % versus 70 %), l’évolution secondaire se faisant plutôt vers l’apparition de nouvelles localisations extraosseuses.

Ce sont ces formes à tendance extensive qui peuvent justifier de chimiothérapies du type de celles utilisées dans la maladie de Kahler, avec les résultats très inconstants que l’on connaît.

Particularités évolutives liées au siège anatomique :

A – LYMPHOMES DE L’ANNEAU DE WALDEYER :

Ils représentent plus du tiers des localisations extraganglionnaires des LNH et sont presque toujours B, avec une prédominance des formes diffuses à grandes cellules sur les lymphomes folliculaires et du manteau.

Il existe de rares cas de lymphomes anaplasiques T.

Il s’agit de localisations intéressant les amygdales palatines dans près de la moitié des cas, dans 20 à 25 % le nasopharynx, et pour moins de 10 % la base de la langue.

Environ 5 % de ces localisations sont plurifocales. L’atteinte ganglionnaire associée est présente dans plus de la moitié des cas.

Leur seule particularité évolutive est une éventuelle plus grande fréquence des atteintes gastriques associées par rapport à d’autres lymphomes de même histologie et à point de départ différent.

Ces atteintes gastriques ont été évoquées devant un taux élevé de récidives gastriques chez les patients traités par radiothérapie seule au niveau de l’anneau de Waldeyer.

Le traitement n’est pas influencé par la localisation mais par leur type histologique.

B – LYMPHOMES DES CAVITÉS NASOSINUSIENNES :

1- Lymphomes des sinus :

Ce sont avant tout des lymphomes diffus à grandes cellules B, c’est-à-dire des lymphomes d’évolution agressive, ce qui leur valait une réputation de mauvais pronostic.

L’atteinte ganglionnaire est relativement tardive et la symptomatologie dominée par l’évolution locale.

Par rapport à la TDM, l’IRM permet de préciser la part entre l’extension tumorale et les phénomènes infectieux surajoutés.

Leur évolution avec les traitements actuels est celle des autres lymphomes de même histologie, et il n’y aurait pas plus de risque de dissémination neuroméningée malgré la proximité avec la base du crâne.

En cas de rechute échappant aux traitements classiques, un rattrapage chirurgical est parfois possible en fonction de l’extension locale.

2- Granulomes centrofaciaux :

Ils sont rares en dehors de certaines régions d’Extrême-Orient.

Siégeant au niveau des cavités nasales, sur la ligne médiane du massif facial, ce sont des lymphomes T ou NK.

Ils représentent le seul lymphome ORL dont l’histoire naturelle ne peut être facilement superposée à un lymphome de même phénotype d’une autre région anatomique.

L’histologie, outre le phénotype déjà décrit, se caractérise par une prolifération tumorale angiocentrique, avec nécrose et association au virus EBV.

Ces lésions ont été longtemps confondues avec la granulomatose de Wegener qui est une entité bien différente (granulome inflammatoire, vascularite au sein de la nécrose) relevant d’un traitement immunosuppresseur.

Le granulome malin médiofacial est initialement localisé au niveau des fosses nasales et du palais dans 90 % des cas et s’accompagne de symptômes douloureux.

D’autres structures médianes des VADS peuvent être intéressées (naso- et oropharynx, larynx).

Les lésions s’associent à une destruction osseuse de contiguïté et s’accompagnent rarement d’adénopathies de voisinage.

Un prélèvement profond sous anesthésie générale peut être nécessaire car la population tumorale peut être masquée par la nécrose.

L’atteinte viscérale (foie, rate, moelle osseuse) est plus tardive et s’accompagne de signes généraux, de pancytopénie avec hémophagocytose.

La chimiothérapie à base d’anthracyclines peut aboutir à des réponses complètes dans les stades localisés, mais elles sont de courte durée et le pronostic est sévère avec une survie médiane de seulement 12 mois.

La survie médiane des formes multiviscérales est inférieure à 6 mois.

Ces mauvais résultats remettent à l’ordre du jour la place de la radiothérapie.

Cette dernière délivrée de première intention à des doses supérieures ou égales à 50 Gy semble donner des taux de rémission complète encourageants alors que ses résultats sont moins constants après échec de la chimiothérapie.

C – LYMPHOMES DE LA PAROTIDE :

Ce sont des lymphomes de type MALT ou des lymphomes diffus à grandes cellules pouvant résulter d’une transformation des précédents.

Ils peuvent se développer à partir de lésions lymphoïdes de sialadénite telles qu’on peut les voir lors d’un syndrome de Sjögren (les patients présentant cette maladie auto-immune ont un risque de 6 % par an de développer un LNH).

Dans certains cas, des ganglions de la loge parotidienne peuvent avoir envahi la glande salivaire et la distinction entre atteinte primaire ou secondaire du parenchyme glandulaire est difficile à affirmer.

D – LYMPHOMES DE LA THYROÏDE :

Ce sont aussi, soit des lymphomes de type MALT, soit des lymphomes diffus à grandes cellules pouvant résulter de la transformation des premiers.

Ils représentent 5 % des tumeurs de la thyroïde avec une prédominance féminine et se développent parfois sur une thyroïdite de Hashimoto préexistante.

L’immunohistochimie permet de faire la différence entre lymphomes à grandes cellules et carcinomes anaplasiques.

Ils apparaissent sous forme de nodules hypofixiants en scintigraphie.

Il n’existe pas toujours des signes de dysfonctionnement thyroïdien.

Ces lymphomes sont diagnostiqués par biopsie ou après exérèse chirurgicale.

La prise en charge est identique à celle des autres lymphomes de ce type.

Particularités évolutives liées au terrain :

A – LYMPHOMES DE L’ENFANT :

Les lymphomes sont au second rang des tumeurs solides de l’enfant et 15 % d’entre eux sont localisés au niveau de la tête et du cou où, en dehors des ganglions, l’atteinte de l’anneau de Waldeyer prédomine nettement.

Ils sont rares avant 2 ans et l’âge moyen est d’environ 8 ans.

Il s’agit uniquement de lymphomes agressifs avec architecture diffuse de la prolifération, de type Burkitt de phénotype B (60 %), lymphoblastique (25 %) ou anaplasique (phénotype T).

Les lymphomes de Burkitt sont ceux qui intéressent avant tout les VADS.

En raison de la croissance extrêmement rapide, il s’agit d’urgences diagnostiques et thérapeutiques.

Le bilan doit être très rapidement fait en incluant systématiquement ponction lombaire et myélogramme en raison de la fréquence des envahissements méningés et médullaires.

Une attention particulière doit être portée au bilan rénal et à l’uricémie (syndrome de lyse qui peut exister spontanément au diagnostic ou être provoqué par le traitement).

Encore plus que chez l’adulte, le traitement repose sur la chimiothérapie (brève dans les lymphomes de Burkitt ou prolongée jusqu’à 2 ans dans les lymphomes lymphoblastiques T) alors que la radiothérapie n’a pratiquement plus sa place dans le traitement des lymphomes de l’enfant en raison de ses séquelles majeures sur un organisme en croissance.

Globalement, la survie est maintenant supérieure à 90 % (75 % dans les formes neuroméningées et/ou médullaires).

B – LYMPHOMES DU SUJET VIH :

Le risque de survenue de lymphomes est multiplié par 60 à 100 dans la population de patients VIH positifs par rapport à la population générale et cliniquement, ils peuvent se présenter de façon atypique quand ils se développent en dehors de l’anneau de Waldeyer.

Ils peuvent alors prendre un aspect très trompeur et simuler un carcinome épidermoïde dont le diagnostic n’est établi que par la biopsie.

Ce sont des lymphomes B (diffus à grandes cellules, anaplasiques à grandes cellules, ou de type Burkitt) qui, soit signent l’entrée dans le syndrome de l’immunodéficience acquise (sida), soit l’aggravent. Dans le premier cas, les traitements standards peuvent donner de bons résultats en association avec la trithérapie.

La localisation extraganglionnaire prédominante est cérébrale et l’atteinte des VADS n’est pas particulièrement plus fréquente.

Chez un patient sidéen connu, une prolifération lymphoïde rhinopharyngée initialement considérée comme bénigne et ne régressant pas sous trithérapie doit être suspecte de LNH.

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