Hanche douloureuse

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L’interrogatoire et l’examen clinique méthodiques permettent le plus souvent d’affirmer l’origine coxo-fémorale des douleurs alléguées par un patient.

Interrogatoire :

Typiquement, le patient localise la douleur dans la région inguinale. Cette douleur inguinale peut irradier à la face antérieure de la cuisse jusqu’au genou.

Plus rarement, elle peut se situer dans la fesse ou face externe du grand trochanter.

Une douleur isolée du genou peut également révéler une pathologie de l’articulation coxo-fémorale.

Le retentissement de l’atteinte coxo-fémorale dans les gestes de la vie courante (enfiler les chaussettes, lacer les chaussures, le périmètre de marche…) doit être évalué.

Examen clinique :

L’examen clinique s’effectue sur un patient dévêtu en position debout puis en décubitus sur un plan dur.

En position debout, le clinicien recherche l’existence des signes suivants:

– une boiterie par esquive du pas du côté atteint ou par perte du pas postérieur.

– une amyotrophie quadricipitale.

– des attitudes vicieuses visibles. de profil un flexum, de face une attitude en rotation externe du membre inférieur et/ou un raccourcissement objectivé par un non-alignement des crêtes iliaques.

– une douleur reproduite à l’appui monopodal.

En position couchée, l’existence des attitudes vicieuses précédemment décrites est à nouveau évaluée. Les périmètres des quadriceps sont mesurés à l’aide d’un mètre de couturière 15 centimètres au-dessus du bord supérieur de la rotule. L’examen se poursuit toujours de façon comparative, en commençant par la hanche non douloureuse.

Etude des manœuvres actives

Hanche douloureuse

* La manœuvre du salut coxal est testée sur un patient en décubitus dorsal.

– Le patient élève le membre inférieur en extension 30° au-dessus du plan du lit.

– En présence d’une coxopathie, cette manœuvre réveille la douleur. On peut sensibiliser ce test en imprimant une résistance au-dessus de la rotule.

* Un syndrome clinostatique est recherché.

– Il se définit par une impossibilité pour le patient de décoller le membre inférieur tendu du plan du lit.

– Son existence traduit le plus souvent une pathologie du cotyle.

Etude des manœuvres passives

Les mobilisations articulaires sont évaluées et ont pour double objectif de reproduire les douleurs alléguées par le patient et de rechercher une limitation des amplitudes.

* La flexion se teste en décubitus dorsal. Le membre inférieur est fléchi en ayant soin de mettre une main sous les fesses pour éviter une flexion du rachis. L’amplitude normale est de 130°.

* L’abduction se teste en décubitus dorsal. Une main de l’examinateur bloque le bassin sur l’épine iliaque antérosupérieure opposée et le membre inférieur est amené vers l’extérieur. L’amplitude normale est supérieure à 45°.

* L’adduction se teste en décubitus dorsal. Une main de l’examinateur bloque l’épine iliaque antérosupérieure homolatérale et le membre inférieur est amené vers l’intérieur. L’amplitude normale est de 30°.

* Les rotations peuvent se tester de trois façons différentes:

– en décubitus dorsal, le membre inférieur tendu en le faisant rouler en dedans pour la rotation interne, en dehors pour la rotation externe.

– toujours en décubitus dorsal mais hanche et genou fléchis à 90°, la jambe est amenée en dehors pour la rotation interne en dedans pour la rotation externe.

– enfin, en décubitus ventral, genou fléchi à 90°, en amenant à nouveau la jambe en dehors pour la rotation interne, et en dedans pour la rotation externe.

– l’amplitude normale est de 30°.

* L’extension est testée en décubitus ventral. Une main de l’examinateur bloque le bassin et le membre inférieur tendu est soulevé. L’amplitude normale est supérieure à10°.

Les cotations articulaires sont importantes à préciser non seulement pour affirmer l’origine coxo-fémorale des douleurs mais aussi pour le suivi évolutif.

En raison de la profondeur de l’articulation coxo-fémorale, l’examen clinique ne permet pas d’objectiver, dans la grande majorité des cas, un éventuel épanchement ou des signes inflammatoires locaux, ce qui est classiquement rapporté pour les articulations superficielles comme le genou, le coude…

QUELS SONT LES DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS ?

La hanche est entourée de structures osseuses, tendineuses, vasculaires, viscérales et nerveuses. L’atteinte de chacune de ces structures peut simuler une atteinte de l’articulation coxo-fémorale. Il est donc nécessaire de compléter l’examen pour éliminer ces diagnostics différentiels.

Douleurs radiculaires

Examen complet du rachis lombaire pour éliminer une lombo-radiculalgie secondaire à une atteinte des racines L2, L3 ou L4.

* Signes positifs:

– attitude antalgique statique ou dynamique.

– douleur à la palpation des épineuses.

– point sonnette paravertébral.

– syndrome rachidien: indice de Schöber, cassure en inclinaison latérale.

– la mobilisation du rachis reproduit la douleur spontanée du patient.

– manœuvre de Léri positive.

– abolition du réflexe rotulien.

* Signes négatifs:

– absence de boiterie.

– la mobilisation de l’articulation coxo-fémorale ne reproduit pas les douleurs du patient.

Lésions osseuses de voisinage, atteintes des articulations voisines

Rechercher des points douloureux exquis des structures articulaires et osseuses voisines (symphyse pubienne, sacro-iliaque, branche ischio-pubienne ou ilio-pubienne, aile iliaque, col fémoral, petit et grand trochanter) qui peuvent être le siège d’une fissure ou fracture, d’une tumeur bénigne ou maligne, d’une infection.

Tendinopathies

Les tendinopathies (tendinites, tendino-bursites, enthésopathies calcifiantes) sont responsables de douleurs localisées, reproduites par les manœuvres contrariées visant à mettre en tension plus ou moins spécifiquement le tendon considéré.

Les plus fréquentes sont:

– la tendinite du moyen fessier à l’insertion sur le grand trochanter reproduite par l’abduction contrariée.

– la tendinite des adducteurs reproduite par l’adduction contrariée.

– la tendinite du droit antérieur reproduite par la manœuvre d’Ely (flexion contrariée du genou en décubitus ventral).

Douleurs d’origine viscérale

La palpation des pouls, des orifices herniaires, la recherche d’adénopathies inguinales, d’une méralgie paresthésique et les touchers pelviens terminent cet examen.

IMAGERIE D’UNE HANCHE DOULOUREUSE :

Radiographie standard

La radiographie standard reste l’examen essentiel d’une hanche douloureuse.

Les clichés demandés en première intention sont le bassin de face en position debout, la hanche de face et les faux profils de Lequesne droit et gauche comparatifs.

– Le bassin de face permet d’analyser les deux articulations coxo-fémorales, la trame osseuse, les articulations sacro-iliaques et de réaliser les mesures coxométriques.

– La hanche de face permet d’analyser de façon plus précise l’articulation coxo-fémorale.

– Le faux profil de Lequesne permet d’analyser l’interligne antérosupérieur, postérieur et postéro-inférieur.

Le plus souvent les clichés standard permettent d’orienter le diagnostic étiologique. Cependant dans un certain nombre de cas, il est nécessaire de demander des explorations complémentaires.

Explorations complémentaires

La scintigraphie osseuse, le scanner, l’IRM et l’arthrographie sont les quatre examens pouvant être utiles dans l’exploration d’une hanche douloureuse.

Leur prescription est orientée en fonction du type de pathologie recherchée.

* La scintigraphie osseuse est un examen sensible mais peu spécifique. Des anomalies osseuses (algoneurodystrophie, ostéonécrose, fissure, tumeur) peuvent apparaître plus précocement que pour la radiographie standard.

* L’arthrographie, le plus souvent couplée à un scanner, permet de rechercher:

– des corps étrangers intra-articulaires.

– une pathologie du bourrelet cotyloïdien.

– une pathologie synoviale.

– une chondropathie débutante.

* Le scanner, hormis son couplage à l’arthrographie, permet d’explorer surtout les tumeurs osseuses (bénigne [ostéome ostéoïde] maligne).

* L’IRM est indiquée dans les pathologies de hanche avec radiographies standard normales lorsqu’on suspecte:

– une ostéonécrose aseptique de hanche.

– une algoneurodystrophie.

– une coxite.

Conduite à tenir devant une douleur de hanche :

L’horaire des douleurs et les radiographies standard vont permettre d’orienter le diagnostic étiologique.

– Une douleur d’horaire mécanique se définit par une douleur s’aggravant dans la journée, majorée par les mouvements et les efforts et cédant au repos.

– A l’inverse, une douleur d’horaire inflammatoire se définit par l’existence de réveils pendant la deuxième partie de la nuit avec un dérouillage matinal supérieur à une demi-heure.

DOULEUR MÉCANIQUE DE HANCHE :

Une douleur mécanique de hanche oriente vers trois diagnostics principaux:

– la coxarthrose.

– l’ostéonécrose aseptique.

– l’algoneurodystrophie.

Les autres diagnostics à évoquer sont:

– l’ostéochondromatose et la chondromatose synoviale.

– la synovite villonodulaire.

– la coxopathie pagétique.

– les arthropathies dégénératives au cours d’une affection connue: chondrocalcinose articulaire, ochronose, hémochromatose, maladie de Wilson.

Coxarthrose :

* La douleur et la limitation articulaire dues à la coxarthrose apparaissent et s’aggravent progressivement.

– La coxarthrose est plus fréquente chez la femme.

– Elle est primitive ou secondaire à une pathologie sous-jacente. Les formes secondaires représentent 60% des coxarthroses.

– Les mouvements le plus précocement limités sont la flexion croisée, la rotation interne et l’extension.

* La NFS et la VS sont normales.

* Les radiographies standard (clichés du bassin debout de face et faux profils de hanche droit et gauche comparatifs de Lequesne):

– permettent de mettre en évidence l’association des signes suivants: un pincement localisé de l’interligne articulaire (supéro-externe, supéro-interne ou postérieur), une condensation de l’os sous-chondral, des géodes et des ostéophytes.

– la lecture des clichés doit se faire de façon comparative avec mesure des interlignes articulaires.

– il est rarement nécessaire de demander d’autres examens morphologiques à visée diagnostique.

– les radiographies standard permettent également de déceler une éventuelle anomalie prédisposante: dysplasie, subluxation congénitale. Ces anomalies peuvent être évaluées plus précisément par la coxométrie.

* Le suivi est effectué sur les signes fonctionnels, les données de l’examen clinique, l’indice algofonctionnel de Lequesne et la mesure radiologique des interlignes articulaires.

* La coxarthrose destructrice rapide est définie par une destruction complète du cartilage de l’articulation coxo-fémorale en moins de 24 mois.

Ostéonécrose aseptique de hanche :

* L’ostéonécrose aseptique de hanche est plus fréquente chez l’homme.

– La douleur est d’apparition brutale.

– Une cause doit être recherchée.

* Les radiographies standard demandées comportent un cliché du bassin de face, hanche de face et le faux profil. Si ces clichés sont normaux on peut demander un cliché de face ± rayon oblique ascendant. L’ostéonécrose de hanche est définie par quatre stades radiologiques (classification d’Arlet et Ficat):

– stade I: radiographie normale.

– stade II: condensation épiphysaire segmentaire ou diffuse, liséré sous-chondral, « image en coquille d’œuf » et géodes dont les localisations sont variables.

– stade III: perte de la sphéricité de la tête fémorale par affaissement de la zone nécrosée, « aspect en marche d’escalier » avec élargissement de l’interligne articulaire.

– stade IV: coxarthrose secondaire.

* Si les radiographies standard sont normales, deux examens peuvent être demandés:

– la scintigraphie osseuse au technétium99m et l’IRM. La scintigraphie met en évidence de façon précoce une hyperfixation de la tête fémorale et permet de dépister une forme bilatérale. Cet examen est sensible mais peu spécifique.

– l’IRM met en évidence aussi précocement un liséré de démarcation qui entoure complètement le secteur nécrosé. Ce liséré apparaît en hyposignal en séquence pondérée T1 et en pondération T2. Parfois ce liséré peut être bordé par une bande d’hypersignal en T2, les modifications de l’os nécrosé sont variables en fonction de l’évolution.

Algoneurodystrophies :

* La hanche est une localisation possible des algoneurodystrophies:

– douleur d’apparition brutale, d’horaire mécanique.

– impotence fonctionnelle souvent importante.

* Les radiographies standard peuvent être normales à un stade précoce. Plus tardivement, elles mettent en évidence un aspect déminéralisé de la tête fémorale, son contour est estompé, l’interligne articulaire est normal.

* La scintigraphie osseuse révèle une hyperfixation précoce, peu spécifique.

* L’IRM met en évidence un hyposignal mal limité en séquence pondérée T1, disparaissant après injection de gadolinium, et un hypersignal en T2.

Ostéochondromatose  et  chondromatose synoviale :

Il s’agit d’une métaplasie de la membrane synoviale qui entraîne la formation de structures cartilagineuses libérées dans la cavité articulaire.

Les articulations les plus souvent atteintes sont le genou, le coude et la hanche.

* Ces corps étrangers intra-articulaires sont responsables de douleurs d’horaire mécanique associées à des épisodes de blocage. Parfois il existe une limitation de la mobilité passive, traduisant une rétraction capsulaire associée.

* Si ces corps étrangers sont cartilagineux, c’est une chondromatose. Les radiographies standard sont normales (une augmentation de l’épaisseur de l’interligne articulaire par rapport au côté sain doit attirer l’attention). Une arthrographie couplée ou non au scanner permet de mettre en évidence les chondromes.

* Ces corps étrangers peuvent s’ossifier, il s’agit alors d’une ostéochondromatose. Ils sont donc visibles sur les clichés standard.

* Le traitement est variable en fonction du stade de la maladie.

– A un stade initial, des AINS, des infiltrations articulaires de corticoïdes peuvent entraîner une diminution de la symptomatologie.

– Si les corps étrangers sont nombreux, on peut proposer une synoviorthèse ou leur ablation sous arthroscopie (souvent difficile et incomplète) ou un geste chirurgical classique.

Synovite villonodulaire :

La synovite villonodulaire est une maladie rare, pouvant atteindre toutes les synoviales.

Il s’agit d’une hyperplasie de la membrane synoviale.

Cette synoviale est surchargée en hémosidérine ce qui lui confère un aspect brunâtre en macroscopie et ce qui entraîne l’existence d’un liquide articulaire de couleur rouge orangé.

* Les radiographies standard mettent en évidence l’existence de géodes juxta-articulaires. Si les radiographies standard sont normales, un arthroscanner permettra de visualiser parfaitement l’hyperplasie synoviale.

* Le diagnostic est confirmé par la biopsie synoviale.

* Le traitement peut consister en la réalisation d’une synoviorthèse ou une synovectomie chirurgicale.

DOULEUR DE HANCHE D’HORAIRE INFLAMMATOIRE :

En raison de l’urgence thérapeutique, toute douleur de hanche d’horaire inflammatoire doit faire évoquer en première intention une arthrite septique (coxite infectieuse).

Les autres diagnostics sont l’atteinte inflammatoire de la hanche observée au cours de certaines maladies systémiques (coxite inflammatoire), une arthrite microcristalline.

Les signes radiologiques de la coxite sont la déminéralisation et les géodes, puis le pincement global de l’interligne et, enfin, l’ostéolyse épiphysaire.

Arthrites septiques :

Coxites infectieuses  à germes pyogènes

* Le début des coxites infectieuses est brutal, les douleurs sont intenses et l’impotence fonctionnelle est d’emblée majeure.

– Toute tentative de mobilisation de l’articulation est très douloureuse.

– Ces douleurs sont associées à une fièvre et des frissons.

– Les portes d’entrée cutanée, génito-urinaire, digestive, ORL sont recherchées.

* Il existe un syndrome inflammatoire biologique: la VS et la protéine C réactive sont élevées. Une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles peut être notée à la NFS.

* La ponction articulaire, les hémocultures et le prélèvement des portes d’entrée sont réalisés d’urgence pour isoler le germe en cause.

* Les radiographies standard peuvent être normales initialement ou montrer un bombement opaque à la partie supéro-externe de la capsule, traduisant l’épanchement.

* Le traitement est débuté d’urgence dès la réalisation des prélèvements bactériologiques indispensables.

Coxite tuberculeuse

* Le début de la coxite tuberculeuse (coxalgie) peut être plus progressif, les signes inflammatoires cliniques et biologiques moins francs. L’origine ethnique, la notion d’un contage tuberculeux peuvent orienter le diagnostic.

* La ponction articulaire, la biopsie synoviale avec culture sur milieu de Löwenstein et un examen anatomopathologique permettent d’affirmer le diagnostic.

Coxites inflammatoires :

* Plusieurs rhumatismes inflammatoires peuvent entraîner au cours de leur évolution une atteinte de l’articulation coxo-fémorale. Il s’agit le plus fréquemment de la polyarthrite rhumatoïde, de la spondylarthrite ankylosante et du rhumatisme psoriasique.

* Plus rarement, la coxite est un mode d’entrée dans l’une ou l’autre de ces maladies, elle peut également rester isolée. Le diagnostic est alors plus difficile.

– L’interrogatoire et l’examen clinique rechercheront d’autres atteintes articulaires périphériques ou axiales, des lésions cutanées psoriasiques ou d’autres manifestations extra-articulaires.

– Il faudra dans ces formes inaugurales éliminer un processus infectieux par la ponction articulaire et la biopsie synoviale.

Arthrites microcristallines :

* La chondrocalcinose articulaire se définit par la présence de cristaux de pyrophosphate de calcium dans les cartilages.

– La chondrocalcinose articulaire peut évoluer selon deux modes: accès aigus « pseudo-goutteux » par libération de microcristaux dans l’articulation ou arthropathies chroniques.

– Les accès aigus se manifestent le plus souvent de façon brutale: douleur intense et impotence fonctionnelle majeure. Un syndrome fébrile peut exister, mimant une arthrite septique.

– Il faut rechercher un liséré calcique du cartilage coxo-fémoral sur les radiographies standard.

* Dans la goutte, l’atteinte de la hanche est exceptionnelle.

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