Fracture de jambe

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Les fractures de jambe sont les fractures diaphysaires du tibia et du péroné. En pratique, seule la fracture du tibia compte.

Ne seront considérés ici que la fracture isolée de jambe ainsi que les cas particuliers.

Les fractures de jambe posent peu de problèmes diagnostiques et beaucoup de problèmes thérapeutiques. Le bilan initial de ces fractures est fondamental car tous les éléments de ce bilan ont une incidence thérapeutique.

Les explications copieuses vous permettront de comprendre l’importance pratique de chacun des détails du bilan et d’entrevoir la cascade de décisions thérapeutiques ou les mois d’hospitalisation qui peuvent se cacher parfois derrière un simple « mot ».

CIRCONSTANCES DE SURVENUE :

Les circonstances de survenue d’une fracture de jambe sont déterminantes pour son évolution.

* Il peut s’agir d’un traumatisme indirect, c’est-à-dire que le tibia s’est cassé à la suite d’une contrainte exercée à ses extrémités:

– contrainte en flexion: par exemple, chute en avant alors que le pied est bloqué au sol.

– contrainte en torsion: rotation brusque de la jambe alors que la cheville est bloquée. c’est le mécanisme classique de la fracture des skieurs.

– un des fragments osseux peut embrocher la peau et créer une ouverture dite de « dedans en dehors ».

* Il peut s’agir d’un traumatisme direct. Tous les degrés lésionnels peuvent exister entre le choc direct brisant le tibia (par exemple, pare-chocs) et l’écrasement de la jambe broyant les os (par exemple, roue):

– ici, l’élément pronostique dominant est le degré de lésion des parties molles.

– dans les chocs directs, c’est l’agent vulnérant qui provoque l’ouverture. Celle-ci peut être immédiate ou secondaire par nécrose de la zone contuse.

– le bilan de l’atteinte des parties molles est fondamental pour appréhender la gravité de la fracture.

BILAN DES PARTIES MOLLES :

Bilan cutané :

Fracture de jambe

La face interne de la diaphyse tibiale est directement sous-cutanée, ce qui explique la fréquence des fractures ouvertes.

L’ouverture et l’infection qui en résultent ont des conséquences péjoratives sur la consolidation. Aussi une fracture ouverte de jambe impose une série de gestes urgents que nous détaillerons lors du traitement:

– prévention du tétanos.

– antibiothérapie.

– parage et fermeture de la plaie.

– immobilisation de la fracture.

  1. Cauchoix et J. Duparc ont individualisé trois types d’ouverture cutanée. Leur classification est largement utilisée.

* Type I, lésions cutanées bénignes:

– plaies sans décollement ni contusion, dont les berges saignent bien après excision économique et peuvent être suturées sans tension.

– l’évolution de ces plaies vues précocement est favorable après stabilisation du foyer.

– le pronostic de ces lésions est donc comparable à celui des fractures fermées.

* Type II: diverses lésions cutanées ayant en commun le risque de nécrose cutanée secondaire en regard du tibia, après suture. Il s’agit:

– des plaies délimitant des lambeaux de vitalité douteuse.

– des plaies associées à un décollement prétibial.

– des plaies associées à une contusion plus ou moins sévère et étendue.

* Type III, lésion caractérisée par l’existence d’une perte de substance cutanée prétibiale en regard ou à proximité du foyer de fracture.

Les fractures fermées peuvent, en raison d’une contusion ou d’un décollement prétibial, évoluer vers l’ouverture secondaire. Ces fractures à ouverture potentielle se rapprochent finalement des fractures ouvertes de type II.

Bilan musculaire et aponévrotique :

Le bilan musculaire et aponévrotique sera fait en peropératoire.

Bilan artériel :

Au cours du traumatisme, une lésion artérielle a pu se produire. Plus l’atteinte est proximale, plus le risque d’ischémie est grand.

Les quatre P de Griffith

* « Pulseless », « palor », « pain », « paralysis », soit abolition des pouls, pâleur, douleur et paralysie témoignent, lorsqu’ils sont tous présents, d’une ischémie complète, mais à ce stade les lésions sont souvent irréversibles.

* Afin de pouvoir réparer les axes artériels à temps, le diagnostic doit être fait précocement.

Signes cliniques

Le meilleur signe clinique est l’abolition des pouls distaux. ceux-ci peuvent parfois ne dispara”tre que secondairement (lésion endothéliale faisant clapet dans la lumière artérielle et provoquant une thrombose secondaire):

* la température cutanée et la pâleur ne sont pas des signes fiables.

* la douleur témoigne de l’installation des lésions nerveuses puis musculaires de l’ischémie.

* une fracture n’est douloureuse qu’à la mobilisation. Une douleur de jambe permanente sur une fracture correctement immobilisée doit être suspecte.

* lorsque les paralysies s’installent, vous commencez à perdre la partie et le blessé commence à perdre la jambe.

Bilan artériographique

La règle est donc de faire un bilan artériographique devant toute abolition des pouls distaux chez un traumatisé du membre inférieur afin de réaliser une réparation artérielle avant que l’ischémie ne soit irréversible.

Autres causes d’ischémie

Les lésions des axes artériels proprement dites ne sont pas les seules causes d’ischémie.

* Un oedème post-traumatique sur une jambe comprimée dans un plâtre fermé peut provoquer une ischémie complète de jambe. D’ou la règle de fendre le plâtre initial d’une fracture de jambe et de surélever le membre afin de lutter contre l’oedème.

* Les aponévroses jambières relativement inextensibles et qui compartimentent la jambe en quatre loges vont parfois favoriser un syndrome d’ischémie de jambe proche de celui provoqué par un plâtre trop serré. C’est le syndrome ischémique post-traumatique des loges de la jambe (ou “ syndrome de loge ”).

– En effet, dans certains cas, une hyperpression tissulaire (causée par un hématome fracturaire? ou une contusion musculaire?) va s’opposer à la circulation artériolaire et veinulaire à l’intérieur d’une ou plusieurs loges de la jambe.

– Une relative ischémie s’installe, celle-ci entraîne un oedème qui va accroitre l’hyperpression tissulaire aggravant ainsi l’ischémie.

– Un cercle vicieux est ainsi créé:

hyperpression tissulaire vers ischémie vers oedème vers hyperpression…

En pratique

* Un blessé souvent fra”chement traité se met à présenter:

– des douleurs intenses accompagnées d’une sensation de tension de la jambe et non soulagées à l’ouverture d’un éventuel plâtre.

– des troubles moteurs distaux siégeant sur les muscles correspondant à la loge comprimée.

– des déficits sensitifs distaux.

* Dans ce tableau d’ischémie, il y a des signes négatifs importants:

– les pouls périphériques sont perçus à la clinique ou au Doppler et, en cas de doute, l’artériographie montre l’intégrité des axes artériels.

– l’ischémie n’est donc pas liée à une interruption des artères jambières mais à une hyperpression tissulaire entravant la microcirculation.

* Le traitement ne souffre aucun retard. Il consiste en une ouverture chirurgicale large de toutes les loges comprimées (aponévrotomies).

Bilan nerveux :

Les lésions nerveuses peuvent être consécutives soit à un traumatisme, soit à une ischémie:

* les lésions nerveuses traumatiques sont peu fréquentes dans les fractures de jambe. Le sciatique poplité externe qui cravate le col du péroné est volontiers lésé par une fracture péronière très haute.

* les lésions nerveuses ischémiques rapidement irréversibles vont compliquer toute interruption prolongée du flux artériel.

La distinction entre paralysie traumatique et paralysie ischémique est facile, du moins théoriquement:

* les paralysies traumatiques sont « mécaniques »:

– elles se produisent lors de l’accident ou lors d’un déplacement brutal.

– elles sont systématisées: le territoire de l’atteinte nerveuse correspond à une lésion nerveuse tronculaire.

* les paralysies ischémiques s’installent progressivement et sont volontiers dissociées.

BILAN GENERAL :

Comme chez tout traumatisé, le bilan général initial est systématique. Au terme de l’examen en salle d’urgence, on peut classer la fracture de jambe dans l’une de ces catégories:

* fracture de jambe isolée (avec ou sans complications), c’est la forme prise pour description.

* fracture de jambe associée à une lésion non vitale. Par exemple, fracture du poignet ou luxation de l’épaule:

– les autres lésions seront explorées parallèlement à la fracture de jambe et la chronologie du traitement dépendra du contexte.

– il faut profiter de l’anesthésie générale lors du traitement de la fracture de jambe pour tester les articulations sus-jacentes et sous-jacentes à la fracture de jambe.

* La fracture de jambe associée à une lésion vitale est une forme clinique que nous ne décrirons pas. C’est la fracture de jambe chez le polytraumatisé. Reportez-vous à la question « Polytraumatisme ». Le traitement de la fracture de jambe passera donc ici au second plan.

Dans tous les cas, et quel que soit le contexte, on recherchera par l’interrogatoire du blessé ou de son entourage la notion d’une affection préexistante susceptible de se décompenser.

En pratique, un problème fréquent est le delirium tremens, lié à un sevrage alcoolique non contrôlé. Méfiez-vous: bien souvent les blessés manifestent une modestie convaincante sur leur consommation d’alcool.

BILAN RADIOGRAPHIQUE :

La radiographie est, bien sûr, l’examen complémentaire clé à valeur diagnostique, pronostique et thérapeutique.

Son intervention nécessite une vue de face et de profil sur des clichés montrant toute la jambe. Ainsi les déplacements sont décelables et l’état des articulations adjacentes vérifié.

La qualité de l’image doit être convenable afin de ne pas méconnaître d’éventuels traits de refend.

La situation du trait par rapport aux articulations a une grande importance thérapeutique et, au moindre doute, des clichés centrés sur les articulations sus-jacentes et sous-jacentes compléteront le bilan radiologique.

La radiographie permet de faire l’anatomie pathologique de la fracture. Il faut définir un certain nombre de paramètres.

Quels sont les os impliqués ?

Sur le plan mécanique, seule la fracture du tibia compte.

– La fracture isolée de la diaphyse péronière ne menace pas la stabilité du membre.

– Mais une fracture isolée du tibia n’est pas forcément de meilleur pronostic qu’une fracture des deux os de la jambe. En effet, l’attelle solide réalisée par un péroné intact peut s’opposer à une consolidation du tibia dans les délais habituels.

Quel est le niveau de la fracture ?

L’usage réserve le terme de fracture de jambe aux fractures diaphysaires. Les fractures épiphysaires posent en effet d’autres problèmes thérapeutiques. C’est dire l’importance de la recherche d’un trait de refend articulaire vers le genou ou la cheville.

On divise la diaphyse en tiers:

– le tiers supérieur ou proximal.

– le tiers moyen.

– le tiers inférieur ou distal.

Le niveau de la fracture a une implication thérapeutique. Ainsi, par exemple, l’enclouage dans sa version classique stabilise mal les fractures très hautes ou très basses.

Quel est le type de fracture ?

Description classique

La description classique est la suivante:

* les fractures simples (ou il n’y a que deux fragments):

– fractures transversales.

– fractures obliques (courtes ou longues).

– fractures spiroïdes.

* les fractures complexes (ou il y a plus de deux fragments):

– fractures avec trois fragments en aile de papillon.

– fractures bifocales ou à double étage.

– fractures comminutives ou multifragmentaires.

Fractures instables

Sont considérées comme instables, c’est-à-dire susceptibles de se déplacer sous plâtre:

– les fractures obliques longues.

– les fractures spiroïdes.

– et toutes les fractures complexes.

  1. Johner et O. Wruhs ont proposé une classification en neuf groupes fondée sur des critères morphologiques et étiologiques. Cette classification mérite d’être regardée avec attention. Elle donne un aspect visuel des traits de fracture le plus fréquemment rencontrés et, pour chacun, le mécanisme de l’étiologie typique.

Quel est le déplacement de la fracture ?

L’analyse du cliché donne une notion fondamentale pour le traitement: l’existence ou non d’un déplacement. Ce déplacement doit être qualifié (quel type?) et quantifié:

– les fractures sans déplacement ne posent qu’un problème de contention.

– en revanche, les fractures avec déplacement imposent une réduction préalable.

Les types de déplacement sont les suivants:

* l’angulation:

– dans le plan frontal, elle peut être en valgus si l’angle est ouvert en dehors ou en varus si l’angle est ouvert en dedans.

– dans le plan sagittal, elle peut être en flessum si l’angle est ouvert en arrière ou en recurvatum si l’angle est ouvert en avant.

– elle doit se mesurer en degrés.

* la baïonnette, ou translation d’un fragment par rapport à l’autre, est le seul déplacement habituellement sans conséquence.

* le chevauchement des fragments entraîne un raccourcissement qui, au-delà de 2cm, a un retentissement fonctionnel.

* le décalage, ou rotation d’un fragment par rapport à l’autre, a un important retentissement mécanique, car il modifie la position de la cheville par rapport au genou. Ce déplacement mal toléré est souvent celui qui saute le moins aux yeux sur la radiographie.

TRAITEMENT DES FRACTURES FERMÉES :

Le traitement des fractures fermées consiste à réduire un éventuel déplacement, puis à assurer le maintien de la réduction jusqu’à la consolidation (3 mois théoriquement). Il y a de nombreux moyens de parvenir à ce résultat. Chaque méthode présente avantages et inconvénients.

Traitement classique :

Réduction

La fracture est réduite par manoeuvres externes sous anesthésie générale, puis plâtrée.

Plâtre cruro-pédieux

Lorsque la fracture est instable, le plâtre est confectionné sur une jambe alignée par traction à l’aide d’une broche transcalcanéenne. Cette traction se fait sur un cadre métallique imaginé par Boehler ou sur une table orthopédique.

– Le plâtre est cruro-pédieux (cuisse, jambe, pied) pendant 6 à 8 semaines, puis allégé en botte plâtrée pour le reste du traitement.

– Le blessé se déplace avec des béquilles et l’appui est décidé selon l’évolution de la consolidation sur les radiographies de contrôle.

– Afin de libérer plus précocement le genou et la cheville, Sarmiento, perfectionnant les idées de Delbet, propose dès le 5ème jour de mouler parfaitement la jambe (et seulement la jambe) dans un plâtre et d’autoriser la reprise de l’appui.

– Le risque majeur du traitement classique des fractures est le déplacement sous plâtre.

Traction continue

Lorsque la fracture est trop instable pour être correctement maintenue dans un plâtre (fracture comminutive par exemple) et qu’une ostéosynthèse n’est pas souhaitable, la mise en traction continue est une alternative.

– Elle réalise une réduction permanente du foyer qui reste néanmoins plus ou moins mobile.

– Quand le cal commence à engluer les fragments, un plâtre cruro-pédieux est confectionné.

– Cette méthode est cependant très contraignante et ses indications sont limitées.

Ostéosynthèse :

Malgré ses inconvénients, l’ostéosynthèse a connu un large succès en raison du maintien solide et durable de la réduction qu’elle procure. Encore faut-il que cette ostéosynthèse soit bien faite.

On distingue en gros deux techniques: la plaque vissée et l’enclouage.

Plaque vissée

La plaque vissée nécessite un abord chirurgical du foyer de fracture:

* la réduction se fait sous contrôle de la vue. Une plaque pontant le foyer de fracture réduit est vissée sur l’une des faces du tibia.

* dans les fractures spiroïdes, la simple mise en place de vis perpendiculaires au trait est parfois suffisante.

Enclouage centro-médullaire

L’enclouage centro-médullaire ne nécessite pas d’ouverture du foyer de fracture.

* Une incision est réalisée au niveau de l’extrémité supérieure du tibia ou un orifice est créé.

* La réduction de la fracture est, le cas échéant, réalisée par manoeuvres externes, puis un clou est introduit de haut en bas dans le canal médullaire.

* Le clou permet l’impaction des fragments, mais autorise une rotation axiale qui est contrée par trois moyens:

– l’adjonction d’un plâtre cruro-pédieux: c’est la méthode habituelle.

– le calibrage du canal médullaire (alésage) permettant la mise en place à frottement dur d’un clou dont le diamètre est ajusté à celui du canal osseux.

– le vissage des deux extrémités du clou: c’est l’enclouage verrouillé.

En résumé :

Aucune méthode n’est parfaite, mais l’expérience d’un type de traitement permet d’en déjouer les pièges.

Toute schématisation des indications thérapeutiques est abusive en matière de fracture de jambe, mais en gros on peut scinder les chirurgiens en deux clans:

– ceux qui ont une méthode préférentielle, c’est-à-dire qui restent attachés à un type de traitement, quitte à utiliser de multiples artifices permettant de résoudre les cas particuliers.

– ceux qui utilisent chaque méthode là ou elle donne ses meilleurs résultats, c’est-à-dire dans son indication préférentielle.

TRAITEMENT DES FRACTURES OUVERTES :

Le traitement des fractures ouvertes est une urgence.

Il faut rapidement et simultanément combattre les éléments favorisant l’infection osseuse, c’est-à-dire:

– la souillure de la plaie.

– la nécrose tissulaire.

– l’ouverture du foyer.

– la mobilité du foyer de fracture.

Le parage :

La souillure de la plaie et la nécrose tissulaire imposent un parage méticuleux sous anesthésie.

– La plaie doit être explorée et débarrassée de toute souillure et des tissus (peau, muscle, aponévrose) voués à la nécrose.

– Ce temps de lavage et d’excision est fondamental dans la lutte contre la multiplication microbienne.

– La plaie doit être refermée chaque fois que possible, mais la fermeture cutanée doit se faire sans tension (sinon risque de nécrose cutanée et ouverture secondaire).

La stabilité :

* L’efficacité des défenses antimicrobiennes du blessé dépend de la stabilité du foyer:

– dans l’ouverture de type I traitée précocement, la méthode d’immobilisation se fera selon les mêmes critères que pour une fracture fermée.

– dans les ouvertures de type II la plaque est proscrite et l’enclouage verrouillé (sans alésage) est indiqué.

– dans les ouvertures de type III, la méthode d’ostéosynthèse habituelle est le fixateur externe, mais l’enclouage verrouillé (sans alésage) a de plus en plus de défenseurs.

* Le principe de l’ostéosynthèse par fixateur externe consiste à reporter à l’extérieur de la jambe le matériel de fixation:

– des fiches métalliques sont vissées dans le tibia de part et d’autre du foyer de fracture. Une ou plusieurs barres métalliques externes solidarisent les fiches.

– ainsi, sans qu’il y ait de corps étranger au niveau du foyer ouvert, la fracture peut être alignée, solidement immobilisée sans gêner les soins locaux.

– cette méthode, encore la plus utilisée dans les fractures ouvertes de type III, a de multiples inconvénients qui, d’une part, font renoncer à son usage dans les fractures fermées et, d’autre part, poussent les tenants de l’enclouage à enclouer en urgence des fractures ouvertes de type III en y associant un geste précoce de couverture. Cet enclouage n’est plus possible secondairement car alors, le foyer n’est plus simplement contaminé mais infecté.

* En résumé:

– la plaque est à proscrire en cas d’ouverture.

– le fixateur externe est indiqué dans les ouvertures majeures.

– l’enclouage est la méthode de stabilisation de choix dans les fractures ouvertes. Dans les ouvertures de type III vues tôt, c’est l’enclouage d’alignement sans alésage mais avec verrouillage qui est recommandé.

La couverture :

La couverture constitue le troisième volet de la lutte contre l’infection du foyer et elle a bénéficié des progrès récents de la chirurgie plastique.

Les procédés de cicatrisation dirigée et les greffes cutanées ne sont pas très efficaces dans les ouvertures importantes et il faut dans ces cas recouvrir précocement le foyer avec un lambeau.

Ce lambeau peut être local cutané, fascio-cutané, musculaire ou cutanéo-musculaire.

– Il peut être à distance et sa réalisation est plus délicate.

– Ce lambeau peut être pédiculé, c’est-à-dire que son pédicule vasculaire est mobilisé avec lui sans interruption, ou il peut être libre, c’est-à-dire que le pédicule vasculaire est sectionné puis « anastomosé » sur un autre pédicule vasculaire au voisinage du site récepteur.

– Cette couverture par lambeau doit être précoce.

Autres mesures :

Les autres éléments de la lutte antimicrobienne doivent être appliqués dès la réception du blessé aux urgences:

* gammaglobulines et vaccination antitétanique.

* antibiothérapie. ce dernier point a fait l’objet de nombreuses controverses:

– certains auteurs, soulignant le caractère fondamental d’un parage soigneux et d’une immobilisation efficace, s’abstiennent de toute antibiothérapie.

– d’autres, redoutant la gangrène gazeuse, prescrivent une antibiothérapie sélective contre le Pseudomonas aeruginosa (pénicilline).

– la majorité des auteurs est actuellement en faveur d’une antibiothérapie massive, brève, mais à large spectre combattant en outre le staphylocoque et les germes à Gram négatif. Malgré quelques objections théoriques, cette attitude est la plus logique.

Les antibiotiques ont fait la preuve de leur efficacité contre l’infection osseuse et il semble pour le moins curieux d’en priver les blessés au moment ou ils en ont le plus besoin. L’antibiothérapie ne doit, bien sûr, pas être source de relâchement sur les autres fronts de la lutte contre l’infection.

FRACTURES DE JAMBE CHEZ L’ENFANT :

Les fractures de jambe chez l’enfant sont fréquentes, bénignes dans l’ensemble, peu déplacées en raison de l’épais fourreau périosté qui reste souvent intact.

* Classiquement, on distingue plusieurs aspects en fonction de l’âge:

– chez le petit enfant (au-dessous de 3 ans): fracture spiroïde du tibia avec péroné intact passant volontiers inaperçue.

– chez l’enfant jusqu’à 6 ans: fracture de la métaphyse tibiale avec ou sans fracture du péroné. elle comporte un risque de déviation en valgus.

– entre 5 et 10 ans, fracture transversale simple.

– chez l’adolescent, on retrouve les aspects des fractures de l’adulte.

* Dans l’immense majorité des cas, le traitement jusqu’aux approches de la fermeture des cartilages de croissance est orthopédique : plâtre cruro-pédieux avec ou sans anesthésie générale selon qu’il y a ou non nécessité de réduction d’un déplacement.

* La complication évolutive la plus fréquente est le cal vicieux.

– Le remodelage du cal, avec la croissance et ce d’autant que l’enfant est jeune, permet une correction des angulations (dans certaines limites).

– Les erreurs de rotation sont en général définitives.

* L’inégalité de longueur post-fracturaire a une double origine chez l’enfant:

– soit accélération de la croissance, aboutissant à l’allongement de l’os fracturé.

– soit chevauchement des fragments, entraînant un raccourcissement comme chez l’adulte.

* La pseudarthrose est rare chez l’enfant.

COMPLICATIONS GÉNÉRALES :

Choc hémorragique :

Le choc hémorragique est la cause la plus fréquente de détresse circulatoire chez le fracturé.

Il s’agit en fait de polyfracturé ou de polytraumatisé (voir “Polytraumatisme”) car une fracture de jambe, à l’exception d’une complication vasculaire majeure, n’entraîne pas de choc hypovolémique.

Embolie graisseuse :

Mécanisme

Le contexte clinique est habituellement celui d’un polyfracturé mais l’embolie graisseuse peut compliquer une fracture isolée du tibia.

Elle est souvent associée à une fracture d’un os long riche en moelle, mais une fracture n’est pas indispensable à l’apparition du syndrome.

Deux théories principales, et qui peut-être se complètent, tentent d’expliquer le mécanisme de l’embolie graisseuse:

– la théorie « biomécanique », qui implique une effraction veineuse permettant à la moelle osseuse ou à la graisse de passer dans la circulation.

– la théorie « biochimique », présumant que les chylomicrons intravasculaires s’agglutinent pour former des gouttelettes lipidiques sous l’effet d’un médiateur libéré par un stress.

Quelle que soit l’origine des embolies graisseuses, celles-ci sont lysées au niveau pulmonaire par l’activation des enzymes lipidiques, donnant ainsi naissance à des acides gras libres non estérifiés, toxiques, responsables d’oedème pulmonaire lésionnel, de troubles de la coagulation, de lésions des endothéliums vasculaires, etc.

Diagnostic

Le diagnostic d’embolie graisseuse est avant tout clinique. Il existe toujours un intervalle libre très évocateur, qui va de quelques heures à 3 jours. Les manifestations cliniques sont les suivantes:

* la fièvre:

– elle est constante, de 39 à 40 °C.

– elle diminue à l’apparition des signes cutanés.

* le syndrome respiratoire:

– il est attesté au début par une tachypnée, des battements des ailes du nez, des sueurs, une toux sèche et une cyanose. L’auscultation à ce stade est normale.

– l’évolution peut se faire vers l’amélioration ou vers l’aggravation dans un tableau de détresse respiratoire aigu‘, avec oedème pulmonaire aigu et expectoration abondante, souvent hémorragique.

– la radiographie thoracique, qui était normale pendant l’intervalle libre, met alors en évidence un syndrome alvéolaire et/ou interstitiel rapidement bilatéral.

– une insuffisance cardiaque droite avec signes typiques à l’électrocardiogramme peut exister.

– à la mesure des gaz du sang, on observe une PaO2 basse (inférieure à 50mmHg en respiration ambiante). La PaCO2 est modérément abaissée. elle s’élève en cas d’évolution défavorable.

– en cas d’évolution favorable, qui est actuellement l’éventualité la plus fréquente, on voit la PaO2 remonter avant que les images radiologiques ne s’améliorent, et le syndrome interstitiel, qui se substitue aux images alvéolaires, réalise un aspect granité qui s’estompe.

* le syndrome neuropsychique:

– les troubles de la conscience sont pratiquement constants, à type d’agitation, de confusion, de délire, d’obnubilation ou de coma. Des signes neurologiques sont plus rares (convulsions, signe de Babinski).

– le scanner cérébral, qui, dans ce contexte de polyfracturé, est surtout destiné à éliminer un hématome extra-dural ou sous-dural post-traumatique, peut trouver dans les cas graves des images d’oedème ou d’hypodensité localisée.

* le syndrome cutanéo-muqueux:

– des pétéchies apparaissent plus ou moins précocement sur la partie antéro-supérieure du thorax, le cou, les aisselles et les épaules et sont retrouvées sur la conjonctive des paupières.

– cette éruption parfois fugace signe pratiquement le diagnostic.

* le syndrome oculaire réalise les anomalies du fond d’oeil qui constituent trois types d’images:

– oedème maculaire.

– taches blanches plus ou moins confluentes.

– hémorragies d’aspect variable.

* il n’y a pas d’examen complémentaire pathognomonique, mais l’hypoxémie artérielle est la marque du syndrome.

Traitement

Les atteintes mineures guérissent facilement:

– les formes respiratoires ont bénéficié du traitement moderne des oedèmes pulmonaires lésionnels et leur pronostic est transformé.

– les formes fulminantes restent en général mortelles.

La prévention des embolies graisseuses repose essentiellement sur l’immobilisation du foyer de fracture, qui doit être commencée sur les lieux de l’accident, poursuivie pendant le transport et achevée par une fixation chirurgicale précoce:

– l’ostéosynthèse en urgence des gros os semble diminuer nettement la fréquence des embolies graisseuses.

– aucun médicament n’a fait la preuve de son efficacité mais les cortico•des sont préconisés pour prévenir la survenue d’un oedème pulmonaire lésionnel.

Lorsque le syndrome est constitué, le traitement repose essentiellement sur la correction de l’hypoxémie.

Thrombo-embolie veineuse :

La maladie thrombo-embolique est la plus fréquente et la plus redoutable des complications qui guettent un fracturé du membre inférieur.

La thrombose veineuse profonde se constitue sous l’effet de trois facteurs:

– la stase veineuse.

– les lésions de l’endothélium vasculaires.

– l’état d’hypercoagulabilité.

Toutes ces conditions sont réunies lors d’une fracture du membre inférieur.

La conséquence la plus dramatique d’une thrombose veineuse profonde est l’embolie pulmonaire mortelle.

Diagnostic

Le diagnostic de thrombo-embolie veineuse est difficile. La sémiologie de douleur et d’oedème du mollet accompagnés d’hyperthermie est classique mais fait souvent défaut.

La prophylaxie doit donc être systématique par héparine fractionnée, par antivitamines K ou par héparine de bas poidsmoléculaire en une injection quotidienne.

Malgré cette prophylaxie, il faut être à l’affût du moindre symptôme évocateur de thrombose veineuse, comme un empâtement ou une sensibilité surale, et savoir prescrire au moindre doute un écho-Doppler ou une phlébographie:

– l’écho-Doppler est fiable dans de bonnes mains mais ses limites sont les thromboses des veines distales et superficielles.

– la phlébographie est l’examen de référence, mais elle est invasive.

Le diagnostic peut être fait dans un contexte d’embolie pulmonaire :

– l’embolie pulmonaire massive est au-delà de toute ressource thérapeutique, aussi c’est devant des signes de migration minime qu’il faut s’alarmer: une angoisse brusque, un point de côté, etc..

– les examens complémentaires qui permettent de confirmer le diagnostic de thrombo-embolie veineuse sont la scintigraphie pulmonaire et l’angiographie.

Traitement

L’essentiel du traitement est préventif. La prévention de la thrombose veineuse est basée sur des méthodes physiques et médicamenteuses.

La méthode physique la plus simple est la déambulation précoce ou la mobilisation précoce des membres inférieurs:

– l’utilisation de bas à compression graduée est possible mais d’une efficacité discutée dans les fractures de hanche et reste peu commode pour les lésions plus basses.

– les autres méthodes comme la compression pneumatique intermittente ou la stimulation électrique intermittente sont trop compliquées et leur usage est peu répandu.

La prophylaxie est surtout médicamenteuse, fondée, en phase précoce, sur l’héparine:

– soit héparine sous-cutanée à dose ajustée contrôlée par le TCA.

– soit héparine de bas poidsmoléculaire utilisée à dose fixe, en une injection quotidienne.

Lorsque la thrombose est constituée, le traitement est fondé sur l’héparine en IV continue ou sur les héparines de bas poidsmoléculaire.

Complications infectieuses :

Gangrène gazeuse

Complication infectieuse majeure des fractures ouvertes, la gangrène gazeuse est devenue aujourd’hui rare en raison des mesures préventives systématiquement prises.

Il s’agit d’une infection musculaire à germes anaérobies, caractérisée par une toxémie, un oedème extensif et une nécrose tissulaire massive avec production de gaz.

* L’agent principal est un bacille anaérobie à Gram positif, Clostridium perfringens, saprophyte du tube digestif. Lorsqu’une plaie est contaminée, des conditions d’ischémie et de nécrose tissulaire locale vont le rendre virulent.

* Sur le plan clinique, on retrouve:

– une période d’incubation de 12 à 24 heures.

– des premiers symptômes: oedème local et exsudation d’un liquide louche, pouls accéléré sans que la température ne soit trop élevée.

– une évolution très rapide: production locale de gaz responsable d’une crépitation à la palpation de la peau autour de la plaie. état de « choc » qui, en l’absence de mesures urgentissimes, évolue vers un coma mortel.

* La prévention est essentielle:

– elle est basée sur le nettoyage et le parage soigneux des fractures ouvertes ainsi que sur l’antibiothérapie.

– la pénicilline est l’antibiotique de choix mais elle ne peut pas remplacer le temps essentiel de parage.

* Lorsque la gangrène est installée, le traitement implique une mise à plat immédiate du foyer, une réanimation, une antibiothérapie IV à dose massive (pénicilline ou céphalosporine + métronidazole) et une oxygénothérapie hyperbare:

– la mise à plat chirurgicale révèle volontiers une atteinte musculaire beaucoup plus étendue qu’il n’y paraissait. Les muscles sont oedématiés et nécrosés. Il faut faire de larges incisions de décompression et exciser tous les tissus morts. Le lavage se fait à l’eau oxygénée, et le foyer doit rester ouvert.

– la mise du patient dans un caisson en atmosphère d’oxygène hyperbare, par séances renouvelées d’environ 1 heure, permet d’enrayer efficacement l’évolution de l’infection.

– lorsque les lésions sont trop étendues, l’amputation s’impose pour sauver la vie du blessé.

Tétanos

Le tétanos est une maladie infectieuse gravissime et potentiellement mortelle mais que l’on peut prévenir grâce à la vaccination.

Le vaccin (anatoxine) est très efficace et procure une immunisation de 10 ans.

En l’absence de vaccination, des gammaglobulines antitétaniques spécifiques procurent une immunisation passive brève.

Devant une fracture ouverte, il faut toujours bien s’assurer que la vaccination du blessé a été correctement réalisée, mais, dans tous les cas, le nettoyage et le parage de la plaie s’imposent.

– En cas de vaccination correcte datant de moins de 5 ans, il n’y a pas de geste d’immunisation à réaliser.

– Lorsque la vaccination est correcte mais date de 5 à 10 ans, il faut faire une injection de rappel (anatoxine) et administrer des gammaglobulines spécifiques.

– Lorsqu’il n’y a pas eu de vaccination certaine ou si elle est trop ancienne, il faut administrer des gammaglobulines spécifiques et commencer la première injection d’une vaccination complète.

Syndrome d’écrasement de membre :

Le syndrome d’écrasement de membre est le résultat de la compression prolongée d’un membre telle qu’on peut l’observer dans les ensevelissements. Il est caractérisé par:

– un oedème considérable au niveau de la zone lésée.

– un état de choc intense.

– une insuffisance rénale aigu‘, très souvent anurique.

Le passage dans la circulation, après la levée de la compression, des substances toxiques produites dans les zones écrasées entraîne une insuffisance rénale aigu‘, une détresse respiratoire majeure et des troubles de la coagulation.

Le traitement relève de la réanimation lourde et le pronostic vital est engagé.

– Dans l’immédiat, se pose le problème de l’amputation du membre qui seule parfois peut sauver la vie du blessé. Sinon, l’association de dégâts cutanés, osseux, musculaires et vasculaires nécessite une cascade de décisions thérapeutiques.

– Secondairement, le blessé est sévèrement exposé à l’infection, en particulier à la gangrène gazeuse, et à l’insuffisance rénale aigu‘, qui impose l’épuration extra-rénale.

COMPLICATIONS CHIRURGICALES :

Parmi les complications chirurgicales des fractures de membre, on retrouve:

– un sepsis aigu postopératoire par contamination du foyer. Si une articulation est concernée, le tableau clinique sera celui d’une arthrite septique (surveillance du pansement).

– des lésions vasculaires ou nerveuses par manoeuvres opératoires intempestives ou par usage prolongé du garrot pneumatique (surveillance du pouls et de la sensibilité/mobilité distale postopératoire).

– des complications liées à un plâtre d’immobilisation postopératoire mal confectionné (voir la question “Surveillance d’un malade sous plâtre”).

– une détérioration secondaire de la réduction de la fracture (cliché radiologique de contrôle postopératoire systématique).

COMPLICATIONS DES FRACTURES  DE JAMBE :

Consolidation osseuse :

Immédiatement après une fracture, les mécanismes de réparation osseuse se déclenchent.

* Dans un premier temps, il y a formation d’un cal provisoire.

– Celui-ci est un cal périphérique, c’est-à-dire que les cellules du cal constituent un manchon cellulaire qui enjambe le foyer de fracture et qui l’englobe.

– Ce cal provisoire est formé de tissus cartilagineux qui s’ossifient lorsque les conditions d’oxygénation du cal sont satisfaisantes, sinon l’ossification du cartilage ne se produit pas, ce qui conduit à la pseudarthrose.

* Dans un second temps, il y a formation du cal définitif.

– Le cal provisoire formé d’os immature se remodèle. Les ostéoclastes creusent l’os immature et ouvrent la voie aux ostéoblastes formant l’os lamellaire mature.

– Cet os se répartit selon les contraintes mécaniques auxquelles le membre est soumis.

* Le processus de consolidation nécessite donc en gros:

– la vascularisation du membre afin de permettre l’apport de tous les éléments nécessaires à la formation du cal.

– la proximité des deux extrémités fracturées afin de permettre au cal de relier les deux fragments.

– l’immobilisation du foyer de fracture afin de permettre son ossification par une bonne nutrition du cal.

Fractures simples

Dans les fractures simples, peu déplacées et fermées (traumatismes à basse énergie), ces conditions sont remplies et le rôle du chirurgien est:

– d’une part, de guider la consolidation.

– d’autre part, d’éviter la consolidation en mauvaise position.

Fractures complexes et ouvertes

Dans les fractures complexes et ouvertes (traumatismes à haute énergie), tout concourt à l’échec de la consolidation:

* lésions des parties molles (peau, muscles, vaisseaux), sources d’ischémie et d’infection.

* lésions osseuses sévères:

– fractures multiples.

– nécrose osseuse.

– déplacements majeurs.

– perte de substance osseuse.

* dans ces cas, le chirurgien doit d’abord sauver la vie et la jambe du blessé, puis favoriser une consolidation qui sera souvent émaillée de complications.

Mais quelle que soit la fracture, le traitement interférera inévitablement avec le processus de consolidation.

Complications précoces :

* N’oubliez pas que le tétanos et la gangrène gazeuse tuent et que leur prévention doit être un réflexe dans les fractures ouvertes.

* Ne mettez pas systématiquement les douleurs thoraciques sur le compte d’une contusion costale contemporaine du traumatisme initial. Pensez à l’embolie pulmonaire. Les modalités du traitement anticoagulant préventif sont affaire d’écoles, mais vous devez systématiquement penser à la phlébite.

* Surveillez régulièrement l’évolution de la consolidation par des radiographies.

Pseudarthroses et retard de consolidation :

Le délai théorique de consolidation du tibia est de 3 mois. Lorsqu’il n’y a pas de signes cliniques et radiologiques de consolidation au-delà de 4 mois, on parle de retard de consolidation.

Le terme de pseudarthrose signifie que le foyer de fracture s’est organisé de façon à ne jamais consolider.

* Un moyen absurde, mais certain, de faire la différence entre une pseudarthrose et un retard de consolidation serait d’attendre longtemps (1 an, par exemple). En pratique, l’aspect clinique et radiologique permet d’être fixé au plus tôt et de proposer au patient une réintervention permettant une consolidation rapide.

* La pseudarthrose sémiologiquement typique est la pseudarthrose hypertrophique lâche :

– hypertrophique, car il y a production d’os, ce qui s’oppose aux pseudarthroses par défaut de vascularisation du membre et ou les extrémités osseuses sont amaigries.

– lâche, parce qu’il existe cliniquement une mobilité évidente des deux parties de l’os.

* La mobilité de la pseudarthrose est classiquement indolore.

– Il s’agit de la mobilité provoquée par l’examinateur.

– En revanche, l’appui sur un os pseudarthrosé est source de douleurs et d’instabilité.

* La pseudarthrose lâche typique avec son écart interfragmentaire radiologiquement patent et ses deux extrémités osseuses élargies en « patte d’éléphant » mérite bien son nom: il y a pseudo-articulation.

* Aujourd’hui, on rencontre plus volontiers des pseudarthroses serrées. L’os a été ostéosynthésé, il n’y a pas de mobilité clinique et seule la persistance du trait et la gêne à l’appui font évoquer la pseudarthrose.

Diagnostic

* Si les radiographies de contrôle montrent une rupture du matériel de synthèse, le diagnostic devient certain. En effet, cela prouve que les contraintes ne passaient que par le métal et qu’il n’y avait pas de continuité osseuse.

* Le plus souvent, on en est réduit à rechercher des petits signes de modification de l’ostéosynthèse:

– expulsion même minime d’une vis.

– torsion d’une plaque ou d’un clou.

* Les radiographies sous diverses incidences et surtout les tomographies du foyer aideront dans les cas difficiles à apprécier la persistance du trait de fracture sur toute l’épaisseur de l’os.

Classification

A côté de la distinction pseudarthrose lâche-pseudarthrose serrée, il existe une classification d’intérêt thérapeutique fondée sur la vitalité des extrémités fracturées. On distingue ainsi:

* les pseudarthroses hypertrophiques ou vasculaires ou il existe une production osseuse visible radiologiquement et ou les extrémités osseuses sont hypervascularisées (preuve expérimentale et scintigraphique).

* les pseudarthroses atrophiques ou avasculaires avec radiologiquement absence de production osseuse et sclérose des extrémités fracturaires.

– Ces formes existent même en dehors de toute atteinte artérielle jambière, traumatique ou artéritique.

– La dévascularisation ne concerne ici que l’os.

Causes des pseudarthroses aseptiques

Quelles sont les causes des pseudarthroses mise à part l’infection?

* Les défauts d’immobilisation, par exemple:

– plâtre mal réalisé.

– ostéosynthèse inefficace.

– patient négligent.

* Les défauts de réduction: il s’agit surtout du maintien d’un écart interfragmentaire qui est un des risques de l’ostéosynthèse par plaque.

* Les dévascularisations du foyer:

– traumatisme délabrant créant de multiples fragments libres et déplacés.

– chirurgie délabrante dépériostant de manière excessive.

– atteinte artérielle traumatique.

* On en rapprochera deux facteurs favorisant classiquement la pseudarthrose:

– les fractures situées au niveau du tiers inférieur de la diaphyse tibiale, qui est une zone osseuse peu vascularisée.

– l’artérite des membres inférieurs.

Moyens thérapeutiques

Quels sont les moyens de traiter une pseudarthrose aseptique?

* L’ostéosynthèse:

– elle permet la stabilisation d’un foyer mobile et la mise en contact d’extrémités séparées.

– en l’absence d’ostéosynthèse initiale, il faut réaliser une ostéosynthèse solide.

– en cas d’enclouage centro-médullaire initial, il faut: ôter le clou, aléser le fût diaphysaire, mettre un clou plus gros.

– en cas de plaque vissée initiale, il faut: réaliser un abord chirurgical par décortication, exciser la fibrose interfragmentaire, réostéosynthéser solidement par plaque en comprimant le foyer.

* La décortication est la réalisation autour du foyer de pseudarthrose d’une coque de copeaux ostéopériostés qui permet la relance du processus de consolidation. Ces copeaux sont détachés à l’aide de ciseau à frapper mais doivent rester solidaires du périoste tout autour du foyer de pseudarthrose.

* La greffe osseuse réalise un apport osseux permettant de combler les pertes de substance et stimule l’ostéogenèse.

* Les greffes non pédiculées sont classiques et largement utilisées:

– un fragment osseux cortico-spongieux prélevé sur un autre os (greffe autologue) est transféré au niveau du foyer de pseudarthrose ou il est encastré, vissé ou apposé.

– actuellement, la réfrigération préalable autorise l’utilisation de fragments osseux homologues (os de banque prélevé sur un autre sujet).

– le mode d’action des greffes non pédiculées est mal connu. Il s’agit d’un os mort qui est réhabité.

* Les greffes pédiculées sont d’utilisation plus récente et plus délicate, faisant appel à la microchirurgie. Le fragment osseux est transplanté avec ses vaisseaux nourriciers.

* L’électricité: il a été montré récemment que le courant électrique pouvait dans certaines conditions stimuler l’ostéogenèse. On utilise:

– soit une stimulation directe par électrode placée au niveau du foyer de fracture.

– soit une stimulation électromagnétique en créant un flux magnétique traversant le foyer de pseudarthrose.

* Ces méthodes, intéressantes par leur caractère non agressif, ont une place encore mal définie dans l’arsenal thérapeutique. Elles ne peuvent dispenser de la chirurgie lorsqu’un important tissu fibreux sépare des fragments osseux, lorsqu’il existe une grosse perte de substance osseuse ou des extrémités osseuses scléreuses (elles seraient intéressantes dans les pseudarthroses serrées…).

Au total

Le traitement des pseudarthroses aseptiques peut se résumer comme suit.

* Lorsqu’il s’agit d’une forme hypertrophique, donc bien vascularisée, le problème est purement mécanique. Il faut réaliser une ostéosynthèse solide mettant les fragments en compression (clou ou plaque vissée). Si l’ostéosynthèse choisie comporte l’abord du foyer, on peut y adjoindre, sans nécessité absolue:

– soit un abord en décortication.

– soit un abord de greffon osseux.

* Lorsqu’il s’agit d’une forme atrophique, la stimulation de l’ostéogenèse est nécessaire. En plus d’une synthèse solide, il faudra:

– soit une décortication.

– soit une greffe osseuse.

* Enfin, beaucoup plus rarement, la pseudarthrose est liée à un problème spécifiquement artériel comme un traumatisme artériel ou une artérite du membre nécessitant une revascularisation préalable de ce membre.

Ostéite chronique :

C’est l’infection osseuse chronique évoluant au niveau d’un foyer de fracture consolidé.

Cette complication grave des traumatismes ouverts peut sanctionner les ostéosynthèses réalisées en atmosphère non stérile.

Grâce à l’antibiothérapie, l’infection initiale évolue rarement de nos jours vers la diffusion régionale ou générale (septicémie). Toutefois, lorsque l’infection ne guérit pas, elle progresse de manière insidieuse.

Au sein du cal, se développe une cavité (correspondant à l’image radiologique de géode) contenant du pus et des fragments libres et nécrosés d’os, appelés séquestres. La cavité communique avec les parties molles et le pus va cheminer vers la superficie par un ou plusieurs trajets appelés fistules.

* Le tableau clinique est fait de signes infectieux généraux qui tendent à diminuer lorsque la fistule s’ouvre et qu’il n’y a pas de rétention purulente:

– la jambe est oedématiée et le siège d’un ou plusieurs orifices d’ou s’écoule du pus. Le germe le plus souvent retrouvé est le staphylocoque.

– l’exploration chirurgicale ou radiographique (fistulographie par injection de produit opaque dans les orifices) prouve la communication avec l’os.

* L’évolution spontanée se fait vers la chronicité avec alternance de périodes d’écoulement purulent et de périodes de fermeture de la fistule.

* Seul un traitement chirurgical radical (excision des tissus et de l’os infecté) permet à terme une guérison.

Pseudarthrose infectée :

La pseudarthrose infectée associe deux grandes complications: la non-consolidation et l’infection.

– Les fractures ouvertes complexes y sont particulièrement exposées.

– L’infection peut être patente (suppuration chronique du foyer de fracture) ou masquée (découverte de germes sur les prélèvements opératoires de pseudarthrose).

Le traitement est particulièrement long et complexe car, pour assécher et consolider le foyer de fracture, plusieurs problèmes sont à résoudre:

* l’infection nécessite:

– une excision des parties molles infectées et de l’os nécrosé, ce qui provoque ou aggrave la perte de substance cutanée et osseuse.

– une antibiothérapie au long cours.

* l’instabilité: pratiquement, seul le fixateur externe permet une stabilisation efficace tout en laissant le foyer libre de tout matériel et en permettant les soins locaux quotidiens.

* la perte de substance osseuse sera schématiquement traitée:

– soit par comblement du defect par des fragments d’os spongieux ou un gros fragment cortico-spongieux.

– soit par greffe osseuse vascularisée (le fragment d’os ayant ici un pédicule vascularisé).

* la perte de substance cutanée nécessite également une plastie cutanée. La guérison n’est souvent obtenue qu’après plusieurs mois de traitement et bien des vicissitudes.

En cas d’échec, l’amputation est décidée d’un commun accord. L’appareillage du membre amputé permet la réinsertion sociale ou professionnelle après plusieurs mois, voire plusieurs années d’hospitalisation.

Cal vicieux :

Le cal vicieux peut être la conséquence d’un mauvais traitement initial, mais aussi de la détérioration d’une bonne réduction initiale.

La surveillance radiologique des fractures de jambe est donc une nécessité.

La tolérance fonctionnelle des cals vicieux est très variable selon le type et bien sûr l’importance du vice:

– classiquement, sont bien tolérés les cals en baïonnette (translation) et les chevauchements de moins de 2cm.

– les cals angulaires (surtout en varus) et les cals rotatoires sont mal tolérés.

Enfin, n’oubliez pas qu’il existe plusieurs situations, heureusement rares, ou l’amputation de jambe s’impose. L’évolution d’une fracture de jambe convenablement traitée reste malgré tout le plus souvent favorable.

Fracture isolée  de jambe chez l’adulte :

AFFIRMER LA FRACTURE :

Il y a eu un accident :

Lors d’un accident, il faut:

* préciser les circonstances:

– le lieu.

– la date et l’heure.

– le mécanisme: direct ou indirect.

* préciser l’état du blessé:

– son âge.

– son état général (pouls, tension).

– ses antécédents.

Conséquences immédiates de l’accident :

En cas de fracture de jambe chez l’adulte, on observe:

* douleur violente de la jambe au moment de la fracture, puis à toute tentative de mobilisation.

* impotence fonctionnelle absolue.

* déformation de la jambe variable selon le déplacement.

* la recherche de la mobilité du foyer de fracture est inutile et douloureuse.

Trois éléments capitaux doivent être immédiatement notés:

* l’état de la peau:

– existe-t-il une contusion et quelle est son étendue?

– existe-t-il une ouverture et de quel type?

* l’état vasculo-nerveux du membre:

– vérifier les pouls distaux.

– vérifier la mobilité et la sensibilité du pied et des orteils.

* l’état général: s’assurer de l’absence de lésions vitales associées.

Radiographie de jambe :

De face et de profil, prenant les articulations sus-jacentes et sous-jacentes, la radiographie de jambe affirmera ou confirmera le diagnostic.

FAIRE LE BILAN DE LA FRACTURE :

Le bilan de la fracture est fondé sur un examen clinique méthodique et répété et sur l’analyse des radiographies.

Bilan cutané :

Le bilan cutané est fondamental. L’ouverture du foyer de fracture et son infection modifient le traitement et transforment le pronostic.

Fractures fermées

Dans les fractures fermées, il faut rechercher une contusion cutanée ou un décollement pouvant évoluer vers la nécrose et l’ouverture secondaire du foyer.

Fractures ouvertes

Dans les fractures ouvertes, penser à préciser:

* le siège de l’ouverture et, si possible, le degré de souillure, le mécanisme de l’ouverture, l’ouverture de dedans en dehors étant plus favorable que l’ouverture par choc direct.

* le type de l’ouverture:

– type I: plaie sans décollement ni contusion pouvant être suturée sans tension après excision des berges. Les ouvertures de type I fermées précocement permettent de considérer la fracture comme fermée.

– type II: plaie contuse avec risque de nécrose cutanée après suture.

– type III: plaie avec perte de substance cutanée posant le problème de la fermeture.

* dans tous les cas d’ouverture, prophylaxie antitétanique et antibiothérapie seront immédiatement entreprises en attendant le parage chirurgical de la plaie.

Bilan vasculaire et nerveux :

Bilan vasculaire

– Il faut s’assurer par la palpation répétée des pouls tibial postérieur et pédieux de l’absence de lésion vasculaire.

– L’abolition immédiate ou secondaire des pouls distaux est une indication urgente à l’artériographie et au rétablissement de la continuité artérielle.

Bilan nerveux

Vérifier la mobilité et la sensibilité du pied et des orteils.

Les lésions nerveuses peuvent être d’origine traumatique ou ischémique:

* les lésions traumatiques sont liées au déplacement de la fracture:

– elles sont immédiates et systématisées.

– le sciatique poplité externe est volontiers lésé par les fractures du col du péroné.

* lésions ischémiques: les paralysies ischémiques s’installent en quelques heures, accompagnées de douleurs qu’il ne faut pas rapporter à la fracture:

– l’ischémie peut être la conséquence d’une lésion artérielle passée inaperçue. La réparation artérielle doit être urgente.

– l’ischémie peut être la conséquence d’un syndrome de loge lié à une hyperpression tissulaire sans abolition des pouls distaux: les douleurs sans qu’il y ait mobilité du foyer, la sensation de tension de la jambe sans qu’il y ait de causes externes et l’existence d’un déficit sensitivo-moteur doivent conduire à l’aponévrotomie de la jambe en urgence.

Bilan général :

* Le bilan général permet d’écarter:

– une lésion vitale associée (par exemple une hémorragie intrapéritonéale) faisant passer en second plan la fracture de jambe.

– une fracture associée.

– une lésion ligamentaire sus-jacente et sous-jacente à la fracture. L’état du genou et de la cheville sera, au mieux, testé lors de l’anesthésie.

– une embolie graisseuse (détresse respiratoire aigu‘) exceptionnelle dans les fractures isolées de jambe.

* Le bilan général permet de prévenir la décompensation d’une affection préexistante ou d’éviter les effets d’un sevrage brutal (par exemple, alcoolique).

* Un bilan préanesthésique est demandé en urgence (groupe sanguin, TP, TCK, NFS, ionogramme, urée, glycémie, ECG, radiographie pulmonaire).

Le membre inférieur est immobilisé dans une contention provisoire radiotransparente et le blessé est conduit à la radio.

Bilan radiographique :

Deux grands clichés radiographiques de face et de profil de la jambe prenant le genou et la cheville: ce bilan minimal est complété au besoin par des clichés centrés sur le genou ou la cheville.

La radiographie a une valeur diagnostique, thérapeutique et pronostique.

L’analyse des clichés permet de préciser:

* les os concernés: tibia isolé ou tibia et péroné.

* le niveau de la fracture tibiale: tiers supérieur, moyen ou inférieur.

* le ou les traits de fracture en recherchant d’éventuels refends. On distingue:

– les fractures simples ou il n’y a que deux fragments. le trait peut être: transversal, oblique à biseau court ou long, spiroïde.

– les fractures complexes ou il y a plus de deux fragments: fractures à 3e fragment en aile de papillon, fractures bifocales, fractures comminutives.

* l’existence ou non d’un déplacement et son type:

– l’angulation provoquant une déformation: en varus ou en valgus dans le plan frontal. en flessum ou en recurvatum dans le plan sagittal.

– la translation donnant un aspect de baïonnette.

– le chevauchement source de raccourcissement.

– le décalage entraînant une rotation de la cheville par rapport au genou.

* la stabilité : sont instables, c’est-à-dire susceptibles de se déplacer après réduction et immobilisation plâtrée:

– les fractures obliques longues.

– les fractures spiroïdes.

– les fractures complexes.

CONFIER LE BLESSÉ À UN CHIRURGIEN :

Traitement des fractures fermées :

Traitement en deux temps

Le traitement comporte deux temps:

* réduction de la fracture sous anesthésie:

– celle-ci doit être faite de toute urgence si un fragment osseux menace la peau.

– la réduction rétablit des axes jambiers corrects et un bon contact des extrémités fracturées.

– elle est contrôlée radiologiquement.

* immobilisation jusqu’à consolidation (environ 3 mois) par méthodes sanglantes ou non sanglantes (plâtre, mise en traction).

* le plâtre:

– après une réduction réalisée par manoeuvres externes, la contention est assurée par un plâtre cruro-pédieux. Celui-ci remonte le plus haut possible sur la cuisse, prenant le genou en légère flexion et le pied à angle droit.

– le plâtre doit être parfaitement ajusté afin d’éviter, d’une part, le déplacement de la fracture et, d’autre part, la compression des parties molles.

– le plâtre cruro-pédieux sera conservé selon les méthodes de 15 à 60 jours et remplacé par un plâtre jambier permettant la rééducation du genou.

– la reprise de l’appui se fera selon l’évolution radiologique de la consolidation.

* la mise en traction a des indications limitées:

– la fracture est très instable.

– et l’ostéosynthèse non souhaitée.

* les méthodes sanglantes se justifient par la recherche d’une meilleure réduction et d’une meilleure immobilisation:

– elles imposent une asepsie rigoureuse.

– il s’agit soit de l’enclouage centro-médullaire sans ouverture du foyer de fracture, soit de la synthèse par plaque vissée, après ouverture du foyer de fracture et réduction sous contrôle de la vue.

Surveillance et évolution

* Le plâtre impose:

– la surélévation du membre pour lutter contre l’oedème.

– la surveillance des orteils (coloration, chaleur, sensibilité, mobilité).

– la rééducation isométrique du quadriceps et du triceps.

* L’ostéosynthèse impose:

– la recherche de signes d’infection.

– la rééducation précoce des articulations.

* Dans tous les cas:

– traitement anticoagulant.

– contrôles radiographiques réguliers.

* L’évolution habituelle, en l’absence de complication, se fait vers la consolidation en 3 mois.

Indications

Deux attitudes schématiques se rencontrent:

– utilisation préférentielle d’une seule méthode thérapeutique en utilisant des variantes permettant de s’adapter à toutes les variétés de fractures fermées.

– utilisation de plusieurs méthodes thérapeutiques, chacune dans son indication préférentielle.

– la plus répandue des méthodes d’ostéosynthèse est l’enclouage centromédullaire.

Traitement des fractures ouvertes :

Le traitement des fractures ouvertes est une urgence.

Dès l’arrivée du blessé

* Nettoyer et panser la plaie (pansement compressif en cas d’hémorragie).

* Prévenir le tétanos (tétraglobulines et vaccination).

* Prescrire une antibiothérapie efficace sur le staphylocoque et sur les bacilles à Gram négatif.

* Demander un bilan préopératoire d’urgence.

Sous anesthésie générale

* Rasage et lavage du membre.

* Nettoyage et parage minutieux de la plaie, avec excision de tous les tissus dévascularisés.

* Si la fermeture cutanée sans tension est impossible, il faut, dans les petites pertes de substance, réaliser une plastie cutanée ou simplement poser un pansement gras dans l’optique d’une cicatrisation spontanée. Dans les grandes pertes de substance un lambeau de recouvrement doit être réalisé.

* Stabilisation de la fracture:

– dans les ouvertures de type I traitées précocement, la fracture peut être considérée comme fermée et stabilisée comme telle.

– dans les ouvertures de type II: la plaque est proscrite, l’enclouage verrouillé est le plus souvent indiqué.

– dans les ouvertures de type III, selon la gravité et le délai d’intervention, soit enclouage verrouillé, soit fixateur externe.

Cas particuliers :

FRACTURE D’UN SEUL OS DE LA JAMBE :

Fracture isolée du tibia :

Le péroné intact réalise une attelle solide pouvant parfois induire:

– un déplacement en varus de l’axe tibial imposant une ostéosynthèse.

– un retard de consolidation pouvant nécessiter la section du péroné.

Fracture isolée du péroné :

* En cas de fracture haute, il faut écarter une lésion du nerf sciatique poplité externe.

* En cas de fracture basse, il faut s’assurer de l’absence de lésion bimalléolaire.

Ces deux cas mis à part, la fracture isolée du péroné n’a aucune gravité. Le traitement est uniquement à visée antalgique: botte plâtrée de marche.

FRACTURES DIAPHYSAIRES DE JAMBE DE L’ENFANT :

Chez le petit enfant :

La fracture spiroïde isolée et non déplacée du tibia est typique du petit enfant. L’intégrité du fourreau périosté épais s’oppose au déplacement.

Le diagnostic de fractures diaphysaires de jambe chez l’enfant peut être difficile.

– L’enfant est amené pour boiterie ou refus de marcher.

– L’examen doux recherche une douleur diaphysaire tibiale à la palpation et surtout en imprimant un mouvement de torsion à la jambe.

– La radiographie recherche un trait tibial qui est souvent filiforme. Le péroné est intact.

Chez le grand enfant et l’adolescent :

L’aspect clinique chez le grand enfant et l’adolescent se rapproche de celui de l’adulte.

Traitement :

Le traitement est non sanglant: réduction si nécessaire et appareillage plâtré.

Evolution :

La consolidation est plus rapide que chez l’adulte.

La complication essentielle est le cal vicieux avec deux particularités:

– inégalité de longueur pouvant être liée à une croissance accélérée du tibia fracturé.

– correction spontanée d’un cal vicieux angulaire d’autant mieux que l’enfant est plus jeune.

Complications des fractures de jambes :

COMPLICATIONS IMMEDIATES :

Les complications immédiates et locales sont détaillées ailleurs. Il s’agit:

* des complications cutanées: trois types d’ouverture.

* des complications vasculaires: lésions artérielles.

* des complications nerveuses:

– lésions nerveuses traumatiques.

– lésions nerveuses ischémiques, soit par lésions artérielles, soit par syndrome de loge.

* des complications générales:

– décompensation d’une affection préexistante.

– delirium tremens par sevrage alcoolique.

– embolie graisseuse exceptionnelle dans les fractures isolées de jambe.

COMPLICATIONS PRÉCOCES :

Nécrose cutanée :

La nécrose cutanée:

– menace les zones cutanées dévitalisées lors du traumatisme.

– peut évoluer vers l’exposition du foyer de fracture ainsi que d’un éventuel matériel d’ostéosynthèse.

Infections :

* Tétanos et gangrène gazeuse doivent être systématiquement prévenus dans les fractures ouvertes.

* Les infections générales (septicémies) sont exceptionnelles depuis l’usage des antibiotiques.

* Les infections locales sont les plus fréquentes. Elles surviennent surtout dans les suites d’une fracture ouverte, mais peuvent compliquer une ouverture chirurgicale d’une fracture fermée. L’infection locale revêt deux aspects:

– infection franche, précoce, réagissant souvent favorablement au nettoyage chirurgical et à l’antibiothérapie.

– infection torpide, masquée par l’antibiothérapie et pouvant évoluer vers l’ostéite chronique ou vers la pseudarthrose suppurée.

Accidents thrombo-emboliques :

Les accidents thrombo-emboliques:

– menacent toutes les fractures de jambe et quel que soit le traitement.

– justifient le traitement anticoagulant préventif systématique.

Déplacements secondaires :

Les déplacements secondaires sont recherchés par les radiographies de contrôle.

Ces déplacements sont plus fréquents après traitement orthopédique, mais menacent toutes les ostéosynthèses insuffisantes.

COMPLICATIONS TARDIVES :

Pseudarthrose aseptique :

La pseudarthrose aseptique est l’absence de consolidation de la fracture:

– elle ne doit être envisagée qu’au-delà des délais habituels de consolidation (c’est-à-dire à partir de 4 mois).

– elle ne doit pas être confondue avec un retard de consolidation.

– elle est évoquée devant la persistance de douleurs à l’appui et devant une instabilité fonctionnelle.

Diagnostic facile à faire

Le diagnostic peut être facile: c’est le cas des pseudarthroses lâches.

* Sur le plan clinique, il existe une mobilité évidente du foyer.

* En radiologie, on peut voir:

– un espace clair interfragmentaire.

– l’aspect classique évasé en « patte d’éléphant » des extrémités osseuses.

– une rupture de l’éventuel matériel d’ostéosynthèse.

Diagnostic plus difficile à établir

Le diagnostic peut être difficile: c’est le cas des pseudarthroses serrées souvent ostéosynthésées.

* En clinique, on ne retrouve pas de mobilité du foyer.

* Sur le plan radiologique, on recherche:

– soit sur les clichés standards en multiples incidences.

– soit surtout grâce aux tomographies: un trait de fracture encore visible, un démontage minime de l’ostéosynthèse.

Distinctions à établir une fois le diagnostic fait

Lorsque le diagnostic est fait, il faut distinguer:

– les pseudarthroses hypertrophiques dites vasculaires ou il existe une production osseuse.

– les pseudarthroses atrophiques dites “avasculaires” avec absence de production osseuse et sclérose des extrémités fracturaires.

Causes de pseudarthroses

Les trois grandes causes des pseudarthroses aseptiques sont:

– les défauts d’immobilisation du foyer.

– les défauts de réduction du foyer.

– les défauts de vascularisation du foyer.

Traitement: ostéosynthèse solide

Le traitement repose sur une ostéosynthèse solide mettant le foyer en compression. Lorsqu’il s’agit d’une forme atrophique, une stimulation de la production osseuse est de plus nécessaire:

– décortication ostéo-périostée.

– apport de greffons osseux.

Ostéite chronique :

L’ostéite chronique est l’infection chronique du foyer de fracture qui a néanmoins consolidé.

La symptomatologie est celle d’une infection osseuse chronique souvent abâtardie par une antibiothérapie.

* Les signes généraux non spécifiques de l’ostéite chronique sont:

– décalage thermique.

– accélération de la vitesse de sédimentation.

– hyperleucocytose.

* Les signes locaux affirmant le diagnostic de l’ostéite chronique sont:

– écoulement d’un liquide septique par des fistules jambières dont l’exploration conduirait jusqu’à l’os.

– le germe est recherché à l’analyse bactériologique du liquide d’écoulement.

* Les signes radiologiques d’ostéite chronique sont:

– le foyer de fracture est consolidé mais présente des zones d’ostéolyse.

– souvent de petits fragments osseux denses appelés séquestres sont aperçus dans les zones d’ostéolyse.

– il s’agit de fragments osseux dévitalisés entretenant l’infection.

Pseudarthrose septique :

La pseudarthrose septique est une complication majeure qui conjugue l’infection à la non-consolidation:

– elle concerne surtout les fractures ouvertes.

– les tableaux clinique et radiologique associent à des degrés variables les signes de pseudarthrose et les signes d’ostéite.

– le traitement est long, complexe, aléatoire.

Cal vicieux :

Le cal vicieux est la consolidation en position non anatomique.

Il peut être la conséquence d’une mauvaise réduction initiale ou d’un déplacement secondaire.

La clinique et la radiologie mettent en évidence une désaxation du membre.

Le cal vicieux peut:

– entraîner une gêne fonctionnelle immédiate.

– retentir, à long terme, sur les articulations sus-jacentes et sous-jacentes (arthrose).

– être bien toléré.

Amputation de jambe :

L’amputation de jambe est rare de nos jours et complique surtout les fracas ouverts de jambe.

Elle peut s’imposer en dernier recours:

– soit en urgence devant une gangrène gazeuse.

– soit tardivement dans deux éventualités: séquelles majeures d’ischémie de jambe, échec du traitement d’une pseudarthrose suppurée.

Complications non spécifiques :

Les complications non spécifiques des fractures de jambe sont:

– raideurs articulaires.

– amyotrophie.

– troubles trophiques cutanés.

– syndrome algodystrophique.

Les complications seront prévenues par une mobilisation du blessé et de ses articulations le plus rapidement possible.

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