Traumatisme du rachis dorso-lombaire

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Les traumatismes du rachis sont potentiellement graves en raison des rapports étroits existant entre le support osseux vertébral ou disco-ligamentaire et l’axe nerveux.Le diagnostic de lésion du rachis doit être suspecté sur les lieux mêmes de l’accident pour éviter tout transport ou manipulation inappropriés qui risqueraient d’aggraver les lésions anatomiques et leurs conséquences neurologiques.Le premier examen doit être neurologique, dès la prise en charge médicale du blessé ; il conditionne les premiers soins.La lésion anatomique rachidienne doit être évaluée dès l’arrivée dans un centre équipé pour de telles urgences par un examen radio-graphique le plus atraumatique possible et dans la plupart des cas par scanner.

ANATOMIE FONCTIONNELLE :

La vertèbre :

Traumatisme du rachis dorso-lombaireLa vertèbre type est constituée par un corps vertébral sur lequel s’implante, par deux pédicules, un arc postérieur:

– le corps vertébral, grossièrement cylindrique, et l’arc postérieur, formant un demi-anneau, circonscrivent le canal vertébral. Celui-ci contient le fourreau dure-mérien avec, selon le niveau, la moelle ou la queue de cheval.

– l’arc postérieur comprend de chaque côté, juste en arrière des pédicules, le massif des articulaires. Ce massif est constitué des apophyses articulaires supérieure et inférieure qui sont séparées par une zone appelée isthme.

– du massif des articulaires partent de chaque côté: en dehors, les apophyses transverses et, en arrière, les lames, qui se rejoignent et ferment en arrière le canal vertébral.

– à l’union des deux lames naît une saillie impaire et médiane, dirigée en arrière: l’apophyse épineuse.

* Chaque vertèbre s’articule avec la vertèbre sus-jacente et sous-jacente par un double système articulaire:

– le disque intervertébral, situé entre les corps vertébraux.

– les apophyses articulaires, s’engrenant de chaque côté et recouvertes d’une capsule articulaire.

  • Mais, en dehors des pédicules, tous les autres éléments de deux vertèbres voisines sont reliés entre eux:

– les lames sont réunies par les ligaments jaunes.

– les épineuses par le ligament interépineux.

– les apophyses transverses par les ligaments et les muscles intertransversaires.

* Deux pédicules adjacents délimitent un orifice, le trou de conjugaison, qui est emprunté par le nerf rachidien.

* Enfin, deux longs rubans fibreux parcourent de haut en bas la face antérieure et postérieure des corps vertébraux:

– le grand ligament vertébral commun antérieur (GLVCA).

– le grand ligament vertébral commun postérieur (GLVCP).

Le segment mobile rachidien :

On désigne sous le terme de segment mobile rachidien (SMR), l’ensemble des éléments disco-ligamentaires qui, à chaque niveau, assurent la cohésion intervertébrale tout en permettant la mobilité.

Le segment mobile rachidien comprend, d’avant en arrière:

– le grand ligament vertébral commun antérieur.

– le disque intervertébral.

– le grand ligament vertébral commun postérieur.

– les capsules des articulations interapophysaires.

– le ligament jaune interlamaire.

– le ligament interépineux.

* Sur le plan dynamique le rachis dorso-lombaire se présente comme un empilement de structures rigides, les vertèbres, séparées à chaque niveau par des éléments disco-ligamentaires, autorisant une certaine mobilité segmentaire.

* Sur le plan statique on peut concevoir, avec René Louis, le rachis comme un grand système vertical fait de trois colonnes ostéo-ligamentaires (empilement des corps vertébraux et des colonnettes des apophyses articulaires), et un système horizontal fait de ponts osseux: les pédicules et les lames. Les apophyses transverses et les épineuses n’étant qu’un système de bras de levier d’insertion musculaire.

Quel que soit son niveau, chaque vertèbre a deux fonctions:

– constitution d’un pilier de soutien.

– protection de la moelle ou des racines.

Mais les contraintes mécaniques variables à chaque étage (variation des charges et des possibilités dynamiques) impriment leur particularité à chaque vertèbre. On distingue aisément une vertèbre dorsale d’une vertèbre lombaire.

La vertèbre dorsale ou thoracique :

La vertèbre dorsale ou thoracique comprend:

* un corps vertébral hémicylindrique.

* des facettes articulaires des apophyses articulaires, situées dans un plan frontal.

* des lames épaisses, hautes.

* des épineuses longues et très obliques en bas.

* des facettes articulaires costales situées:

– sur la face latérale des corps vertébraux.

– sur la face antérieure des apophyses transverses.

La vertèbre lombaire :

La vertèbre lombaire a les caractéristiques suivantes:

– plus massive que la vertèbre dorsale.

– un corps vertébral, volumineux, réniforme.

– des pédicules courts, trapus.

– des facettes articulaires des apophyses articulaires situées dans un plan sagittal de L1 à L4, dans un plan frontal en L5, comme pour s’opposer à un glissement antérieur.

– une apophyse transverse très développée.

– une apophyse épineuse massive à direction franchement antéropostérieure.

Le rachis dorso-lombaire :

Le rachis dorso-lombaire est rectiligne dans le plan frontal. Le volume des corps vertébraux s’élargit de haut en bas.

* Les vertèbres dorsales constituent une colonne rigide, régulièrement convexe en arrière dans le plan sagittal (cyphose dorsale). La stabilité de cette région est accrue par l’insertion solide des côtes à chacun des douze niveaux.

* Les vertèbres lombaires constituent une colonne plus massive mais beaucoup plus souple.

– La courbure dans le plan sagittal est concave en arrière (lordose physiologique lombaire).

– L’élément essentiel de cohésion entre deux vertèbres lombaires est le disque intervertébral.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE :

L’instabilité :

La notion de stabilité est la clé des traumatismes du rachis:

– en effet, la présence d’éléments nerveux dans le canal rachidien rend dramatique tout déplacement.

– la stabilité du rachis est la faculté des pièces vertébrales de maintenir leur cohésion dans toutes les positions du corps.

Origine de l’instabilité

L’instabilité a deux origines:

– elle peut être osseuse, par exemple par fracture comminutive d’une vertèbre. mais la consolidation osseuse stabilisera la lésion.

– elle peut être disco-ligamentaire: par exemple par luxation rompant tous les éléments du segment mobile rachidien. Ici, la cicatrisation des parties molles est incapable d’assurer une stabilisation efficace.

– en fait, dans les gros traumatismes, l’instabilité est souvent mixte.

Comment reconnaître l’instabilité?

– Lorsqu’il existe radiologiquement un déplacement caricatural des vertèbres, associé à une paraplégie, l’instabilité est patente.

– Lorsque le déplacement radiologique est modéré mais qu’il existe des signes neurologiques, la lésion doit être considérée a priori comme instable.

– Dans tous les autres cas la crainte de survenue secondaire de troubles neurologiques rend indispensable la classification de la lésion.

« Segment vertébral moyen »

Le Pr Roy-Camille a individualisé sous le terme de « segment vertébral moyen » une région vertébrale dont l’atteinte fait craindre, a priori, l’instabilité osseuse.

* Le segment vertébral moyen comprend:

– le mur postérieur du corps vertébral.

– les pédicules.

– les massifs articulaires.

– la partie initiale des lames.

– soit au total l’ensemble des structures osseuses qui délimitent directement le canal rachidien.

* Cet auteur a par ailleurs insisté sur l’importance de la partie postérieure du disque dans la cohésion entre deux vertèbres.

Distinction en trois colonnes

F. Denis propose plus récemment de distinguer sur une vue de profil du rachis dorso-lombaire trois colonnes:

– la colonne antérieure, qui est constituée par l’empilement de la moitié antérieure des corps vertébraux des disques et par le grand ligament vertébral commun antérieur.

– la colonne moyenne, qui est constituée par l’empilement des moitiés postérieures du corps vertébral, des disques et par le GVLC postérieur. Tous les traumatismes rompant cette colonne provoquent une instabilité.

– la colonne postérieure, qui est constituée par les arcs postérieurs et les éléments ligamentaires postérieurs.

Eléments fondamentaux dans le respect de la stabilité vertébrale

Au total, deux éléments apparaissent fondamentaux dans le respect de la stabilité vertébrale:

– le mur vertébral postérieur. Sa rupture est visible radiologiquement.

– la partie postérieure du disque intervertébral. Une lésion à ce niveau n’est pas directement visible.

Principales lésions

Analysons maintenant les principales lésions.

– L’intrication fréquente de lésions disco-ligamentaires et osseuses a conduit à utiliser le terme de fracture-luxation qui entretient une confusion.

– Il faut réserver le terme de fracture aux lésions à prédominance osseuse et laissant présager une stabilisation après consolidation.

– Le terme de luxation s’applique aux lésions du segment mobile rachidien et de son élément de stabilité majeur qu’est le disque. Dans ces cas, la stabilisation spontanée des lésions est douteuse.

Les fractures :

La charnière dorso-lombaire (D12-L1) est la zone où s’observent le plus de lésions. Notons qu’à ce niveau, il y a changement de courbure et passage d’une zone rigide à une zone plus souple.

Fractures isolées des éléments de l’arc postérieur

Les fractures isolées des éléments de l’arc postérieur (transverses, articulaires, épineuses…) ne compromettent pas la stabilité.

A part: la rupture traumatique des isthmes interarticulaires de L5 qui est exceptionnelle:

– en fait, le plus souvent, il existe une spondylolyse ancienne (solution de continuité au niveau de l’isthme).

– celle-ci favorise le glissement progressif de L5 sur le sacrum (spondylolisthésis).

– le traumatisme ne fait le plus souvent que révéler cet état.

Fractures intéressant le corps vertébral

Nous verrons les principales fractures intéressant le corps vertébral. Le mécanisme lésionnel dans ces cas comprend presque toujours un élément de flexion antérieur du rachis:

* la flexion-compression antérieure provoque une fracture-tassement antérieure. C’est une lésion très fréquente. La cyphose régionale est souvent modérée. La partie postérieure du corps vertébral et du disque est intacte, et cette lésion est stable.

* la flexion-compression axiale provoque une fracture comminutive.

– Le corps vertébral éclate sous l’effet d’une compression axiale. Le mur postérieur est rompu et des fragments osseux reculent dans le canal vertébral.

– Cette lésion est instable mais, s’il n’y a pas de lésions disco-ligamentaires associées, la consolidation osseuse stabilisera le rachis.

* la flexion-distension ou fracture de Chance:

– cette lésion a été décrite à la suite d’accidents de voiture avec décélération brutale sur des passagers porteurs des premières ceintures de sécurité sans baudrier.

– il s’agit d’une solution de continuité d’arrière en avant du rachis. L’ouverture bâille en arrière et respecte la partie antérieure du corps vertébral.

– la distension peut se faire dans le SMR, en provoquant une luxation pure. Enfin, parfois il y a mélange des deux. La lésion est instable, surtout en flexion antérieure.

* la flexion-torsion ou fracture-luxation d’Holdsworth est un mécanisme qui disloque le corps vertébral en deux tranches horizontales, provoquant une perte de l’alignement du rachis. l’instabilité est majeure.

Les luxations :

Voyons quelques mécanismes typiques de luxation vertébrale.

* La luxation en rotation: le même mécanisme qui produit une fracture en rotation peut désolidariser deux vertèbres au niveau du SMR.

* La luxation en distension: le mécanisme qui produit une fracture de Chance peut créer une ouverture d’arrière en avant du SMR.

* Les luxations par translation se produisent par un mécanisme de cisaillement qui peut se faire dans tous les sens:

– lorsque le segment vertébral supérieur est déplacé vers l’avant, il y a rupture de l’arc postérieur qui reste solidaire de la vertèbre sous-jacente.

– lorsque le segment vertébral supérieur est déplacé vers l’arrière, aucun élément osseux ne s’oppose au déplacement.

Au cours des luxations il se produit volontiers des petites fractures, qu’il s’agisse d’épineuses, d’articulaires ou de coin du corps vertébral.

– Ces fragments ne doivent pas faire parler à tort de « fracture du rachis dorso-lombaire ».

– Il s’agit en fait de luxation et ces fragments ne sont que des épiphénomènes de la dislocation.

DIAGNOSTIC :

Examen clinique :

En dehors des tassements survenant chez le sujet âgé ou ostéoporotique, la survenue d’une fracture ou d’une luxation du rachis dorso-lombaire implique un traumatisme à grande énergie. Il s’agit volontiers:

– d’un gros accident de travail.

– d’une défenestration.

– d’un accident de la circulation.

* Le blessé a souvent des troubles de la conscience:

– il faut donc surtout y penser systématiquement et demander des clichés.

– il faut aussi rechercher des lésions vitales souvent associées.

– la clinique vertébrale est souvent pauvre car les corps vertébraux sont des éléments profonds.

* L’examen neurologique est fondamental. Tous les aspects du problème neurologique sont détaillés dans la question « Complications neurologiques d’un traumatisme du rachis ». Veuillez vous y reporter.

Examen radiologique :

L’examen radiologique est indispensable.

Clichés standards de face et de profil

Les clichés standards de face et de profil montrent pratiquement tout à ceux qui savent voir.

Lorsque l’atteinte est osseuse il faut s’attacher à retrouver le ou les traits fondamentaux.

* le trait horizontal est bien visible de profil:

– il peut être oblique en bas et en avant, respectant la corticale postérieure comme dans les tassements.

– il peut être global et franc comme dans les fractures de Chance, les fractures par torsion.

* le trait sagittal est bien visible de face: lorsqu’il sépare deux hémivertèbres, il est responsable d’une augmentation anormale de l’écart interpédiculaire à l’étage lésé.

* le trait frontal est visible de profil. Les traits fondamentaux peuvent s’associer pour créer des fractures en croix (deux traits) ou complexes (trois traits ou plus).

Lorsque l’atteinte est disco-ligamentaire les dégâts ne sont pas directement visibles, mais on retrouve à des degrés variables sur les incidences de profil:

* des signes indirects d’une lésion du SMR:

– bâillement ou pincement discal.

– écart anormal entre deux épineuses.

* des stigmates d’un déplacement brutal entre deux vertèbres lors de l’accident:

– fracture d’une articulaire ou d’une épineuse.

– séparation d’un coin de vertèbre.

– petite translation antéro-postérieure d’un plateau vertébral sur l’autre.

* par ailleurs des signes neurologiques peuvent indirectement témoigner du déplacement vertébral passager.

Scanner

Le scanner au début ne donnait que des coupes horizontales qui permettaient une visualisation axiale:

– des éléments périvertébraux.

– des éléments péricanalaires.

– des éléments intracanalaires.

A présent la possibilité de reconstruction frontale et sagittale fait du scanner un examen complet et précis qui rend désuète la tomographie.

IRM

L’IRM est l’examen de choix pour le bilan des lésions neurologiques. Il supplante à présent la myélographie, mais des impératifs techniques rendent son usage peu commode en urgence.

De plus l’IRM est contre-indiquée chez les patients porteurs d’un stimulateur cardiaque, de clips cérébraux ou médullaires et de corps métalliques intra-oculaires.

TRAITEMENT :

Méthodes non sanglantes :

Parmi les méthodes non sanglantes de traitement des traumatismes du rachis, on retrouve:

Méthode fonctionnelle pure (Magnus)

– La méthode fonctionnelle pure ne comprend pas de réduction des lésions. Le blessé est installé en décubitus dorsal strict sur plan dur pendant 21 jours.

– La rééducation commence au lit, en lordose, et est poursuivie après le lever en faisant particulièrement travailler les muscles spinaux érecteurs et la sangle abdominale. La position assise est la dernière autorisée. Cette méthode peut être modifiée en prescrivant un corset plâtré au moment du lever.

Réduction-contention plâtrée (Bölher)

* La réduction se fait par mise du patient en hyperlordose:

– soit en décubitus ventral, l’abdomen étant dans le vide.

– soit en décubitus dorsal, l’hyperlordose étant obtenue par une sangle lombaire. Il n’y a pas d’anesthésie. La réduction est contrôlée radiologiquement.

* La contention est assurée par un corset plâtré avec trois points d’appui:

– en arrière, la charnière dorso-lombaire.

– en avant, le manubrium sternal et la région pubienne.

* La rééducation est immédiate:

– le lever précoce est autorisé avec cette méthode. La rééducation se fait en contractant les muscles sous le plâtre.

– les contrôles radiologiques réguliers s’assurent du maintien de la réduction.

– la durée d’immobilisation est de 3 à 4 mois. La gymnastique est prolongée au-delà de l’ablation du corset plâtré.

Méthode des postures (Guttman)

– la méthode des postures (Guttman) s’adresse aux lésions déplacées avec paraplégie.

– Elle est fondée sur l’installation du blessé en hyperlordose à l’aide de coussins. La posture souhaitée doit être maintenue aux changements de position (retournement sur le côté) qui se font toutes les 3 heures.

– Cette méthode vise à la réduction et à la contention des lésions.

– La durée du décubitus dure entre 2 et 3 mois. Cette méthode nécessite un personnel nombreux et compétent.

Méthodes sanglantes :

Parmi les méthodes sanglantes de traitement des traumatismes du rachis, on retrouve les suivantes:

Chirurgie par voie postérieure

* La réduction se fait sur patient anesthésié installé en décubitus ventral (en préopératoire ou peropératoire).

* Cette voie découvre le rachis au niveau des arcs postérieurs et autorise toute une série de gestes neurochirurgicaux:

– laminectomie.

– ablation d’éléments neuro-agressifs déplacés dans le canal vertébral.

– ouverture de la dure-mère permettant la visualisation des éléments nerveux.

* La stabilisation se fait par ostéosynthèse:

– soit par plaques vissées dans les pédicules selon Roy-Camille. Les plaques sont placées à la face postérieure de la colonne des articulaires et sont vissées dans les pédicules vertébraux de part et d’autre de l’étage lésé.

– soit par tiges métalliques de type Harrington avec crochets fixés sur les arcs postérieurs.

– en fait, il existe une très large gamme de matériel d’ostéosynthèse combinant ces divers principes.

* Dans tous les cas, la synthèse peut être complétée par une greffe osseuse postérieure ou postérolatérale, surtout en cas d’instabilité disco-ligamentaire.

Chirurgie par voie antérieure

* L’abord des corps vertébraux se fait selon le niveau par:

– thoracotomie.

– lombotomie ou laparotomie.

* Cette voie permet la décompression antérieure du canal vertébral.

* La stabilisation est assurée par l’encastrement d’un gros greffon osseux antérieur, que l’on peut maintenir par une ostéosynthèse.

Diagnostic :

CONTEXTE :

Traumatismes majeur et mineur :

Traumatisme majeur

En cas de traumatisme majeur, le blessé est amené en urgence et entre dans l’une des catégories cliniques suivantes:

* polytraumatisé: c’est une éventualité fréquente, un traumatisme crânien est volontiers associé. La lésion rachidienne doit être systématiquement évoquée.

* paraplégique: le diagnostic est évident. Voir « Conduite à tenir devant une paraplégie traumatique ».

* dorso-lombalgique: le blessé se plaint de douleurs rachidiennes.

Traumatisme mineur

En cas de traumatisme mineur: il s’agit de fractures sur os ostéoporotique. Le bilan clinique et paraclinique visera en particulier:

– à écarter une tumeur vertébrale primitive ou secondaire.

– à trouver une cause à cette ostéoporose.

EXAMEN CLINIQUE :

L’examen clinique doit être fait avec grande prudence en mobilisant le blessé en bloc avec l’aide de plusieurs personnes.

Interrogatoire :

L’interrogatoire précise:

– l’heure et le lieu de l’accident.

– les circonstances.

– le mécanisme lésionnel.

– l’âge et les antécédents.

Examen général :

L’examen général recherche:

* un état de choc (pouls, TA).

* une lésion vitale:

– cranio-encéphalique.

– thoracique.

– abdominale.

* une lésion des membres et du bassin.

Examen du rachis :

Afin de réaliser l’examen du rachis, le blessé est retourné doucement, en bloc. Toutes les épineuses sont palpées ou percutées prudemment.

* Souvent les signes retrouvés sont discrets:

– douleurs à la pression d’une épineuse.

– contracture des muscles paravertébraux.

* Parfois la déformation est majeure:

– saillie d’une épineuse.

– écartement excessif de deux épineuses voisines.

– cyphose locale.

Cet examen permet d’orienter le bilan radiographique et s’assure de l’indolence du reste du rachis.

Examen neurologique :

L’examen neurologique est fondamental.

Consigné par écrit, il comprend l’étude:

– de la motricité volontaire.

– de la sensibilité.

– des réflexes.

– examen complet du périnée.

IMAGERIE :

L’examen radiologique est capital pour le diagnostic et se fera avec mobilisation prudente du blessé.

Radiographie standard :

Technique

* La radiographie standard est un examen simple et à haut rendement diagnostique, réalisé systématiquement chez tout polytraumatisé.

* Il comprend:

– d’abord un cliché de débrouillage de tout le rachis face + profil, en dégageant bien les charnières cervico-dorsale et dorso-lombaire.

– puis un cliché face + profil centré sur la région suspecte.

– au besoin incidences de trois quarts.

* L’analyse doit être globale puis vertèbre par vertèbre.

Radiographie de face

* De face, globalement, on doit retrouver normalement trois lignes régulières, réalisées de haut en bas:

– par l’alignement des épineuses.

– par l’alignement des bords latéraux droit et gauche des corps vertébraux.

* Dans le détail on apprécie de manière comparative:

– la hauteur et la largeur des corps vertébraux.

– la hauteur des disques.

– l’écart interpédiculaire.

– les lames.

– l’épineuse médiane.

– les transverses.

* Cette incidence permet de retrouver les traits de fracture et les déplacements sur tous les éléments précités. Sont particulièrement bien vus:

– les écarts interpédiculaires trop grands, témoignant d’un trait sagittal global.

– les fractures des lames.

– les déplacements rotatoires (décalage d’une épineuse) et dans le plan frontal.

Radiographie de profil

De profil, globalement, on doit retrouver trois lignes régulières réalisées de haut en bas par:

– l’alignement des bords antérieurs des corps vertébraux.

– l’alignement des bords postérieurs des corps vertébraux représentant la face antérieure du canal rachidien.

– l’alignement de la racine des épineuses représentant la face postérieure du canal rachidien.

Dans le détail, on apprécie de manière comparative:

– la hauteur et la largeur des corps vertébraux.

– la rectitude du mur vertébral postérieur.

– la hauteur des disques.

– les pédicules.

– les articulaires.

– les épineuses et les espaces interépineux.

Les traits et les déplacements sont visibles à tous ces niveaux, mais l’incidence de profil montre tout particulièrement:

* les lésions des corps vertébraux:

– le plus petit tassement vertébral est visible.

– les traits fondamentaux horizontaux et frontaux apparaissent.

– les lésions discales: pincement ou bâillement de l’espace intervertébral.

* les fractures ou luxations des apophyses articulaires.

* les déplacements dans le plan sagittal:

– cyphoses qui sont mesurées.

– translation antérieure ou postérieure des corps vertébraux.

Radiographie de trois quarts

De trois quarts, on explore surtout:

– les régions latérales des corps vertébraux.

– les isthmes.

– les articulaires.

Lorsque ces clichés permettent de conclure, le bilan standard suffit. Sinon, le scanner permet d’affiner l’analyse.

Le scanner :

Les indications du scanner sont larges.

* Les coupes horizontales permettent une visualisation des parois du canal vertébral et décèlent les envahissements du canal vertébral par les éléments osseux ou discaux.

* La possibilité d’obtenir des reconstructions dans le plan frontal et sagittal a diminué considérablement l’intérêt des tomographies.

* Les coupes sagittales mettent bien en évidence les atteintes du mur vertébral postérieur.

L’IRM :

L’indication de l’IRM est réservée à la compréhension des atteintes neurologiques ou à la détermination d’un pronostic d’atteinte médullaire.

Son usage a supplanté les examens invasifs comme la myélographie qui ne sont utilisés qu’en cas de contre-indication à l’IRM (stimulateur cardiaque, valve cardiaque, corps métallique intracérébral ou intra-oculaire).

En résumé :

* Dans tous les cas, faire:

– des radiographies standards.

– un examen au scanner, si nécessaire.

* Atteinte neurologique non expliquée: IRM.

Bilan :

Le bilan vise à répondre rapidement à trois questions:

– la lésion du rachis est-elle isolée?

– la lésion du rachis est-elle compliquée sur le plan neurologique?

– la lésion du rachis est-elle stable?

BILAN GENERAL :

Dépistage de problèmes respiratoires :

Pour dépister des problèmes respiratoires, il faut:

* éliminer:

– une obstruction des voies aériennes supérieures.

– un pneumothorax.

– un hémothorax.

– un volet thoracique.

* demander:

– gaz du sang.

– radiographie du thorax.

Dépistage de problèmes hémodynamiques :

Pour dépister des pathologies hémodynamiques, il faut:

* rechercher des signes cliniques d’hypovolémie, surveiller la TA et le pouls, etc..

* il faut procéder aux prélèvements: groupe, rhésus, taux de prothrombine, temps de céphaline kaolin.

* à la mise en place d’abords veineux.

* à la recherche de cause d’une spoliation sanguine:

– hémothorax.

– hémopéritoine.

Dépistage de lésions des membres :

Au terme du bilan général, les lésions vitales sont traitées en priorité, les autres s’intègrent dans le programme de réparation.

BILAN NEUROLOGIQUE :

Il faut distinguer les blessés neurologiques des autres.

Lésions du rachis avec signes neurologiques :

Les lésions du rachis avec signes neurologiques réalisent le plus souvent un tableau de paraplégie:

* jusqu’en L1 par atteinte médullaire, au-dessous de L1 par atteinte de la queue de cheval.

* distinction fondamentale du caractère complet ou incomplet de la paraplégie sur le plan pronostique.

* l’existence d’une paraplégie:

– impose la prévention des complications en urgence.

– prouve la gravité de la lésion vertébrale.

– invite à une exploration radiologique du canal vertébral.

Quel que soit le degré de l’atteinte neurologique, elle témoigne a priori du caractère instable de la lésion vertébrale.

Lésions du rachis sans signes neurologiques :

Les précautions de manipulation du blessé doivent être identiques même s’il n’existe pas de signes neurologiques des lésions du rachis.

La crainte de l’apparition de signes neurologiques par déplacement secondaire doit être une hantise.

BILAN VERTÉBRAL :

Fondé sur l’examen neurologique et radiologique, le bilan vertébral doit préciser dans tous les cas:

* le ou les niveaux de lésions et faire attention aux atteintes bifocales.

* le type de la lésion:

– essentiellement osseuse.

– essentiellement disco-ligamentaire.

– mixte.

* les conséquences de la lésion:

– en cas de déplacement: le type et l’importance (le plus souvent c’est une cyphose dont l’angle est mesuré).

– si l’on retrouve des signes neurologiques, le mécanisme sera précisé: rétrécissement passager du canal vertébral (cisaillement de la moelle) ou rétrécissement permanent du canal vertébral dû à un changement de courbure du rachis, ou encore par fragment ostéo-discal dans le canal vertébral.

Au terme de ce bilan:

– la stabilité ou non de la lésion pourra être affirmée.

– on distingue deux grands groupes de lésions: les fractures et les luxations.

Fractures isolées de l’arc postérieur :

– Les fractures isolées de l’arc postérieur sont rares.

– Les fractures des deux isthmes de L5, sources de spondylolisthésis, sont exceptionnelles. Le plus souvent la lésion existait avant l’accident et a été démasquée par le traumatisme.

– Les fractures réellement isolées des autres éléments de l’arc postérieur ne mettent pas en jeu la stabilité du rachis (mais attention aux lésions du SMR accompagnées de fractures parcellaires).

Fractures corporéales :

* La fracture-tassement ou fracture par compression antérieure, très fréquente:

– de profil: tassement cunéiforme antérieur intéressant moins de la moitié de la hauteur du corps vertébral, cyphose régionale de moins de 30°, mur postérieur intact.

– c’est une lésion stable.

* La fracture comminutive ou fracture par compression axiale:

– de profil: perte globale de la hauteur vertébrale, fracture du mur postérieur, rétropulsion fréquente d’un fragment postérosupérieur basculé dans le canal, trait fondamental horizontal, parfois associé à un trait frontal.

– de face: aplatissement vertébral, écart interpédiculaire témoin d’un trait sagittal global.

– c’est une fracture instable.

* La fracture de Chance (« seat belt fracture ») par distension:

– rare, elle implique une décélération brutale.

– de profil: trait horizontal bâillant en arrière, écart interépineux ou transépineux, intégrité de la partie antérieure du corps vertébral.

– de face: un signe caractéristique est la fracture horizontale des apophyses transverses.

– c’est une lésion instable.

* La fracture par flexion-torsion (fracture-dislocation des Anglo-Saxons):

– il existe une séparation horizontale de toute la vertèbre avec, de face et de profil: perte de l’alignement des corps vertébraux, perte de l’alignement des apophyses articulaires rompues ou luxées.

– c’est une lésion d’instabilité majeure.

Luxations :

Les luxations impliquent une lésion du SMR et de son élément fondamental: le disque.

* Ces lésions sont hautement instables et habituellement compliquées d’atteinte neurologique. L’instabilité disco-ligamentaire est plus grave que l’instabilité osseuse car elle n’a aucune tendance spontanée à la cicatrisation.

* Radiologiquement:

– la luxation peut être patente, avec perte de l’alignement des deux segments rachidiens, sans lésion du corps vertébral.

– la luxation peut s’être spontanément réduite mais il existe un bâillement ou un pincement anormal d’un espace discal. Il existe une minime translation d’une vertèbre sur l’autre. Il existe des fragments osseux de l’arc postérieur ou d’un coin corporéal, témoins indirects de la dislocation.

* Enfin, le blessé présente des signes neurologiques.

Traumatismes majeurs :

Les traumatismes majeurs sont volontiers mixtes.

Une fracture comminutive pouvant en effet associer une instabilité osseuse à une instabilité disco-ligamentaire.

Évolution :

Les lésions osseuses corporéales consolident en 3 à 4 mois.

Les pseudarthroses sont exceptionnelles.

Les cals vicieux sont fréquents en l’absence de traitement chirurgical. Leur tolérance par le patient dépend du degré de la déformation.

Complications évolutives en l’absence de signes neurologiques initiaux :

Les complications évolutives, en l’absence de signes neurologiques initiaux, découlent d’un déplacement:

– soit initial, toléré.

– soit secondaire, par instabilité non traitée.

* Ce déplacement peut entraîner:

* des troubles neurologiques:

– d’apparition franche par déplacement brutal (lésion nerveuse traumatique).

– d’apparition insidieuse par déplacement progressif (myélomalacie d’origine vasculaire probable).

* des troubles mécaniques.

* Douleurs et raideur du rachis dorso-lombaire risquent d’être la rançon de tout déplacement toléré.

Complications évolutives en présence de signes neurologiques initiaux :

(Voir question “complications neurologiques d’un traumatisme du rachis”).

Traitement :

EN L’ABSENCE DE LESIONS NEUROLOGIQUES :

Lésions stables :

Le traitement des lésions stables comporte:

* au niveau dorsal:

– méthode fonctionnelle pure.

– éventuellement corset lors du lever.

* au niveau de la charnière dorso-lombaire et des lombaires:

– en cas de tassement corporéal inférieur à un tiers de hauteur: le port du corset.

– en cas de tassement supérieur ou égal à un tiers: nécessité de réduction et contention plâtrée type Böhler.

Lésions instables :

Le traitement des lésions instables comporte:

* en cas d’instabilité osseuse:

– soit réduction et contention plâtrée durant 3 à 4 mois avec surveillance radiologique pour s’assurer de l’absence de déplacement.

– soit ostéosynthèse.

* en cas d’instabilité disco-ligamentaire ou mixte:

– réduction et stabilisation chirurgicale par ostéosynthèse greffe osseuse.

– l’ostéosynthèse du rachis traumatique se fait le plus souvent par voie postérieure.

EN CAS D’ATTEINTE NEUROLOGIQUE :

On distingue caricaturalement deux attitudes opposées en cas d’atteinte neurologique.

L’attitude non chirurgicale :

Réduction

La réduction est recherchée:

– soit par la méthode des postures.

– soit par manœuvres orthopédiques.

Stabilisation

La stabilisation est recherchée:

– soit par la méthode des postures avec décubitus prolongé.

– soit par corset autorisant le lever précoce.

* c’est une attitude qui trouve sa meilleure justification dans les lésions dorsales hautes (stabilisées par le gril costal) compliquées de paraplégie complète (définitives à ce niveau).

L’attitude chirurgicale :

L’attitude chirurgicale préconise systématiquement et en urgence:

* une réduction des déplacements.

* une décompression du fourreau dural par voie postérieure ou antérieure.

* une stabilisation:

– soit postérieure, avec ostéosynthèse par plaques ou tiges, éventuellement associées à une greffe osseuse postérieure.

– soit antérieure, par greffon corporéal encastré, associé éventuellement à une synthèse antérieure.

Cette option trouve sa meilleure justification dans les lésions lombaires compliquées de troubles neurologiques incomplets.

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