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Lipomes cutanés, lipomatoses, lipodystrophies

Introduction :

Les lipomes cutanés se développent à partir des cellules graisseuses de l’hypoderme.

Une prolifération adipocytaire est probable dans les lipomes encapsulés, une hypertrophie adipocytaire est prédominante dans les lipomatoses non encapsulées.

L’étude est limitée aux lipomes cutanés.

L’imagerie médicale moderne permet de confirmer le diagnostic dans les cas difficiles (imagerie par résonance magnétique [IRM] nucléaire).

Les lipodystrophies caractérisées par une atrophie ou une hypertrophie du tissu graisseux connaissent un regain d’intérêt depuis leur survenue au cours de traitements antirétroviraux.

Lipomes isolés :

A – LIPOME SOLITAIRE :

Il est constitué par une prolifération d’adipocytes matures, le plus souvent encapsulée et de croissance lente.

Il survient surtout à l’âge adulte, sans prédilection de race, ni de sexe, avec dans certaines études, une légère prédominance féminine.

Cliniquement, il s’agit d’une masse siégeant profondément dans la peau, mobile par rapport aux plans profonds, sans adhérence aponévrotique ou musculaire.

La peau de recouvrement n’est pas inflammatoire et se mobilise par rapport à la tumeur.

La taille du lipome solitaire est variable en fonction de l’ancienneté ou du potentiel de croissance ; leur grand axe est le plus souvent de 2 à 4 cm.

La palpation montre une lésion oblongue, bien circonscrite, de consistance assez molle, parfois un peu sensible.

Certains lipomes peuvent devenir volumineux allant jusqu’à 20 cm de grand axe avec parfois des veinules dilatées dans la peau de recouvrement.

Le siège est ubiquitaire avec une prédilection pour la région cervicale postérieure, les régions scapulaires ou dorsales hautes, antébrachiales, fessières et enfin la racine des cuisses.

Le recours à des examens complémentaires est inutile dans l’immense majorité des cas.

L’échographie permet la distinction avec les abcès et les kystes à contenu liquidien.

B – FORMES CLINIQUES PARTICULIÈRES :

1- Lipome lingual :

Les lipomes, souvent multiples, peuvent survenir dans la bouche malgré l’absence de pannicule adipeux sous le revêtement muqueux.

Il peut s’agir de lipomes encapsulés, pouvant être multiples avec siège de prédilection dans le tiers antérieur de la langue.

On a également décrit des localisations linguales bilatérales et symétriques de la maladie de Launois-Bensaude ; ces lipomes ne sont alors pas encapsulés.

2- Lipome lombosacré médian :

Il est particulier par son apparition lors de la deuxième enfance ou de l’adolescence et se présente sous la forme d’une tuméfaction molle, arrondie ou triangulaire à sommet inférieur comblant la dépression anatomique de la région lombosacrée.

Lorsque l’exérèse est demandée, elle doit se faire en milieu chirurgical et sous anesthésie générale après un bilan associant une échographie médullaire et une IRM.

Ce lipome est en effet un indicateur possible de la dysraphie spinale ; il peut être associé à d’autres anomalies : angiome plan médian, fistule lombaire dermique, déviation du sillon interfessier…

L’IRM permet de confirmer le diagnostic de lipome et de rechercher les anomalies vertébrales et surtout médullaires associées.

3- Lipome sous-aponévrotique frontal :

Il a fait l’objet de plusieurs mises au point récentes. Il représente 50 % des lipomes céphaliques avec une nette prédominance masculine à partir de 40 ou 50 ans.

Le siège est par définition frontal entre l’arcade sourcilière et la lisière du cuir chevelu ; la lésion est solitaire sous la forme d’un disque arrondi ou ovalaire soulevant la peau avec parfois un petit effacement des rides.

La consistance est ferme ; le lipome est bien mobile par rapport à la peau de recouvrement, peu mobile par rapport aux plans osseux sous-jacents.

L’interrogatoire ne permet pas de retrouver de facteur favorisant, pas de traumatisme, ni de terrain génétique.

La particularité du lipome est son siège sous-aponévrotique ; il ne se développe pas à partir de l’hypoderme, mais aux dépens de la graisse située entre l’aponévrose épicrânienne (galéa) et le périoste.

Il est donc situé sous le muscle frontal qu’il peut parfois dissocier.

L’opérateur doit être averti de cette localisation profonde nécessitant l’incision de l’aponévrose et du muscle pour sa mise au jour.

Le lipome est de type encapsulé banal, exceptionnellement de type angiolipome.

Au niveau du front, le diagnostic différentiel doit se faire avec les kystes pilaires ou épidermoïdes.

4- Angiolipome :

C’est une variété clinique fréquente et particulière.

L’angiolipome survient chez l’adulte jeune avec une prédilection pour les membres, sans facteur déclenchant particulier.

La taille est presque toujours inférieure à 2 cm de grand axe.

Parfois, les lésions sont multiples avec un regroupement régional, la pression est souvent douloureuse, la coloration bleutée si le contingent vasculaire est important.

L’exérèse montre une tumeur encapsulée avec un contingent adipocytaire mature et un contingent vasculaire constitué de capillaires dilatés parfois thrombosés et de fibres musculaires lisses provenant des vaisseaux.

Lorsque la composante vasculaire est importante, on utilise la dénomination d’angiolipome cellulaire.

Lorsque le contingent de fibres musculaires lisses est important, on peut se poser la question d’un angioléiomyome avec une petite composante adipocytaire (angio-lipo-léio-myome).

Il n’y a pas de récidive après exérèse complète.

De nombreux diagnostics différentiels cliniques sont à envisager et en particulier ceux des tumeurs cutanées douloureuses (tumeur glomique, léiomyome, blue rubber bleb nevus, neurofibrome…).

Il n’y a pas d’association connue avec la sclérose tubéreuse de Bourneville et on ne retrouve pas d’angiolipomes rénaux associés.

5- Hibernome :

Synonymes : lipome du tissu adipeux immature, lipome foetal, lipome de la graisse embryonnaire, lipome à cellules granuleuses.

Il s’agit d’une variété rare de lipome bénin développé à partir de la graisse foetale de couleur brune.

Le terme d’hibernome a été proposé en raison de la ressemblance avec la graisse des animaux hibernants.

Il se manifeste chez l’adulte jeune, peut-être un peu plus précocement que le lipome solitaire classique.

Les deux sexes sont touchés avec une légère prédominance féminine.

L’allure clinique est celle d’une tuméfaction ferme, de taille variable pouvant aller jusqu’à 10 cm de grand axe.

La lésion siège de préférence dans les zones où existe de la graisse foetale à l’état normal (cou, région interscapulaire).

D’autres sièges sont possibles, mais encore plus rares (cuisses, fesses, aisselles…)

Des localisations profondes, médiastinale et périrénale, sont possibles. L’hibernome est bien limité et facile à enlever ; la récidive est possible en cas d’exérèse incomplète.

Macroscopiquement, la couleur va du jaune-brun au rouge foncé.

La prolifération adipocytaire est organisée en lobules, séparés par du tissu conjonctif.

La population adipocytaire est un mélange d’adipocytes matures, de cellules multivacuolées et de cellules rondes à noyau central et à cytoplasme éosinophile.

Le traitement de l’hibernome est chirurgical.

Il existe d’exceptionnelles formes malignes.

6- Lipome périsudoral :

Synonyme : adénolipome cutané.

Il s’agit d’un lipome solitaire d’individualisation récente et caractérisé par la présence, au sein d’un lipome encapsulé, de glandes sudorales eccrines.

L’aspect est celui d’une formation nodulaire siégant le plus souvent à la racine des cuisses ou sur la fesse, chez des adultes, avec peut-être une légère prédominance féminine.

Le diagnostic est basé sur l’examen anatomopathologique de la pièce qui montre la présence de glandes sudorales eccrines dans un lipome encapsulé.

Cette entité doit être distinguée du molluscum pendulum à axe lipomateux.

Celui-ci ne contient pas d’annexes et en particulier pas de glande sudorale.

L’hamartome lipomateux superficiel de Hoffmann-Zurhelle siège également dans la même région ; la lésion est plus souvent bosselée et multiple que solitaire.

On retrouve des cellules adipocytaires en situation périvasculaire dans le derme et il n’existe pas de contingent adipocytaire encapsulé.

7- Lipoblastome bénin et lipoblastomatose :

Il s’agit d’une entité rare, caractérisée par son siège et son âge de survenue.

Il se manifeste le plus souvent par sa survenue avant l’âge de 3 ans (90 %), surtout chez le petit garçon (sex-ratio 3), sans terrain génétique. Le siège de prédilection se situe au niveau des extrémités des membres.

La forme circonscrite se présente sous la forme d’une tuméfaction souple, indolore, bien circonscrite.

Il existe également une forme infiltrative, mal limitée, pouvant toucher les muscles.

Celle-ci doit être désignée sous le terme de lipoblastomatose.

La biopsie montre la présence de lobules adipocytaires avec des adipocytes à des stades de maturation différents, sans anomalies cytologiques.

Les cellules adipeuses vont subir une maturation progressive au cours de l’évolution.

La tumeur bien circonscrite récidive rarement après exérèse ; les formes infiltrantes sont beaucoup plus difficiles à enlever et peuvent récidiver.

L’IRM est précieuse pour établir le caractère infiltrant et les limites de la lésion.

Les diagnostics différentiels sont le liposarcome rarissime chez le jeune enfant, la léiomyomatose segmentaire…

8- Fibrolipome périnerveux :

Synonymes : hamartome fibrolipomateux des nerfs, macrodystrophie lipomateuse digitale.

Il s’agit d’une malformation rare, siégeant avec prédilection aux poignets ou aux doigts avec développement progressif chez l’adulte jeune pouvant s’accompagner de douleurs, de paresthésies.

Le siège de prédilection est sur le trajet du nerf médian.

La lésion peut s’accompagner d’une macrodactylie ; celle-ci pouvant également être isolée.

Le fibrome périnerveux dans sa localisation digitale s’accompagne souvent d’une augmentation du volume osseux.

Le diagnostic est basé sur l’IRM ; la biopsie montre la présence de nerfs avec un périnèvre épaissi entouré par des cellules adipocytaires matures.

Cette entité est autonome, sans parenté avec les formes localisées de neurofibromatose ou avec le syndrome de Protée.

La chirurgie d’exérèse est déconseillée en raison de séquelles motrices ou sensitives.

L’amputation d’un doigt atteint peut se discuter.

9- Lipome infiltrant :

Synonyme : lipome profond.

Il peut être vu dans le cadre des consultations dermatologiques en raison de la déformation cutanée qu’il entraîne.

Il s’agit d’un lipome sous-aponévrotique développé aux dépens de la graisse inter- ou intramusculaire et dont la croissance peut entraîner une voussure cutanée ou une compression vasculaire ou nerveuse.

Il est rare (2 % des lipomes), survient chez l’adulte et en cas de localisation superficielle, touche le tronc, la racine des membres.

Le diagnostic repose sur l’IRM et le traitement est chirurgical.

10- Lipomes solitaires avec particularités anatomopathologiques :

Ces lipomes n’ont pas d’allure clinique évocatrice.

Leur individualisation repose sur l’examen anatomopathologique.

Le lipome à cellules fusiformes est bénin, volontiers situé dans la région cervicale ou scapulaire avec un contingent de cellules fusiformes mélangées à des adipocytes matures.

Le lipome pléiomorphe est un mélange d’adipocytes, de cellules fusiformes et de cellules multinucléées disséminées dans le lipome.

La lésion est bénigne mais doit être distinguée du liposarcome pléiomorphe.

Le lipome chondroïde est de description récente avec siège de prédilection sur les membres et présence d’un stroma chondroïde.

C – DIAGNOSTIC DES LIPOMES CUTANÉS SOLITAIRES :

Il est clinique ; le recours à des examens complémentaires reste l’exception dans les formes cutanées.

L’IRM est en revanche indispensable pour certaines formes particulières comme le lipome lombosacré, le lipoblastome ou la lipoblastomatose des extrémités et le lipome infiltrant déformant la peau.

Elle affirme la nature lipomateuse de la lésion (hypersignal T1 et hyposignal T2) et précise ses limites.

Le diagnostic différentiel est très variable en fonction des localisations.

Dans la région cervicocéphalique ou dorsale, on envisage les différentes formes de kystes cutanés (kyste épidermoïde, pilaire ou sébacé).

Leur consistance est souvent plus ferme et leur localisation plus superficielle.

Au niveau du dos, il faut évoquer l’exceptionnel élastofibrome dorsal se présentant sous la forme d’une masse tumorale profonde située entre la pointe de l’omoplate et les côtes.

La tuméfaction, appelée Mikoshi-Kobu dans la littérature médicale japonaise, résulte du traumatisme lié au portage sur les épaules de châsses portables (Mikoshi).

Elle est constituée par une hyperplasie du collagène et des fibres élastiques du derme.

Sur les membres, on évoque également les schwannomes hypodermiques pouvant être sensibles à la palpation.

Les tumeurs vasculaires sont à distinguer des angiolipomes.

Les papules piézogéniques des rebords des pieds sont plus faciles à reconnaître.

La nécrose graisseuse nodulokystique se caractérise par une petite lésion arrondie, siégeant le plus souvent sur les jambes, palpable ou formant un petit relief sur la peau.

Cette entité a été décrite à tort sous la dénomination de lipome encapsulé ; il s’agit en réalité d’une zone de nécrose adipocytaire lobulaire entourée par une réaction fibreuse.

Le liposarcome ne résulte qu’exceptionnellement de la transformation maligne d’un lipome préexistant.

Le diagnostic doit être évoqué devant une tumeur de grande taille, de croissance progressive, siégeant avec prédilection à la fesse, dans la région crurale ou poplitée.

Le diagnostic repose sur l’examen anatomopathologique avec des difficultés de distinction avec les lipomes pléiomorphes, le lipome à cellules fusiformes et le lipoblastome.

D – LIPOMES SOLITAIRES. TRAITEMENT :

L’exérèse, en raison de la non-dégénérescence en sarcome, est facultative.

En cas de gêne, de douleurs ou de préjudice esthétique, l’exérèse simple est facile en raison du caractère encapsulé.

La lipoaspiration peut être utilisée dans les lipomes de grande taille avec une asepsie rigoureuse.

Les récidives sont rares.

Une troisième technique, plus confidentielle, repose sur l’expression manuelle du lipome dont la capsule aura été perforée par un trocart de 6 à 8mm de diamètre.

L’évacuation manuelle doit être suivie d’un pansement compressif.

Lipomatoses :

Les lipomatoses désignent des maladies le plus souvent systématisées, accompagnant d’autres maladies (lipomatoses associées) ou touchant exclusivement ou de façon prédominante le tissu graisseux.

Il existe une variété constituée par des lipomes encapsulés multiples (lipomatose multiple familiale [LMF]).

Les autres formes se caractérisent par une hypertrophie impressionnante du tissu graisseux dans certaines zones qui leur confère une allure clinique particulière (maladie de Launois-Bensaude, de Dercum…).

A – LIPOMATOSE MULTIPLE FAMILIALE :

Synonymes : lipomatose mésosomatique, maladie de Roch-Léri, lipomes multiples familiaux et héréditaires.

Cette maladie est connue depuis 1846 (Brodie) et son caractère familial a été mis en évidence par Blaschko en 1891.

Le mode de transmission le plus fréquent est autosomique dominant avec pénétrance variable.

Les lipomes apparaissent habituellement à partir de l’âge de 20 à 30 ans ; un début dans l’enfance est exceptionnel ; on note une prédominance masculine (sex-ratio : 2).

Sa prévalence, probablement sous-estimée, serait de 2 pour 100 000 habitants.

L’aspect clinique est celui de lipomes encapsulés multiples d’assez petite taille, dépassant rarement 5 cm de grand axe.

Le nombre de lipomes est également très variable, allant de quelques éléments à une centaine. Ils se présentent comme des formations arrondies, recouvertes d’une peau normale, non adhérentes en surface, ni en profondeur, bien limitées, en règle indolores à la palpation.

La répartition des lipomes est grossièrement symétrique avec atteinte du tiers inférieur des bras, de la région antébrachiale, sans dépasser le poignet.

Au niveau des membres inférieurs, la racine des cuisses est la localisation de prédilection.

Sur le tronc, ils siègent à la base du thorax, sur l’abdomen et la région lombaire.

Le visage, les extrémités, le cou et la région dorsale supérieure sont habituellement respectés.

La LMF est une affection bénigne avec apparition progressive de lipomes au cours de l’âge adulte.

L’évolution vers l’ulcération, la nécrose, la calcification, est très rare.

D’exceptionnelles dégénérescences liposarcomateuses sont signalées, de même que des régressions spontanées.

La LMF est de diagnostic assez facile en raison des cas familiaux.

Elle doit être distinguée des angiolipomes multiples dont des cas familiaux ont été rapportés, de la sébocystomatose avec des lésions plus petites et plus superficielles.

L’association à des lipomes viscéraux est exceptionnelle. Le traitement est le même que celui des lipomes solitaires.

B – LIPOMATOSE MULTIPLE SYMÉTRIQUE (LMS) OU MALADIE DE LAUNOIS-BENSAUDE :

Synonymes : lipomatose bénigne symétrique, maladie de Madelung (Fetthals), adénolipomatose symétrique, lipomatose diffuse symétrique à prédominance cervicale, lipomatose symétrique généralisée, lipomatose circonscrite multiple.

Cette affection a été reconnue en 1846 par Brodie, puis décrite par Madelung en 1888 et enfin par Launois et Bensaude en 1898 à partir d’une série de 65 cas.

Elle est décrite de façon très sommaire dans les traités de dermatologie et son image n’est pas bien connue des dermatologues en raison des multiples dénominations utilisées pour la désigner.

La lipomatose de Launois-Bensaude se caractérise par sa symétrie, la localisation cervicale prédominante des lésions et le caractère diffus de l’affection.

La maladie semble plus fréquente en Europe, plus particulièrement en Europe méridionale que dans les pays anglo-saxons ; elle touche l’adulte avec une nette prédominance masculine (sex-ratio : 4/1).

La transmission héréditaire autosomique, fondée sur la description de quelques cas familiaux, n’est plus guère retenue.

L’intoxication alcoolique est très fréquemment associée dans les deux sexes.

La maladie de Launois-Bensaude est facile à reconnaître cliniquement ; elle se présente sous forme de masses de tissu adipeux avec une localisation évocatrice au niveau de la région cervicale postérieure, des creux sus-claviculaires.

L’atteinte de la racine des bras est moins courante de même que la partie supérieure du tronc.

Les dépôts de tissu graisseux ne touchent quasiment jamais l’abdomen, le bassin ou les membres inférieurs.

Les dépôts adipeux se développent parfois très vite en quelques mois avec ensuite une stabilisation ; ils semblent résulter d’une multiplication adipocytaire et surtout d’une augmentation de volume de chaque cellule.

En cas de développement important, ils peuvent aboutir à des déformations impressionnantes, réalisant la « bosse de bison » au niveau de la nuque, l’aspect en « manches bouffantes » en raison de l’infiltration de la racine des membres supérieurs, contrastant avec des avant-bras amaigris ou de volume normal.

Le volume des masses lipomateuses une fois stabilisé reste constant, l’amaigrissement ou des régimes hypocaloriques n’entraînant aucune réduction de leur volume.

La transition avec la graisse normale est progressive en raison du caractère non encapsulé des lésions.

Des localisations linguales ont été rapportées ; elles sont multiples, non encapsulées et siègent sur les bords latéraux de la langue.

La maladie de Launois-Bensaude entraîne un préjudice esthétique majeur.

Le tissu lipomateux peut infiltrer la profondeur et entraîner des compressions cervicales, avec dysphagie et dyspnée, ou médiastinales.

Il peut également infiltrer le canal rachidien. Les complications neurologiques sont fréquentes ; leur physiopathologie n’est pas univoque.

L’alcool joue certainement un rôle majeur ; l’infiltration du tissu lipomateux dans le canal rachidien peut entraîner des troubles compressifs.

La pathogénie reste mystérieuse. Des anomalies de l’acide désoxyribonucléique (ADN) mitochondrial sont souvent associées à des tableaux neurologiques complexes au cours desquels les lipomes sont mentionnés.

Des anomalies identiques ont été décrites dans la maladie de Launois-Bensaude.

Celle-ci a la réputation d’être inesthétique mais bénigne.

Ceci doit être tempéré par la possibilité de compressions viscérales ou de complications neurologiques.

En raison de l’alcoolisme associé, un bilan carcinologique des voies aérodigestives supérieures est indiqué.

Le traitement est basé sur les liposuccions.

C – LIPOMATOSE DOULOUREUSE DE DERCUM :

C’est une lipomatose rarement rapportée de nos jours.

Elle touche avec prédilection la femme aux alentours de la cinquantaine, souvent obèse.

Il existe une infiltration lipomateuse en plaques mal limitées, douloureuses, spontanément ou à la palpation et siégeant sur le tronc, la racine des membres.

Elle ne touche pas le visage, les extrémités.

Toutes les descriptions mentionnent les troubles associés à type d’instabilité émotionnelle, d’état dépressif, d’asthénie.

Cette lipomatose douloureuse est difficile à distinguer de l’obésité régionale féminine décrite par les auteurs allemands.

Elle touche uniquement les femmes, débute à la puberté, a une prédisposition familiale dans 40 % des cas.

La palpation est douloureuse dans 40 à 60 % des cas et une obésité associée est retrouvée une fois sur deux.

D – LIPOMATOSES ASSOCIÉES :

1- Syndrome de Gardner-Richards :

Il associe différents types de tumeurs cutanées, des ostéomes multiples et une polypose colique avec risque de dégénérescence maligne.

La transmission est autosomique dominante.

La pathologie cutanée comporte des kystes épidermoïdes et sébacés et des tumeurs mésenchymateuses diverses dont les lipomes.

2- Syndrome de Protée :

C’est un syndrome polymalformatif sporadique.

Il associe une hémihypertrophie corporelle, une macrodactylie, des tumeurs palmaires ou plantaires à type de fibromes ou de lipomes, des hémangiomes ou des lymphangiomes.

Les lipomes peuvent être cutanés ou profonds.

3- Néoplasies endocriniennes multiples de type I :

Des lipomes ont été observés chez 34 % des patients d’une étude récente.

Ils s’associent à des angiofibromes identiques à ceux de la sclérose tubéreuse, à des collagénomes, des taches « café au lait »…

4- Syndrome de Bannayan-Riley-Ruwalcata :

Il est à transmission autosomique dominante et regroupe trois syndromes décrits séparément.

Il associe de nombreuses malformations cutanées (lipomes, lentigines génitales, angiomes), neurologiques (macrocéphalie, retard mental…) et générales (polypose intestinale, tumeurs thyroïdiennes).

5- Lipomatose encéphalocraniocutanée :

Ce syndrome neurocutané est rare avec présence de lipomes de la région cervicocéphalique associés à des lipomes intracérébraux qui conditionnent le pronostic.

Cliniquement, il s’agit d’une voussure à limites floues ou d’une tuméfaction mieux limitée, souvent partiellement ou totalement alopécique du cuir chevelu.

La biopsie montre des aspects plutôt en faveur d’un hamartome lipomateux, parfois désigné sous la dénomination de nævus psiloliparus.

Lipodystrophies :

Les lipodystrophies sont un groupe hétérogène d’affections du tissu adipeux caractérisées par une diminution ou une augmentation de la graisse hypodermique.

Certaines formes sont associées à des anomalies métaboliques.

Dans tous les cas, elles posent de plus des problèmes esthétiques.

On distingue les lipodystrophies familiales ou génétiques et les lipodystrophies acquises.

La cellulite est une entité à part dont le caractère pathologique est discutable.

La lipodystrophie membranokystique est essentiellement un diagnostic histologique.

A – LIPODYSTROPHIES FAMILIALES OU GÉNÉTIQUES :

1- Lipodystrophie généralisée congénitale ou syndrome de Berardinelli-Seip :

C’est une affection rare de transmission autosomique récessive dont le principal critère diagnostique est la quasi-absence de tissu adipeux à la naissance entraînant une grande visibilité de la masse musculaire.

Ce sont des enfants à l’appétit vorace dont la croisance est accélérée avec cependant une taille finale sensiblement normale.

Les autres signes cliniques sont les suivants :

– acanthosis nigricans plus ou moins extensif, hypertrichose et parfois hyperhidrose ;

– croissance exagérée des os des mains et des pieds réalisant un aspect acromégaloïde ;

– hernie ombilicale constante, hépatosplénomégalie ;

– chez la femme : hypertrophie clitoridienne, hirsutisme, oligoaménorrhée et ovaires polykystiques ; les grossesses sont le plus souvent menées à terme ;

– troubles métaboliques avec hyperinsulinisme, hypertriglycéridémie (risque de xanthomes éruptifs, de pancréatite aiguë), diminution du cholestérol high density lipoprotein (HDL), stéatose hépatique, diabète insulinorésistant ;

– plus rarement, cardiomyopathie hypertrophique.

2- Lipodystrophies familiales partielles :

* Syndrome de Dunnigan :

C’est une affection de transmission autosomique dominante dont la symptomatologie débute à la puberté (l’aspect est strictement normal à la naissance).

Ce syndrome comporte :

– une lipoatrophie des membres, parfois du tronc, avec respect de la face et du cou qui peuvent être le siège d’une hypertrophie graisseuse ;

– un acanthosis nigricans ;

– chez la femme, un hirsutisme, des anomalies des règles, des ovaires polykystiques ; – des anomalies métaboliques : diabète insulinodépendant, diminution du cholestérol HDL, hypertriglycéridémie.

Le gène de cette affection a été localisé sur le chromosome 1q21-22.

* Syndrome de Köbberling :

Il comporte une perte du tissu adipeux limitée aux extrémités, parfois une hypertrophie graisseuse du tronc et des anomalies métaboliques : diabète et hypertriglycéridémie.

Il s’agit probablement d’une variante du syndrome de Dunnigan.

* Lipodystrophie partielle familiale avec dysplasie mandibuloacrale :

C’est une affection autosomique récessive comportant une petite taille, une voix aiguë, une hypoplasie mandibulaire et claviculaire, des anomalies dentaires, une acro-ostéolyse, une atrophie cutanée, une alopécie, une dysplasie des ongles et plus rarement une lipoatrophie des extrémités, une insulinorésistance et un diabète.

* Autres :

D’autres lipodystrophies familiales sont décrites mais pas totalement individualisées.

B – LIPODYSTROPHIES ACQUISES :

1- Lipodystrophie généralisée acquise ou syndrome de Lawrence :

Les femmes sont plus touchées par cette affection (trois femmes pour un homme).

Elle débute dans l’enfance ou l’adolescence.

Il s’agit d’une lipoatrophie progressive évoluant en quelques semaines ou quelques années, parfois localisée, mais le plus souvent diffuse (visage, cou, tronc et extrémités avec lipoatrophie palmoplantaire).

Le réseau veineux et la musculature sont apparents.

D’autres signes sont associés :

– acanthosis nigricans et hirsutisme ;

– hépatosplénomégalie ;

– insulinorésistance, hyperinsulinisme, hypertriglycéridémie et diminution du cholestérol HDL, diabète.

Certaines formes seraient postinfectieuses, d’autres associées à des affections auto-immunes.

Récemment, des anticorps dirigés contre les membranes adipocytaires ont été décrits dans cette affection.

2- Lipodystrophie partielle progressive de Barraquer-Simons :

Cette affection touche surtout la femme et débute avant 30 ans dans l’enfance ou l’adolescence.

Plusieurs facteurs déclenchants ont été rapportés : traumatismes, troubles psychoaffectifs, épisodes de la vie génitale, infections.

* Anomalies de la répartition des graisses :

Il s’agit d’une lipoatrophie débutant à la face et s’étendant progressivement vers le tronc et les membres supérieurs.

Le processus peut s’arrêter à n’importe quel niveau, s’étendre au maximum jusqu’à la ligne ombilicale.

La partie inférieure du corps est respectée ou hypertrophique.

L’atrophie se stabilise en moyenne 18 mois après le début ; en revanche, l’hypertrophie graisseuse des membres inférieurs a tendance à s’aggraver.

* Manifestations associées :

– Atteinte rénale : glomérulonéphrite membranoproliférative dans 50 % des cas évoluant vers l’insuffisance rénale.

La biopsie peut montrer des dépôts de C3.

– Anomalies du complément (80 % des cas) : effondrement de la fraction C3, baisse du CH50 (activation de la voie alterne par un C3 nephritic factor), déficit partiel en C4.

– Insulinorésistance, diabète.

Une enquête familiale est indiquée ; on peut trouver dans la famille des anomalies du complément.

3- Lipodystrophie et infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) :

Ce tableau est décrit depuis 1997, 1 an après l’introduction des trithérapies comportant une antiprotéase.

Il s’agit d’une redistribution anormale des graisses avec :

– une lipoatrophie au niveau des membres responsable d’une visualisation anormale du réseau veineux et de la masse musculaire, des fesses plates et un visage émacié avec atrophie des boules de Bichat, tempes creusées, orbite enfoncée et arcade zigomatique proéminente ;

– une accumulation de graisses au niveau du tronc (abdomen, nuque, partie supérieure du dos et seins), autour des organes intraabdominaux avec sensation de gonflement abdominal.

Ces anomalies peuvent s’associer et constituer une forme de type obésité tronculaire, une forme de type lipoatrophie périphérique ou une forme mixte.

Des anomalies métaboliques sont fréquemment associées :

– hypercholestérolémie et/ou hypertriglycéridémie ;

– augmentation du peptide C ;

– intolérance au glucose ou diabète.

La physiopathologie de ce tableau n’est pas encore totalement élucidée.

On a d’abord évoqué le rôle des antiprotéases, d’autant plus que cette entité est apparue avec l’introduction de cette classe thérapeutique.

D’autre part, il existe une analogie structurelle partielle entre la protéase du VIH et deux enzymes impliquées dans le métabolisme lipidique, la cytoplasmic retinoic acid binding protein (CRABP)-1 qui participe à la différenciation des adipocytes et la LRP qui joue un rôle dans l’élimination des triglycérides ; ces deux enzymes auraient une activité inhibée par les antiprotéases.

Cette hypothèse n’explique pas la survenue d’une telle lipodystrophie lors d’un traitement comportant uniquement des inhibiteurs nucléosidiques de la reverse transcriptase.

Il pourrait alors s’agir d’une manifestation de la toxicité mitochondriale de ces molécules.

D’autres théories sont discutées : l’ampleur de la réponse virologique et/ou de la reconstitution immunologique, le rôle direct du VIH, l’inflammation chronique, une dysrégulation hormonale.

Ce tableau de lipodystrophie a conduit à revoir les modalités d’introduction d’un traitement antirétroviral en mesurant le bénéfice risques/avantages.

La demande thérapeutique est importante en raison du caractère affichant de cette lipodystrophie.

Les mesures hygiénodiététiques sont fondamentales : arrêt du tabagisme, activité physique et hygiène alimentaire.

Les troubles métaboliques peuvent être traités médicalement en tenant compte des interactions avec les antirétroviraux.

Les techniques esthétiques se développent : autogreffe de tissu adipeux, injection de produits de comblement.

Des études prospectives sont nécessaires, en particulier en ce qui concerne les effets à long terme de ces traitements.

Il importe également de régler rapidement le problème de la prise en charge de ces traitements par les organismes de sécurité sociale.

4- Lipodystrophies localisées :

Il s’agit de dépôts lipomateux non encapsulés.

La circonstance de survenue la plus habituelle est la corticothérapie générale avec apparition d’une « bosse de bison » cervicale, mais on a décrit des lipomatoses d’autres sièges, en particulier intraorbitaires, digitales, voire médullaires.

On a également décrit des lipomes, ou mieux, un développement localisé anormal du tissu graisseux après traumatisme.

La dénomination de lipome n’est pas appropriée.

* Lipohypertrophies secondaires :

L’insulinothérapie peut provoquer des lipohypertrophies aux sites d’injection et plus rarement des lipoatrophies.

Ces complications sont devenues rares.

Il existe des lipoatrophies secondaires à des injections de corticoïdes retards lorsque ceux-ci sont injectés dans l’hypoderme.

* Lipoatrophies et sclérodermies :

Certaines lipoatrophies ont des rapports discutés avec la sclérodermie :

– panatrophie de Gowers ;

– hémiatrophie faciale de Romberg.

* Lipoatrophie annulaire des chevilles. Lipoatrophie semi-circulaire des cuisses :

C’est une affection rare caractérisée par une dépression horizontale de 1 à 4 cm de largeur sur la face antérieure des cuisses.

Elle touche surtout la femme jeune ; l’anamnèse retrouve le plus souvent la notion de microtraumatismes à répétition.

Les lésions régressent en 1 à 4 ans après arrêt du traumatisme causal.

* Lipodystrophie centrifuge abdominale :

C’est une lipoatrophie centrifuge de l’abdomen, débutant dans l’enfance, rare, surtout décrite en Asie de l’Est.

L’affection ne progresse plus après la puberté.

Des régressions spontanées sont décrites. Récemment, un cas a été rapporté avec un déficit partiel en immunoglobulines A (IgA).

C – CELLULITE :

Ce n’est pas une maladie mais une variante physiologique de la répartition de la graisse.

Le terme est inapproprié car il n’y a ni infection, ni inflammation.

La cellulite touche la femme ; il s’agit d’une augmentation de la graisse hypodermique localisée aux cuisses, fesses et hanches.

Il s’y associe un aspect capitonné, en « peau d’orange », de la peau à ces endroits.

La cellulite s’explique par la configuration spatiale des lobules adipeux de l’hypoderme dans le sexe féminin.

Ceux-ci sont perpendiculaires à la surface cutanée ; de ce fait, ils font protrusion dans le derme réticulaire.

Dans le sexe masculin, les lobules adipeux ont une orientation oblique ; si l’on pince la peau, ils glissent les uns sur les autres et n’entraînent pas de protrusion dermique.

Récemment, plusieurs auteurs ont insisté sur le rôle dynamique des cloisons fibreuses interlobulaires qui attirent le derme en profondeur.

La plupart des traitements sont inutiles ou dangereux : crèmes amincissantes, massages, électrostimulations musculaires, mésothérapie, prescriptions d’extraits thyroïdiens, de diurétiques, d’anorexigènes…

Deux orientations thérapeutiques sont utiles :

– lutte contre la surcharge pondérale ;

– liposuccion et liposculpture.

D – LIPODYSTROPHIE MEMBRANOKYSTIQUE :

C’est une forme particulière, membranokystique, de nécrose adipeuse.

Elle est surtout observée chez la femme ; l’aspect clinique est aspécifique : placards empâtés ou scléreux, sensibles, recouverts d’une peau normale ou érythémateuse, sur un membre inférieur, plus rarement sur le tronc.

Cette entité est primitive ou secondaire à une insuffisance veineuse ou à une ischémie artérielle.

Elle est également rapportée en association avec diverses pathologies : diabète, morphée, panniculite lupique, dermatomyosite, traumatisme, infections. Récemment, un cas a été rapporté en association avec une chimiothérapie.

L’aspect histologique est caractéristique : présence de cavités de taille variable dans le tissu adipeux ; leurs parois sont hyalinisées, éosinophiles, acide périodique Schiff (PAS) positives ; à proximité de ces cavités, on note un infiltrat macrophagique et lipophagique. Sur le plan histochimique, ces parois sont constituées de céroïdes.

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