Plaies de la main

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D’une très grande fréquence, les plaies de la main sont également d’une grande variété allant de l’égratignure à l’explosion des doigts et de la main. Le diagnostic lésionnel est clinique, mais parfois difficile d’ou la règle d’une exploration systématique au bloc opératoire de presque toutes les plaies de la main.

Quelle que soit l’importance du traumatisme, le traitement doit permettre une mobilisation des doigts la plus précoce possible, afin d’améliorer la récupération fonctionnelle.

Le transfert dans un service spécialisé est fréquent car toutes les lésions doivent être réparées en urgence, ce qui oblige à utiliser régulièrement le microscope opératoire.

La question « Plaies de la main » comprend les plaies des doigts et du poignet.

Diagnostic des plaies franches :

Plaies de la mainLe diagnostic de plaie est aisé, mais avant de faire un examen clinique soigneux, il faut:

– interroger le patient: âge, côté dominant, profession et besoins fonctionnels, notion d’accident du travail, état de la vaccination antitétanique.

– préciser le traumatisme: agent vulnérant, circonstances (autolyse?), heure de l’accident et gestes déjà réalisés.

– faire un examen radiographique simple, face et profil ou trois quarts selon la lésion à la recherche de fractures et/ou de corps étrangers.

– enfin, se souvenir qu’une association lésionnelle est la règle.

PLAIES DES TENDONS FLECHISSEURS :

* Peuvent être atteints:

– le long fléchisseur du pouce avec perte de la flexion de P2 sur P1.

– le fléchisseur commun profond des doigts avec perte de la flexion de P3 sur P2.

– le fléchisseur commun superficiel avec perte de la flexion de P2 sur P1 (si l’on élimine l’action du fléchisseur profond). Se souvenir que le profond de l’index étant souvent indépendant, il est difficile de tester le superficiel de l’index. Le superficiel de l’auriculaire est absent anatomiquement ou fonctionnellement chez 30% des individus.

– Au poignet, le fléchisseur carpien ulnaire, le palmaire long et le fléchisseur carpien radial.

* Si le diagnostic clinique est facile en cas de section complète avec perte de la flexion physiologique des doigts au repos, il faut se méfier des plaies partielles qui se rompront secondairement, et des ouvertures isolées de la gaine des fléchisseurs avec leur risque de phlegmon secondaire. L’association à des lésions nerveuses et/ou vasculaires est fréquente.

PLAIES DES TENDONS EXTENSEURS :

Les plaies des tendons extenseurs sont très fréquentes car les tendons sont très superficiels au dos de la main et des doigts.

L’anatomie de l’appareil extenseur est beaucoup plus complexe que celle des fléchisseurs car, en plus du tendon extenseur lui-même, interviennent dans l’extension des ligaments rétinaculaires, des expansions des muscles interosseux et lombricaux.

* Le diagnostic clinique est difficile car les compensations anatomiques sont fréquentes et difficiles à mettre en évidence.

– Au dos de la deuxième phalange, la plaie de la bandelette distale entraîne une déformation en maillet.

– Au dos de la première phalange, une plaie d’extenseur entraîne habituellement une impossibilité à décoller le doigt du plan de la table.

* Mais il faut se méfier:

– d’une plaie partielle se rompant secondairement.

– d’une plaie latérale touchant les formations rétinaculaires (dossière des interosseux, ligaments de Landsmeer…) ou d’une plaie partielle de l’appareil extenseur qui n’entraîneront des déformations cliniques que secondairement.

– d’une compensation du déficit lésionnel par l’existence de junctura tendinum, de tendons extenseurs propres pour l’index et pour l’auriculaire.

PLAIES NERVEUSES :

Plaies du doigt

Au doigt, les sections complètes sont responsables d’une anesthésie, les sections partielles de dysesthésies et/ou d’hypoesthésies dans l’hémipulpe correspondante au nerf.

Mais il faut se méfier car une section nerveuse complète peut ne se traduire au début que par des douleurs irradiant dans le territoire nerveux avec des sensations d’engourdissement.

Plaies de la main

A la main, l’atteinte du nerf interdigital est responsable de troubles esthétiques sur l’ensemble d’une commissure. Comme au doigt, il n’y a jamais de troubles moteurs.

Plaies du poignet

* Au poignet, l’atteinte du nerf médian entraîne une anesthésie des trois doigts radiaux et de la moitié radiale du quatrième sur la face palmaire ainsi que de la sensibilité des deuxième et troisième phalanges sur la face dorsale. Le territoire sensitif autonome du médian est la pulpe radiale de l’index. Sur le plan moteur, il est souvent difficile de mettre en évidence la paralysie de l’opposition.

* le nerf ulnaire est responsable de la sensibilité du cinquième doigt et de la moitié interne du quatrième:

– son territoire sensitif autonome est le bord interne de l’auriculaire.

– sur le plan moteur son atteinte entraîne une paralysie des interosseux (perte de l’abduction-adduction des doigts), des hypothénariens (perte de l’abduction du cinquième doigt) et de l’adducteur du pouce (signe de Froment, souvent d’apparition secondaire).

– c’est la paralysie des interosseux qui est la plus facile à mettre en évidence en cas de plaie fraîche.

– si l’atteinte siège au bord cubital du poignet, il peut y avoir une lésion associée de la branche cutanée dorsale du nerf ulnaire, responsable d’une anesthésie de la face dorsale des quatrième et cinquième doigts.

* peuvent également être atteintes au poignet la branche sensitive du nerf radial et la branche terminale du nerf cutané antébrachial latéral. Ces deux nerfs sont responsables de la sensibilité du bord radial de la main et de la face dorsale du pouce avec de grandes variations individuelles dans la répartition de leur territoire.

PLAIES ARTERIELLES :

Si l’atteinte est limitée à un seul pédicule, le diagnostic clinique est quasi impossible avant l’exploration chirurgicale.

Si les deux pédicules sont atteints, il existe une hypovascularisation du doigt ou de la main avec un pouls capillaire retardé.

L’association lésion nerveuse-lésion artérielle est très fréquente.

PLAIES ARTICULAIRES :

* Les plaies articulaires sont  fréquentes à la  face dorsale ou latérale des doigts car l’articulation est très superficielle et oû elles sont toujours associées à une lésion de l’extenseur.

* A la face palmaire, une plaie articulaire suppose une section complète des fléchisseurs et de la plaque palmaire, ce qui réalise une hémi-amputation.

PLAIES DE L’APPAREIL UNGUÉAL :

Dans les plaies de l’appareil unguéal, il s’agit presque toujours d’un mécanisme par écrasement.

Que la plaie touche la matrice ou le lit unguéal, le risque de dystrophie secondaire est important.

Diagnostic des plaies contuses :

Le diagnostic des plaies contuses repose sur les mêmes examens cliniques. Il est plus difficile car le caractère souillé de la lésion gêne l’examen et inquiète le patient qui n’est pas toujours coopérant. Heureusement, le caractère souillé de la plaie en fait une indication chirurgicale formelle, et l’exploration chirurgicale peut redresser un diagnostic clinique incomplet.

Le bilan clinique doit au moins dépister les lésions qui nécessiteront un geste microchirurgical, afin d’organiser au plus tôt le transfert du patient, si cela s’avère nécessaire.

Traitement dans les 24 heures :

Attitudes en urgence

En urgence, on se contente de laver la plaie au sérum physiologique et de faire un pansement compressif en cas de saignement, qui met la main au repos et calme la douleur.

Seules les plaies franches sont éventuellement suturables aux urgences, à condition que l’examen ne laisse aucun doute sur l’intégrité des structures sous-jacentes.

Schématiquement, on doit retenir les points suivants.

Explorations des plaies au bloc opératoire

Toutes les plaies doivent être explorées au bloc opératoire (et pas aux urgences) car le diagnostic clinique peut être pris en défaut par les plaies partielles.

Réparation des lésions

Toutes les lésions doivent être réparées en urgence pour obtenir le meilleur résultat, la chirurgie secondaire étant plus difficile et donnant de moins bons résultats. Il faut donc pouvoir suturer sous microscope artères et nerfs en urgence, y compris pour les plaies apparemment simples.

Le recours à un service spécialisé doit donc être la règle plutôt que l’exception. Kleinert avait coutume de dire en parlant des tendons fléchisseurs que si lui obtenait 80% de bons résultats, ses internes avaient 80% de mauvais résultats.

Immobilisation, puis rééducation

* L’immobilisation de la main doit se faire dans une position dite intrinsèque, bien définie: poignet en extension, métacarpo-phalangiennes en flexion à 70¡, interphalangiennes en extension.

– Cette position sera bien entendu adaptée en fonction des lésions.

– Cette immobilisation doit être la plus courte possible, car la mobilisation précoce protégée limite l’oedème, source de fibrose et d’enraidissement.

* Enfin, à la main, le traitement chirurgical ne représente qu’une partie du traitement: rééducation et appareillage doivent être prescrits précocement.

PLAIES FRANCHES :

Plaies des tendons fléchisseurs :

Technique opératoire

Les plaies des tendons fléchisseurs doivent être opérées en urgence.

La technique actuellement adoptée, et seule garante d’un bon résultat, associe une technique chirurgicale « atraumatique » à une mobilisation précoce protégée:

– respect des poulies qui doivent être reconstruites si elles sont lésées.

– respect de la vascularisation des tendons.

– suture fine et atraumatique des tendons après recoupe en zone saine, et surjet épitendineux pour étanchéifier la suture.

Mobilisation précoce

Mobilisation la plus précoce possible sans jamais mettre en tension la suture:

* soit par la méthode de Duran, qui consiste à faire mobiliser passivement les doigts par un kinésithérapeute entraîné, plusieurs fois par jour, sous couvert d’une attelle gardée 4 semaines.

* soit par la méthode de Kleinert:

– on met les tendons fléchisseurs au repos en fléchissant le poignet et les doigts sur une attelle pendant 4 semaines.

– le patient étend activement son doigt et la flexion est faite passivement par un rappel élastique fixé sur l’ongle du doigt.

* l’association des deux techniques est souvent réalisée et dans certains centres un protocole de mobilisation active précoce est parfois proposé.

* la cicatrisation tendineuse se fait (entre autres) par création d’adhérences entre le tendon et sa gaine qui gênent la mobilité du doigt.

* Ces méthodes permettent de limiter les adhérences mais ne sont utilisables que chez des patients très coopérants.

Sinon il faut immobiliser le doigt 1 mois, mais une intervention sera parfois nécessaire secondairement (ténolyse), dont les résultats sont souvent médiocres.

Résultats

Malgré l’apport des techniques de mobilisation précoce, les plaies des tendons fléchisseurs ne donnent que 70% de bons résultats si elles se situent entre l’IPD et le pli de flexion distal de la main.

De plus, elles sont souvent associées à des lésions des pédicules vasculo-nerveux, qui doivent impérativement être réparés en même temps (sinon les résultats fonctionnels sont mauvais).

Ces réparations doivent donc être faites par des chirurgiens habitués à l’utilisation du microscope.

Plaies des tendons extenseurs :

Le principe du traitement est identique mais la mobilisation précoce est plus difficile à réaliser. Les résultats sont meilleurs mais rarement parfaits.

Plaies nerveuses :

Suture nerveuse

La suture nerveuse exécutée en urgence donne les meilleurs résultats à condition:

* qu’elle soit réalisée sans tension.

– qu’elle soit faite en zone saine. C’est pourquoi, dans les lésions nerveuses très contuses, il est préférable de repérer les extrémités nerveuses pour éviter qu’elles ne se rétractent et de réaliser une greffe secondairement.

– qu’elle soit la plus précise possible.

– que l’on répare en même temps les lésions associées (tendons, vaisseaux, nerfs).

* Pour toutes ces raisons, il est préférable que ces sutures soient faites par des chirurgiens entra”nés à l’usage du microscope. Il faut donc diriger ces patients vers des services spécialisés, une fois le diagnostic de lésion nerveuse fait.

Greffe nerveuse

La greffe nerveuse est réalisée:

– en urgence, chaque fois que la tension sur la suture est trop forte.

– secondairement, pratiquement toujours à cause de la rétraction nerveuse.

Les résultats sont théoriquement moins bons, puisqu’il existe deux zones de cicatrices à franchir, mais la greffe donne de meilleurs résultats que les sutures sous tension:

– les indications dépendent donc de la tension sur la suture.

– le greffon utilisé est le nerf saphène externe le plus souvent.

La suture doit être protégée pendant 1 mois, d’ou la nécessité d’une immobilisation. Si une greffe est nécessaire, on la choisit d’une longueur suffisante pour se passer d’immobilisation.

Lésions unguéales :

Si les plaies sont suturées, les pertes de substance doivent être greffées, à partir des ongles d’orteils habituellement car l’appareil unguéal ne peut être remplacé que par une autre structure unguéale.

Il est impératif de reposer l’ongle si on a pu le retrouver:

– car les pansements seront moins douloureux.

– car il va mouler la réparation tissulaire et la protéger.

Lésions artérielles :

Les lésions artérielles doivent être suturées au bloc opératoire et sous microscope, même s’il n’y a pas de signes de dévascularisation, car:

– la suture améliore l’ambiance trophique locale.

– la revascularisation améliore la qualité de la repousse nerveuse et les résultats des sutures tendineuses.

– même si un nombre important de ces sutures deviennent trombotiques secondairement, celles qui vont rester perméables étaient sans doute indispensables.

– une main mal vascularisée est limitée fonctionnellement.

PLAIES CONTUSES :

* Le traitement des plaies contuses est exclusivement chirurgical:

– parage de la plaie qui doit enlever tous les tissus dévascularisés.

– il existe très souvent des lésions osseuses associées. La stabilisation du squelette par ostéosynthèse est indispensable.

– les pertes de substances tendineuses ou nerveuses sont souvent parées initialement, le traitement définitif étant fait dans un second temps.

– les pertes de substance vasculaire doivent en revanche être pontées en urgence.

* Le problème est essentiellement cutané, aucune structure noble ne pouvant rester exposée.

– La couverture cutanée sera assurée par des greffes de peau dans les zones non sensibles, et surtout par des lambeaux qu’on essaie de prendre localement (lambeau de rotation, d’avancement) ou sur le même doigt (lambeaux en ”lot).

– Lorsque la perte de substance est trop importante, le lambeau est prélevé à distance, sur l’avant-bras de préférence, voire transféré par microchirurgie depuis une autre partie du corps.

* Doigt coincé:

– à la limite des amputations on trouve le doigt coincé dans la porte avec fracture comminutive de P3 et arrachement de l’ongle, chez l’enfant. Après parage, l’ongle doit être reposé de même que la pulpe qui, même dévascularisée, peut survivre (comme une greffe composite).

– chez l’adulte, la pulpe dévascularisée ne peut être reposée et doit être reconstruite par l’utilisation de lambeaux locaux sensibles.

AMPUTATIONS ET DEVASCULARISATIONS :

Indications thérapeutiques difficiles :

* Si l’amputation est de diagnostic facile, la dévascularisation, aussi grave, est parfois sous-estimée. Il faut toujours vérifier l’existence d’un pouls capillaire.

* Quel que soit le niveau de la lésion, les indications de réimplantation ou de revascularisation doivent être posées dans des services spécialisés.

* Les lésions par arrachement sont de plus mauvais pronostic que les sections franches.

Transport :

* Pour le transport, le segment doit être mis dans un sac plastique, lui-même posé sur de la glace (il faut refroidir le fragment amputé pour limiter les effets de l’ischémie, mais il ne faut pas le congeler).

* Le fragment proximal est emballé dans un pansement stérile. En cas de dévascularisation, immobiliser les segments pour calmer la douleur.

AUTRES LESIONS :

Brûlures :

Les brûlures sont graves fonctionnellement.

– Le dos de la main est très souvent touché (par réflexe de protection).

– Les lésions profondes doivent être excisées et greffées précocement. (Voir question “Brûlures”).

Morsures :

Animales ou humaines, les morsures sont graves par la contamination microbienne massive qu’elles réalisent et le caractère tardif de la consultation (parce qu’on connaît l’animal « qui est si gentil d’habitude » ou que l’on a honte de s’être battu et d’avoir été mordu).

Injections sous pression :

* Dans les injections sous pression, le risque de nécrose secondaire est important (le produit fuse le long des pédicules).

* Le traitement est une urgence: parage complet avec mise à plat, mais une fois sur trois le doigt doit être amputé.

Fracas de la main :

(Machines-outils, toupie des menuisiers…)

Les fracas de la main doivent être traités en milieu spécialisé.

Il faut essayer de traiter toutes les lésions dans le même temps pour commencer une rééducation précoce (traitement tout en un temps avec mobilisation précoce (TTMP)) qui limitera l’oedème et donc la fibrose cicatricielle.

Arrachements cutanés :

* Les arrachements cutanés peuvent au maximum réaliser un dégantage complet de la main et des doigts, posant le problème de l’étendue du parage, de la survie potentielle des lambeaux cutanés arrachés et de la couverture cutanée.

* Le traitement ne se conçoit que dans un service spécialisé.

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