Traumatisme du rachis cervical

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Les traumatismes du rachis cervical sont les plus fréquents des traumatismes du rachis. Leur pronostic est dominé par le risque de lésion médullaire. Celle-ci peut être contemporaine du traumatisme ou apparaître secondairement lors d’un déplacement.

Il importe donc de reconnaître les lésions du rachis cervical et de leur éviter toute aggravation, par un traitement urgent et adapté.

Après un préambule d’explications, la question sera scindée en trois chapitres :

– le diagnostic des traumatismes du rachis cervical.

– les lésions du rachis cervical supérieur.

– les lésions du rachis cervical inférieur.

ANATOMIE FONCTIONNELLE :

Traumatisme du rachis cervicalIl y a sept vertèbres cervicales. Chacune d’entre elles doit supporter le poids de la tête et l’orienter dans l’espace, tout en protégeant la moelle épinière et les artères vertébrales.

La partie supérieure du rachis cervical (C1 et C2) est très distincte par son anatomie et par sa pathologie du reste du rachis cervical (C3 à C7).

Rachis cervical supérieur :

L’atlas

La première vertèbre cervicale, l’atlas, n’a pas de corps vertébral.

– Elle est constituée de deux masses latérales réunies en avant et en arrière par un arc osseux. Chaque masse latérale comprend deux facettes articulaires.

– La facette supérieure correspond au condyle occipital sus-jacent. La facette inférieure correspond à la facette articulaire corporéale supérieure de l’axis.

Entre les deux masses latérales de l’atlas, est tendu transversalement un épais et solide ligament qui divise le trou vertébral en un grand compartiment postérieur ou passe la moelle et un petit compartiment antérieur qui admet l’apophyse odontoïde de l’axis.

L’axis

L’axis (deuxième vertèbre cervicale) est également très original. Son corps vertébral présente une excroissance verticale osseuse en forme de dent: l’apophyse odontoïde, qui s’engage dans l’anneau fermé par l’arc antérieur de l’atlas et le ligament transverse.

* Les articulaires supérieures et inférieures de C2 ont une disposition particulière:

– les articulaires supérieures sont disposées sur le corps vertébral de part et d’autre de l’odontoïde et correspondent à la facette articulaire inférieure de la masse latérale de l’atlas.

– les articulaires inférieures sont à la face inférieure de la partie initiale de l’arc postérieur.

– la zone anatomique qui sépare les articulaires supérieures et inférieures est l’isthme vertébral.

* L’atlas est donc doublement articulé avec l’axis:

– par l’articulation atloïdo-odontoïdienne.

– par l’articulation atloïdo-axoïdienne corporéale.

Complexe C1-C2

Le complexe C1-C2 est particulièrement adapté à la rotation. L’atlas portant la tête tourne autour du pivot odontoïdien solidement maintenu entre l’arc antérieur de C1 et le ligament transverse.

– Ce mouvement autour de l’axe odontoïdien met en jeu: l’articulation atlas-odontoïde et l’articulation atlas-corps de C2.

– Ce sont ces articulations qui travaillent en priorité chaque fois que de la tête on signifie « non ».

* D’autres particularités anatomiques de la région témoignent de l’adaptation à la rotation:

– l’absence de disque intervertébral.

– l’absence de ligament jaune.

– la boucle de l’artère vertébrale.

* L’amarrage de C1 (et donc de la tête) sur C2 (et donc du reste du squelette) dépend donc essentiellement de l’atloïdo-odontoïdienne. En cas de rupture du ligament transverse ou en cas de rupture de l’apophyse odontoïde, C1 bascule sur C2, exposant le névraxe à des lésions de cisaillement.

Rachis cervical inférieur :

Le rachis cervical inférieur comprend cinq vertèbres (C3 à C7) qui se ressemblent et permettent de décrire une vertèbre cervicale inférieure type.

Différence avec la vertèbre dorso-lombaire type

Celle-ci diffère de la vertèbre dorso-lombaire type par:

* sa plus petite taille globale.

* la présence d’apophyses unciformes sur le corps vertébral, permettant un certain emboîtement des corps vertébraux les uns sur les autres.

* la position postérolatérale des pédicules.

* l’importance plus grande des articulaires.

* le trou vertébral plus large.

* les épineuses bifides à leur extrémité.

* la présence d’une gouttière transversaire, encastrée entre la face latérale du corps vertébral et le massif des articulaires:

– cette gouttière est empruntée par les racines nerveuses cervicales.

– elle est perforée pour laisser passer perpendiculairement l’artère vertébrale.

Mobilité du rachis cervical

La mobilité du rachis cervical inférieur est la somme des mobilités segmentaires de C3 à C7.

– Le secteur privilégié est la flexion-extension, mais il existe une mobilité rotatoire et une inclinaison latérale.

– Le segment mobile rachidien est le même qu’au niveau dorso-lombaire, mais au niveau cervical il occupe proportionnellement plus de volume par rapport au squelette.

Autres éléments de la vertèbre cervicale inférieure

* Le grand ligament vertébral commun postérieur (GLVCP) est, au niveau cervical, une formation résistante qui, avec le disque, réalise l’élément de cohésion essentiel du segment mobile rachidien (SMR).

* Sur le plan osseux les schématisations mécaniques évoquées au niveau dorso-lombaire sont valables:

– le segment vertébral moyen de Roy-Camille.

– la vertèbre tripode de Louis.

– les trois colonnes antéropostérieures de Denis.

Néanmoins, le rachis cervical est beaucoup plus orienté vers la mobilité que le dorso-lombaire, et les lésions cervicales graves impliquent quasi systématiquement une atteinte du SMR.

ÉLÉMENTS DIAGNOSTIQUÉS :

Le blessé du rachis cervical est examiné :

– soit dans un contexte dramatique d’urgence: tétraplégie, polytraumatisé inconscient.

– soit, plus simplement, en ambulatoire.

Les pièges :

Quel que soit le contexte, il existe trois pièges:

* celui de ne pas demander de radiographies: négliger une lésion instable chez un polytraumatisé ou chez un traumatisé crânien inconscient se solde régulièrement par l’apparition d’une tétraplégie secondaire.

* celui de ne pas voir le niveau lésé: tous les mammifères supérieurs ont sept vertèbres cervicales. Vous devez les avoir sur le cliché de profil.

* celui de ne pas voir la lésion: l’instabilité est une notion dynamique et le cliché est un instantané (« le soleil à l’horizon peut être au lever ou au coucher »). Il faut savoir suspecter une instabilité et la démasquer par des clichés dynamiques.

Arguments cliniques :

L’examen clinique en cas de lésions neurologiques a déjà été largement détaillé.

* La particularité des lésions médullaires cervicales étant:

– d’une part d’être mortelles lorsqu’elles sont hautes.

– d’autre part de réaliser des tableaux neurologiques variés.

* Par ailleurs, il faut toujours bien distinguer:

– d’une part les lésions médullaires, qui sont graves et témoignent d’une instabilité.

– d’autre part les lésions radiculaires, qui ne témoignent pas d’une lésion du névraxe et qui peuvent accompagner des lésions rachidiennes stables.

– l’association des deux étant, bien entendu, possible et expliquant certaines pseudo-récupérations d’un niveau après section médullaire.

* L’examen du rachis comprend:

– la palpation des épineuses et, plus difficilement, des corps vertébraux, que l’on peut deviner car ils sont situés entre le sterno-cléido-masto•dien recouvrant les vaisseaux et l’axe aérodigestif. Il permet la localisation des douleurs.

– l’étude des mobilités active et passive menées doucement et qui apprécie la contracture musculaire.

* Douleur et raideur sont constantes à des degrés variés mais sans spécificité.

* La symptomatologie fonctionnelle associée peut être riche, mais elle est trompeuse.

Arguments radiologiques :

Le diagnostic précis est radiologique.

Radiographies standards

Les radiographies standards, de face, de profil et obliques, donnent beaucoup de renseignements et suffisent bien souvent à poser une indication thérapeutique.

Scanner

Le scanner permettait déjà une excellente visualisation dans le plan de coupe horizontal et une étude du canal vertébral.

A présent la possibilité d’obtenir, par reconstruction, des coupes sagittales et frontales en font un examen de choix pour l’analyse précise des lésions osseuses.

Les tomographies deviennent donc désuètes.

IRM

L’IRM permet de visualiser dans tous les plans le névraxe et les parties molles (hernie discale), mais elle est surtout indiquée devant des lésions neurologiques inexpliquées.

Elle a rendu exceptionnels les examens radiologiques avec injection de produit de contraste.

Clichés dynamiques

– Les clichés dynamiques sont fondamentaux pour la connaissance de la traumatologie du rachis cervical.

– Ils sont réalisés à quelques jours du traumatisme afin que la contracture musculaire ne verrouille pas le squelette.

– Le blessé conscient, doucement et sans aucune contrainte extérieure, met sa tête successivement en flexion, puis en extension.

– En présence du médecin, un cliché de profil est réalisé dans ces deux positions.

– Un déplacement d’une vertèbre par rapport à l’autre prouve ainsi l’instabilité. Ces conditions de réalisation empêchent toute complication neurologique.

TRAUMATISMES DU RACHIS CERVICAL SUPÉRIEUR :

Les traumatismes du rachis cervical supérieur sont essentiellement provoqués par des traumatismes crâniens, et les associations lésionnelles dans le complexe C1-C2 sont fréquentes.

* La gravité de ces lésions contraste avec le faible pourcentage de complications neurologiques observées en urgence.

– L’explication principale est qu’à ce niveau l’atteinte du névraxe est mortelle et que nous ne voyons que les rescapés.

– Si ces lésions ne sont pas traitées, elles laissent de toute évidence planer une menace de mort pour le moindre traumatisme minime ultérieur.

– L’absence de déficit neurologique et la mauvaise analyse de cliché systématique expliquent la relative fréquence des défauts diagnostiques.

Analyse méthodique des clichés

Il faut obtenir des clichés de bonne qualité et les analyser méthodiquement:

* pour éviter la superposition de la mandibule et des dents, le cliché de face se fait bouche ouverte, mais la moindre rotation rend les images ininterprétables.

* le cliché de profil est riche en informations:

– normalement, entre la clarté aérique du pharynx et C1-C2, il n’existe qu’une mince couche de parties molles.

– l’épaississement de ces parties molles par un hématome est un excellent témoin d’une lésion de C1 ou C2.

– quel que soit le degré de flexion de la tête, l’odontoïde reste solidaire de l’arc antérieur de l’atlas. Tout au plus un écart de 1mm peut s’observer chez l’adulte.

– l’espace limité de profil par les deux arcs de l’atlas peut être divisé en trois: un tiers occupé par l’odontoïde, un tiers par la moelle et un tiers dit de « sécurité » occupé par les ligaments, la dure-mère et le liquide céphalo-rachidien (LCR).

Méthodes de traitement du rachis cervical supérieur: la réduction :

La réduction des déplacements du rachis cervical supérieur se fait soit par traction isolée, soit après abord du rachis:

* la traction est une méthode ancienne et toujours largement utilisée:

– il existe plusieurs systèmes d’étriers qui s’appuient de part et d’autre sur le crâne. Citons l’étrier de Crutchfield, de Ramadier, de Cardner.

– leur pose se fait sous anesthésie locale.

* leur tolérance est variable et ils exposent à deux risques:

– dérapage.

– ou pénétration intracrânienne de l’étrier.

* actuellement le système le plus performant et le plus sûr est le halo:

– quatre pointeaux d’acier sont fichés aux quatre coins du crâne et sont ensuite solidarisés par un cercle métallique sur lequel s’exerce la traction.

– le halo assure un maintien solide, bien toléré et bien réparti sur le crâne.

* une fois le système de la traction posé il faut:

– choisir la direction (le plus souvent dans l’axe du rachis).

– choisir la force de traction (pour commencer, à titre indicatif, environ 1kg par vertèbre au-dessus du niveau lésionnel).

– surveiller le montage et ses effets: cliniquement pour vérifier la solidité et efficacité de l’action et la tolérance par le blessé, par la radiologie, avec un cliché cervical de profil vérifiant l’action de la traction.

Méthodes d’immobilisation du rachis cervical supérieur :

La traction réalise à la fois une réduction et une immobilisation. Elle reste utilisée dans certaines lésions très instables.

Contention externe

La contention externe se fait soit par minerve, soit par halo plâtré:

* la minerve (en plâtre, en plastique, en cuir, etc.) doit, pour pouvoir immobiliser effectivement le rachis cervical supérieur, prendre le thorax, le menton et l’occiput dans la variante légère, l’abdomen et le front en plus dans la variante lourde. Les colliers utilisés dans les entorses bénignes sont notoirement inefficaces dans les lésions instables.

* le halo plâtré est le meilleur système d’immobilisation externe du rachis cervical supérieur. Le halo est solidarisé à un plâtre thoracique par deux barres d’acier situées verticalement de chaque côté de la tête.

* la contention externe reste largement indiquée et utilisée pour les lésions du rachis cervical supérieur:

– soit pour tout traitement.

– soit comme complément de la contention interne.

* ses inconvénients sont:

– le caractère toujours imparfait du maintien.

– la désadaptation progressive des blessés installés dans leur carcan.

– le caractère très contraignant pour certains patients.

Contention interne

* La contention interne a les inconvénients de tous les traitements sanglants et expose à des manoeuvres intempestives, mais elle permet une réduction anatomique et une stabilisation efficace et durable.

* La chirurgie du rachis cervical supérieur se fait surtout par voie postérieure:

– le laçage C1-C2 postérieur: s’appuie sur les arcs postérieurs, réduit les déplacements de C1-C2 et solidarise les deux vertèbres de manière temporaire.

– l’arthrodèse C1-C2 postérieure est un laçage postérieur complété par l’interposition d’un fragment osseux entre l’arc postérieur de C1 et de C2. Lorsque la fusion du fragment est obtenue (environ 3 mois), les deux vertèbres sont définitivement solidarisées.

– l’arthrodèse occipito-C2 est réalisée soit par ostéosynthèse occipito-atloïdienne (plaque vissée) et apposition osseuse, soit par apposition osseuse occipito-C2 isolée.

– le vissage « pédiculaire » de C2 réalise une ostéosynthèse par vis de la fracture de l’arc postérieur. Cette technique efficace est de réalisation délicate.

* Le blocage permanent C1-C2 fait perdre une bonne partie des possibilités rotatoires mais une compensation sus-occipito-atloïdienne et sous-jacente rend cette restriction acceptable. Le blocage occipito-C2 est, lui, très invalidant.

Lésions du rachis cervical supérieur :

Entorse grave C1-C2

L’entorse grave C1-C2: la rupture du ligament transverse est affirmée lorsque, sur le cliché de profil, l’écart arc antérieur de C1-odontoïde égale ou dépasse 3 mm.

Il faut cependant savoir que cette mesure correspond à une technique et à un agrandissement standards. En effet, la distance entre la source du rayonnement et le film radiologique contre lequel est appuyé le blessé est de 1,83 m.

Fracture de C1

La fracture de C1:

* la fracture de Jefferson, dans sa description originale, comprend deux traits sur l’arc antérieur et deux sur l’arc postérieur. Il s’agit donc d’une fracture à quatre fragments. L’usage a étendu ce nom à toutes les fractures ouvrant l’anneau atloïdien.

* le diagnostic de ces fractures sur les clichés standards est difficile en l’absence de déplacement.

* le scanner, avec sa coupe axiale, est l’examen de choix. Lorsqu’il existe un déplacement, le déplacement latéral des masses latérales, visible sur le cliché bouche ouverte, affirme la rupture de l’anneau. Lorsque l’écart est majeur, on peut craindre la rupture du ligament transverse tendu entre les deux masses latérales.

* ces fractures, heureusement rares, sont difficiles à traiter.

* il faut réduire le déplacement par traction prolongée et s’assurer à la fin du délai de consolidation (environ 3 mois) qu’il n’y a pas d’instabilité résiduelle C1-C2.

* en cas d’instabilité on n’est jamais certain de pouvoir prendre appui sur l’arc postérieur, ce qui amène à envisager à l’extrême:

– l’arthrodèse occipito-C2, très invalidante.

– l’arthrodèse élective de chaque masse latérale de l’atlas avec le corps de C2, de réalisation délicate.

Fracture de l’odontoïde

La fracture de l’odontoïde est fréquente et a fait l’objet de multiples travaux. Son mécanisme est controversé. L’odontoïde apparaît sur les clichés de profil du crâne. N’oubliez pas de la regarder.

La non-consolidation de l’odontoïde fracturée est un problème thérapeutique réel, c’est pourquoi les éléments qui font craindre la pseudarthrose doivent être connus.

Il faut séparer les fractures stables des fractures instables:

* les fractures stables sont les fractures non déplacées sur les clichés initiaux et qui ne se déplacent pas aux clichés dynamiques prudents. Les fractures stables consolident parfaitement après immobilisation de 3 mois par minerve.

* les fractures instables ou déplacées doivent être analysées selon quatre paramètres:

– le niveau du trait: les fractures du sommet sont rares. les fractures du col ont un risque élevé de pseudarthrose. les fractures de la base sont de bon pronostic.

– la direction du trait: les traits obliques en bas et en avant sont de bon pronostic. les traits obliques en bas et en arrière sont de mauvais pronostic.

– l’existence d’un écart permanent interfragmentaire est un élément très péjoratif.

– enfin l’âge est le 4e paramètre. Les pseudarthroses étant plus fréquentes après 50 ans.

* en fait les éléments péjoratifs sont souvent groupés:

– les fractures à trait oblique en bas et en arrière siègent souvent au niveau du col et présentent spontanément un large écart interfragmentaire.

– à l’inverse, les fractures obliques en bas et en avant sont souvent basses avec un petit écart interfragmentaire.

* le traitement sanglant ne se discute que lorsqu’il s’agit d’une fracture instable:

– on réalise un laçage C1-C2 lorsque l’on peut espérer une consolidation. La suppression du laçage permet de restituer la rotation.

– le vissage axial de l’odontoïde a de plus en plus de défenseurs.

– lorsque le bilan est péjoratif ou en cas de pseudarthrose avérée, on réalise une arthrodèse C1-C2.

Fractures de l’arc postérieur de C2

Les fractures de l’arc postérieur de C2 sont le plus souvent des fractures dites « des pédicules de C2 » ou des fractures des pendus.

* Fractures des pédicules de C2: le terme est impropre anatomiquement car la zone ou siège le trait de fracture est l’isthme.

* Fracture des pendus:

– la pendaison peut provoquer la mort par deux mécanismes: l’un lent, l’asphyxie (pendaison « haut et court »), l’autre rapide, par lésion médullo-bulbaire (chute importante et extension cervicale brutale).

– ce dernier mécanisme avait été perfectionné au XIXe siècle en Grande-Bretagne dans un but « humanitaire ». Un dispositif placé sous le menton du condamné provoquait une hyperextension majeure de la colonne cervicale et une mort immédiate. L’autopsie de ces pendus révélait régulièrement une fracture des isthmes de C2.

– l’hyperextension est donc, dans ces fractures, le mécanisme principal (certaines formes ont été décrites en hyperflexion).

* Le traumatisme peut provoquer en plus de la rupture des isthmes une déchirure du disque C2-C3. L’instabilité provoque une bascule en avant du bloc « corps de C2 + C1 + tête » (d’ou une autre dénomination: « traumatic spondylolisthesis of the axis »).

* Le traitement non sanglant est indiqué dans les formes non déplacées (minerve ou halo plâtré pendant 3 mois).

* Dans les formes déplacées, on aura recours à la:

– traction, puis immobilisation pour certains auteurs.

– réduction sanglante et ostéosynthèse pour d’autres, c’est-à-dire soit vissage des isthmes de C2, soit plaque vissée C2-C3 avec vissage des isthmes. C’est une chirurgie très spécialisée.

TRAUMATISMES DU RACHIS CERVICAL INFÉRIEUR :

Les traumatismes du rachis cervical inférieur posent un problème de classification. Celle-ci varie considérablement selon les auteurs.

Aucune classification n’est complète mais chacune projette un éclairage différent sur les lésions. La compréhension de l’esprit de ces classifications donne un bon moyen de connaissance des lésions.

Classification :

Classification classique

La classification classique distingue les entorses, les luxations, les fractures et les « fractures-luxations ».

Classification selon les mécanismes

La classification selon les mécanismes distingue en gros les lésions:

– par flexion (par exemple, entorses, luxations bilatérales, tassements cunéiformes antérieurs).

– par flexion-rotation (par exemple, luxation unilatérale).

– par extension (par exemple, fracture des isthmes de C2).

– par compression axiale (par exemple, fracture de Jefferson, « tear drop fractures » (fractures comminutives)).

Ces mécanismes sont souvent associés. Le va-et-vient du cou (ou « whip lash » (coup de fouet) des Anglo-Saxons) est un classique. Les accidents de voiture (sans appuie-tête) en sont pourvoyeurs.

Ces mécanismes sont controversés. Ils permettent cependant d’imaginer la séquence lésionnelle et de rechercher des lésions non évidentes.

Classification en lésions stables et instables

La classification en lésions stables et instables a le grand avantage de tenir compte du pronostic et de dicter une conduite thérapeutique. Elle fait cependant appel à une notion complexe, celle de la stabilité du rachis:

* la stabilité du rachis est la faculté des pièces vertébrales de maintenir leur cohésion dans toutes les positions du corps.

* cette définition est très incomplète:

– elle ne tient pas compte des contraintes très variables que peut subir un rachis cervical normal (sport).

– elle ne tient pas compte du temps. Le déplacement pouvant en fait se faire de manière progressive.

* Roy-Camille propose de distinguer trois types de lésions du rachis:

– premier type: les lésions qui ne se déplacent pas du tout.

– deuxième type: les lésions qui risquent de se déplacer de façon progressive et régulière.

– troisième type: les lésions qui peuvent se déplacer n’importe quand, de façon soudaine et incontrôlable.

– cette classification souligne l’évolutivité de l’instabilité mais n’explique pas les causes d’instabilité.

En réalité si tout le monde est d’accord sur l’importance de l’intégrité du SMR et du mur somatique postérieur, il est difficile d’apprécier avec précision, chez un blessé, l’atteinte de ces structures.

Il existe cependant des éléments de certitude d’instabilité:

* clinique: atteinte médullaire.

* radiologique: rupture du SMR prouvée par l’association:

– d’un écart interépineux important.

– d’un déchaussement des articulaires postérieures.

– d’une translation du mur postérieur, d’un pincement discal. Cet aspect pouvant être démasqué par un cliché dynamique.

* radiologique: rupture du mur somatique postérieur.

Lésions du  segment mobile rachidien :

Lésions graves

Les lésions graves sont les entorses graves, les luxations, les « tear drop fractures ». Lorsqu’elles sont compliquées de tétraplégie, le diagnostic est rapidement fait. Sinon elles peuvent passer inaperçues car:

* le profil du cou ne montre que C5 ou C6 et la luxation est plus basse.

* le cliché est fait en décubitus ou en extension et l’entorse grave échappera à l’examinateur non averti. Seul le cliché dynamique rendra l’instabilité évidente.

* le cliché de profil d’une luxation bilatérale est impressionnant et c’est une lésion instable.

* la luxation unilatérale est plus trompeuse.

– Au moindre doute, le scanner montrera le passage d’une articulaire devant l’autre.

– A vrai dire cette lésion n’est pas instable, mais elle doit être réduite en raison de sa mauvaise tolérance fonctionnelle et de son retentissement sur la racine du côté luxé.

* La « tear drop fracture » est une lésion du SMR produite par un mécanisme de compression-flexion.

– Le trajet de la déchirure d’arrière en avant, au lieu de se terminer dans le disque va, sous l’effet d’écrasement de la vertèbre sus-jacente, détacher un fragment antérieur de corps vertébral. Ce fragment antérieur a, pour les auteurs anglo-saxons, un aspect de larme (« tear drop »).

– C’est une lésion très instable souvent compliquée sur le plan neurologique.

Lésions bénignes du SMR

Les lésions bénignes du SMR sont très fréquentes et posent un réel problème de consultation.

* Après un « va-et-vient » cervical un patient va accuser des cervicalgies associées à une très riche symptomatologie fonctionnelle, des céphalées, des troubles visuels, une paresthésie diffuse et non systématisée, des vertiges, des nausées, une dépression, une hyperanxiété.

* Il n’y a aucun signe neurologique objectif.

* Aucune lésion radiologique, aucune instabilité sur les clichés dynamiques.

* Rarement on retrouve:

– une arthrose cervicale préexistante.

– une insuffisance vertébro-basilaire préexistante.

– une névrose.

* Malgré les nombreuses explorations, aucun support anatomique n’a pu encore être mis en évidence. Tous les bilans vasculo-nerveux sont négatifs. Un dysfonctionnement du système nerveux autonome est probable mais hypothétique.

* Le traitement est symptomatique.

Hernie discale compliquée d’une entorse

Une hernie discale complique parfois l’entorse:

– on peut la soupçonner cliniquement lorsqu’une cervicale augmente à la pression axiale de la tête ou lors de la mise en hyperextension du cou mais ce sont surtout les signes d’atteinte radiculaire qui l’évoquent.

– les radiographies standards sont normales ou mettent en évidence une discrète anomalie de l’espace discal suspecté. La hernie est visualisée par l’IRM ou le scanner.

Lésions osseuses :

Au niveau cervical, il faut systématiquement s’assurer qu’une fracture (épineuse, articulaire, corps vertébral) n’est pas un élément d’une entorse grave.

Sinon l’instabilité est liée à l’atteinte du mur somatique postérieur qui est l’apanage des fractures comminutives.

Traitement au niveau cervical inférieur :

Réduction

La réduction se fait soit par traction, soit par abord chirurgical.

Stabilisation

* La contention externe des lésions instables du rachis cervical inférieur est peu utilisée. En effet, pour la majorité des lésions impliquant le SMR, il para”t plus sûr de recourir à la stabilisation chirurgicale.

* En faveur de la chirurgie par voie postérieure on retient:

– la réduction opératoire sous contrôle de la vue.

– la laminectomie décomprimant la moelle.

– l’ostéosynthèse par plaques de Roy-Camille.

* en faveur de la chirurgie par voie antérieure on retient:

– la suppression des compressions médullaires antérieures.

– la réparation de la colonne antérieure.

– la réalisation d’une arthrodèse antérieure.

En fait, il ne faut pas opposer ces deux chirurgies qui se complètent. Le choix de la voie d’abord dépassant, pour l’instant, les limites de votre responsabilité.

Diagnostic :

CONTEXTE :

Le blessé présente une lésion du système nerveux central :

* Le diagnostic de tétraplégie post-traumatique est évident.

* La conduite à tenir en urgence comprend:

– la prévention des complications immédiates.

– la détermination du niveau de l’atteinte et de son caractère complet ou non.

– la réduction et la stabilisation du rachis.

Coma post-traumatique

* Soit coma post-traumatique chez un traumatisé crânien.

* Soit coma post-traumatique chez un polytraumatisé avec troubles de la conscience.

Dans ces deux cas, les clichés du rachis cervical sont systématiques.

Le blessé ne présente pas d’atteinte du système nerveux central :

Le patient ne présente pas d’atteinte du système nerveux central, pas d’atteinte médullaire et est même conscient.

Le traumatisme peut être récent ou non.

L’examen clinique et radiologique conduit au diagnostic.

EXAMEN CLINIQUE :

L’examen clinique est conduit prudemment. Au besoin, le blessé est immobilisé:

– en décubitus.

– la tête entre deux sacs de sable.

Interrogatoire :

Date et heure de survenue

L’interrogatoire précise la date et l’heure du traumatisme.

Circonstances de survenue

* Sont évocatrices:

– les chutes plongeantes: accident de travail ou de sport, plongeon en eau peu profonde.

– les traumatismes crâniens.

– les « va-et-vient » cervicaux violents (voiture sans appuie-tête).

* Le mécanisme du traumatisme est rarement direct (choc cervical direct). le plus souvent indirect: hyperflexion, extension, rotation par traumatisme crânien ou par décélération brutale.

Symptômes

* Symptômes immédiats:

– douleur cervicale.

– perception d’un craquement.

– fourmillement dans les doigts.

* Symptômes secondaires:

– cervicalgies hautes ou basses.

– raideur, torticolis.

– sensation d’instabilité cervicale.

– douleurs ou faiblesse dans le membre supérieur.

Antécédents

Examen du rachis cervical :

L’examen du rachis cervical comporte:

– étude du port de la tête: attitude guindée ou vicieuse, limitation de la mobilité active.

– palpation des apophyses épineuses à la recherche d’un niveau douloureux.

– palpation des masses musculaires cervicales (entre le paquet jugulo-carotidien et l’axe aérien on peut palper la face antérieure des corps vertébraux).

– étude de la mobilité passive, en flexion-extension, en rotation, en inclinaison latérale.

Examen neurologique :

L’examen neurologique comprend un bilan complet de la motricité, de la sensibilité et des réflexes en faisant la différence entre les signes de lésions médullaire et radiculaire.

* Les signes de lésion ou « d’irritation » médullaire:

– déficit moteur ou sensitif des membres inférieurs.

– spasticité à la marche.

– ROT vifs, diffusés.

– signe de Babinski.

* Les signes de lésion ou d’irritation radiculaire sont une douleur ou un déficit systématisé dans un territoire radiculaire du membre supérieur.

Examen général :

L’examen général élimine:

– une autre atteinte rachidienne.

– une lésion associée lors du traumatisme.

EXAMEN RADIOLOGIQUE :

L’examen radiologique est l’élément fondamental du diagnostic.

Examen standard :

L’examen standard doit être obtenu sans mobilisation du cou.

* La face montre le rachis cervical inférieur et les premières dorsales.

* La face, bouche ouverte, montre C1 et C2.

* Le profil doit montrer toutes les vertèbres cervicales. Au besoin abaisser les épaules pour avoir C7. On retrouve:

– l’alignement harmonieux de la partie antérieure et postérieure des corps vertébraux.

– l’empilement régulier des massifs articulaires.

– la hauteur des disques et des corps vertébraux.

* Les trois quarts droit et gauche montrent les articulaires et les trous de conjugaison.

Scanner :

Le scanner doit être prescrit au moindre doute.

– Il permet l’inventaire précis des lésions osseuses et en particulier de celles du pourtour du canal vertébral.

– La possibilité à présent de faire, à partir des coupes axiales, des reconstructions dans les plans frontal et sagittal, rendent obsolètes les tomographies.

IRM :

L’IRM permet sans rayons X et sans injection de visualiser le névraxe et les parties molles.

C’est l’examen de choix en présence de lésions neurologiques inexpliquées ou dans la perspective d’un pronostic.

Examens avec produits de contraste :

Les examens avec produits de contraste (myélographies ou myéloscanner) ne sont indiqués qu’en cas de contre-indication à l’IRM (stimulateur cardiaque, éclats métalliques cérébraux ou intra-oculaires).

Clichés dynamiques :

Les clichés dynamiques sont des clichés de profil faits en flexion puis extension.

– La position est prise activement par le patient lui-même et sans forcer.

– Le chirurgien doit être présent.

Les clichés sont réalisés quelques jours après l’accident (après atténuation ou disparition de la raideur).

Ils permettent de démasquer une instabilité.

AU TOTAL :

– En urgence: radiographie standard ± scanner.

– En cas de doute sur la stabilité de la lésion: clichés dynamiques ultérieurs.

– En cas d’atteinte neurologique problématique: IRM.

Lésions de C1-C2 :

Les lésions de C1-C2 sont provoquées par un traumatisme crânien, souvent méconnues et souvent associées entre elles.

Le bilan radiologique standard comprend les éléments cités ci-après.

Cliché de face, bouche ouverte, de C1-C2

Le cliché de face, bouche ouverte, de C1-C2 montre:

– les masses latérales de l’atlas.

– l’interligne articulaire atlas-corps de l’axis.

– l’odontoïde de face.

il ne doit être interprété qu’en face stricte.

Cliché de profil

* Le cliché de profil montre:

– l’articulation arc antérieur de l’atlas odontoïde.

– l’odontoïde de profil.

– le corps de C2 de profil.

– l’isthme et les articulaires.

– l’arc postérieur de C1 et C2.

* Cette incidence permet d’analyser les déplacements, soit permanents, soit lors des clichés dynamiques.

* L’épaississement des parties molles en avant de C1-C2 (rétropharyngiennes) est un excellent signe indirect de lésion au rachis cervical supérieur.

* En cas de doute sur un trait: scanner.

ENTORSE GRAVE C1-C2 :

L’entorse grave C1-C2 est la rupture du ligament transverse par mécanisme d’hyperflexion.

L’axe odontoïdien n’ayant plus de sangle postérieure, C1 bascule sur C2, menaçant le névraxe de cisaillement.

Radiographie de face, bouche ouverte :

La radiographie de face, bouche ouverte, est le plus souvent normale.

On observe parfois une petite avulsion d’un fragment de masse latérale, témoignant d’une désinsertion du ligament transverse.

Radiographie de profil :

La radiographie de profil sert à rechercher un épaississement des parties molles rétropharyngées.

* Faite en extension ou en décubitus, le déplacement est réduit et le cliché est souvent normal.

* Le cliché dynamique en flexion fait apparaître un espace anormal entre le bord postérieur de l’arc antérieur de C1 et le bord antérieur de l’odontoïde.

– Normalement cet espace ne dépasse pas 1mm chez l’adulte.

– A partir de 3mm on considère que le ligament transverse est rompu.

Traitement :

L’entorse grave C1-C2 est une lésion instable, sans possibilité de réparation du ligament.

Le traitement est sanglant: arthrodèse C1-C2, par voie postérieure.

FRACTURES DE C1 :

Fracture isolée d’un arc :

Il est nécessaire d’écarter une anomalie congénitale lorsqu’on diagnostique une fracture isolée d’un arc de C1.

* C’est une lésion stable.

– Le plus souvent c’est une fracture de l’arc postérieur.

– Elle est analysée, au mieux, au scanner.

* Il faut systématiquement rechercher une lésion associée en hyperextension (par exemple: une fracture de l’arc postérieur de C2).

Fracture de Jefferson :

La fracture de Jefferson est rare et participe d’un mécanisme de compression axiale avec l’ouverture de l’anneau atloïdien par rupture de l’arc antérieur et postérieur.

Imagerie

* Radiographie de face, bouche ouverte: on observe une divergence des masses latérales de l’atlas. Elle est analysée au mieux par des tomographies de face.

* Sur la radiographie de profil:

– rechercher l’épaississement des parties molles rétropharyngées.

– rechercher une lésion associée.

* Le scanner est l’examen de choix pour C1. La coupe axiale visualise parfaitement la lésion.

Traitement

* Les fractures stables peuvent être traitées par minerve ou par halo-plâtre durant 2 à 3 mois.

* Les fractures instables sont difficiles à traiter:

– soit traction et immobilisation par halo-plâtre durant 3 mois avec recherche d’une instabilité C1-C2 au terme de l’immobilisation.

– soit arthrodèse des masses latérales C1-C2, de réalisation délicate.

– soit arthrodèse occipito-C2, qui peut entraîner un handicap fonctionnel.

FRACTURE DE C2 :

Fracture de l’apophyse odontoïde :

La fracture de l’apophyse odontoïde est la plus fréquente des lésions du rachis cervical supérieur.

Elle passe souvent inaperçue et il faut y penser systématiquement dans les grands traumatismes crâniens.

Le mécanisme est complexe: flexion-extension et compression.

Diagnostic

Le diagnostic est fait sur le cliché de C1-C2:

– de face, bouche ouverte.

– de profil.

– faire une tomographie ou un examen au scanner frontal et sagittal, au moindre doute.

Bilan

Le bilan doit préciser:

– la hauteur du trait: base de l’odontoïde? col de l’odontoïde?

– la direction du trait sur le profil: oblique en avant et en bas (OBAV) horizontal, oblique en arrière et en bas (OBAR).

– l’existence d’un déplacement et sa direction.

– la stabilité des lésions non déplacées peut être confirmée par des clichés dynamiques prudents.

Complications

Les complications sont dominées par la pseudarthrose de l’odontoïde: complication fréquente, source d’instabilité chronique grave qui se traduit à la fin du traitement:

– par des cervicalgies persistantes.

– par la persistance du trait aux radiographies standards ou sur le scanner.

– par la mobilité lors de la prise de clichés dynamiques.

Fractures stables et instables

Le bilan initial doit séparer les fractures stables des fractures instables:

* l’évolution des fractures stables est favorable lorsqu’elles sont correctement immobilisées pendant 3 mois.

* les fractures instables doivent être analysées:

– éléments péjoratifs: écart interfragmentaire important, trait oblique en bas et en arrière, trait dans le col de l’odontoïde, sujet âgé.

– éléments favorables: absence d’écart interfragmentaire, trait oblique en bas et en avant, trait à la base de l’odontoïde, sujet jeune.

* l’atteinte neurologique menace toute instabilité immédiate ou secondaire: à ce niveau elle est le plus souvent fatale.

Traitement

* Traitement des fractures stables: immobilisation pendant 3 mois en minerve (ou en halo plâtré).

* Traitement des fractures instables:

– laçage C1-C2 par voie postérieure.

– vissage odontoïdien par voie antérieure.

– arthrodèse C1-C2 en cas d’échec des autres méthodes ou de pseudarthrose.

Fracture des isthmes de C2 :

Le mécanisme principal de la fracture des isthmes de C2 est l’hyperextension.

* La radiographie de profil standard, complétée par des tomographies, est la plus riche en renseignements:

– le trait passe entre l’articulaire antérieure et supérieure qui est corporéale et l’articulaire postérieure et inférieure qui est sur l’arc postérieur.

– le déplacement éventuel est toujours antérieur. Le corps de C2 (surmonté de C1 et du crâne) basculant en avant de C3.

* Les trois variétés principales sont:

– les fractures isthmiques peu ou pas déplacées et stables.

– les fractures avec bascule de C2 sur C3 (spondylolisthésis).

– les fractures isthmiques avec luxation des articulaires postérieures.

* Le traitement des:

– fractures stables nécessite une immobilisation en minerve pendant 3 mois.

– fractures instables comporte: soit traction suivie d’immobilisation en halo pendant 3 mois, soit réduction et ostéosynthèse C2-C3.

Lésions du rachis cervical inférieur :

BILAN DE STABILITÉ :

Les lésions du rachis cervical inférieur peuvent intéresser:

* soit le segment mobile rachidien, dont la stabilité dépend surtout:

– du grand ligament vertébral commun postérieur.

– du disque.

* soit le squelette vertébral, dont la stabilité dépend essentiellement:

– du mur somatique postérieur.

– des massifs articulaires.

En fait l’instabilité osseuse pure est rare au rachis cervical inférieur. Les lésions sont soit disco-ligamentaires, soit mixtes.

* Les principales lésions instables sont:

– les entorses graves dont le mécanisme est l’hyperflexion ou l’hyperextension.

– les luxations articulaires auxquelles on rattache les fractures articulaires. Le mécanisme est celui d’une hyperflexion ± rotation.

– les fractures corporéales comminutives et la « tear drop fracture ». Le mécanisme est celui d’une compression axiale prédominante.

Traitement des lésions stables

Lors du traitement des lésions stables du rachis cervical inférieur, il faut procéder à:

– une immobilisation par contention externe.

– associée à la rééducation.

Traitement des lésions instables

Lors du traitement des lésions instables du rachis cervical inférieur, l’existence de signes neurologiques impose la réduction en urgence du déplacement:

– soit par mise en traction.

– soit par abord chirurgical.

* La majorité des lésions instables justifie un traitement chirurgical avec, si nécessaire, traction préopératoire ou peropératoire. Ce traitement comprend:

– la réduction du déplacement.

– la libération du névraxe.

– la contention interne.

* Le traitement est suivi d’une immobilisation par contention externe jusqu’à consolidation (en moyenne 3 mois) et d’une rééducation:

– isométrique immédiate sous minerve.

– dynamique ensuite.

Voies chirurgicales

La chirurgie peut se faire par deux voies:

* l’abord postérieur permet:

– la réduction des déplacements, en particulier les luxations.

– la laminectomie décompressive.

– l’ostéosynthèse postérieure de deux ou plusieurs étages.

– l’arthrodèse postérieure de deux ou plusieurs étages.

* l’abord antérieur permet:

– la levée des compressions médullaires antérieures.

– la stabilisation antérieure, soit par greffon, soit par synthèse.

– l’arthrodèse corporéale antérieure.

Ces deux abords peuvent, au besoin, se succéder.

LESIONS DU SEGMENT MOBILE RACHIDIEN :

Entorses bénignes :

Les entorses bénignes succèdent à un traumatisme mineur, avec un mécanisme de « va-et-vient », le plus souvent (exemple fréquent: automobiliste à l’arrêt percuté à l’arrière).

Tableau clinique

Le tableau clinique est:

– soit un endolorissement passager du cou.

– soit une cervicalgie accompagnée d’une riche symptomatologie fonctionnelle: céphalées, dorsalgies, vertiges, asthénie.

* L’examen du rachis retrouve des points douloureux postérieurs ou antérieurs.

* La mobilité active est souvent limitée par des contractures musculaires, mais la mobilisation passive douce est possible.

* L’examen neurologique ne retrouve aucun signe objectif.

* Le bilan recherche des facteurs favorisants:

– notion de cervicarthrose.

– notion d’insuffisance vasculaire vertébro-basilaire.

– problème d’insertion socioprofessionnelle.

Bilan radiologique

Le bilan radiologique est normal:

– il existe parfois une rigidité globale ou segmentaire de la colonne cervicale.

– parfois une arthrose est préexistante.

– les clichés dynamiques sont normaux.

Au total le tableau clinique est subjectif, l’évolution traînante.

Traitement

Le traitement comprend:

– l’immobilisation cervicale par collier pour lutter contre la douleur, contre la contracture.

– la prescription de médicaments: antalgiques, décontracturants, anxiolytiques au besoin.

– une rééducation douce et passive avec massage au début puis, progressivement, active.

Hernie discale associée

Rarement, l’entorse peut s’accompagner d’une hernie discale qui va se traduire par une névralgie cervico-brachiale. Les radiographies sont normales. Le diagnostic est fait par le scanner ou L’IRM.

Entorses graves :

Entorse grave par hyperflexion

« L’entorse grave par hyperflexion peut se présenter soit avec un tableau clinique d’entorse bénigne, soit d’emblée avec des signes neurologiques.

* Les radiographies de profil montrent d’arrière en avant quatre anomalies:

– écart interépineux anormal.

– perte du parallélisme et du contact des surfaces articulaires postérieures.

– décalage de 3 mm ou plus des murs postérieurs (antélisthésis).

– cyphose discale de plus de 10° (perte de parallélisme des plateaux vertébraux).

* Les clichés dynamiques, lorsque le déplacement initial s’est spontanément réduit, permettent de démasquer l’instabilité en flexion:

– déchaussement des articulaires postérieures.

– translation antérieure d’un corps vertébral sur l’autre.

Entorses graves en hyperextension

Les entorses graves en hyperextension sont plus rares et se traduisent parfois sur les clichés radiologiques par un bâillement discal antérieur et un rétrolisthésis.

– L’IRM met en évidence des lésions disco-ligamentaires antérieures.

– L’hyperextension brutale peut, par rétrécissement du canal vertébral, provoquer un syndrome central de la moelle.

Luxation unilatérale :

Par un mécanisme de flexion-rotation d’un seul côté, l’articulaire inférieure de la vertèbre sus-jacente passe en avant de l’articulaire supérieure de la vertèbre sus-jacente et provoque la luxation unilatérale de vertèbre.

* Cliniquement, il existe souvent un syndrome radiculaire pur, correspondant au côté et au niveau de la luxation.

* Radiologiquement:

– de face: au niveau du segment luxé, il existe une brusque déviation d’une épineuse par rapport aux voisines.

– de profil: la vertèbre luxée apparaît de trois quarts.

– le scanner confirme la luxation.

Luxation bilatérale :

La luxation bilatérale de vertèbre succède à un mécanisme d’hyperflexion avec luxation des deux articulaires.

* Cliniquement, l’atteinte médullaire est fréquente.

* Radiologiquement:

– le cliché de profil est impressionnant. Il existe: en avant, une importante translation d’une vertèbre sur l’autre avec cyphose et, en arrière, les articulaires de la vertèbre supérieure sont passées en avant de celles de la vertèbre inférieure.

– le seul piège est de méconnaître une luxation basse C6-C7 ou C7-D1. Il faut donc toujours voir C7 sur le profil.

« Tear drop fracture » :

La « tear drop fracture » est provoquée par un mécanisme de compression-flexion qui entraîne une déchirure du segment mobile et une fracture corporéale antérieure.

* Les complications médullaires sont fréquentes.

* Sur les clichés radiologiques de profil:

– présence d’un petit fragment osseux antéro-inférieur qui reste solidaire du disque sous-jacent.

– aspect d’entorse grave du segment mobile concerné (bâillement discal postérieur, déchaussement des articulaires et écart interépineux).

– recul du mur postérieur responsable des lésions médullaires.

* Le scanner retrouve souvent un trait de fracture sagittal corporéal.

Hernie discale :

La forme typique de hernie discale associe, après un traumatisme:

– un syndrome rachidien cervical: douleurs, raideur.

– un syndrome radiculaire au membre supérieur (névralgie cervico-brachiale).

– il n’y a aucun signe d’atteinte médullaire.

– Les clichés standards ne permettent pas le diagnostic.

– Les clichés dynamiques écartent une entorse grave.

– Le scanner ou l’IRM permettent de visualiser la hernie.

Il n’y a pas d’instabilité.

* Le traitement médical comprend: repos, traction, manipulation, infiltrations.

* La chirurgie est indiquée:

– en cas d’échec du traitement médical.

– en cas de formes hyperalgiques.

– en cas de formes paralysantes.

FRACTURES :

Fractures isolées d’épineuse :

Les fractures isolées d’épineuse ne posent pas de problème de stabilité.

Il faut s’assurer qu’elles n’entrent pas dans le cadre d’une entorse grave.

Tassements cunéiformes antérieurs :

Les tassements cunéiformes antérieurs succèdent à un mécanisme de flexion.

* Le profil montre:

– une diminution de hauteur du corps vertébral en avant.

– une intégrité du mur somatique postérieur.

Il faut ici s’assurer, tant sur les radiographies standards que sur les clichés dynamiques qu’il n’y a pas d’entorse grave.

Fractures comminutives du corps vertébral :

Les fractures comminutives du corps vertébral succèdent à un mécanisme de compression axiale.

* Le bilan radiologique montre:

– une rupture du mur somatique postérieur avec recul variable.

– un trait fondamental horizontal correspondant à l’écrasement vertébral.

– un trait fondamental sagittal rompant le corps vertébral et l’arc postérieur. Il est surtout visible au scanner.

* Ces fractures s’accompagnent souvent de lésions médullaires et sont instables.

* Le traitement est essentiellement sanglant, visant:

– à réduire le déplacement.

– à libérer le canal médullaire.

– à stabiliser le rachis cervical.

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