Lymphoedèmes des membres

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Introduction :

Toutes les régions anatomiques et organes pourvus de lymphatiques peuvent être atteints de lymphoedème : nous nous limitons aux lymphoedèmes des membres, qui sont de loin les plus fréquents.

La fréquence du lymphoedème du membre supérieur après traitement d’un cancer du sein est de 25 à 40 % des femmes traitées par chirurgie et/ou radiothérapie :

c’est la cause la plus fréquente de lymphoedème en France.

Lymphoedèmes des membresDans le monde, la filariose lymphatique, cause la plus fréquente de lymphoedème, est compliquée d’un lymphoedème chez 10 % des malades.

La fréquence du lymphoedème du membre inférieur est estimée à 1 pour 6 000.

Les femmes sont plus souvent atteintes.

Chez les enfants et les adolescents, un lymphoedème primaire est observé chez au moins une personne sur 100 000.

Les conséquences du lymphoedème sont essentiellement dermatologiques.

En effet, le système lymphatique superficiel intracutané draine 90 % de la lymphe des membres ; seuls 10 % de la lymphe passe par le système sous-aponévrotique.

Définition :

L’insuffisance du système lymphatique est définie par l’impossibilité d’ajuster le débit lymphatique aux charges lymphatiques physiologiques, c’est-à-dire que la capacité de transport du système lymphatique est inférieure à la charge lymphatique.

Cette insuffisance lymphatique peut se voir dans deux circonstances : une augmentation de la charge lymphatique, ou une diminution de la capacité de transport du système lymphatique.

Dans le premier cas (augmentation des liquides et substances à destinée lymphatique), le lymphatique répond par une augmentation de son travail et de son débit jusqu’à sa capacité maximale.

Au-delà, il est débordé, ce qui entraîne un oedème : il s’agit d’une insuffisance lymphatique dynamique.

Dans le deuxième cas, la capacité de transport du système lymphatique est réduite, le système lymphatique est incapable d’assurer un travail normal : il s’agit d’une insuffisance lymphatique mécanique.

Dans l’insuffisance lymphatique dynamique (par exemple secondaire à une insuffisance veineuse ou à une inflammation), l’oedème est pauvre en protéines.

Dans l’insuffisance lymphatique mécanique, l’oedème est riche en protéines : il s’agit d’un lymphoedème.

Physiopathologie :

A – RÔLE DU SYSTÈME LYMPHATIQUE :

Les principales fonctions du système lymphatique sont l’élimination des protéines de haut poids moléculaire et le rôle immunologique (infection, cancer).

En cas de lymphoedème, les protéines de haut poids moléculaire restent dans le liquide interstitiel, ce qui entraîne une augmentation de la pression oncotique du milieu interstitiel, à l’origine d’un oedème.

L’absence de suppléance (le système veineux est incapable d’évacuer ces protéines) explique la persistance de l’oedème (attiré par les protéines), même après traitement diurétique (qui entraîne une déplétion hydrosodée sans avoir d’action sur les protéines).

B – CONSÉQUENCES DU LYMPHOEDÈME :

Cette richesse en protéines favorise la fibrose cutanée et les infections.

La présence de protéines et de produits de dégradation du collagène stimule l’activité des fibroblastes responsables de la fibrose.

Dans les lymphoedèmes, il y a une fibrose hyperplasique mais il n’y a pas d’ulcération, contrairement à l’insuffisance veineuse.

Les dermohypodermites bactériennes ou les lymphangites streptococciques compliquent fréquemment un lymphoedème.

Dans le lymphoedème, les altérations cutanées sont essentiellement dermiques (augmentation d’épaisseur, rétention d’eau) mais aussi hypodermiques (les lobules graisseux de l’hypoderme sont plus grands).

Les lymphoedèmes primaires de l’enfant sont habituellement consécutifs à une hypoplasie lymphatique plus ou moins étendue.

Des réseaux de suppléance existent retardant, dans certaines formes, les manifestations cliniques qui vont survenir à l’occasion d’un épisode de la vie génitale (puberté, grossesse), d’un traumatisme, d’une intervention chirurgicale ou d’une irradiation.

Les études du réseau lymphatique superficiel en microlymphographie montrent un réseau lymphatique dilaté (lymphoedème primitif survenu après la puberté) ou, soit une aplasie complète des lymphatiques superficiels (lymphoedème congénital type I), soit des ectasies lymphatiques superficielles (lymphoedème congénital type II).

Clinique :

Le lymphoedème peut être très précoce, dès la période néonatale, ou à la puberté, ou plus tardif après 35 ans.

Le diagnostic est presque toujours facile, sauf chez le nouveau-né et le nourrisson (aspect potelé habituel à cet âge).

Les lymphoedèmes secondaires sont plutôt proximaux, l’engorgement lymphatique apparaissant à proximité du blocage.

Au membre supérieur, il s’agit du classique « gros bras » à début proximal après un traitement radiochirurgical d’un cancer du sein.

Les lymphoedèmes primitifs débutent en général par une atteinte des extrémités.

Au membre inférieur, la manifestation essentielle est un oedème du dessus du pied, qui ne « prend pas le godet » ; dans les formes débutantes, ceci n’est toutefois pas constant.

Les orteils sont boudinés, avec des plis transverses marqués, notamment à la base.

Le signe de Stemmer est considéré comme pathognomonique du lymphoedème du membre inférieur : c’est l’épaississement du pli cutané, mis en évidence par un pincement du dessus du deuxième orteil.

Par la suite, le lymphoedème efface les reliefs osseux des chevilles (comblement des espaces rétromalléolaires), donnant un aspect de jambe en « poteau ».

Il entraîne une fibrose cutanée avec papules fibreuses, végétations et plis transverses profonds. D’autres présentations sont possibles.

Le lymphoedème peut être suspendu, atteignant la partie supérieure de la cuisse.

Il peut aussi atteindre les organes génitaux, le visage, ou être généralisé.

Dans les lymphoedèmes primitifs des membres, un seul peut être atteint, ou les deux membres inférieurs, les deux membres supérieurs, un membre supérieur et un membre inférieur du même côté ou du côté opposé.

Un lymphoedème des membres inférieurs peut révéler ou accompagner une entéropathie exsudative, par malformation du système lymphatique intestinal (chyloedème, syndrome de Waldmann ou lymphangiectasies intestinales, lymphangiomatose…), ou une anomalie du canal thoracique.

La maladie de Kaposi peut être précédée ou accompagnée par un lymphoedème.

En cas d’insuffisance veineuse chronique, des anomalies du système lymphatique sont observées.

L’insuffisance lymphatique, initialement dynamique, peut au fil des années devenir mécanique, par altération des capillaires lymphatiques due à la stase veineuse.

Ceci pourrait expliquer certaines des anomalies cliniques des syndromes post-thrombotiques anciens et non traités.

Cette physiopathologie pourrait aussi expliquer la fibrose et certaines anomalies cliniques vues dans les oedèmes chroniques, quelle que soit leur cause (anasarque, « éléphantiasis » tropicaux…).

Examens complémentaires :

On doit envisager une exploration du système lymphatique devant des oedèmes distaux chez les sujets jeunes et chaque fois qu’il existe des oedèmes des membres sans cause évidente.

Actuellement, il est possible d’étudier tout le trajet de la lymphe, des collecteurs au système lymphatique central, et d’explorer la peau à la recherche d’une infiltration lymphoedémateuse.

A – LYMPHOSCINTIGRAPHIE ISOTOPIQUE :

La lymphangiographie directe avec injection de produit de contraste iodé donne des informations sur l’anatomie du système lymphatique, mais elle ne doit plus être pratiquée actuellement, car elle aggrave le lymphoedème.

Elle est remplacée par la lymphoscintigraphie isotopique.

Cet examen peut être réalisé dès les premiers mois de vie.

Il consiste à injecter par voie hypodermique, dans un espace interdigital des pieds ou des mains, du sulfocolloïde de rhénium technétié (poids moléculaire de l’ordre de grandeur de celui des protéines interstitielles captées par le système lymphatique, trop élevé pour être capté par le réseau veineux), dans un volume d’environ 0,2 mL.

La détection de la radioactivité est effectuée avec une gammacaméra à grand champ : 40 images toutes les minutes, puis des images statiques à 40 minutes et à 4 heures apportent des renseignements fonctionnels sur le réseau lymphatique superficiel.

On étudie ainsi la cinétique de montée du traceur, on visualise le réseau lymphatique superficiel, l’aspect des ganglions, on cherche des signes de blocage, un reflux dermique se traduisant par une hyperactivité dans les tissus mous.

Cet examen apporte des informations fonctionnelles, mais ne permet pas de visualiser l’anatomie du réseau lymphatique.

Il fournit des arguments sur la physiopathologie de l’oedème.

Des méthodes de traitement informatique de l’image peuvent être utilisées :

– l’image condensée permet une représentation synthétique de toute l’acquisition dynamique en une seule image ;

– l’analyse factorielle permet d’extraire sur une région d’intérêt, choisie, l’étude dynamique individuelle d’un vaisseau lymphatique.

B – MICROLYMPHANGIOGRAPHIE :

Elle permet l’étude des lymphatiques initiaux et est intéressante pour le diagnostic, mais aussi le pronostic d’un lymphoedème de membre.

On distingue la microlymphangiographie par fluorescence, utilisant un produit marqué à la fluorescéine, et la microlymphangiographie par produit de contraste iodé.

On visualise à partir de la 10e minute, en l’absence de lymphoedème, les petits vaisseaux lymphatiques initiaux qui s’opacifient, donnant un trajet fin comme un cheveu et linéaire vers le haut.

En présence de lymphoedème, même débutant, la pression intradermique est augmentée et la diffusion du produit se fait mal.

On constate alors un retard de captation, un reflux vers le bas, ou même une absence complète d’opacification.

En injectant ce produit à différents étages, on peut juger de l’étendue de l’atteinte des lymphatiques même à des stades débutants.

C – SCANNER ET IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE (IRM) :

Le scanner peut être utilisé, mais c’est l’IRM qui paraît actuellement l’examen le plus complet.

L’IRM permet une excellente exploration des tissus mous.

Elle complète l’exploration lymphoscintigraphique en apportant des arguments anatomiques, notamment sur les maladies ganglionnaires, les hyperplasies lymphatiques, les voies lymphatiques d’amont.

Elle s’avérerait aussi utile pour le suivi de l’évolution sous traitement.

D – ÉCHOGRAPHIE CUTANÉE HAUTE RÉSOLUTION :

C’est un examen facile, rapide, performant et non invasif, mais ce n’est pas une méthode d’exploration courante car elle nécessite un appareillage haute résolution.

L’appareil utilisé est le Dermcup 2020t de fréquence centrale 20 MHz.

La résolution axiale est de 80 µm, et la résolution latérale de 250 µm dans la zone focale.

Elle permet de voir la structure et l’architecture du derme, qui a une épaisseur d’environ 1 mm au niveau de la jambe. En cas de lymphoedème, on visualise une augmentation de l’épaisseur de l’ensemble du derme de façon homogène.

En cas d’insuffisance veineuse, seul le derme superficiel est infiltré par l’oedème.

Enfin, le lipoedème (ou lipodystrophie ou cellulite) se définit échographiquement par une augmentation de l’hypoderme, le derme ayant une épaisseur et une échogénicité normales.

Cet examen simple et totalement indolore différencie rapidement le type d’oedème lorsqu’il y a un doute clinique, mais aussi quantifie la gravité du lymphoedème et suit son évolution sous traitement.

Étiologie des lymphoedèmes :

A – CLASSIFICATION :

De nombreuses classifications ont été proposées.

Dans les années 1960, la comparaison entre la clinique et la lymphographie directe a permis de définir des tableaux anatomocliniques : lymphoedème avec mégalymphatiques unilatéral (3,4 %) ou bilatéral (6,7 %), lymphoedème avec hypoplasie lymphatique distale (70 %), hypoplasie à la fois proximale et distale (20 %).

La contre-indication de la lymphographie dans le lymphoedème ne permet plus d’utiliser une telle classification.

On a proposé une classification simplifiée qui distingue trois types de lymphoedème.

Le lymphoedème avec oblitération distale (80 % des cas) prédomine chez la femme, apparaît à la puberté et progresse lentement et de façon limitée.

Le lymphoedème avec oblitération proximale (10 % des cas) survient aussi souvent chez l’homme que chez la femme et s’étend rapidement en quelques semaines ou quelques mois à tout le membre inférieur, souvent après un facteur déclenchant (traumatisme, infection…).

Le lymphoedème avec hyperplasie congénitale (10 % des cas) est présent à la naissance ou dans le jeune âge, parfois avec une notion familiale.

Toutefois, ces classifications sont arbitraires, puisqu’elles ne reposent que sur la clinique, et introduisent néanmoins des considérations anatomiques.

Cliniquement, on distingue les lymphoedèmes primaire et secondaire.

Un lymphoedème primaire est un lymphoedème sans cause expliquant la dysfonction lymphatique.

Ces lymphoedèmes sont dus à une malformation lymphatique (congénitale plutôt qu’acquise). Un lymphoedème secondaire est un lymphoedème causé par une atteinte du système lymphatique (infectieuse, tumorale, thérapeutique…) qui est directement responsable du lymphoedème, quel que soit l’état du système lymphatique avant l’agression.

La difficulté pour séparer les lymphoedèmes primaires des lymphoedèmes secondaires est l’interprétation de certains facteurs déclenchants.

Ainsi, un érysipèle complique plus fréquemment un lymphoedème primaire qu’il vient parfois révéler.

Mais la répétition des érysipèles peut être responsable de destructions lymphatiques, elles-mêmes à l’origine de lymphoedème, même si le système lymphatique sous-jacent était normal.

En pratique, on considère qu’un épisode infectieux isolé (en dehors de la filariose), un traumatisme (entorse, fracture…) et a fortiori des modifications hormonales (grossesse, prise d’oestroprogestatifs…) ne sont que des facteurs déclenchants d’un lymphoedème primaire.

B – CAUSES DES LYMPHOEDÈMES SECONDAIRES :

Les lymphoedèmes infectieux, les plus fréquents dans le monde, sont essentiellement d’origine parasitaire : il s’agit des filarioses lymphatiques.

Celles-ci sont dues à trois types de filaires lymphatiques : Wuchereria bancrofti, Brugia malayi et Brugia timori.

Ces filarioses se rencontrent dans toute la zone inter- et subtropicale du globe, mais surtout dans la partie sud-est de l’Asie (de l’Inde à l’est de la Chine) ainsi que dans l’Indonésie et les îles du Pacifique Sud.

D’autres filarioses donnent rarement un lymphoedème : l’onchocercose et la loase.

Les autres causes infectieuses sont rares : parfois le streptocoque (par poussées récidivantes et multiples de lymphangites et de dermohypodermite bactérienne), exceptionnellement d’autres germes (fièvre thyphoïde, Mycobacterium marinum, Chlamydia trachomatis, donovanose…).

Les lymphoedèmes par destruction ganglionnaire sont, en France, les plus fréquents.

La destruction ganglionnaire est d’origine thérapeutique ou par envahissement.

La cause la plus fréquente est le traitement d’un cancer du sein.

La fréquence de ce lymphoedème est fonction du type de chirurgie (7 % de lymphoedème en cas de conservation du sein, contre 22 % en cas de mastectomie radicale), de l’importance du curage axillaire (2 à 27 % selon le nombre de ganglions prélevés), de la réalisation d’une radiothérapie axillaire (4 à 44%).

Il existe une forte potentialisation du risque de lymphoedème quand ces traitements sont associés.

Les autres cancers responsables de lymphoedème sont les cancers pelviens et, par ordre décroissant de fréquence : utérus (col surtout, parfois corps), vessie, prostate, lymphome, mélanome, testicule…

Ces lymphoedèmes secondaires peuvent apparaître brutalement en quelques jours, ou s’installer très lentement.

Dans presque tous les cas, ils débutent par la racine du membre.

Pour les cancers pelviens, l’atteinte bilatérale, simultanée ou non, est possible.

Dans des cas plus rares, le lymphoedème peut débuter à l’ensemble du membre et, de façon très exceptionnelle, débuter en distalité.

La récidive du cancer peut se révéler par un lymphoedème.

Aussi, devant un lymphoedème du membre supérieur, même après un traitement radiochirurgical d’un cancer du sein, l’examen clinique à la recherche d’une métastase ganglionnaire, cutanée ou viscérale, et la recherche systématique d’une évolutivité du cancer primitif doivent être effectués.

Exceptionnellement, des tumeurs bénignes ont été rapportées comme cause de lymphoedème.

Il est difficile de savoir dans ces cas s’il ne s’agissait pas de l’association d’une tumeur bénigne et d’un lymphoedème primaire décompensé tardivement.

C – CAUSES DES LYMPHOEDÈMES PRIMAIRES :

1- Lymphoedème primaire idiopathique :

Le lymphoedème primaire le plus habituel est le lymphoedème précoce.

Celui-ci débute à la puberté ou chez l’adulte jeune.

Le pic de fréquence d’apparition du lymphoedème primaire des membres inférieurs est de 17 ans (30 % des cas sont observés entre 15 et 20 ans).

L’oedème est souvent élastique, dépressible, prenant discrètement le godet.

Il est beaucoup plus fréquent chez la fille que chez le garçon.

Il est parfois localisé aux pieds (classique lymphoedème du dos du pied de la jeune fille).

Le plus souvent, il évolue progressivement, atteignant le pied, la cheville et une partie de la jambe.

Au début, l’affirmation du diagnostic repose sur la mise en évidence du signe de Stemmer.

L’évolution du lymphoedème est variable, mais ne se fait pratiquement jamais vers l’amélioration spontanée. Plus rarement, le lymphoedème est congénital.

Il est plus souvent au membre inférieur que supérieur.

Cliniquement, le lymphoedème est de consistance élastique ne prenant pas le godet.

Souvent, le diagnostic n’est fait qu’au bout de plusieurs semaines ou de plusieurs mois.

Des modifications cutanées sont fréquentes dans ces lymphoedèmes congénitaux, apparaissant dans les premières années de vie.

Il s’agit de vésicules (lymphangiectasies), de papules, de lésions verruqueuses en particulier aux orteils.

En cas d’atteinte diffuse, il faut rechercher des malformations lymphatiques associées ou une maladie génétique.

En l’absence de maladie génétique, la recherche d’une malabsorption intestinale pour dépister une malformation lymphatique congénitale est impérative.

Le lymphoedème tardif, apparaissant après l’âge de 35 ans, n’est pas rare.

Il est souvent confondu avec une atteinte veineuse.

Il s’agit d’un lymphoedème des membres inférieurs, associé à un signe de Stemmer qui permet de faire le diagnostic.

On retrouve fréquemment une augmentation du volume du dos du pied, une ébauche de pli transverse profond à la racine des orteils ou à la cheville, la présence d’un coussinet élastique rétromalléolaire externe et l’ébauche de jambe en poteau.

Ces signes cliniques permettent de les différencier d’une insuffisance veineuse.

Dans cette forme à révélation tardive, un échodoppler veineux doit être systématique, pour rechercher une insuffisance veineuse.

En l’absence de cause, et même s’il a existé un facteur déclenchant, la recherche d’un lymphoedème secondaire incluant un scanner abdominopelvien doit être faite.

Un facteur déclenchant est très souvent trouvé : grossesse, traumatisme, infection.

2- Lymphoedème héréditaire et/ou génétique :

Dans un lymphoedème primaire, la réalisation d’un arbre généalogique doit être systématique.

Ces lymphoedèmes héréditaires sont rares (10 % des lymphoedèmes de l’enfant et de l’adolescent).

Ces dernières années, la cause génétique de ces lymphoedèmes a été de mieux en mieux identifiée ; une même mutation génétique peut correspondre à des phénotypes différents.

Ces lymphoedèmes peuvent être isolés sans malformation associée.

Ils atteignent alors les membres inférieurs et sont trois fois plus fréquents chez la femme que chez l’homme.

Ils sont présents à la naissance (maladie de Milroy), ou surviennent à la puberté (maladie de Meige).

La maladie de Milroy (ou lymphoedème de Nonne-Milroy ou primary congenital lymphoedema [PCL] ou lymphoedema hereditary I) est de transmission autosomique dominante avec pénétrance incomplète ; les femmes sont plus souvent atteintes.

La localisation génique est en 5q 35-3. Cette localisation suggère un lien avec le gène du vascular endothelial growth factor (VEGF).

Rarement d’autres anomalies lymphatiques peuvent être associées : pleurésie bilatérale, pertes protidiques intestinales, oedème scrotal récidivant, ascite chyleuse.

La maladie de Meige (ou lymphoedème tardif ou lymphoedema praecox ou lymphoedema hereditary II) apparaît au moment de la puberté ou à l’âge adulte.

La transmission est autosomique dominante, atteignant très préférentiellement la femme.

Des anomalies associées sont possibles mais rares : épanchement pleural chyleux chronique, oedème laryngé, oedème facial, fente palatine. Le syndrome de Turner, par absence (monosomie X) ou défaut structural d’un chromosome X, a pour conséquence un phénotype particulier.

Ces filles ont des ovaires absents ou fibreux, une petite taille (signe constant), un élargissement de l’espace intermamelonnaire, un pterygium colli, une implantation basse des cheveux, des nævus multiples, une coarctation de l’aorte (un quart des cas).

Un lymphoedème des mains et des pieds peut être présent à la naissance.

Les anomalies des lymphatiques pourraient être responsables de la plupart des manifestations observées.

Ce lymphoedème est observé dans 15 à 30 % des cas de ces syndromes.

Le lymphoedème a pour particularité de disparaître vers l’âge de 2 à 3 ans. La récidive du lymphoedème est possible à la puberté.

L’association Turner-lymphoedème a été associée à une translocation Y ; 16.

Dans le syndrome de Noonan, le morphotype est proche du syndrome de Turner, mais sans anomalie du caryotype : retard de croissance, visage triangulaire, pommettes saillantes, hypertélorisme, oreilles rondes et bas implantées, pterygium colli.

Des malformations cardiaques, vasculaires (sténose pulmonaire), génitales (cryptorchidie), squelettiques, sanguine (thrombocytopénie) sont possibles.

Les signes cutanés (25 à 40 % des cas) sont un ulérythème ophryogène, des kératoses folliculaires, des troubles de la pilosité (cheveux laineux ou incoiffables, sourcils clairsemés ou absents, rarement hirsutisme), un palais ogival.

Le lymphoedème est inconstant.

Il est précoce et important, ou apparaît secondairement.

Il peut être spontanément régressif.

La plupart des cas sont sporadiques par mutation génique. Le syndrome de Noonan peut être héréditaire, avec une transmission autosomique dominante et une expressivité variable.

La possibilité d’une localisation du gène sur le chromosome 22 a été soulevée.

L’association d’un lymphoedème et d’un syndrome de Noonan est parfois retrouvée dans une neurofibromatose de type I.

3- Lymphoedème avec malformations associées :

Dans d’autres lymphoedèmes, il existe des malformations associées.

Dans le syndrome de Aagenaes, dont le gène est localisé sur le chromosome 15q, il existe une cholestase néonatale.

Le plus souvent, le lymphoedème survient à la naissance, mais il peut survenir de façon retardée jusqu’à l’âge de 10 ans.

Il s’agit d’une maladie autosomique récessive.

Le pronostic est lié au foie : la cholestase peut évoluer vers une cirrhose.

Le lymphoedème peut être associé à une dystrophie des ongles, dont la coloration est jaune : c’est le syndrome des ongles jaunes de Samman-White.

Le lymphoedème se révèle dans l’enfance ou chez l’adulte jeune.

Il est souvent discret, limité aux chevilles.

Il a été décrit aux membres supérieurs.

Les anomalies unguéales consistent en une dyschromie de teinte jaune pouvant être marquée, avec ralentissement de la pousse de l’ongle, tablette unguéale très dure et accentuation des courbures de l’ongle.

L’atteinte de l’arbre respiratoire est fréquente.

Il peut s’agir d’un épanchement pleural à type d’exsudat, d’une bronchite chronique, de bronchectasies, mais aussi de sinusite chronique.

Des maladies associées sont rapportées : polyarthrite rhumatoïde, cancer, maladie de Waldenström ou dysglobulinémie, dysthyroïdie, atteinte rénale.

Devant un lymphoedème, le syndrome des « ongles jaunes » ne doit pas être diagnostiqué abusivement.

En effet, il est habituel qu’un lymphoedème chronique induise une modification de l’aspect des ongles incluant une teinte jaune discrète, un épaississement de l’ongle avec ralentissement de la pousse.

L’association d’un lymphoedème avec une double rangée de cils (distichiasis) définit le syndrome de Falls-Kertesz. Le début est en général tardif à l’adolescence.

Il s’agit d’une maladie autosomique dominante associant un lymphoedème des membres inférieurs, un distichiasis, mais aussi un pterygium colli, un ectropion.

D’autres anomalies sont plus rares (canal rachidien étroit, anomalies vertébrales, kyste extradural…).

Dans cette maladie, le gène a été localisé sur le chromosome 16 (16q24.3) où sont localisés des gènes pour le collagène III ou des métalloprotéases.

D’autres lymphoedèmes héréditaires ont été rapportés dans des cas isolés :

– ptôse des paupières ;

– aspect facial particulier et anomalie cardiaque atrioseptale ;

– kyste rachidien extradural ;

– lymphangiectasies intestinales responsables de pertes protidiques (parfois associé à un visage particulier ; nez plat, hypertélorisme et retard mental modéré [syndrome de Hennekan]) ;

– hypoparathyroïdie ;

– microcéphalie et choriorétinopathie ;

– syndrome de Avasthey-Roy, de transmission autosomique dominante, avec des anomalies artérioveineuses cérébrales et une hypertension pulmonaire.

Ils sont parfois associés à des anomalies chromosomiques : inversion péricentrique du chromosome de Vila, duplication partielle du chromosome 1q.

La maladie de Fabry peut être associée à un lymphoedème.

Celui-ci est rarement massif.

Évolution du lymphoedème :

Dans la plupart des cas, un lymphoedème qui débute à la partie distale du membre a une évolution ascendante vers la racine de ce membre.

À l’inverse, les lymphoedèmes débutant à la racine du membre ont une évolution descendante. Cette aggravation progressive habituelle permet de différencier quatre stades cliniques au lymphoedème.

Le stade 0, asymptomatique, est dépisté sur un membre controlatéral sain devant une lymphoscintigraphie anormale.

Il est parfois suspecté cliniquement devant des modifications minimes (discret godet à la pression de l’extrémité du membre).

Dans le stade 1, il existe un oedème mesurable de consistance molle.

Cet oedème disparaît lors de la surélévation du membre et après le repos la nuit.

À ce stade, l’oedème peut régresser spontanément pendant plusieurs semaines, avant de réapparaître sur un mode chronique.

Le stade 2 est caractérisé par un épaississement de la peau avec début de fibrose cutanée, des papules hyperkératosiques, parfois des vésicules.

Il peut exister une « peau d’orange ». L’oedème ne disparaît pas complètement après un repos au lit : parfois il diminue (stade 2A), souvent la surélévation du membre n’a plus d’effet sur le lymphoedème (stade 2B).

À ce stade, il existe une gêne fonctionnelle importante et souvent une limitation de la fonction du membre. Le lymphoedème n’est plus spontanément réversible.

Le stade 3 est celui de l’éléphantiasis.

Il s’agit d’un lymphoedème volumineux, associé à un épaississement cutané important, et surtout à une sclérose indurée de la peau.

D’autres anomalies sont fréquemment visibles : aspect jaunâtre de la peau et des ongles, lymphangiectasies, papules kératosiques avec papillomatose, plaques lichénifiées.

La gêne fonctionnelle est majeure, toujours associée à une limitation de la mobilisation du membre.

À ce stade tardif, même avec un traitement physique bien conduit, l’oedème est souvent irréversible.

Il est important également de coter la gêne fonctionnelle du lymphoedème.

L’examen clinique du lymphoedème inclut toujours l’examen des mobilités articulaires, pour dépister une diminution de la mobilité passive ou active du membre.

La gravité du lymphoedème peut être également liée à des anomalies associées.

Ainsi, la plexite radique, après traitement radiochirurgical d’un cancer du sein, aggrave le lymphoedème et surtout entraîne une gêne fonctionnelle bien plus importante que celle liée au volume de l’oedème.

De même, le lymphoedème est parfois associé à une lipodystrophie ou à une insuffisance veineuse des membres inférieurs, qui gêne le traitement du lymphoedème.

L’aggravation du lymphoedème par la lipodystrophie est discutée.

Elle est probable pour l’insuffisance veineuse.

Ceci souligne la nécessité de rechercher systématiquement une incontinence veineuse, chez les patients atteints d’un lymphoedème de membre.

L’obésité est couramment considérée comme un facteur aggravant le lymphoedème, même au membre supérieur, mais ceci n’est pas totalement prouvé.

Les explorations lymphoscintigraphiques des membres inférieurs de patients obèses sont normales.

Toutefois, la surcharge pondérale altérant la fonction veineuse, on peut supposer qu’elle a un effet délétère sur le retour lymphatique.

Complications du lymphoedème :

Les complications du lymphoedème sont liées au volume (avec le retentissement sur la mobilité), au risque d’infection et à la fibrose cutanée.

Ces complications sont d’autant plus fréquentes que le lymphoedème est à un stade plus avancé.

L’érysipèle et les lymphangites compliquent 20 à 30 % des lymphoedèmes, un peu plus fréquemment dans les lymphoedèmes secondaires que dans les lymphoedèmes primaires.

Le lymphoedème est même le facteur de risque le plus fréquent d’érysipèle (risque relatif : 71,2).

Le risque des récidives d’érysipèle après un premier épisode chez un patient ayant un lymphoedème est beaucoup plus élevé.

Ce risque de récidive s’abaisse avec la diminution du volume de l’oedème. Chez un patient atteint de lymphoedème, le traitement de l’érysipèle est le traitement classique recommandé par la conférence de consensus.

Il faut insister sur l’intérêt de faire un traitement préventif de récidives d’érysipèle, et ceci dès le deuxième épisode dans le cadre des lymphoedèmes.

Ce traitement préventif repose sur la pénicilline (Oracillinet [3 MU/j] ou Extencillinet [1,2 MU toutes les 3 semaines]).

La prévention de ces érysipèles inclut les soins cutanés, et en particulier la prévention et le traitement des intertrigos interdigitoplantaires.

De plus, il faut éviter toute plaie (traumatique, y compris prise de sang) sur un membre lymphoedémateux.

Une antisepsie est conseillée en cas de plaie sur le membre lymphoedémateux.

La diminution de la mobilité du membre est fréquente.

Elle doit être cherchée systématiquement, car les malades ne s’en plaignent pas spontanément.

Elle est observée dans 30 % des lymphoedèmes après cancer du sein, alors que ces patientes ne s’en plaignent que dans moins de 10 % des cas.

L’existence d’une diminution de la mobilité active ou passive du membre impose un traitement physique (physiothérapie complexe décongestive), qui doit être associé à une rééducation de l’articulation atteinte.

L’oedème riche en protéines est à l’origine d’une fibrose cutanée hyperplasique.

Celle-ci contribue au risque d’infection, à la limitation de la mobilisation.

De plus, elle rend difficile le traitement physique par drainage lymphatique manuel.

La fibrose hyperplasique est responsable des papules kératosiques et de l’aspect verruqueux de certains lymphoedèmes évolués.

Ceci est à l’origine d’une macération augmentant le risque d’infection.

Pour traiter cette fibrose hyperplasique, les rétinoïdes par voie générale (Soriatanet) ont été proposés.

Un lymphoedème du membre inférieur, congénital ou associé à des malformations, un lymphoedème du membre supérieur primaire de l’enfant, doivent faire rechercher une malformation diffuse du système lymphatique, en particulier des anomalies du système lymphatique intestinal.

Un bilan minimal à la recherche d’une entéropathie exsudative est nécessaire (albuminémie, dosage des immunoglobulines, clairance de l’alpha-1-antitrypsine…).

L’entéropathie exsudative est à l’origine d’une carence protéique, qui peut révéler ou aggraver le lymphoedème du membre.

En cas de lymphoedème généralisé, l’évolution est dramatique avec décès possible dans l’enfance.

Des manifestations sont associées : lymphangiectasies intestinales, ascite chyleuse, épanchement pleural chyleux. Dans des cas exceptionnels, l’évolution s’est faite vers un état stuporeux et des convulsions (encéphalopathie lymphoedémateuse).

Traitement :

A – MOYENS THÉRAPEUTIQUES :

Les soins cutanés, le drainage lymphatique manuel, le traitement compressif par bandage et la gymnastique décongestive sont les quatre piliers de la physiothérapie complexe décongestive des lymphoedèmes des membres.

1- Soins de la peau et des phanères :

Les mesures d’hygiène et de soins de la peau et des phanères du membre lymphoedémateux doivent être enseignées au malade et vérifiées avant toute manoeuvre de kinésithérapie.

Il faut dépister toute infection cutanée (folliculite, mycose interdigitoplantaire…) et la traiter.

Le lavage des pieds, suivi d’un séchage rigoureux, doit permettre de prévenir et de dépister ces infections.

En cas de mycose répétée, l’utilisation systématique d’une crème antimycosique et d’une poudre pour les chaussures et les chaussettes peut être conseillée.

Un lymphoedème évolué s’accompagne d’une fibrose cutanée et d’une papillomatose, qui favorisent macération et colonisation microbienne. La papillomatose doit être traitée par des kératolytiques adaptés (acide salicylique à 10 %, urée à 10 ou 30 %).

En cas de peau sèche, l’utilisation d’une crème émolliente est conseillée.

Si des soins de pédicurie ou de podologie sont nécessaires, ils doivent être faits avec une asepsie rigoureuse. Les ongles incarnés sont plus fréquents en cas de lymphoedème.

Un traitement radical est habituellement nécessaire : résection de l’éperon unguéal avec curetage du tissu de granulation dans un premier temps, suivis dans un deuxième temps de la destruction sélective de la corne latérale homologue (phénolisation, laser…).

2- Drainage lymphatique manuel :

Il s’agit d’une technique spécifique de kinésithérapie, qui doit être faite exclusivement par des kinésithérapeutes ou physiothérapeutes formés à ces techniques (technique de Leduc, Földi ou Vodder).

Le principe de cette technique est d’augmenter quantitativement les réponses normales de l’organisme à la stase lymphatique : augmentation de la formation de lymphe, augmentation de la motricité des lymphatiques, utilisation de voies lymphatiques de contournement, création d’anastomoses lympholymphatiques.

Il s’agit de techniques manuelles s’apparentant à un massage doux et utilisant des manoeuvres d’appel et de résorption.

Les manoeuvres de résorption font varier la contrainte conjonctive des capillaires lymphatiques, permettant l’ouverture et la fermeture de ces micropompes lymphatiques (augmentation de la formation de lymphe).

Les manoeuvres d’appel augmentent le péristaltisme des collecteurs et des canaux lymphatiques (augmentation du débit lymphatique).

On distingue les appels profonds, qui ont pour but de vider les relais ganglionnaires, et les appels superficiels au niveau des voies lymphatiques superficielles de la peau.

Ces manoeuvres d’appel entraînent un effet d’aspiration sur la lymphe d’amont et permettent d’utiliser les anastomoses existant entre différents territoires lymphatiques, ce qui crée de nouvelles voies de contournement.

De plus, le kinésithérapeute, par ces mouvements, induit l’apparition d’anastomoses lympholymphatiques (dont on ne sait pas si elles sont créées de novo ou quiescentes).

Le drainage lymphatique manuel doit débuter en zone saine, pour mobiliser l’oedème d’une portion lymphoedémateuse vers une portion préalablement vidée de son oedème.

Ainsi, pour traiter un lymphoedème du membre, il faut d’abord traiter le tronc, puis ensuite on draine progressivement de la racine du membre jusqu’à son extrémité.

La surface corporelle traitée est importante : aussi un drainage lymphatique manuel est-il toujours long.

Au membre supérieur, il doit être de 20 à 45 minutes, et au membre inférieur, le drainage dure de 30 à 60 minutes.

L’efficacité du drainage lymphatique manuel a été prouvée. Sur le cadavre il a été montré qu’un colorant (bleu patent) peut être progressivement dirigé jusqu’au canal thoracique, grâce aux manoeuvres de drainage lymphatique manuel.

En lymphoscintigraphie, on a démontré l’efficacité du drainage lymphatique manuel (augmentation du débit), et on a pu mettre en évidence l’élévation de la radioactivité du membre lymphoedémateux, grâce aux manoeuvres d’appels faites sur des relais ganglionnaires controlatéraux.

Cliniquement, l’efficacité de chaque séance est appréciée par le malade ou le kinésithérapeute sur l’amélioration de l’induration du membre, sur la levée partielle du blocage à la racine du membre, sur l’augmentation brutale de la diurèse et sur les signes fonctionnels.

L’évaluation d’un traitement doit se faire par des méthodes objectives : centimétrie, ou, en recherche clinique, par échographie haute résolution.

Une étude randomisée non aveugle a montré que le drainage lymphatique manuel, en association aux bandages, permettait une diminution de volume deux fois supérieure à celle obtenue par bandage seul.

En 1 semaine, la réduction de volume était de 11 % avec le drainage lymphatique manuel, contre 4 % dans le groupe bandage seul (p < 0,04).

3- Bandages :

La contention s’oppose passivement au gonflement du segment de membre contenu.

Elle utilise des bandes peu ou pas élastiques (bandes à allongement court inférieur à 40 %).

Cette technique de bandage réducteur par contention est habituellement faite d’une multicouche de bandes.

Un jersey protège la peau sous-jacente.

Un capitonnage en coton permet de combler les creux et les bosses liés à l’anatomie ou au lymphoedème, et ainsi de répartir les pressions de façon uniforme sur l’ensemble du membre.

Cela augmente l’efficacité et la tolérance de ces bandages multicouches.

Pour mieux réaliser ce capitonnage, on peut utiliser des mousses, puis on utilise des bandes peu élastiques.

Enfin, il est usuel de terminer la superposition de bandes par des bandes élastiques de compression classique (bandes à varices).

Ce bandage multicouche entraîne une contention avec pression de repos faible ou nulle (permettant de garder l’ensemble du bandage la nuit) et une pression de travail élevée (lors d’une contraction musculaire).

Ainsi, la résistance des bandes sur la peau et les vaisseaux lymphatiques va amener une réduction volumétrique du membre importante et rapide.

L’inconvénient de ce bandage multicouche est la difficulté et le temps consacrés à leur mise en place, l’impossibilité d’avoir une vie sociale et relationnelle normale.

Elle nécessite de plus des vêtements amples, des chaussages adaptés.

La compression élastique exerce une pression active permanente sur la peau.

Elle utilise des bandes ou des bas élastiques.

Dans le lymphoedème, elle empêche l’inondation tissulaire et exerce un rôle de compensation.

Elle ne réduit pas l’oedème, mais elle permet d’éviter sa récidive.

Il existe une codification qui détermine des classes de pression : classe I : 10 à 15 mmHg, classe II : 15 à 20 mmHg, classe III : 20 à 36 mmHg, classe IV : > 36 mmHg.

La superposition de deux bandes ou de deux bas élastiques entraîne l’addition de la pression effectuée (ainsi, une classe IV peut s’obtenir en additionnant deux classes II).

Cette compression élastique entraîne une pression de repos élevée et une pression de travail modérée : elle doit donc être retirée la nuit et peut être utilisée dans la journée, associée à une gymnastique adaptée.

Un bas ou un manchon doit être toujours fait sur mesure dans le lymphoedème, compte tenu de la morphologie particulière de ce type d’oedème.

L’enfilage des bas ou des manchons élastiques peut être aidé par des systèmes faciles d’utilisation (Easy-slidet).

La mise en place de bandes est aidée par des systèmes d’étalonnage (Biflex plust, Dupraflex®).

4- Gymnastique :

Une activité physique régulière avec port d’une contention ou d’une compression permet d’améliorer l’oedème.

On peut également recommander la natation ou la course à pied dans l’eau.

Des exercices de mobilisation peuvent être effectués par le kinésithérapeute.

Des techniques de gymnastique et d’autodrainage doivent être enseignées au patient, et si possible les techniques d’autobandage lorsqu’il existe une aide dans l’entourage.

5- Traitements adjuvants :

La pressothérapie n’est indiquée qu’immédiatement après une séance de drainage lymphatique manuel.

Un blocage ou une infection récente (moins de 1 mois) du membre atteint est une contreindication relative aux techniques de pressothérapie.

La pressothérapie peut se faire par des appareils de compression pneumatique intermittente (Lymphapresst, Multipulset, CAPt).

Le principe est l’utilisation de manchons ou de bottes pluricellulaires qui sont insufflées de façon intermittente, en commençant par la cellule distale et en progressant vers la cellule proximale.

Les pressions sont réglables.

Dans le lymphoedème, il faut utiliser des pressions dites « physiologiques » (habituellement 30 à 60 mmHg).

Cette technique a montré son efficacité en lymphoscintigraphie et dans une étude comparative, mais elle est inférieure au drainage lymphatique manuel.

La compression par bain de mercure a été proposée, mais la pression est difficile à moduler et les risques de destruction tissulaire sont alors plus importants. Son efficacité n’a pas été validée par des études comparatives.

Certains médicaments ont prouvé leur efficacité.

La coumarine (1-2 benzopyrone) à dose forte a montré, dans un essai contre placebo en double aveugle, son efficacité chez des patients ne recevant aucun autre traitement, mais cette étude n’a pas été confirmée.

Les oligomères procyanidoliques (Endotélont) ont montré leur efficacité sur des critères cliniques subjectifs et sur des critères lymphoscintigraphiques, dans des études en double insu.

Actuellement, c’est le seul médicament qui a l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le lymphoedème du membre supérieur, à la posologie de 300 mg/j.

L’efficacité de ces médicaments passe par leur action lymphokinétique, et peut-être par une stimulation de la protéolyse exercée par les macrophages du tissu conjonctif.

Ceci justifierait de les employer au long cours, puisqu’ils réduiraient la charge protéique.

En revanche, les diurétiques sont inefficaces, car ils entraînent une déplétion hydrosodée sans éliminer les protéines de haut poids moléculaire ; ceci conduit à la récidive rapide, sinon immédiate, du lymphoedème.

La chirurgie est employée exceptionnellement pour traiter les lymphoedèmes.

Les techniques de résection sont rarement utilisées en dehors des lymphoedèmes pubien et scrotal, pour lesquels il s’agit d’une bonne indication.

On peut également l’utiliser en cas d’excédent cutané secondaire à un traitement physique.

Les techniques de dérivation sont des techniques microchirurgicales qui consistent en anastomoses lymphoveineuses, greffes lymphatiques, transfert ganglionnaire vascularisé, lambeau lymphatique.

Les anastomoses lymphoveineuses sont les plus utilisées.

Elles donnent des résultats inconstants. Leur indication est la résistance au traitement physique bien conduit.

Elles donnent alors des résultats dans 50 à 70 % des cas, permettant ensuite de faire un traitement physique efficace.

Les techniques chirurgicales n’empêchent jamais d’arrêter tout traitement physique, et notamment d’arrêter le port de contention élastique.

Dans le lymphoedème du membre supérieur, après un traitement physique efficace, il est possible de faire une liposuccion de la face externe du bras.

Ceci permet une bonne amélioration du volume du bras sans récidive, à condition de porter une compression élastique.

B – STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE :

Les buts du traitement sont de faire disparaître la gêne fonctionnelle engendrée par le lymphoedème, de réduire son volume, et de permettre au patient de vivre normalement avec « son lymphoedème ».

Pour juger de l’efficacité du traitement, des mesures objectives (périmètre du membre) et des mesures de qualité de vie doivent être effectuées.

Le traitement d’attaque permet une réduction du lymphoedème.

Il nécessite une contention, le plus souvent avec des bandages multicouches.

Il est réalisé en milieu hospitalier en 1 à 4 semaines.

Le rythme du traitement intensif en hospitalisation est de un à deux par année au début de la maladie.

Ce traitement intensif comporte : drainage lymphatique manuel (éventuellement suivi de pressothérapie), bandage multicouche, gymnastique et hygiène de vie.

En hospitalisation, les techniques d’autodrainage ou d’autobandage sont apprises.

Ce traitement intensif est poursuivi jusqu’à ce que les courbes de décroissance du lymphoedème atteignent un plateau.

Le traitement d’entretien se fait en ambulatoire.

Il associe habituellement un drainage lymphatique manuel (une à trois séances par semaine) et une compression élastique.

Le maintien du résultat impose toujours une compression élastique qui, seule, est parfois suffisante.

Les bas ou manchons doivent être portés de façon permanente et réalisés sur mesure en utilisant des contentions moyennes ou fortes.

Si la contention est insuffisante, on peut utiliser des contentions superposées additionnelles, plutôt que des contentions très fortes, mal supportées et difficiles à mettre.

La prise en charge psychologique est importante.

Dans le lymphoedème, il existe une modification considérable de l’image du corps, qui n’est pas corrélée à la gravité de l’augmentation de volume du membre. Dans certains cas, une prise en charge psychothérapeutique en milieu spécialisé est nécessaire.

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