Goutte

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La goutte est une maladie articulaire provoquée par une surcharge en acide urique de l’organisme, que révèle l’hyperuricémie.

Les manifestations articulaires sont de deux types :

– des accès d’arthrite aigue microcristalline (goutte aigue).

– des arthropathies provoquées par les dépôts d’urate dans les articulations se développant après plusieurs années d’évolution (goutte chronique).

La goutte comporte d’autres manifestations liées à des localisations extra-articulaires des dépôts d’urate de sodium:

– cutanées, les tophus.

– rénales: lithiase urique, néphropathie goutteuse.

ÉPIDÉMIOLOGIE :

L’ hyperuricémie :

La limite supérieure de l’uricémie a été fixée arbitrairement à 70 mg/l

(420 micro mol/l) chez l’homme et 60 mg/l chez la femme (360 micro mol/l).

En effet, le risque de goutte ne devient notable que pour des valeurs supérieures à 420 micro mol/l et croît avec les valeurs de l’uricémie, y compris chez la femme, ce qui rend un peu artificielle cette différence de valeurs entre les deux sexes.

Cette limite supérieure de l’uricémie constitue également une valeur physicochimique, puisqu’elle correspond au point de saturation en acide urique, d’une solution de même concentration en sodium que le plasma.

La distribution de l’uricémie dans la population générale suit une courbe approximativement gaussienne. On considère que 5 à 20% des sujets masculins ont une uricémie supérieure à 420 micro mol/l et 5% une uricémie supérieure à 480µmol/l.

La goutte :

La goutte est beaucoup plus rare que l’hyperuricémie.

Sa prévalence chez l’adulte de sexe masculin est de l’ordre de 0,5%. Elle est très faible avant 30 ans, pour atteindre 2% après 60 ans. la goutte est très rare dans le sexe féminin avant la ménopause et le sex-ratio homme-femme est de 10/l.

Physiopathologie :

La goutte n’apparaît chez des sujets hyperuricémiques que dans certaines conditions dont certaines sont connues:

Goutte

– le degré d’hyperuricémie (risque significatif à partir de 420 micro mol/l).

– la durée de l’hyperuricémie (nécessité de plusieurs années d’uricémie élevée pour la constitution de dépôts tissulaires et articulaires).

Les autres restent obscures puisque, dans des conditions identiques, certains sujets vont développer une maladie goutteuse et d’autres non.

MÉCANISMES DE L’HYPERURICEMIE :

L’hyperuricémie provient soit d’un excès de production, soit d’un défaut d’élimination de l’acide urique (Voir “Métabolisme des purines et points d’impact des principaux hypo-uricémiants”).

Le produit de dégradation des purines est, en l’absence d’uricase cellulaire chez l’homme, l’acide urique.

Il existe 1 000 mg d’acide urique échangeables (pool) dont le taux de renouvellement quotidien est de 60% (600mg entrent et sortent quotidiennement du pool).

Mécanismes de production de l’acide urique :

En régime apurinique, il existe deux sources d’acide urique endogène:

– la biosynthèse des purines de novo (deux tiers de l’uricoformation endogène).

– et le catabolisme des acides nucléiques cellulaires.

En régime normal, vient s’y ajouter une source exogène: le catabolisme des acides nucléiques alimentaires (Voir “Métabolisme des purines et points d’impact des principaux hypo-uricémiants”).

Mécanismes d’élimination de l’acide urique :

L’élimination de l’acide urique se fait principalement par les organes suivants:

* l’intestin ou les bactéries transforment les deux tiers de l’acide urique en allantoïne et CO2.

* le rein ou il subit successivement une filtration glomérulaire (environ 100%), une réabsorption tubulaire proximale puis une sécrétion tubulaire distale (80%). L’uricurie des 24 heures est considérée comme normale jusqu’à 600 mg/24h en régime apurinique et 800 mg en régime libre. L’acidité urinaire favorise la survenue de lithiases.

Mécanismes de l’hyperuricémie :

Goutte primitive

La goutte primitive représente 95% des cas.

– Il existe une augmentation de la synthèse des purines et/ou une diminution de l’élimination rénale.

– On distingue ainsi des goutteux hyperproducteurs ou non et hypoexcréteurs, normoexcréteurs ou hyperexcréteurs.

– L’hyperalimentation joue un rôle adjuvant par des apports excessifs en purines, en protéines de façon déséquilibrée et en alcool.

– La fréquence des formes familiales suggère un mode de transmission génétique des anomalies conduisant au trouble métabolique.

– Le syndrome de Lesch-Nyhan constitue à cet égard un exemple intéressant puisqu’il existe, dans cette affection, un déficit en hypoxanthine-guanine-phosphoribosyl-transférase (HGPRT) aboutissant en l’absence de traitement à une encéphalopathie sévère avec automutilations.

Goutte secondaire

La goutte peut être secondaire (5% des cas) à:

* une insuffisance rénale par défaut d’élimination.

* des hémopathies malignes par augmentation du catabolisme des acides nucléiques.

* des médicaments:

– diurétiques (thiazidiques, furosémide, acide étacrynique).

– antituberculeux (pyrazinamide, éthambutol).

– aspirine à faible dose (moins de 1,5 g/j).

– cytolytiques.

– ciclosporine.

* un psoriasis: par augmentation du « turn over » cellulaire.

PHYSIOPATHOLOGIE DE LA GOUTTE :

Mécanismes des dépôts microcristallins :

Les dépôts articulaires de cristaux d’urate monosodique monohydraté définissent la goutte qui complique une hyperuricémie chronique.

La croissance in vitro des cristaux d’urate de sodium dépend de la température, du degré de sursaturation du liquide testé, de sa force ionique, de son pH, mais elle reste dans l’ensemble lente.

Cependant, l’inadéquation classique entre le nombre de patients hyperuricémiques et le nombre beaucoup plus faible de patients atteints de goutte conduit à envisager d’autres facteurs susceptibles de moduler la cristallisation, soit en la favorisant, soit en l’inhibant. Un déficit en inhibiteur ou un excès de nucléateurs pourrait expliquer les rares cas de goutte sans hyperuricémie. Des arguments expérimentaux récents vont dans ce sens. Cela pourrait également expliquer la rapidité d’apparition des crises de gouttes, induites par certains médicaments comme la pyrazinamide ou la ciclosporine, qui ne sont pas liées à une longue exposition à l’hyperuricémie.

L’accès aigu de la goutte :

Déclenchement

L’accès aigu de goutte est provoqué par la présence brutale de microcristaux dans la cavité articulaire soit par précipitation due à une variation soudaine de l’uricémie, soit par rupture d’un dépôt microcristallin préformé dans la synoviale ou le cartilage.

– Le microcristal est phagocyté par le polynucléaire et entouré d’une membrane pour former un phagosome.

– La phagocytose est opsonisée par la fixation d’IgG à la surface du microcristal. ces IgG étant plus facilement captées grâce aux récepteurs pour les immunoglobulines exprimés à la surface de polynucléaires.

– Par fusion avec les lysosomes intracellulaires, le phagosome va former un phagolysosome. Il en résulte une libération de nombreuses enzymes à l’intérieur de la cellule, une digestion des protéines de surface et une lyse de la membrane cellulaire.

– La mort de la cellule libère les enzymes et les différents médiateurs de l’inflammation.

Médiateurs de l’inflammation

On observe:

* une activation cellulaire des synoviocytes A (macrophages) et B (fibroblastes) par les cristaux qui induisent la production de cytokines pro-inflammatoires: IL-1, TNF-alpha et IL-8, ainsi que des prostaglandines favorisant l’afflux de polynucléaires neutrophiles.

* l’attraction et l’activation des polynucléaires:

– l’inflammation goutteuse est dépendante des polynucléaires neutrophiles, ce qui explique l’efficacité remarquable de la colchicine dont l’action inhibe plusieurs fonctions de ces cellules.

– l’afflux des polynucléaires est favorisé par l’IL-1 et surtout l’IL-8.

– lesmolécules d’adhésion (sélectines, ICAM, VCAM, intégrines) facilitent l’extravasation des polynucléaires et leur afflux sur le site inflammatoire.

– les granules des neutrophiles libèrent des métalloprotéases, également produites par les synoviocytes fibroblastiques et les chondrocytes sous l’action des cytokines, qui attaquent les composants de la matrice cartilagineuse.

* l’IL-8 stimule la production de protéases (élastase, collagénase, hydrolase) et de récepteurs pour le complément et les immunoglobulines.

* d’autres facteurs sont produits comme le CCF (« cristal induced chemotactic factor »), des leucotriènes (LTB4), les cristaux activent le complément par la voie alterne qui libère des composants anaphylactoïdes C3a et C5a.

Conséquences et autolimitation de l’accès inflammatoire

* Les signes généraux:

– incluent la fièvre, un syndrome inflammatoire biologique, une thrombocytose.

– sont dus à la production de cytokines: IL-1, TNF-alpha, IL-6.

* Autolimitation de l’accès inflammatoire: une crise d’arthrite microcristalline peut se résoudre souvent spontanément, du moins au début de la maladie. Plusieurs mécanismes pourraient expliquer ce fait clinique:

– la libération de cytokines à effet anti-inflammatoire: TGFbêta, IL-6, antagoniste du récepteur à l’IL-1 (IL1-ra).

– la libération de molécules anti-inflammatoires: prostaglandines E (inhibent la production d’IL-1 et de TNF-alpha), adénosine, récepteur du TNF-alpha (« inactive son ligand »).

– la présence d’inhibiteurs des protéases, la synthèse d’ACTH (par l’IL-1 et l’IL-6) et d’oxydants favorisant la dissolution des cristaux.

Forme typique :

MANIFESTATIONS ARTICULAIRES :

Accès aigu de goutte :

Le premier accès goutteux survient le plus souvent chez l’homme entre 40 et 60 ans et chez la femme entre 60 et 80 ans. Un accès goutteux avant 30 ans doit faire rechercher un déficit enzymatique spécifique ou une maladie rénale intrinsèque.

Facteurs déclenchants

Les facteurs déclenchant une crise de goutte peuvent être: traumatisme, chirurgie, alcool, jeûne, excès alimentaire, médicaments.

Prodromes

Les prodromes annoncent la survenue de la crise. Ils sont inconstants mais sont en général les mêmes pour un individu donné: irritabilité, asthénie, insomnie, anorexie, dyspepsie, constipation, céphalées, dysurie, sensation de gêne du gros orteil.

Ils surviennent 1 à 3 jours avant l’accès.

Signes cliniques

* La première crise de goutte est monoarticulaire dans 80% des cas, prédominant aux membres inférieurs:

– touchant le plus souvent la métatarso-phalangienne du gros orteil.

– plus rarement, mais de façon non exceptionnelle: le genou, la cheville, le tarse, le poignet, les doigts, le coude, l’épaule.

– certaines localisations sont exceptionnelles, voire anecdotiques: la région sterno-claviculaire, la hanche, la région sacro-iliaque ou le rachis.

* Le début est très aigu, réveillant le patient au milieu de la nuit avec des signes locaux très inflammatoires:

– la peau devient rouge, chaude, luisante.

– l’orteil (ou l’articulation) est augmenté de volume et extrêmement douloureux.

– la moindre pression, même le poids du drap, déclenche une douleur intolérable.

– il existe volontiers de la fièvre (parfois élevée), des frissons, une hyperleucocytose et une élévation de la vitesse de sédimentation.

* L’évolution se fait spontanément vers la guérison en 5 à 10 jours, avec une desquamation de la peau en regard de l’articulation touchée et parfois un prurit. Cette évolution sera écourtée par le traitement (colchicine) d’autant plus rapidement qu’il sera instauré tôt.

Signes radiologiques

Les radiographies sont le plus souvent normales à la phase initiale ou montrent une augmentation de volume des parties molles.

Signes biologiques

* Les examens biologiques peuvent montrer une hyperuricémie qui n’est cependant pas constante lors des accès aigus et que l’on doit contrôler 3 jours de suite ainsi que l’uricurie des 24 heures qui peut être normale, augmentée ou abaissée. Il y a le plus souvent un syndrome inflammatoire biologique non spécifique et une hyperleucocytose.

* Le diagnostic est affirmé par la ponction articulaire et l’analyse du liquide synovial qui met en évidence un liquide inflammatoire parfois puriforme avec une cellularité comprise entre 5 000 et 50 000/mm3, parfois plus, posant alors un problème diagnostique avec une arthrite septique. La plupart des cellules sont des polynucléaires plus ou moins altérés.

* C’est la présence de microcristaux d’urate de sodium intra-articulaires, à bouts pointus, intra-cellulaires ou extra-cellulaires, fortement biréfringents en lumière polarisée et dissous par l’uricase qui signe l’accès goutteux.

Evolution après la crise

Après la crise aigue, il s’ensuit une phase intercritique asymptomatique de durée variable.

En l’absence de traitement, une nouvelle crise est d’autant plus probable dans les 2 ans que l’uricémie est plus élevée.

Les accès deviennent de plus en plus fréquents, polyarticulaires et durent plus longtemps.

La goutte chronique tophacée :

L’hyperuricémie chronique est responsable du dépôt d’urate de sodium dans les tissus conjonctifs (os, cartilage, peau, synoviale). Il se forme ainsi des tophus et des arthropathies uratiques.

Actuellement, la goutte chronique tophacée est devenue rare en raison de l’efficacité des traitements hypo-uricémiants. On la rencontre chez les sujets non traités, dont la maladie a débuté précocement avec une uricémie élevée et chez la femme âgée.

Les arthropathies goutteuses chroniques sont dues à des détériorations ostéo-cartilagineuses liées aux dépôts d’urate de sodium. L’os est d’abord atteint et est le siège de géodes ou de tophus intra-osseux. L’érosion du cartilage est plus tardive.

Signes cliniques

– La symptomatologie est plus torpide que dans la goutte aigue et les douleurs de rythme plus mécanique.

– Les parties molles périarticulaires sont irrégulières et bosselées, parfois le siège d’un tophus.

– Les articulations les plus touchées sont les mains, les pieds, les genoux, les coudes et les chevilles.

Signes radiologiques

Au stade de goutte chronique, l’aspect radiologique est particulier par l’association de lésions constructrices et destructrices.

* Les lésions destructrices sont des géodes juxta-articulaires entourées d’une mince sclérose, dues à des dépôts épiphysaires d’urate de sodium.

– ces géodes peuvent s’ouvrir dans l’interligne articulaire ou latéralement sur l’épiphyse formant des encoches, donnant au pied l’aspect classique en hallebarde.

– la destruction peut aller jusqu’à la résorption complète de l’os.

* Les lésions constructrices, les ostéophytes en pont, sont très caractéristiques. En effet, ils prolongent la corticale interrompue.

– l’ostéophytose du tarse donne un aspect de pied hérissé.

– toutes les articulations peuvent être le siège de cette ostéophytose marginale qui peut en imposer pour une arthrose primitive si les lésions géodiques manquent, notamment au genou.

* La déminéralisation articulaire est inconstante et le pincement articulaire tardif.

MANIFESTATIONS CUTANÉES:  LES TOPHUS :

Les tophus sont en principe l’apanage de la goutte chronique, mais ils peuvent apparaître rapidement lors des gouttes secondaires à certains médicaments.

Description de la lésion

Les tophus réalisent une tuméfaction de taille variable, de consistance ferme et crayeuse:

– lorsque la peau est suffisamment mince, on voit leur coloration blanchâtre.

– les tophus peuvent se fistuliser à la peau et laisser sourdre une bouillie crayeuse dont l’analyse microscopique révèle les cristaux d’urate de sodium.

– ils sont indolores sauf en cas d’inflammation.

Localisations préférentielles

Les localisations préférentielles des tophus sont:

– le pavillon de l’oreille (hélix et anthélix), les coudes, la bourse séreuse rétro-olécrânienne, les pieds (gros orteil), le tendon d’Achille.

– aux mains, les tophus sont situés sur les tendons extenseurs ou dans les gaines, sur la pulpe des doigts, au dos des mains (à ne pas confondre avec des nodules d’Heberden) ou aux poignets.

– d’autres localisations extra-cutanées sont exceptionnelles (oeil, larynx, rachis…).

MANIFESTATIONS RÉNALES :

L’uraturie des 24 heures peut être normale, augmentée ou diminuée. Il faut la contrôler au moins 3 jours de suite.

Il faut vérifier la normalité de la fonction rénale (ionogramme, urée, créatinine dans le sang et les urines, clairance de la créatinine), du sédiment (HLM) et du pH urinaire ainsi que l’absence de protéinurie.

On pratiquera une échographie des reins et des voies urinaires complétée par une urographie intraveineuse si nécessaire.

Lithiase urinaire urique :

La prévalence de la lithiase urinaire urique est de 23% dans la goutte primitive. Elle peut précéder les manifestations articulaires dans 40% des cas. La lithiase urique doit être recherchée systématiquement par une échographie des voies urinaires.

Elle est favorisée par l’hyperuricurie et l’acidité urinaire.

La lithiase urique peut être responsable de coliques néphrétiques, mais également évoluer à bas bruit.

Néphropathie goutteuse :

C’est une néphropathie interstitielle liée à la présence de dépôts uratiques dans la médullaire et les pyramides.

La traduction clinique de la néphropathie goutteuse est le plus souvent modérée: protéinurie, hématurie, leucocyturie, acidose hyperchlorémique.

Les traitements hypo-uricémiants actuels (autres que les urico-éliminateurs qui sont contre-indiqués) permettent d’éviter l’évolution vers l’insuffisance rénale chronique.

Il existe des néphropathies uratiques familiales juvéniles touchant les deux sexes, transmises sur un mode autosomique dominant. Elles sont rapidement progressives vers l’insuffisance rénale entre l’âge de 30 et 40 ans.

Formes cliniques :

VARIANTES DE LA CRISE AIGUË :

La présentation de l’accès goutteux n’est pas toujours typique:

– le début peut être polyarticulaire d’emblée, notamment chez la femme âgée ou dans les gouttes secondaires.

– on peut observer des variations dans l’intensité: formes suraigues ou subaigues.

– on peut observer des variations dans les localisations: bourses séreuses, gaines synoviales, tendons.

LA GOUTTE FÉMININE :

La goutte féminine est rare, mais tend à augmenter avec la prescription de diurétiques. Elle débute après la ménopause. Elle est souvent secondaire aux diurétiques ou à une insuffisance rénale.

Elle peut être atypique chez la femme âgée, évoluant sous une forme chronique au niveau des mains avec des tophus parfois difficiles à distinguer des nodules arthrosiques.

LA GOUTTE DE L’HOMME JEUNE :

Avant l’âge de 30 ans, il faut rechercher un syndrome de Lesch-Nyhan caractérisé par un déficit en HGPRT. C’est une maladie récessive liée à l’X qui débute, dans la forme complète, vers le 3e mois de la vie et qui associe des symptômes neurologiques extrêmement sévères, des automutilations et une goutte très grave.

Un déficit partiel entra”ne une goutte sans lésions neurologiques.

D’autres anomalies enzymatiques interviennent comme l’hyperactivité de la phosphoribosylphosphate synthétase.

Il faut rechercher une néphropathie, parfois familiale (néphropathies uratiques familiales).

GOUTTE INDUITE :

La goutte peut être induite par la prise de médicaments ou d’alcool.

Ciclosporine

– La ciclosporine induit une hyperuricémie chez 45 à 80% des sujets transplantés par réduction de la clairance des urates mais également par l’insuffisance rénale qu’elle provoque. Cette hyperuricémie est majorée par la prescription de diurétiques. 5 à 17% de sujets transplantés développent une goutte, parfois rapidement, polyarticulaire et tophacée.

– Lorsque la ciclosporine est prescrite pour une pathologie auto-immune, l’hyperuricémie est constatée dans la moitié des cas. Aucune goutte n’a été constatée dans cette indication.

Autres médicaments

Les autres médicaments sont:

– les diurétiques (thiazidiques, furosémide, acide étacrynique).

– les antituberculeux (pyrazinamide, éthambutol).

– l’aspirine à faibles doses (moins de 1,5g/j).

– les cytolytiques.

Alcool

– L’intoxication alcoolique aigue s’accompagne d’une hyperuricémie transitoire, d’une acidose lactique et d’une cétose.

– L’intoxication chronique agit sur l’uricémie par sa valeur calorique et par le surpoids qu’elle entra”ne, facteur de risque de goutte.

Diagnostic :

DIAGNOSTIC POSITIF :

Le diagnostic est évoqué sur les caractères cliniques de la poussée articulaire, sa localisation, la présence éventuelle de tophus et la sensibilité de l’accès à la colchicine avec résolution de la symptomatologie en 48 heures qui constitue un test diagnostique.

L’hyperuricémie est nécessaire pour établir le diagnostic, mais c’est la présence de microcristaux d’urate de sodium dans le liquide articulaire qui signe l’accès goutteux avec certitude.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

Accès aigu :

Forme monoarticulaire

Dans la forme monoarticulaire il faut éliminer:

* une arthrite septique, surtout s’il ne s’agit pas d’une atteinte du gros orteil, qu’il y a de la fièvre, une hyperleucocytose et qu’il n’y a pas d’antécédent goutteux:

– la radiographie standard mais surtout la ponction articulaire, en l’absence d’antibiothérapie intempestive préalable, vont permettre de redresser le diagnostic dans bon nombre de cas.

– il ne faut cependant pas méconnaître une surinfection sur arthrite goutteuse à l’occasion d’une infiltration intra-articulaire, d’une infection locale ou systématique.

* une chondrocalcinose articulaire. Elle est beaucoup plus fréquente que la goutte, surtout chez le sujet âgé, et le diagnostic différentiel se pose assez souvent en pratique:

– la radiographie peut montrer des calcifications intra-articulaires ou périarticulaires.

– la ponction articulaire révèle des cristaux de pyrophosphate de calcium, à bouts carrés, faiblement biréfringents en lumière polarisée et non dissous par l’uricase.

– il existe des formes associées des deux maladies.

* une atteinte cutanée ou vasculaire au voisinage de l’articulation: érysipèle, lymphangite, infection sous-cutanée, phlébite…

Forme polyarticulaire

Le diagnostic différentiel de la forme polyarticulaire se pose avec toutes les oligoarthrites ou polyarthrites aigues: infectieuses, rhumatismales, microcristallines…

Arthropathies chroniques :

Les arthropathies chroniques peuvent faire discuter:

– la polyarthrose.

– la chondrocalcinose articulaire.

– les rhumatismes inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde, rhumatisme psoriasique…).

Traitement :

TRAITEMENT DE L’ACCÈS AIGU GOUTTEUX :

Médicaments :

Colchicine

La colchicine n’est utilisable en France que par voie orale. Les taux plasmatiques diminuent rapidement, mais le produit persiste plusieurs jours dans les leucocytes circulants. Son élimination est à la fois urinaire et biliaire.

– Des risques d’agranulocytose existent, surtout en cas d’insuffisance rénale ou hépatique sévère qui sont des contre-indications d’emploi formelles.

– Les effets indésirables sont principalement digestifs: diarrhée, plus rarement nausées ou vomissements. ils imposent la réduction des doses, voire l’arrêt du traitement.

– Le Colchimax*contient des substances antidiarrhéiques à effet atropinique et de l’iode qui contre-indiquent son emploi en cas de glaucome, d’adénome prostatique ou d’intolérance à l’iode.

– Les incidents hématologiques (leucopénie, neutropénie, thrombopénie) sont exceptionnels.

– Il peut se produire des éruptions urticariennes ou morbilliformes.

– La posologie d’attaque est de 3 mg/j le 1er jour en trois prises, 2 mg/j les 2èmeet 3ème jours en deux prises puis 1 mg/j à partir du 4ème  jour.

Anti-inflammatoires non stéroïdiens

– Tous les AINS peuvent être utilisés en l’absence de contre-indication, à l’exception de l’aspirine qui provoque à faible dose une diminution de la clairance rénale de l’acide urique.

– La crise de goutte demeure une indication autorisée de l’emploi de la phénylbutazone (Butazolidine*) pour un traitement court inférieur à 7 jours, en l’absence de ses contre-indications classiques. De plus, elle possède un effet uricosurique.

Corticothérapie intra-articulaire

– L’injection intra-articulaire de corticoïdes peut être utilisée dans les formes rebelles au traitement classique.

– La corticothérapie par voie générale est en principe à proscrire dans la goutte en raison d’un rebond de l’affection à l’arrêt du traitement. Elle peut cependant être utilisée chez le sujet âgé sous forme intramusculaire retard (Dépo-Médrol*) en cas de contre-indication à l’emploi des AINS et de la colchicine.

Conduite pratique du traitement de l’accès goutteux :

La crise de goutte a une évolution spontanément résolutive en 6 à 10 jours. Le but du traitement est de réduire le délai de guérison. Il est prescrit en général pour une durée de 10 à 15 jours.

* « Petits moyens »:

– repos.

– vessie de glace sur les articulations douloureuses.

– alimentation légère et sans alcool.

– boissons abondantes.

* Traitement médicamenteux:

– colchicine.

– ou AINS.

– ou phénylbutazone.

– et/ou infiltration intra-articulaire de corticoïdes.

TRAITEMENT DE L’HYPERURICEMIE ET DE LA GOUTTE CHRONIQUE :

Régime :

– Une lutte contre la surcharge pondérale, une réduction significative des boissons alcoolisées et un régime pauvre en purines peuvent permettre de diminuer d’environ 10 mg/l l’uricémie. Cependant, il faut se rappeler qu’un régime hypocalorique trop sévère entraîne une protéolyse et une production d’acide urique susceptible d’entraîner une élévation de l’uricémie et la survenue d’une crise de goutte.

– 2l/j de boissons avec alcalinisation des urines par de l’eau de Vichy (moins de 1l/j) qui favorise la solubilisation et l’élimination urinaire de l’acide urique et diminue le développement de lithiases.

Réduire les causes iatrogènes :

– Supprimer si possible les médicaments hyperuricémiants: les diurétiques, la pyrazinamide. Mais aussi: l’éthambutol, l’aspirine à faible dose, la ciclosporine.

– On peut ainsi faire diminuer jusqu’à 40 mg/l les taux d’acide urique par ces simples mesures.

Urico-inhibiteurs :

Les urico-inhibiteurs diminuent l’uricémie et l’uricurie en réduisant la purino-synthèse endogène.

Allopurinol

L’allopurinol (Zyloric*) est le plus employé: l’action de l’allopurinol conduit à une diminution de la synthèse d’acide urique par deux mécanismes (Voir “Métabolisme des purines et points d’impact des principaux hypo-uricémiants”) :

– l’inhibition de la xanthine-oxydase, qui entra”ne une diminution de la synthèse d’acide urique et une augmentation des concentrations en hypoxanthine et xanthine (Voir “Métabolisme des purines et points d’impact des principaux hypo-uricémiants”) sans conséquence pathologique car elles sont facilement éliminées par le rein.

– le rétrocontrôle inhibiteur sur l’activité de la phosphoribosyl-pyrophosphate synthétase et de la phosphoribosyl-amidotransférase en raison de la formation de nucléotides allopurinol-bases puriques.

* Une diminution de l’uricémie est obtenue en 24 à 48 heures. L’arrêt du médicament provoque le retour à l’uricémie antérieure en 7 à 10 jours.

* La demi-vie de l’allopurinol est d’environ 1 heure, son élimination et celle de son métabolite l’oxypurinol sont rénales.

* Il est le seul efficace dans le syndrome de Lesch-Nyhan.

* La posologie usuelle, par voie orale, est de 100 à 300 mg/j, atteinte progressivement en fonction de l’uricémie. La dose doit être adaptée par rapport à la fonction rénale et à la clairance de la créatinine. L’allopurinol et l’oxypurinol sont dialysables.

* Les effets indésirables sont:

– digestifs (épigastralgies, nausées, diarrhée), diminués par une administration après le repas.

– cutanés (rash papulo-érythémateux ou eczématiforme, prurit), obligeant à l’arrêt. une reprise est parfois possible après désensibilisation.

– des réactions d’hypersensibilité majeure (fièvre, syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson, hépatopathie, insuffisance rénale), exceptionnelles et principalement en cas d’insuffisance rénale ou hépatique. Elles imposent l’arrêt immédiat et définitif du produit.

– hématologiques (leucopénie, thrombopénie, agranulocytose). Elles sont rares et favorisées par les mêmes causes que précédemment.

– céphalées, vertiges, gynécomastie.

* Les interactions médicamenteuses:

– potentialisation de l’action et des effets indésirables de la vidarabine, les cytostatiques antipuriniques (azathioprine, mercaptopurine), le chlorpropamide et les anticoagulants oraux.

– risques accrus d’intolérance cutanée avec les pénicillines du groupe A.

Tisopurine

La tisopurine (Thiopurinol*) n’est plus commercialisée en France depuis 1996.

Urico-éliminateurs :

* L’action des urico-éliminateurs sur l’uricémie est due à l’inhibition de la réabsorption tubulaire postsécrétoire de l’acide urique. Ils sont donc contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale, d’uricurie supérieure à 700 mg/24h (goutteux hyperexcréteurs) ou d’antécédents de lithiase urique dont ils favorisent la survenue. Ce risque peut être atténué par une diurèse abondante et une alcalinisation des urines par de l’eau de Vichy.

* La benzbromarone (Désuric*) est le seul représentant de cette classe thérapeutique car le probénécide (Bénémide*) n’est plus commercialisé en France.

– Elle est administrée par voie orale et comporte un effet uricosurique plus important que le probénécide. Elle s’administre en une seule prise per os à la dose de 100 à 200 mg/j.

– Les effets indésirables sont peu fréquents: gastralgies ou diarrhée. Il n’y a pas de risque d’interaction médicamenteuse aux doses utilisées.

Association urico-inhibiteur et urico-éliminateur :

L’allopurinol et benzbromarone (Désatura*) entra”nent une baisse de l’uricémie supérieure à celle observée avec la prise séparée de chaque médicament aux mêmes doses.

La posologie quotidienne est de 1 à 2 gélules dosées à 100 mg d’allopurinol et de 25 mg de benzbromarone.

Les effets secondaires sont ceux de chacun des constituants.

Uricolytiques :

L’urate-oxydase (Uricozyme*) est le seul représentant de cette classe thérapeutique. Il transforme l’acide urique en allantoïne qui est dix fois plus soluble que l’acide urique et facilement éliminée par voie rénale.

– Il est administré par voie intramusculaire ou intraveineuse et entra”ne une diminution rapide de l’uricémie qui se prolonge pendant 2 à 4 jours.

– Il est en général réservé aux hyperuricémies sévères survenant au décours des chimiothérapies pour des hémopathies ou d’insuffisance rénale.

– Les effets indésirables sont principalement allergiques, pouvant aller jusqu’au choc anaphylactique.

– Signalons la possibilité d’apparition d’anticorps neutralisants.

Indications thérapeutiques :

Hyperuricémie isolée

– On doit traiter une hyperuricémie isolée si elle est constante et supérieure à 540 micro mol/l (90mg/l). on considère en effet qu’à ce taux le risque de développer une goutte est suffisamment important pour justifier un traitement préventif.

– On ne traite en général pas les hyperuricémies isolées pour des valeurs inférieures.

Goutte

* Devant une crise de goutte aigue, il existe deux attitudes: certains auteurs mettent en route un traitement hypo-uricémiant dès la première crise de goutte s’il existe une hyperuricémie, d’autres au contraire attendent la survenue d’une deuxième, voire d’une troisième crise.

* Devant une goutte chronique et/ou des manifestations rénales (lithiase urique, néphropathie), le traitement hypo-uricémiant est impératif et ne se discute pas.

Mise en route du traitement

– Le traitement hypo-uricémiant ne doit pas être institué dans un délai inférieur à 15 à 21 jours après une crise aigue de goutte sous peine de déclencher un nouvel accès ou de pérenniser la symptomatologie.

– Un traitement de la crise aigue (colchicine ou AINS) doit lui être systématiquement associé afin de prévenir la survenue de nouvelles crises dont le patient doit être averti. Il est maintenu pendant 3 à 6 mois, parfois plus lorsque les tophus n’ont pas complètement disparu et alors jusqu’à leur disparition. La survenue d’une nouvelle crise dans ce contexte ne doit pas faire interrompre le traitement hypo-uricémiant.

– Il faut signaler la possibilité de troubles neuromyopathiques en cas d’insuffisance rénale et d’azoospermie réversibles à l’arrêt, lors de traitements au long cours par la colchicine.

– La prescription de boissons abondantes est impérative lors de la prescription d’un urico-éliminateur.

– La posologie du médicament est déterminée de manière progressive et le traitement doit, en règle générale, être maintenu à vie.

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