Syndrome du canal carpien

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Le syndrome du canal carpien est dû à la compression du nerf médian dans le canal carpien. C’est le chef de file des syndromes canalaires, c’est-à-dire les manifestations liées à la compression d’un nerf périphérique dans un défilé anatomique. Le syndrome du canal carpien est très fréquent en pratique courante.

RAPPEL ANATOMIQUE :

Syndrome du canal carpienLe canal carpien est un défilé ostéofibreux inextensible avec un plancher osseux et un plafond formé par le ligament annulaire du carpe.

Dans le canal, le nerf médian est accompagné par les tendons fléchisseurs superficiels et profonds avec leur gaine synoviale.

Du point de vue sensitif le nerf médian innerve les trois premiers doigts et la moitié du quatrième doigt (face palmaire).

L’innervation motrice concerne essentiellement l’opposant du pouce et le court abducteur du pouce.

Le rameau sympathique est destiné à l’arcade palmaire superficielle, ce qui explique la possibilité de troubles vasomoteurs associés.

Description :

FORME HABITUELLE SENSITIVE SUBJECTIVE PURE :

La forme habituelle sensitive subjective pure affecte particulièrement la femme en période postménopausique.

Symptômes :

* Le syndrome du canal carpien se manifeste par des acroparesthésies dans le territoire du nerf médian (picotements, engourdissement…):

– respectant donc le petit doigt.

– mais ne touchant pas nécessairement l’ensemble du territoire du nerf médian.

* Il existe une triple périodicité caractéristique:

– réveil nocturne (la malade agite les mains pour calmer les acroparesthésies).

– le matin (sensations de gonflement et maladresse).

– dans la journée, à l’occasion de certains mouvements fins comme le tricot.

* Des troubles vasomoteurs peuvent être associés: acrocyanose, syndrome de Raynaud complet, plus rarement.

Les manifestations sont habituellement bilatérales, mais plus accentuées sur la main dominante.

Signes objectifs :

* Les signes carpiens consistent en la mise en évidence de la souffrance du nerf médian dans le canal carpien:

– signe de Tinel: la percussion à la face antérieure du carpe par le doigt ou le marteau à réflexe déclenche des dysesthésies dans le territoire du nerf médian.

– flexion ou extension maintenue du poignet (signe de Phalen).

– signe du garrot: la mise en place d’un garrot réveille des dysesthésies dans le territoire du médian au bout de 1 minute environ, alors que normalement les dysesthésies apparaissent plus tardivement et dans le territoire cubital.

* Les signes neurologiques déficitaires sont par définition absents dans la forme sensitive décrite.

Examens complémentaires :

Infiltration de corticoïdes

L’infiltration de corticoïdes peut être considérée comme un test diagnostique.

Electromyographie

L’électromyographie n’est pas systématique.

* Elle est réalisée:

– en cas de diagnostic douteux.

– ou après l’échec d’une infiltration de corticoïdes.

– ou encore pour apprécier la gravité de l’atteinte du nerf médian (recherche de signes déficitaires, non apparents à l’examen clinique).

– ou enfin pour confirmer formellement le diagnostic avant une intervention chirurgicale.

* Le diagnostic électromyographique de syndrome du canal carpien est retenu sur les éléments suivants:

– latence motrice distale supérieure à 4 millisecondes (ms), mesurée au court abducteur du pouce.

– vitesse de conduction sensitive inférieure à 50 millisecondes (en veillant à ce que les mains soient suffisamment réchauffées).

Aspects étiologiques de la forme sensitive :

L’épaississement des gaines synoviales par une fibrose non inflammatoire, la stase veineuse sont à considérer comme un facteur aggravant expliquant la recrudescence nocturne.

SYNDROME DU CANAL CARPIEN ÉVOLUÉ :

* L’atteinte motrice se traduit par:

– une atrophie musculaire du versant externe de l’éminence thénar.

– un déficit du court abducteur du pouce (écartement du pouce vers le haut, perpendiculaire à la paume).

– un déficit de l’opposition du pouce.

* L’hypoesthésie est mise en évidence de la façon la plus fine par le test de Weber (sensibilité discriminative permettant de percevoir deux points distants de 4mm), hypoesthésie au tact, en particulier à l’extrémité distale pulpaire des doigts.

* L’électromyographie, outre les troubles de la conduction du nerf médian, traduit des signes de dénervation dans les muscles concernés.

FORMES CLINIQUES :

Par la présentation symptomatique :

La symptomatologie peut être atypique:

– par la topographie: acroparesthésies touchant toute la main ou débordant la main, remontant le long du membre supérieur.

– douleurs prédominantes avec note dysesthésique discrète.

– formes motrices pures chez les personnes âgées: atrophie musculaire avec déficit sans dysesthésie, ni douleurs notables (ou symptômes fonctionnels ayant été oubliés par le patient).

Selon l’étiologie :

* Etiologie par modification du contenu du canal carpien dans le sens d’une augmentation:

– ténosynovite des fléchisseurs au cours de la polyarthrite rhumatoïde.

– ténosynovite infectieuse à germe banal ou tuberculose contre-indiquant formellement une infiltration.

– grossesse.

– hypothyroïdie.

– dépôt amyloïde chez les sujets hémodialysés.

– algodystrophie.

– anomalies musculaires.

* Etiologie par modification du contenant: séquelle de traumatisme du poignet, arthrose du poignet, ostéonécrose du semi-lunaire.

* Dans certains cas, le syndrome du canal carpien est d’origine microtraumatique (maladie professionnelle).

Problèmes de diagnostic :

FORME SENSITIVE PURE :

* Il faut éliminer les autres syndromes de compression du nerf médian: syndrome du rond pronateur ou de l’arcade du fléchisseur commun superficiel:

– le nerf médian est comprimé entre les deux chefs du rond pronateur ou à l’arcade du fléchisseur commun superficiel près du coude.

– s’il y a atteinte motrice, elle concerne le fléchisseur profond des trois premiers doigts et le fléchisseur propre du pouce, muscles respectés au cours du syndrome du canal carpien.

* Il faut aussi éliminer:

– une atteinte radiculaire C6 ou C7 qui peut se manifester essentiellement par des dysesthésies distales.

– une atteinte du plexus brachial.

– un syndrome du défilé cervico-thoraco-brachial entraînant des dysesthésies plutôt dans le territoire cubital.

FORMES ATYPIQUES :

* Dans les formes atypiques devant des acroparesthésies diffuses, il faut éliminer:

– une atteinte du cortex pariétal.

– une syringomyélie.

– une myélopathie cervicale.

* Dans la forme motrice, il faut éliminer:

– une sclérose latérale amyotrophique (maladie de Charcot).

– ou une myélopathie cervicarthrosique.

* Dans les formes avec troubles vasomoteurs marqués, éliminer un syndrome de Raynaud.

UN PROBLÈME PARTICULIER: LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE :

Un syndrome du canal carpien peut être la manifestation inaugurale d’une polyarthrite rhumatoïde par ténosynovite des fléchisseurs: utilité de la VS et du dosage de la CRP en cas de syndrome du canal carpien.

Inversement, la recrudescence matinale des symptômes d’un syndrome du canal carpien peut simuler la raideur matinale d’une polyarthrite rhumatoïde débutante.

Traitement :

MÉTHODES :

* Le traitement peut être médical:

– attelle évitant les mouvements de flexion/extension extrême du poignet, en particulier la nuit.

– injection de corticoïdes dans le canal carpien.

* Il peut être chirurgical: section du ligament annulaire du carpe, éventuellement complétée par une ténosynovectomie des fléchisseurs ou d’une libération du nerf médian s’il est entouré d’une fibrose (neurolyse).

INDICATIONS :

* Le traitement médical est indiqué dans les formes sensitives subjectives pures du syndrome du canal carpien, c’est-à-dire acroparesthésies sans signes neurologiques déficitaires.

* S’il existe des signes neurologiques déficitaires, le traitement est chirurgical:

– soit par chirurgie classique.

– soit par chirurgie endoscopique sous réserve d’une expérience suffisante du chirurgien.

* Un syndrome du canal carpien nécessitant plus de trois infiltrations par an est traité par la chirurgie.

* Le traitement chirurgical peut être plus précoce en cas de cause particulière de compression du nerf médian (ténosynovite exsudative, anomalies osseuses post-traumatiques…).

Les injections de corticoïdes nécessitent un certain nombre de précautions techniques.

Conclusion :

Le canal carpien est la principale cause des acroparesthésies de la main.

La forme habituelle est la forme sensitive pure primitive de la femme en période postménopausique.

Le traitement médical suffit le plus souvent.

La constatation et l’installation de signes déficitaires neurologiques sont une indication à un traitement chirurgical.

Le syndrome du canal carpien peut être un mode de début d’une polyarthrite rhumatoïde.

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