Spondylarthrite ankylosante

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La spondylarthrite ankylosante (SPA), encore appelée pelvispondylite rhumatismale, est un rhumatisme inflammatoire relativement fréquent, sa prévalence étant estimée entre 1 à 2 pour 1 000. Elle affecterait principalement l’homme (3 sur 4) ; cependant, cette notion est actuellement contestée, et la répartition inégale des sexes tend à s’équilibrer avec une meilleure reconnaissance des formes frustes de la maladie. Elle débute le plus souvent chez le sujet jeune (entre 18 et 30 ans). Elle peut cependant débuter chez l’enfant, dès 8 ans (spondylarthrite juvénile) ou, plus exceptionnellement, chez le sujet âgé.

SPONDYLARTHROPATHIES ET ARTHRITES REACTIONNELLES :

Spondylarthrite ankylosanteLes spondylarthropathies groupent des entités relativement bien définies, mais liées entre elles par de nombreuses formes de passages et des liens génétiques et pathogéniques.

Ce sont:

– la spondylarthrite ankylosante (SPA).

– le syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter (FLR) et les arthrites réactionnelles (AR).

– l’oligo-arthrite séronégative.

– le rhumatisme psoriasique (dans sa forme axiale ou mixte).

– les rhumatismes des entérocolopathies chroniques (recto-colite hémorragique et maladie de Crohn).

– la maladie de Whipple et le syndrome de Behçet ne sont pas admis dans ce cadre par la plupart des auteurs.

* Ce grand groupe de rhumatismes se caractérise par l’association à des degrés divers:

– d’un syndrome pelvi-rachidien (décrit dans la spondylarthrite ankylosante).

– d’un syndrome articulaire périphérique (dont les caractéristiques sont l’asymétrie, la prédominance aux membres inférieurs, le caractère non destructeur, certains aspects comme les doigts ou les orteils « en saucisse »).

– d’un syndrome enthésopathique (talalgies).

– de manifestations extra-articulaires: psoriasis, uvéite, insuffisance aortique.

– des caractères négatifs: absence de nodules rhumatoïdes. sérologie rhumatoïde négative. absence d’érythème noueux.

– une association fréquente à l’antigène HLA B27.

– et une agrégation familiale de ces affections.

* Ce cadre constitue une première approche dans le diagnostic d’un rhumatisme inflammatoire, qui peut déjà permettre d’orienter le traitement.

ÉPIDÉMIOLOGIE :

* Aussi fréquentes que la polyarthrite rhumatoïde en France, les spondylarthropathies touchent trois fois sur quatre les hommes de moins de 40 ans.

* Leur fréquence suit grossièrement la fréquence du HLA B27 dans la population générale.

– Les sujets B27 négatifs appartiennent souvent au groupe B27 CREG (B7, B40, B22, B27), mais d’autres traits génétiques peuvent intervenir, en particulier ceux du psoriasis.

– Des infections peuvent déclencher ces rhumatismes. Cela est particulièrement net dans les arthrites réactionnelles, mais n’est pas exclu dans la spondylarthrite ankylosante.

Spondylarthrite ankylosante :

La spondylarthrite ankylosante est aussi appelée pelvispondylite rhumatismale.

DONNEES GENERALES :

* Type même des rhumatismes axiaux, la pelvispondylite rhumatismale combine à des degrés divers un syndrome pelvien, un syndrome rachidien, des atteintes articulaires périphériques ou rhizoméliques, des douleurs d’insertion tendineuse (enthésopathie) et des signes extra-articulaires (iritis, insuffisance aortique).

* Elle touchait trois hommes pour une femme, mais actuellement le sex-ratio tend vers l’unité. Elle débute souvent entre 18 et 26 ans, mais les âges de début extrêmes vont de 9 ans (formes juvéniles) à plus de 40 ans.

* C’est une maladie à forte composante héréditaire dont le terrain est marqué par l’antigène HLA B27.

TABLEAU CLINIQUE :

Le syndrome pelvien :

Douleurs

Les douleurs sont évocatrices par leur siège en pleine fesse, irradiant à la face postérieure de la cuisse jusqu’au genou, réalisant le tableau de pseudo-sciatique en caleçon à bascule.

Elles peuvent parfois descendre au-dessous du genou, simulant une sciatique d’origine vertébrale.

Horaire

– Les douleurs s’exacerbent au petit matin, après un repos prolongé.

– Elles s’atténuent après un temps de dérouillage.

– Les douleurs entravent exceptionnellement l’appui monopodal (à l’inverse des sacro-iliites infectieuses).

– Elles peuvent être impulsives à la toux.

Examen clinique

L’examen clinique peut réveiller la douleur en pleine fesse:

– par pression directe de la sacro-iliaque.

– par écartement des ailes iliaques.

– par adduction forcée de la hanche.

– par appui sur le sacrum, le malade étant à plat ventre (signe du trépied).

Radiographie

* La sacro-iliaque est très bien vue sur le grand cliché dorso-lombo-pelvi-fémoral de face en incidence postéro-antérieure (incidence de De Sèze).

* Les signes radiologiques peuvent être absents ou présents. on les classe en trois stades:

– pseudo-élargissement.

– érosion des berges avec ostéosclérose.

– fusion.

– la symphyse pubienne est parfois pseudo-élargie ou ses berges irrégulières et condensées.

Le syndrome rachidien :

Douleurs

Les douleurs lombaires, dorso-lombaires, thoraciques ou cervicales évoluent par poussées, surtout nocturnes et matinales, s’atténuant après un temps de dérouillage.

Examen clinique

L’examen clinique peut mettre en évidence soit une raideur variable, plus nette le matin qu’à midi, soit un enraidissement de certains segments du rachis et des déformations.

Pour en mesurer l’importance et en suivre l’évolution sur une longue période, un certain nombre de mensurations sont utiles:

– doigts-sol: mesure la souplesse du rachis et des hanches.

– l’indice de Schober, lombaire ou dorsal: renseigne sur la souplesse de ces deux segments.

– nuque-mur: C7-mur mesure la cyphose dorsale.

– occiput-mur: mesure la cyphose cervicale.

– l’ampliation thoracique mesure la souplesse des articulations costo-vertébrales.

Radiographie

* La radiographie recherche les syndesmophytes: ossification formant un pont osseux intersomatique situé au début à la jonction dorso-lombaire, pouvant s’étendre à tout le rachis (colonne bambou).

* un rachis raide sans syndesmophytes s’explique souvent par une ankylose des articulations postérieures.

* de profil, on peut voir:

– une érosion cernée de sclérose du rebord vertébral antérieur, signe de Romanus.

– une abrasion des rebords vertébraux supérieurs et inférieurs rendant le profil antérieur de la vertèbre rectiligne (« squarring »).

* la subluxation atloïdo-axoïdienne est rare dans la spondylarthrite ankylosante.

Le syndrome articulaire et les enthésopathies :

Arthrites périphériques

* Des arthrites périphériques touchant surtout les membres inférieurs (genou, cheville, métatarso-phalangiennes) inaugurent 100% des spondylarthrites ankylosantes juvéniles et 30% des spondylarthrites ankylosantes en général.

– La maladie se présente alors comme une oligo-arthrite séronégative. De tels épisodes sont retrouvés à l’interrogatoire des patients ou de leur famille.

– Ces arthrites périphériques n’ont pas d’expression radiologique, sauf aux métatarso-phalangiennes ou l’on peut voir pincement et érosion.

Arthrites rhizoméliques

Les arthrites rhizoméliques, épaules et surtout hanches, peuvent accompagner les arthrites périphériques et donc être précoces.

– C’est surtout vrai chez l’enfant ou les très jeunes gens. Sinon, la coxite est plus tardive. C’est la localisation la plus sévère de l’affection.

– Sur le plan radiologique, la coxite peut être muette, mais souvent apparaissent un pincement concentrique de l’interligne et des ostéophytes marginaux (coxite constructive très enraidissante).

Enthésopathies

Les enthésopathies (inflammation des insertions tendineuses) sont responsables de nombreuses douleurs, en apparence imprécises, dont se plaignent les malades (talalgies, douleurs périrotuliennes, douleurs périfémorales).

– Les talalgies sont particulièrement fréquentes et évocatrices.

– A la radiologie, soit elles sont muettes, soit elles apparaissent comme des érosions puis des ossifications responsables d’épines calcanéennes grossières et de l’aspect hérissé du bassin.

Le syndrome extra-articulaire et quelques manifestations rares :

Parmi les manifestations extra-articulaires de la pelvispondylite rhumatismale, on retrouve:

– une iridocyclite ou uvéite antérieure aigue, souvent récidivante, émaillant l’évolution de 25% des spondylarthrites ankylosantes.

– des troubles de la conduction à type de blocs de divers degrés pouvant inaugurer la maladie (1%) et l’insuffisance aortique rarement sévère (2%).

– un remaniement fibro-bulleux des lobes apicaux, exceptionnel.

– un syndrome de queue de cheval: rare, par arachnoïdite compressive.

– une amylose.

– les fractures sur ces rachis très enraidis et parfois déminéralisés pouvant être difficiles à reconnaître.

ÉVOLUTION ET TRAITEMENT :

Critères de surveillance d’une spondylarthrite ankylosante :

A court terme

On apprécie l’évolution de la maladie sur les signes traduisant l’inflammation:

* les douleurs nocturnes, l’existence d’une raideur matinale quel qu’en soit le siège (rachidien, thoracique, talalgie, etc.).

* la dose d’AINS nécessaire pour soulager les douleurs.

* la vitesse de sédimentation n’est pas toujours d’un grand secours:

– elle peut être normale dans une spondylarthrite ankylosante évolutive.

– mais, très élevée, elle accompagne souvent des spondylarthrites ankylosantes sévères.

A long terme

L’évolution se juge sur les mensurations précédemment décrites.

Les radiographies, une fois le diagnostic établi, n’ont pas d’utilité, sauf pour dépister une luxation de la charnière cervico-occipitale et pour surveiller l’évolution d’une coxite.

L’évolution est très variable :

* Rarement, la maladie progresse sans répit (malgré le traitement) vers l’ankylose du rachis et parfois aussi des hanches ou des épaules.

* Parfois, elle évolue par poussées entrecoupées de rémissions, mais enraidit peu à peu le rachis.

* Souvent, le tableau se résume à une sacro-iliite: le rachis reste indemne.

* Une impotence fonctionnelle sévère n’est réalisée que dans 10% des cas (les formes à début très précoce sont les plus sévères).

* Les causes de mort directement liées à la maladie sont peu nombreuses (insuffisance aortique, amylose secondaire), si bien que la durée de vie de ces patients ne diffère pas sensiblement de celle de la population générale.

Traitement :

Le traitement est symptomatique. La multiplicité des formes évolutives nécessite de nuancer le traitement en fonction de la gravité. On mènera simultanément:

– le traitement anti-inflammatoire, qui soulage la douleur.

– le traitement physique pour éviter les attitudes vicieuses.

Traitement anti-inflammatoire

* Le traitement anti-inflammatoire est essentiellement fondé sur les AINS pratiquement tous efficaces:

– le but est de supprimer les douleurs nocturnes et la raideur matinale (signes d’évolutivité). Après un traitement d’attaque, on cherchera par paliers la dose minimale efficace qui supprime ces deux symptômes.

– la prise du médicament le soir au coucher est la plus utile et peut parfois suffire.

– lors des rémissions, la prise d’AINS n’est pas utile.

* Certains patients atteints de spondylarthrite ankylosante, dont le rachis est totalement soudé, souffrent de la charnière cervico-occipitale, sans signe radiologique de luxation. Ces douleurs sont, à notre avis, les seules indications de la radiothérapie anti-inflammatoire quand rien d’autre ne les soulage.

Traitement de fond

Comme traitement de fond, les sels d’or peuvent rendre service dans les formes comportant des atteintes articulaires périphériques. on utilise les mêmes posologies que dans la polyarthrite rhumatoïde.

Il en est de même de la salazosulfapyrine qui a également été proposée dans le traitement des formes axiales rebelles ou intolérantes aux AINS.

Traitements physiques

Les douleurs étant contrôlées par les AINS, on doit prévenir les déformations rachidiennes, la cyphose surtout, en demandant au patient:

– de coucher à plat dos.

– de faire régulièrement des postures à plat ventre et de la gymnastique respiratoire.

– si la cyphose est installée récemment, il faut la réduire par un corset de Swaim puis maintenir la réduction par la rééducation.

– les grandes cyphoses irréductibles (le malade ne peut voir devant lui) peuvent bénéficier d’une ostéotomie vertébrale.

– les sports, natation sur le dos ou sur le ventre avec tuba, sont recommandés.

– les spondylarthrites ankylosantes peu graves autorisent la pratique de tous les sports.

Indications particulières

* Si les atteintes périphériques résistent aux AINS, on pourra recourir:

– en cas de monoarthrite, à des infiltrations intra-articulaires de corticoïdes.

– en cas d’oligo-arthrite, à un traitement par les sels d’or ou par la salazosulfapyrine.

– en cas de coxite, à une synoviorthèse par l’acide osmique. Si le handicap fonctionnel reste sévère, le recours à une prothèse totale est justifiée, même chez un sujet jeune.

* Atteintes extra-articulaires: l’uvéite doit être confiée d’urgence à un ophtalmologiste.

Autres spondylarthropathies :

ARTHRITES REACTIONNELLES, SYNDROME DE FIESSINGER-LEROY-REITER :

Les arthrites réactionnelles sont déclenchées par des infections transmises par voies sexuelle ou digestive.

L’arthrite n’est qu’une des expressions de ces affections multisystémiques.

Quand une triade clinique urétro-oculo-synoviale suffisamment évocatrice à elle seule est réalisée, on appellera volontiers l’arthrite réactionnelle syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter, du nom des deux auteurs français et de l’auteur allemand qui l’ont décrit en 1916.

Les arthrites réactionnelles sont rattachées au groupe des spondylarthropathies, car des signes rachidiens se mêlent volontiers aux atteintes articulaires périphériques, et une spondylarthrite apparaît dans les années ultérieures dans 30% des cas.

Enfin, les arthrites réactionnelles sont plus fréquentes chez les sujets porteurs de l’antigène HLA B27 (70%) et touchent plus souvent l’homme que la femme (trois pour un) et les sujets jeunes (début avant 40 ans dans 70% des cas) comme toutes les spondylarthropathies.

On décrira un syndrome articulaire, un syndrome extra-articulaire (diarrhée, urétrite, conjonctivite, lésions cutanéo-muqueuses), le terrain génétique et les germes déclenchants.

Le syndrome articulaire :

Le syndrome articulaire est une oligo-arthrite (80%), une polyarthrite (10%) ou une monoarthrite (10%) de début brutal, ayant certains caractères évocateurs:

– l’asymétrie.

– une atteinte des orteils ou des doigts qui prennent un aspect de saucisse.

– l’association à des douleurs fessières ou rachidiennes d’horaire inflammatoire.

– à des talalgies. Ces talalgies peuvent être au premier plan (syndrome talalgie-urétrite).

* Les radiographies articulaires sont normales.

* Une sacro-iliite peut cependant être présente dès le début dans 5% des cas.

– On peut aussi observer des érosions calcanéennes ou des épines calcanéennes, une déminéralisation des métatarso-phalangiennes, voire une érosion de la cinquième tête métatarsienne.

* Les arthrites s’accompagnent d’une atteinte générale grossièrement parallèle à leur importance.

– Une forme polyarticulaire est souvent fébrile (39 °C) et s’accompagne d’un amaigrissement rapide.

– Les formes oligo-articulaires sont peu fébriles (38 °C) et l’état général peu altéré.

* Les épanchements articulaires contiennent des liquides synoviaux riches en cellules ou prédominent les polynucléaires, puis les macrophages dont le cytoplasme est chargé de débris cellulaires.

* La vitesse de sédimentation est augmentée et permettra de suivre l’évolution. La leucocytose sanguine est modérément augmentée.

Le syndrome extra-articulaire :

La diarrhée, l’urétrite ou la cervicite, la conjonctivite, les signes cutanéo-muqueux sont les signes cardinaux du syndrome extra-articulaire. La présence d’au moins l’un d’entre eux est nécessaire au diagnostic. Les atteintes cardio-vasculaires et neurologiques sont plus rares.

Diarrhée

La diarrhée est une dysenterie durant quelques jours, qui précède l’arthrite de moins de 1 mois et guérit sans séquelle.

Urétrite

L’urétrite peut être secondaire à une porte d’entrée digestive, donc inflammatoire:

* elle guérit dans ce cas spontanément en quelques jours.

* plus souvent, c’est une urétrite infectieuse non gonococcique (UNG) sexuellement transmise.

– Ces UNG sont souvent traînantes et/ou récidivantes.

– Elles ne constituent un critère de diagnostic que si elles accompagnent ou précèdent l’arthrite de moins de 1 mois.

Conjonctivite

La conjonctivite est souvent bilatérale:

– elle guérit en quelques jours.

– elle n’a de valeur diagnostique que contemporaine ou précédant l’arthrite de moins de 1 mois.

– il faut la distinguer de l’iritis ou uvéite antérieure, également observée, mais plus tardivement.

Lésions muqueuses

Lésions érythémateuses indolores de la muqueuse buccale, de la langue ou de la muqueuse du gland (balanite circinée).

Lésions cutanées et unguéales

Lésions de psoriasis pustuleux pouvant prendre la disposition très caractéristique de kératodermie palmo-plantaire.

Atteintes cardiaques

Troubles du rythme, insuffisance aortique comme dans la spondylarthrite ankylosante. Des cas de neuropathies périphériques ont été rapportés.

Terrain génétique :

L’antigène HLA B27 est présent dans 70% des cas.

On trouve des antécédents familiaux de spondylarthropathie ou de psoriasis dans 10% des cas. Ces antécédents sont précieux pour conforter un diagnostic.

Germes déclenchants :

Arthrites réactionnelles sexuellement transmises

Les arthrites réactionnelles sexuellement transmises sont déclenchées par Chlamydia trachomatis et Ureaplasma urealyticum.

– Ces germes sont parfois associés aux gonocoques (urétrites mixtes).

– La culture des prélèvements urétraux ou cervicaux, la recherche des anticorps spécifiques par immunofluorescence permettent de les identifier.

Arthrites réactionnelles par voie digestive

Les arthrites réactionnelles par voie digestive sont dues à Shigella flexneri, Yersinia enterocolitica, Y. pseudo-tuberculosis, Salmonella typhi et S. paratyphi, Campylobacter jejuni.

– La culture des selles est rarement positive lorsque l’arthrite apparaît.

– Dans ce cas, le diagnostic de l’infection repose sur la recherche d’anticorps spécifiques.

Dans près de la moitié des cas d’arthrites réactionnelles, aucun germe déclenchant n’est mis en évidence. Le diagnostic est cependant possible grâce à la réunion d’un nombre suffisant de critères cliniques.

Évolution :

A court terme

La première poussée d’arthrite réactionnelle est résolutive en quelques mois: 3 à 6 mois pour une oligo-arthrite, jusqu’à 1 an dans une polyarthrite très fébrile.

– Le pronostic vital n’est en jeu que dans d’exceptionnelles formes polyarticulaires associées à un psoriasis pustuleux.

– Les talalgies sont quelquefois très tenaces.

A plus long terme

Des rechutes ou des récidives spontanées à l’occasion d’une nouvelle infection sont fréquentes.

– Ces rechutes peuvent être articulaires ou extra-articulaires.

– Chez les malades suivis pendant 10 à 15 ans, on verra apparaître des signes de spondylarthrite ankylosante dans un tiers des cas.

– Le pronostic fonctionnel est cependant bon, les périodes d’incapacité étant relativement brèves.

Diagnostic :

(Voir “ Diagnostic des spondylarthropathies ”.)

RHUMATISME PSORIASIQUE :

Au carrefour de tous les rhumatismes inflammatoires, les rhumatismes associés au psoriasis empruntent, à des degrés divers et d’un cas à l’autre, des signes à la spondylarthrite ankylosante, au syndrome de Reiter et aux polyarthrites rhumatoïdes séronégatives.

Atteinte articulaire

Le rhumatisme est fait:

* d’un syndrome périphérique: oligo-arthrite ou polyarthrite souvent asymétrique touchant toutes les articulations et les IPD, pouvant réaliser l’aspect de doigts ou orteils en saucisse.

– Ces formes périphériques évoluent souvent par accès parfois très aigus: pseudo-goutteux, longtemps régressifs.

– Dans 5% des cas, l’évolution se fait vers un rhumatisme psoriasique mutilant, combinant déformations, ostéolyse, enraidissement articulaire et enthésopathies (talalgie, périostite des phalanges des orteils).

* d’un syndrome pelvien et rachidien comparable à celui décrit dans la spondylarthrite ankylosante. Dans ce cas, l’antigène HLA B27 est présent dans 50% des cas.

Le rhumatisme psoriasique peut être périphérique ou purement axial (spondylarthrite psoriasique). le plus souvent, il emprunte un peu aux deux syndromes.

Psoriasis

Le psoriasis précède, accompagne et, dans quelques cas, suit le syndrome articulaire:

– les lésions cutanées ne s’observent parfois que chez des collatéraux.

– le psoriasis cutané peut être évident mais, souvent, c’est devant un rhumatisme associant signes axiaux et périphériques que l’on découvre des lésions à la lisière du cuir chevelu, derrière l’oreille, sur l’ombilic, le pli interfessier, les ongles (décollement du bord libre, onychodystrophie, aspect ponctué de l’ongle en dé à coudre).

Quelques particularités

– Le début peut être aigu, fébrile.

– Une uvéite antérieure est possible.

– L’uricémie est élevée dans 20% des cas, surtout si les lésions cutanées sont étendues (hypercatabolisme).

– Sur le plan biologique, aucune caractéristique: vitesse de sédimentation élevée, séronégativité, facteurs antinucléaires négatifs.

Diagnostic

(Voir « Diagnostic des spondylarthropathies ».)

RHUMATISME DES ENTEROCOLOPATHIES CHRONIQUES :

Maladie de Crohn et recto-colite hémorragique :

Les entérocolopathies inflammatoires chroniques (recto-colite hémorragique et maladie de Crohn) sont associées à deux variétés de rhumatismes classés dans les spondylarthropathies :

– d’une part, des spondylarthrites ankylosantes (voir SPA).

– d’autre part, des arthrites périphériques ayant les caractères des arthrites, des spondylarthopathies, touchant surtout les membres inférieurs, non destructives, séronégatives.

Les deux variétés peuvent parfois coexister chez le même malade.

* La spondylarthrite ankylosante évolue indépendamment de la maladie intestinale.

– Elle peut la précéder ou la suivre.

– Elle est B27 positive dans 55% des cas, donc moins souvent que les spondylarthrites ankylosantes idiopathiques.

* Les arthrites périphériques sont souvent rythmées par l’évolutivité de la maladie dont le traitement est donc prioritaire.

– Elles ne sont pas liées à l’antigène HLA B27.

– Un érythème noueux peut accompagner certaines poussées d’arthrites périphériques alors qu’une uvéite apparaîtra plutôt en cas d’atteinte axiale.

* Les manifestations intestinales sont parfois bâtardes. Des selles trop fréquentes, l’existence de fistules anales chez des sujets jeunes, une altération de l’état général, des signes discrets de malabsorption en particulier, peuvent faire évoquer une entérocolopathie chronique. un taux de cholestérol total abaissé peut conduire à l’exploration du tube digestif.

* Le traitement:

– de la forme axiale rejoint celui de la spondylarthrite ankylosante. La maladie intestinale en elle-même n’est pas une contre-indication aux AINS.

– des formes périphériques est surtout guidé par l’état digestif. Les corticoïdes locaux sont utiles pour passer un cap difficile.

Autres entérocolopathies chroniques :

Maladie de Whipple

La maladie de Whipple n’est pas classée dans les spondylarthropathies.

– Une polyarthrite périphérique transitoire migratrice et non déformante se voit chez 70% des patients atteints de cette affection exceptionnelle.

– Les symptômes articulaires surviennent plusieurs mois ou plusieurs années avant l’apparition des signes intestinaux (diarrhée, signes de malabsorption).

– Le diagnostic n’est possible que par la biopsie du grêle, montrant l’invasion de la lamina propria par des macrophages contenant un matériel PAS positif (dû à des débris de parois bactériennes).

– Un traitement prolongé par tétracyclines (1g/j) entraîne la disparition de tous les symptômes, dont les arthralgies, en 1 mois.

Arthrites des courts-circuits intestinaux

Les arthrites des courts-circuits intestinaux seraient observées dans 30% des cas des courts-circuits intestinaux réalisés en dernier recours dans les obésités majeures.

– Ce traitement n’étant pas utilisé en France, ce rhumatisme y est pratiquement inconnu.

– Il n’est pas lié à l’antigène B27.

Diagnostic des spondylarthropathies :

DIAGNOSTIC POSITIF :

Critères du diagnostic :

* Signes cliniques ou histoire clinique:

1) douleurs nocturnes lombaires ou dorsales et/ou raideur matinale lombaire ou dorsale (1 point).

2) oligo-arthrite asymétrique (2 points).

3) douleurs sans précision, douleurs fessières en caleçon à bascule (1 ou 2 points).

4) doigt ou orteil en saucisse (2 points).

5) talalgie ou toute autre enthésopathie (2 points).

6) iritis (2 points).

7) urétrite non gonococcique ou cervicite moins de 1 mois avant le début d’une arthrite (1 point).

8) diarrhée moins de 1 mois avant une arthrite (1 point).

9) présence ou antécédents de psoriasis, ou de balanite, ou d’entérocolopathie chronique (2 points).

* Signes radiologiques: 10)sacro-iliite (stade supérieur ou égal à 2), (3 points).

* Terrain génétique:

11) présence de l’antigène B27 et/ou antécédents familiaux de pelvispondylite, de syndrome de Reiter, de psoriasis, d’entérocolopathies chroniques (2 points).

* Sensibilité au traitement:

12) amélioration en 48 heures des douleurs par AINS et/ou rechute rapide (48 heures) des douleurs à leur arrêt (2 points).

Diagnostic du type de spondylarthropathie :

* 6 points: spondylarthropathie certaine.

* Le diagnostic se pose tout d’abord au sein même des spondylarthropathies:

– la prédominance du syndrome pelvi-rachidien oriente plutôt vers la spondylarthrite ankylosante.

– le syndrome extra-rachidien oculo-urétral ou dysentérique fera pencher la balance vers une arthrite réactionnelle.

– des lésions cutanées érythémato-squameuses, vers le rhumatisme du psoriasis.

* Ces affections ayant toutes des symptômes communs, il est plus logique d’envisager le diagnostic différentiel par syndrome.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

Diagnostic du syndrome pelvi-rachidien :

* Des douleurs pelvi-rachidiennes nocturnes ou matinales, calmées par l’activité et soulagées par les AINS, s’opposent assez schématiquement aux lombalgies par détérioration discale ou par arthrose interapophysaire (aggravées par l’effort et calmées par le repos).

* Cependant, certaines discopathies dégénératives, en particulier celles dont l’image radiologique est « pseudo-pottique », ont un horaire douloureux plutôt inflammatoire. Le diagnostic peut être difficile avec les exceptionnelles spondylodiscites de la spondylarthrite ankylosante.

* Les sacro-iliites ne seront pas confondues avec:

– les sacro-iliites infectieuses à germes banals, responsables d’un syndrome douloureux sacro-iliaque d’une intensité rarement observée dans les sacro-iliites inflammatoires.

– la sacro-iliite tuberculeuse, toujours unilatérale, entra”ne des lésions radiologiques purement érosives et géodiques.

* On ne confondra pas les syndesmophytes avec un ostéophyte ou avec l’hyperostose vertébrale (maladie de Forestier):

– localisation au rachis de la maladie hyperostosante formant des ponts intervertébraux ou de véritables coulées osseuses pré- ou latérovertébrales, des ostéophytoses monstrueuses en pince de crabe.

– sur le bassin, développement d’ossifications exubérantes des insertions ostéo-tendineuses caricaturant les enthésopathies, mais les sacro-iliaques sont normales.

– cette affection n’est pas liée à l’antigène B27.

* L’ostéose iliaque condensante se différencie des sacro-iliites par une condensation triangulaire ne siégeant que sur le versant iliaque de la sacro-iliaque, chez des femmes multipares.

* Des symphysites pubiennes peuvent être confondues avec des modifications de la symphyse pubienne (érosions cernées de sclérose) improprement appelées ostéites pubiennes, également observées chez les multipares.

Diagnostic du syndrome articulaire périphérique :

* Toutes les spondylarthropathies, et surtout le rhumatisme psoriasique et le syndrome de Reiter, peuvent toucher les orteils et la métatarso-phalange du gros orteil, et simuler un accès de goutte. L’hyperuricémie, observée dans 20% des psoriasis, peut compléter ce mimétisme, mais il n’y a pas de cristaux d’urate dans le liquide synovial.

* Chez le sujet très jeune, le rhumatisme articulaire aigu sera éliminé sur la fixité des atteintes articulaires, l’absence de signes d’infection streptococcique.

* Le syndrome de Behçet :

– les aphtes buccaux et génitaux sont douloureux alors que les lésions muqueuses lors du syndrome de Reiter sont indolores.

– l’affection est liée à l’antigène HLA B5 et non à l’antigène HLA B27.

– on observe des spondylarthrites ankylosantes associées à un syndrome de Behçet.

* Une polyarthrite rhumatoïde débutante encore non destructrice et séronégative est très difficile à différencier d’une forme périphérique de spondylarthropathie.

– Le moindre signe associé prend toute sa valeur.

– Le recours à l’étude histologique de la synoviale après ponction biopsique à l’aiguille peut apporter des renseignements complémentaires utiles.

– Un complément synovial effondré est en faveur de la polyarthrite rhumatoïde.

Diagnostic des enthésopathies :

* Les douleurs d’insertions simulent nombre d’affections. On peut les confondre avec les accès douloureux de la maladie des calcifications multiples.

* Les talalgies seront différenciées des achilléo-bursites, du calcanéum de Haglund et de la tendinite achilléenne microtraumatique.

SAPHO :

L’acronyme SAPHO (synovite, acné, pustulose, hyperostose, ostéite) est un moyenmnémotechnique pour désigner des lésions osseuses, articulaires et cutanées qui peuvent s’associer ou s’observer isolément.

* Les synovites sont souvent des arthrites aigues pseudo-septiques, pseudo-microcristallines récidivantes (liquide synovial puriforme aseptique sans microcristaux), comme on peut en voir dans le rhumatisme psoriasique, mais les lésions cutanées siègent ou ont siégé selon l’interrogatoire à la paume des mains et/ou à la plante des pieds ou elles forment de petites pustules (pustulose palmo-plantaire ou bactérides d’Andrews).

* L’acné est rare mais sévère, nécrotique, étendue: acné conglobata.

* Les ostéites aseptiques simulent une ostéomyélite, douleurs osseuses, aspect condensé et hétérogène des os à la radiographie. Même l’examen histologique peut tromper car la moelle osseuse est envahie de polynucléaires neutrophiles mais les cultures sont stériles, sauf quelques rares isolements de Propionibacterium acnes dont le caractère pathogène n’est pas établi. Ces ostéites ont pour sièges électifs le sternum, les clavicules, les os du bassin ainsi que les vertèbres, mais tout os peut être atteint.

* L’hyperostose, en particulier sterno-claviculaire, est un aspect clinico-radiologique évolué des ostéites de la paroi thoracique antérieure.

* Des symptômes isolés comme les ostéites multifocales, les arthrites pseudo-septiques peuvent poser des problèmes diagnostiques avec les spondylarthropathies. Les frontières entre pustulose et psoriasis, entre ostéite du bassin et sacro-iliite sont floues, enfin l’antigène HLA B27 présent chez 30% des sujets atteints de SAPHO est moins fréquent qu’au cours des spondylarthropathies (75%) mais plus fréquent que dans la population générale (6%).

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