Fractures de l’extrémité inférieure du radius chez l’adulte

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C’est une fracture dont le trait siège entre : en bas l’interligne articulaire radio-carpienne et en haut une ligne horizontale passant par la jonction métaphyso-epiphysaire.

RAPPEL ANATOMIQUE :

Unique sur le plan fonctionnel, l’articulation du poignet permet l’orientation de la main dans l’espace.

Sur le plan anatomique, on distingue:

– l’articulation radio-carpienne.

– l’articulation radio-cubitale inférieure.

Articulation radio-carpienne :

L’articulation radio-carpienne met en rapport la surface articulaire distale du radius (la glène radiale) et la première rangée des os du carpe (le condyle carpien).

– Elle permet les mouvements de flexion-extension, d’inclinaison radiale et cubitale du poignet, qui seront amplifiés par les mouvements de la médio-carpienne.

– La glène regarde de 10° en avant et de 25° en dedans.

Articulation radio-cubitale inférieure :

L’articulation radio-cubitale inférieure met en rapport la cavité sigmoïde du radius et la tête cubitale.

– Avec l’articulation radio-cubitale supérieure, elle permet le mouvement de pronosupination.

– La face inférieure de la tête cubitale est située un peu plus proximalement que la glène radiale (2 mm). Ce décalage correspond à l’épaisseur du ligament triangulaire, qui s’insère à la base de la styloïde cubitale, et qui est le principal responsable de la stabilité de cette articulation.

ANATOMOPATHOLOGIE :
Fractures de l'extrémité inférieure du radius chez l'adulte

Ces fractures épiphysaires consolident en 4 à 6 semaines.

Il faut distinguer deux types de fractures selon le mécanisme pathologique: les fractures par « compression-extension » à déplacement postérieur de celles par « compression-flexion » à déplacement antérieur.

Fractures par « compression-extension » à déplacement postérieur :

Fracture de Pouteau-Colles

Les fractures faisant suite à un mouvement d’extension prédominant sont de loin les plus fréquentes.

– La chute sur la main en hyperextension provoque une fracture de l’épiphyse radiale, environ 2cm au-dessus de l’interligne radio-carpien.

– L’épiphyse bascule en arrière dans le plan sagittal, s’horizontalise et se translate en dehors dans le plan frontal.

Survenant plus fréquemment chez des sujets porotiques, ces fractures entraînent un tassement axial, plus marqué en arrière, siège de la compression.

– Ce tassement va entraîner un défect postérieur après réduction, d’ou le risque de déplacement secondaire.

– Cette fracture correspond à la définition de la fracture de Pouteau-Colles (20% des cas).

Variantes

A partir de cette fracture existent de nombreuses variantes, suivant la violence de l’impact, la fragilité osseuse, le point d’impact…

– La chute survenant en pronation, la tête cubitale vient buter contre la berge postérieure de la cavité sigmoïde, et détache très souvent (70% des fractures) un fragment postéro-interne, mieux vu sur les clichés de trois quarts.

– Plus rarement, des traits de refend vont diviser l’épiphyse, transformant cette fracture sus-articulaire en fracture articulaire.

Association d’une fracture du radius à une fracture du cubitus

A toutes ces fractures de l’épiphyse radiale peut s’associer une fracture du cubitus (70% des cas).

– Le plus souvent il s’agit d’une fracture de la pointe de la styloïde cubitale, qui est négligée car elle n’entraîne aucune conséquence fonctionnelle.

– Plus rarement, il s’agit d’une fracture de la base de la styloïde, ce qui revient à un arrachement du ligament triangulaire (qui s’insère à ce niveau) et représente donc un équivalent de luxation radio-cubitale inférieure.

– Si la réduction de la fracture radiale ne suffit pas à ramener le fragment en bonne position, on conseille actuellement de le synthéser.

– Très rarement, il s’agit d’une fracture de la tête ou du col du cubitus.

Fractures par « compression-flexion » à déplacement antérieur :

Les fractures par « compression-flexion » à déplacement antérieur sont beaucoup plus rares et font suite, rarement, à un traumatisme en flexion, plus souvent à un traumatisme en extension modérée dans lequel le carpe vient buter contre le radius dont il fait basculer l’épiphyse en avant.

* La fracture sus-articulaire à déplacement antérieur s’appelle la fracture de Goyrand-Smith. Le déplacement sagittal est inverse à celui de la fracture de Pouteau-Colles, alors que le déplacement frontal est identique.

* Les fractures détachant la marge antérieure du radius entraînent une subluxation antérieure du carpe. Elles sont de deux types:

– le type I correspond à la fracture isolée de la marge antérieure (qui peut être refendue). La réduction de ces fractures est aisée, et le simple maintien du fragment marginal permet une réduction anatomique.

– le type II associe au type I une fracture de la partie postérieure de l’épiphyse radiale qui bascule en avant. La réduction anatomique de ces fractures est difficile et il existe souvent une insuffisance de réduction qui va entraîner une incongruence articulaire de la radio-carpienne.

Toutes les fractures à déplacement antérieur sont instables et le traitement est donc toujours chirurgical.

Autres fractures :

* Les fractures du sujet jeune font suite à un mouvement beaucoup plus violent, à prédominance axiale.

– Bien qu’elles puissent être semblables à celles du sujet âgé, il s’agit habituellement de fractures articulaires par impaction, le carpe venant s’encastrer dans le radius.

– Le pronostic dépendra donc de la qualité de la réduction articulaire.

– L’importance du traumatisme explique la fréquence des lésions associées.

* Certaines fractures répondent à d’autres mécanismes, comme les fractures cunéennes externes, qui sont habituellement associées à des lésions intracarpiennes.

ÉVOLUTION, COMPLICATIONS :

Pendant longtemps, ces fractures ont eu une réputation de bénignité, car atteignant plus souvent les personnes âgées, celles-ci accommodaient leurs besoins fonctionnels à leur handicap.

Avec l’augmentation de la durée de vie et de sa qualité, ces séquelles sont maintenant reconnues comme gênantes.

Fractures de l’adulte et du sujet âgé :

Faisant suite à un traumatisme peu violent, les complications immédiates sont exceptionnelles. Une compression du médian est parfois rencontrée (dysesthésies dans les trois doigts radiaux), mais elle disparaît le plus souvent une fois la fracture réduite.

Cal vicieux de l’épiphyse radiale

L’importance de la comminution postérieure, surtout chez les sujets âgés porotiques, entraîne un défect après réduction.

– les risques de déplacement secondaire sont donc très importants après traitement orthopédique (de 100% selon certains auteurs).

– c’est la raison pour laquelle, en dehors des fractures peu ou pas déplacées, on s’oriente actuellement vers une ostéosynthèse par broches de ces fractures.

Cette comminution et le tassement initial lié au traumatisme expliquent le raccourcissement du radius. Peu important en valeur absolue (de 1 à 3 mm), ce raccourcissement va persister ou se reproduire malgré l’ostéosynthèse et entraîner deux complications:

* une désorganisation de la radio-cubitale inférieure, et il persiste très souvent après fracture de l’épiphyse radiale une limitation de la pronation et surtout des douleurs aux mouvements de pronosupination.

* un cubitus long relatif qui entraîne parfois une hyperpression sur le bord interne du poignet avec:

– douleurs majorées par l’inclinaison cubitale.

– usure de la tête cubitale et/ou du semi-lunaire parfois visible à la radiographie (« ulnar carpal abutment syndrome » des Anglo-Saxons).

– amincissement et/ou perforation dégénérative du ligament triangulaire.

La bascule sagittale est également mal tolérée:

– non pas tant par la modification du secteur de flexion-extension que par la désorganisation sous-jacente du carpe.

– le semi-lunaire, pour suivre la nouvelle orientation de la glène, bascule en flexion (VISI), et la deuxième rangée en extension. Cette « désaxation carpienne d’adaptation » est responsable d’une perte de force et de mobilité.

La bascule frontale, sauf si elle est très importante, n’est pas corrélée avec la qualité des résultats.

Quand ils sont mal tolérés, ces cals vicieux nécessitent une correction chirurgicale, avec greffe osseuse habituellement.

Lésions radio-cubitales inférieures

Très longtemps négligées, on s’aperçoit actuellement que la plupart des séquelles des fractures du poignet sont secondaires à leur retentissement sur la radio-cubitale inférieure.

En dehors de la désorganisation de la radio-cubitale inférieure liée au cubitus long relatif, les atteintes radio-cubitales peuvent être secondaires:

* à une fracture dont le trait atteint la fossette sigmoïde du radius. Seul le scanner permet de bien les étudier et il n’est habituellement réalisé qu’au stade de séquelle.

* à une luxation radio-cubitale inférieure, qui est obligatoire lorsque l’épiphyse radiale est très déplacée, avec luxation antérieure dans les fractures à déplacement postérieur:

– ces luxations consolident de manière orthopédique lors de l’immobilisation plâtrée, à condition d’avoir été reconnues et traitées….

– plus souvent, il s’agit d’une subluxation ou bien d’un arrachement du ligament triangulaire qui s’insère à la base de la ligne styloïde cubitale.

– il faut donc y penser et faire une ostéosynthèse d’une fracture de la base de la ligne styloïde qui ne serait pas réduite avec la réduction de l’épiphyse radiale.

En fait, ces lésions sont rarement reconnues en urgence, mais cicatrisent lors de l’immobilisation plâtrée de la fracture du radius. Sinon, elles seront responsables de douleurs à la pronosupination, avec parfois sensation de ressaut.

Le diagnostic repose sur l’examen scanographique en pronation, rotation neutre et supination, car l’instabilité n’existe parfois que dans certaines positions.

Lésions tendineuses

La plupart sont iatrogènes par usure du tendon sur une broche.

* Le tendon du long extenseur du pouce chemine dans une gaine lors de sa réflexion autour du tubercule de Lister:

– l’hématome fracturaire peut entraîner une ischémie tendineuse avec rupture secondaire, ce qui explique les ruptures de ces tendons après traitement orthopédique.

– cette rupture est d’ailleurs plus fréquente dans les fractures non déplacées car la gaine est intacte.

* Le diagnostic clinique repose sur l’impossibilité pour le patient d’étendre P2/P1 (mais il existe parfois une extension grâce à l’extenseur court du pouce), et surtout sur l’absence de rétropulsion du pouce. La main à plat sur la table, le patient est incapable de soulever le pouce.

* La réparation ne peut être que chirurgicale, par greffe tendineuse ou par transfert du tendon de l’extenseur propre de l’index.

Lésions nerveuses

* Les lésions de la branche sensitive du nerf radial sont habituellement iatrogènes:

– elles se produisent rarement lors de l’introduction des broches mais plutôt lors de leur ablation car les branches nerveuses immédiatement sous-cutanées sont difficiles à distinguer du tissu cicatriciel. Il s’agit habituellement de dysesthésies avec parfois une petite zone d’anesthésie au dos du pouce.

– le névrome peut être très douloureux.

* Un syndrome du canal carpien peut apparaître lors de la fracture, mais la réduction suffit habituellement à le faire disparaître:

– cependant, fréquemment dans les suites, apparaît un syndrome du canal carpien fruste, se limitant à des dysesthésies, à cause de l’oedème post-fracturaire et des remaniements locaux.

– en général, les troubles disparaissent en 3 à 6 mois, spontanément ou après traitement médical.

– sinon, une libération chirurgicale s’impose.

* de la même manière, mais plus rarement, le nerf cubital peut être comprimé dans le canal de Guyon.

Fractures articulaires

Les fractures articulaires font suite à un traumatisme en général plus violent, et la fragilité de l’os va rendre leur traitement plus difficile.

On utilise souvent le fixateur externe, qui permet, par la traction continue qu’il réalise, d’aligner les fragments pour reconstruire la morphologie de l’épiphyse radiale.

* La réduction articulaire, même complétée par des broches, est souvent approximative, et un cal vicieux articulaire est fréquent, heureusement assez bien toléré chez le sujet âgé:

– par la diminution des besoins fonctionnels.

– par la rareté de l’arthrose, car la radio-carpienne n’est pas une articulation portante.

– par le fait qu’une mobilité en flexion/extension de 40° est suffisante pour pratiquement tous les gestes de la vie quotidienne.

* Cependant, parce que ces fractures cumulent les risques du cal vicieux articulaire et sus-articulaire, les résultats fonctionnels sont moins bons.

Fractures articulaires du sujet jeune :

* La violence du traumatisme fait que c’est dans ce type de fracture que l’on rencontre les complications immédiates :

– ouverture cutanée, en général de type I, à la face antérieure du bord interne du poignet (à cause de la luxation de la tête cubitale).

– parfois des lésions du pédicule cubital.

* Lors du traumatisme, très souvent, le semi-lunaire vient s’impacter dans la glène radiale, séparant un fragment antérieur et interne (le « die punch » des Anglo-Saxons) qui ne pourra être réduit par un traitement orthopédique.

* Le traitement sera donc résolument chirurgical:

– réduction des surfaces articulaires (on propose actuellement un contrôle arthroscopique car la surface articulaire est très difficile à visualiser autrement).

– greffe osseuse des pertes de substance.

– ostéosynthèse interne par broches (ou vis) et ostéosynthèse externe par fixateur externe pour maintenir la morphologie radiale et soulager la synthèse interne.

– les lésions cubitales sont traitées dans le même temps.

– la consolidation est un peu plus longue: de 6 à 8 semaines.

– cette option chirurgicale « agressive » est liée au fait qu’il existe une corrélation nette entre la qualité de la réduction anatomique et celle des résultats fonctionnels.

* En dehors de ces fractures articulaires, les fractures du sujet jeune sont semblables à celles du sujet plus âgé. les complications également. La qualité de l’os permet de maintenir plus facilement la réduction.

Algodystrophie :

L’algodystrophie survient sur 15 à 20% des fractures du poignet, de façon imprévisible, même si on note fréquemment un terrain anxieux chez les patients.

* Elle serait favorisée par une immobilisation en position forcée, un plâtre serré ou une distraction trop importante par le fixateur externe: en fait, chaque fois qu’existent des facteurs douloureux.

* Elle doit être suspectée dès qu’existe un oedème de la main et des doigts, associé à une douleur (en l’absence de compression évidente). Très vite tous les doigts sont enraidis et, en l’absence de traitement, s’installe une raideur globale de la main et du poignet, alors que l’oedème dégonfle pour faire place à une main luisante et trophique.

* En l’absence de traitement adapté, et malgré lui parfois, des séquelles sont fréquentes, souvent minimes: perte de 10 à 15° d’extension des interphalangiennes proximales, petit déficit de flexion globale des doigts. Elles peuvent néanmoins aboutir à une main figée et douloureuse, non fonctionnelle.

* Le traitement est triple:

– médicamenteux: blocs intraveineux à la guanéthidine et/ou association calcitonine-antalgiques. Les autres traitements (griséfuline, bêta-bloquants) semblent moins efficaces.

– kinésithérapeutique, avec mobilisation douce en fonction de la tolérance douloureuse.

– psychologique, avec un suivi régulier, une prescription médicamenteuse.

TRAITEMENT :

Méthode fonctionnelle :

Proposée à la fin du siècle dernier, la méthode fonctionnelle consistait en une mobilisation immédiate privilégiant la fonction à la réduction.

Elle avait été abandonnée, mais est de nouveau discutée dans quelques indications très précises. par exemple chez le sujet très âgé, quasi grabataire, présentant une fracture peu ou pas déplacée, pour lequel un plâtre serait très mal toléré.

On se contente alors d’une simple attelle antalgique.

Immobilisation simple :

Dans une manchette, pendant 4 semaines, l’immobilisation simple est réservée aux patients atteints de fractures non déplacées.

Réduction orthopédique avec contention plâtrée :

* La réduction orthopédique est en général aisée par traction douce, dans l’axe (pas de manoeuvres forcées qui vont « broyer » les fragments osseux), sous anesthésie locorégionale ou générale avec contrôle radiographique.

* Etant donné le risque de déplacement secondaire, Judet avait proposé une immobilisation en flexion forcée à 90° et inclinaison cubitale.

– Cette technique, qui n’évite pas le déplacement secondaire, est très mal tolérée (par le nerf médian et le patient) et favorise peut-être la survenue d’une algodystrophie.

– Elle est pratiquement abandonnée.

* L’immobilisation proposée se fait en rectitude et légère inclinaison cubitale dans un plâtre brachio-palmaire, à condition que la fracture soit stable.

* Il faut prévenir l’oedème postopératoire en surélevant le membre et fendre le plâtre sur son bord cubital si l’oedème persiste.

* Une surveillance radiographique le 2ème jour puis toutes les semaines

pendant 3 semaines est nécessaire. Malgré la qualité de la réduction et de la contention plâtrée, les déplacements secondaires sont fréquents, aussi s’oriente-t-on plus souvent actuellement vers les traitements suivants.

Réduction orthopédique avec ostéosynthèse par broches :

Les techniques proposées sont multiples:

* le brochage épiphyso-diaphysaire:

– deux broches sont introduites, en percutané le plus souvent, dans l’épiphyse et vont se ficher dans la diaphyse.

– un plâtre brachio-palmaire protège la synthèse.

– l’élasticité des broches et la fragilité de l’os font qu’un déplacement secondaire n’est pas rare.

* l’embrochage intrafocal:

– consiste à introduire des broches en étais dans le foyer de la fracture qui permettront, par leur élasticité, de maintenir la réduction et de se passer d’immobilisation.

– ces techniques (Py, Kapandji) sont élégantes mais, à cause de l’ostéoporose des patients, leurs résultats ne sont pas supérieurs au brochage classique avec immobilisation plâtrée.

Quelles que soient les techniques utilisées, elles sont insuffisantes lorsque l’os est très porotique, et souvent incapables de restaurer la surface articulaire.

Fixateur externe :

Le fixateur externe est indiqué dans la plupart des fractures articulaires, car la distraction qu’il induit permet de mouler l’épiphyse radiale par les tissus avoisinants mis sous tension.

Il n’a cependant pas d’action sur les fragments internes, et il est souvent associé à un embrochage percutané ou à ciel ouvert.

Traitement des lésions associées de la radio-cubitale inférieure :

Le traitement des lésions associées de la radio-cubitale inférieure doit être systématique et réalisé par une contention plâtrée jusqu’à cicatrisation ou fixation chirurgicale.

Le traitement des séquelles n’est pas à connaître.

Fractures à déplacement antérieur traitées par plaque-console :

L’indication chirurgicale est formelle lors des fractures à déplacement antérieur, avec mise en place d’une plaque antérieure qui maintient la réduction et empêche la récidive du déplacement.

– La voie d’abord est anté-brachio-palmaire avec ouverture systématique du ligament annulaire pour éviter les syndromes du canal carpien postopératoires qui favorisent l’algodystrophie.

– L’immobilisation plâtrée complémentaire n’est pas systématique.

CONCLUSION :

Il s’agit d’une question facile qui redevient d’actualité car, l’espérance de vie ayant augmenté, les séquelles, autrefois sous-estimées, sont maintenant mal tolérées.

– Il est donc fondamental de bien connaître ces séquelles qui tournent presque toutes autour de la radio-cubitale inférieure et sont liées aux cals vicieux, secondaires à une perte de réduction.

– On s’oriente vers l’embrochage intrafocal qui permet d’alléger l’immobilisation mais ce n’est pas encore « la bonne solution ».

* Il faut au moins 6 mois pour que le résultat soit définitif et il persiste souvent quelques douleurs à la pronosupination ou lors des changements de temps, une limitation de 20 à 40° de la flexion-extension et un petit manque de force. Cependant, la plupart de ces séquelles sont bien tolérées et les patients s’accommodent du résultat.

RECAPUTILATIF :

Fractures fréquentes survenant après une chute banale chez les sujets de la soixantaine, elles peuvent également se voir chez des sujets plus jeunes après un traumatisme plus violent.

Si le diagnostic est facile, les indications thérapeutiques restent discutées, car les complications sont fréquentes, même si elles sont habituellement bien tolérées.

Mécanisme :

* Les fractures par hyperextension sont les plus fréquentes:

– le trait de fracture siège sur la métaphyse.

– l’épiphyse radiale bascule et se « translate » en arrière dans le plan sagittal. Elle se « translate » en dehors et s' »horizontalise » dans le plan frontal.

– l’ostéoporose fréquente favorise le déplacement et entraîne un tassement axial avec raccourcissement du radius, plus marqué en arrière, siège de la compression.

* En fonction du point d’impact et de la violence du traumatisme, d’autres traits de fractures peuvent se « surajouter »:

– fracture du fragment postéro-interne emporté par la tête cubitale (70 à 80% des fractures).

– refends articulaires, simples ou complexes.

* Lorsque l’extension du poignet au cours de la chute est modérée, le carpe vient s’impacter sous la marge radiale, réalisant:

– soit une fracture sus-articulaire à déplacement antérieur, dont la déformation dans le plan frontal est identique aux fractures à déplacement postérieur.

– soit une fracture de la marge antérieure du radius, toujours associée à une subluxation antérieure du carpe.

* Les lésions de la radio-cubitale sont fréquentes:

– fracture sans gravité de la pointe de la styloïde, le plus souvent.

– fracture de la base de la styloïde, équivalent d’une luxation radio-cubitale.

– fracture de la tête ou du col du cubitus, rendant la fracture du radius instable.

– luxation radio-cubitale, obligatoire si l’épiphyse est très déplacée.

* Les fractures par impaction se voient surtout chez le sujet jeune:

– le carpe s’encastre sous le radius, réalisant une véritable explosion de l’épiphyse.

– très souvent le semi-lunaire vient « impacter » les fragments articulaires dans l’épiphyse.

Diagnostic :

DIAGNOSTIC DES FRACTURES A DÉPLACEMENT POSTÉRIEUR :

Les fractures à déplacement postérieur sont des fractures par compression-extension. Elles constituent la grande majorité des fractures de l’extrémité inférieure du radius.

Fracture sus-articulaire dite de « Pouteau-Colles » :

Interrogatoire

L’interrogatoire retrouve la notion de traumatisme indirect: chute sur la paume de la main avec hyperextension et impaction du poignet, entraînant douleur et impotence fonctionnelle.

Inspection et palpation

* L’inspection retrouve la déformation caractéristique du membre:

– de face, la main est déviée en dehors et son axe, représenté par le troisième métacarpien, n’est plus dans le prolongement de l’avant-bras. La tête du cubitus saille sous la peau au bord interne du poignet donnant l’aspect de main bote radiale.

– de profil, la main est déportée en arrière et la face dorsale du poignet est déformée par la saillie du fragment distal du radius: c’est la « déformation en dos de fourchette ».

* La palpation met en évidence l’horizontalisation de la ligne bistyloïdienne, même si l’oedème masque rapidement la déformation.

Bilan initial

Le bilan initial précise:

– l’heure du traumatisme.

– l’âge et les antécédents notables.

– l’absence de lésions associées.

– l’absence de complications immédiates.

Dans les formes à grand déplacement, peuvent néanmoins s’observer:

– une ouverture cutanée interne.

– une souffrance du nerf médian.

Radiographie

La radiographie face, profil et de trois quarts précise:

* de face:

– le trait transversal sus-articulaire 2 cm au-dessus de l’articulation.

– avec une bascule frontale (normale à 25°).

– et une translation externe de l’épiphyse.

* de profil:

– la bascule postérieure du fragment épiphysaire avec la glène radiale regardant vers l’arrière.

– il existe un certain degré d’impaction et de comminution postérieure.

* l’absence de lésions associées ou de traits de refend (par définition).

Autres fractures par compression-extension :

La sémiologie clinique est identique et la radiographie différenciera:

– la fracture peu déplacée.

– la fracture à troisième fragment postéro-interne plus fréquente que celle de Pouteau-Colles, et dont le fragment postéro-interne n’est parfois visible que sur les clichés de trois quarts.

Fractures articulaires

Les fractures articulaires se voient surtout chez les sujets jeunes, après un traumatisme violent.

– Des clichés radiographiques sous anesthésie sont nécessaires pour préciser les traits et les déplacements.

– Tous les intermédiaires existent entre le trait de refend unique d’une fracture sus-articulaire et la fracture comminutive indescriptible.

– Il existe fréquemment une composante d’impaction de la surface articulaire.

– Les lésions associées cutanées, nerveuses, cubitales ou carpiennes sont fréquentes.

Fracture du cubitus  associée à une fracture du radius

La fracture du cubitus est associée dans 70% des cas à la fracture du radius.

– Il s’agit le plus souvent d’une fracture de la pointe de la ligne styloïde cubitale sans conséquence fonctionnelle.

– Les fractures de la base de la ligne styloïde sont l’équivalent d’une luxation radio-cubitale.

– Les fractures de la tête ou du col sont très rares.

DIAGNOSTIC DES FRACTURES A DÉPLACEMENT ANTÉRIEUR :

Beaucoup moins fréquentes, les fractures à déplacement antérieur font suite à une chute en extension modérée du poignet.

Fracture sus-articulaire dite de « Goyrand-Smith » :

La fracture sus-articulaire dite de « Goyrand-Smith » réalise, de profil, une déformation et un déplacement inverse de celle de Pouteau-Colles. Déplacement et déformation sont identiques de face.

Fractures marginales antérieures :

Ce sont des fractures articulaires entraînant une subluxation antérieure du carpe.

Le fragment marginal antérieur est détaché et ascensionné.

– Il peut être entier ou refendu (type I).

– La partie postérieure de l’épiphyse radiale peut également être fracturée (type II).

DIAGNOSTIC DES COMPLICATIONS :

Complications immédiates :

* L’ouverture cutanée est rare, de dedans en dehors, et siège habituellement à la face antérieure du cubitus dans les fractures très déplacées.

* La souffrance du nerf médian disparaît habituellement après réduction.

Complications secondaires :

oedème sous plâtre

L’oedème sous plâtre est pratiquement constant et doit être combattu par la surélévation du membre les premiers jours. Il impose la fente du plâtre dès qu’apparaissent des signes de compression (sensation de striction et douleur croissante).

Déplacement secondaire

Le déplacement secondaire est très fréquent, y compris dans les fractures synthésées à cause de la comminution. Son importance sera appréciée par les contrôles radiographiques hebdomadaires.

Syndrome algodystrophique

– Des douleurs persistantes, oedème de la main et des doigts et/ou un déficit d’enroulement des doigts doivent faire évoquer le diagnostic de syndrome algodystrophique, diagnostic qui ne peut être que clinique.

– L’évolution en l’absence de traitement se fait vers la raideur des doigts et l’atrophie globale de la main.

– La déminéralisation mouchetée du squelette est caractéristique mais tardive.

Complications tardives :

Complications nerveuses

– Le névrome irritatif du nerf radial est une complication iatrogène du brochage ou plus souvent de l’ablation des broches.

– La compression du nerf médian est fréquente mais habituellement résolutive en 3 à 6 mois.

– La compression du nerf cubital est rare.

Ruptures tendineuses

Les ruptures tendineuses sont toujours des complications iatrogènes, par usure mécanique sur les broches, sauf la rupture du long extenseur du pouce, la plus fréquente, qui peut être d’origine ischémique.

Troubles de la radio-cubitale inférieure

Les troubles de la radio-cubitale inférieure sont très fréquents:

– par atteinte de la surface articulaire dans les fractures atteignant la fossette sigmoïde.

– par incongruence radio-cubitale dans les cals vicieux en raccourcissement ou en bascule sagittale.

– par instabilité radio-cubitale (fracture de la base de la ligne styloïde ou luxation radio-cubitale vraie) souvent méconnue en urgence.

– par hyperpression interne lorsque l’impaction laisse un cubitus long relatif qui lamine le ligament triangulaire jusqu’à le perforer, avec parfois conflit cubito-carpien.

Cals vicieux

Les cals vicieux sont fréquents, parfois même malgré l’ostéosynthèse.

Parfois bien tolérés, leur retentissement fonctionnel est double:

* au niveau de la radio-cubitale inférieure qui devient incongruente au niveau du carpe.

* au niveau du carpe:

– les cals vicieux en bascule sagittale entraînent une désaxation carpienne d’adaptation, avec semi-lunaire en VISI responsable d’une diminution de la mobilité et d’un manque de force.

– les cals vicieux dans le plan frontal désaxent le poignet qui présente un aspect de main bote radiale inesthétique, mais leur retentissement fonctionnel est habituellement minime.

La correction chirurgicale s’impose lorsqu’ils sont mal tolérés fonctionnellement.

Séquelles fonctionnelles

Les séquelles fonctionnelles sont une raideur du poignet, parfois des doigts et des douleurs résiduelles surtout cubitales.

Elles sont plus fréquentes lorsqu’il existe un cal vicieux ou après algodystrophie.

Traitement :

Les fractures épiphysaires consolident en 6 semaines habituellement.

Fractures peu ou pas déplacées

Les fractures peu ou pas déplacées sont immobilisées pendant 1 mois.

La mobilisation précoce peut se discuter chez une personne âgée grabataire chez qui on peut parfois se contenter d’une attelle antalgique.

Fractures à déplacement antérieur

Les fractures à déplacement antérieur doivent toutes être opérées, avec mise en place d’une plaque antérieure, à effet de console, qui maintient la réduction et empêche le déplacement:

– la voie d’abord est antérieure, souvent prolongée sur la paume pour éviter les syndromes du canal carpien, source d’algodystrophie.

– l’immobilisation plâtrée complémentaire n’est pas systématique.

Fractures à déplacement postérieur

Facteurs d’instabilité: bascule sagittale de plus de 20°, raccourcissement de plus de 5 mm, horizontalisation de l’épiphyse radiale de plus de 15°, une fracture associée de la tête ou du col de l’ulna.

Les fractures les plus simples (sus-articulaires, avec troisième fragment ou avec un trait de refend articulaire simple) sont réduites par des moyens orthopédiques et en fonction de leur stabilité:

* elles sont rarement plâtrées pendant 6 semaines dans un plâtre brachio-palmaire en rectitude, avec une surveillance radiographique hebdomadaire, car le risque de déplacement secondaire est très élevé.

* ces fractures sont plus souvent embrochées:

– par brochage « classique » pontant l’épiphyse et protégé par un plâtre brachio-palmaire pendant 6 semaines.

– on lui préfère actuellement des brochages permettant une mobilisation immédiate du poignet. Cependant, les résultats fonctionnels sont identiques car l’ostéoporose favorise le déplacement secondaire en l’absence d’immobilisation.

Les fractures les plus complexes nécessitent le maintien de la réduction par un fixateur externe. Celui-ci n’est pas utilisé chez les personnes âgées chez qui on se contente d’un brochage.

Fractures articulaires du sujet jeune

On considère à part les fractures articulaires du sujet jeune, qui sont le plus souvent chirurgicales:

– la voie d’abord postérieure est habituelle pour contrôler les fragments, mais il est parfois nécessaire de libérer le canal carpien par une voie antérieure complémentaire.

– après réduction la contention est assurée par un fixateur externe gardé de

6 à 8 semaines et très souvent par une ostéosynthèse interne complémentaire, par broche le plus souvent.

– la reconstruction anatomique de la surface articulaire radiale peut nécessiter un apport osseux.

– une arthroscopie radio-carpienne est parfois indiquée pour contrôler la qualité de la réduction de la surface articulaire.

Lésions ulnaires

Les lésions ulnaires sont traitées dans le même temps:

– les fractures de la pointe de la styloïde sont « négligées ».

– les fractures de la base sont synthésées si la réduction orthopédique ne les réduit pas correctement.

– les fractures du col ou de la tête doivent faire l’objet d’une ostéosynthèse car elles majorent l’instabilité fracturaire du radius.

– les luxations sont réduites et maintenues orthopédiquement ou fixées par une broche pour 6 semaines.

Surveillance

La surveillance doit être:

– immédiate pour éviter les complications liées à l’oedème (surélévation).

– secondaire pour dépister les déplacements après traitement orthopédique surtout.

Rééducation

La rééducation longtemps poursuivie fait partie du traitement, la récupération fonctionnelle n’étant pas acquise avant au moins 6 mois.

Les séquelles fonctionnelles sont en grande partie corrélées à la qualité du résultat anatomique.

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