Lichen scléreux

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Introduction :

Décrit par Hallopeau en 1887 comme forme atrophique du lichen plan, le lichen scléreux (LS) a été « redécouvert » plusieurs fois et désigné par des vocables divers selon les époques ou les localisations de cette dermatose.

Ainsi, on parlait de leucoplasie, de lichen albus, de kraurosis vulvaire ou penis, de lichen scléroatrophique ou encore de dystrophies atrophiques ou mixtes.

C’est en 1986 que l’ISSVD (International Society for the Study of Vulvar Diseases) a préféré retenir le terme de lichen scléreux.

Le LS est une dermatose du Caucasien, de rares cas sont observés chez les sujets de couleur.

Lichen scléreuxLe LS a un tropisme particulier pour les muqueuses génitales externes, en particulier chez la femme où il a été longtemps connu sous le terme de kraurosis vulvae.

Dans l’ensemble, qu’il soit cutané ou muqueux, le LS touche dix fois plus souvent la femme que l’homme.

Chez la femme, la localisation vulvopérinéale est de loin la plus fréquente, en revanche le vagin n’est jamais touché.

Dans une série de Wallace portant sur 200 cas de LS féminins, 6 % des femmes seulement avaient un LS strictement cutané sans atteinte génitale et, à l’inverse, le LS cutané n’était observé que dans une proportion très faible de cas de LS anogénitaux.

L’étude de Ridley portant sur 180 cas de LS relève une atteinte cutanéopérinéale dans 34 % des cas ; une atteinte périnéale isolée dans 60 % des cas et un LS strictement cutané dans 6 % des cas, enfin celle de Meyrick de 1996 retrouve une atteinte cutanée dans 11 % des cas de lichen scléreux vulvaires (LSV).

Le LSV peut survenir à tout âge et les cas infantiles ne sont pas exceptionnels, cependant le pic de fréquence chez la femme se situe aux alentours de 55 ans.

Étiologie et étiopathogénie :

La physiopathogénie du LS est mal connue.

Ont été évoqués des causes hormonales, des désordres immunitaires en raison d’associations souvent rencontrées, des liens avec certains antigènes du système HLA, des facteurs héréditaires du fait de cas familiaux, des interactions avec des cytokines ou des facteurs de croissance ou encore des étiologies infectieuses.

Le rôle de la réceptivité hormonale vulvaire aux androgènes et l’activité de la 5-alpha-réductase locale avancé par Friedrich en 1981 et Helm en 1991 sont très discutés, et le traitement des LS génitaux par les androgènes en topique est actuellement abandonné.

La prédisposition familiale du LSV est reconnue par certains ; elle peut concerner les deux sexes, par exemple frère et soeur, et a été constatée tant chez de vrais jumeaux que chez de faux jumeaux.

Afin de renforcer cette hypothèse génétique, des études ont analysé le groupage tissulaire de patientes atteintes de LSV pour mettre en évidence un marqueur.

Ainsi, Marren et all ont montré une association significative (78 %) avec les antigènes de classe II DQ du système HLA, en particulier DQ7, DQ8 ou DQ9 et aucune association significative avec les antigènes de classe I.

L’association à certaines maladies auto-immunes, en particulier thyroïdiennes, est significative sur le plan quantitatif, mais ne permet pas de dire que le LS est une maladie auto-immune. Une étude de Meyrick Thomas portant sur 350 femmes montre que dans 21 % des cas, on retrouve une histoire personnelle de maladie auto-immune.

Au sein de ces maladies auto-immunes, on retrouve dans 12 % des cas une affection thyroïdienne auto-immune (6 % de cas d’hypothyroïdie et 6 % d’hyperthyroïdie), dans 2 % des cas une anémie pernicieuse et dans moins de 1 % des cas un diabète.

Cette étude montre aussi une incidence plus faible que dans des études antérieures, à la fois des taux d’autoanticorps et des antécédents de maladies auto-immunes familiales.

Certains facteurs locaux sont aussi invoqués.

On constate au cours de cette affection un phénomène de Koebner ; les lésions cutanées surviennent souvent sur des zones de frottements et l’on observe aussi des récidives autour des cicatrices de vulvectomies ou de circoncision.

Whimster a montré que sur une greffe cutanée transplantée à la vulve, le LS apparaît et qu’à l’inverse une greffe totale de muqueuse vulvaire atteinte par le LS redevenait normale après transplantation sur la cuisse.

Histologie :

L’image du LS est identique dans toutes ses localisations ; elle est généralement caractéristique, mais le diagnostic peut être difficile dans certaines formes débutantes ou anciennes et dans les zones hyperplasiques où les stigmates caractéristiques du lichen peuvent ponctuellement faire défaut.

L’image classique a été décrite par Darier en 1892.

L’épiderme ou l’épithélium est aminci mais recouvert d’une hyperkératose, tout à fait anormale en région muqueuse.

Les orifices pilosébacés ou glandulaires sont souvent le siège d’une hyperkératose ostiale.

La basale est horizontale avec disparition des bourgeons interpapillaires.

L’altération caractéristique du LS se situe dans le derme ou le chorion superficiel qui est occupé par un oedème intense parcouru par de rares fibres collagènes hyalinisées.

La hyalinisation est maximale au contact de l’épithélium et autour des vaisseaux.

Le tissu élastique est raréfié ou absent dans la partie haute du chorion.

Enfin, cette bande hyaline oedémateuse est soulignée par un infiltrat inflammatoire riche en lymphocytes, plus ou moins intense.

À côté de ces images typiques, on voit parfois des aspects moins caractéristiques mais qui ont la même valeur diagnostique.

En effet, la hyalinisation du chorion peut rester très superficielle, oblitérant seulement les papilles, mais cette hyalinisation, si superficielle soitelle, est avec la disparition des fibres élastiques qui l’accompagne la lésion spécifique du LS.

Seules les radiations ionisantes produisent une hyalinisation semblable, mais celle-ci est plus étendue en profondeur et s’accompagne d’une sclérose vraie qui ne se voit pas dans le LS.

Dans certains cas, sans que l’on en sache la cause, le LS devient hyperplasique.

L’épiderme est alors épaissi, orthokératosique et plus ou moins hyperkératosique.

On parle alors de LS hyperplasique qui se présente cliniquement avec des aires de leucoplasies.

Il est capital dans ces formes de rechercher dans les couches basales des atypies cellulaires car elles ont un potentiel oncogène important sur lequel nous reviendrons.

Lichen scléreux cutané :

Contrairement au LSV, le LS cutané est inconstamment prurigineux.

L’éruption apparaît insensiblement sous forme de maculopapules nacrées et de plaques blanches, plus ou moins nombreuses, dispersées sur le tronc et les membres, épargnant généralement le visage, les paumes et les plantes.

Elles siègent souvent sur des zones de frottements : épaules, rachis, ischions ou poignets.

L’atteinte des paumes et des plantes, du cuir chevelu ou de la face est tout à fait exceptionnelle.

Le LS cutané se présente sous deux aspects cliniques.

L’un correspond au « white-spot-disease » : petites macules d’un blanc nacré, rondes ou ovalaires, de 1 à 10mm, à limites précises, mais à bords irréguliers sans halo périphérique, à surface parfois un peu déprimée ou marquée d’un ou plusieurs orifices pilaires hyperkératosiques.

L’autre aspect réalise des plaques résultant de la coalescence de ces lésions élémentaires ; elles forment alors des nappes blanches et brillantes, plus ou moins étendues, à bords curvilignes, festonnés ou émiettés.

Certains aspects sont parfois observés :

– LS bulleux : ces bulles surviennent sur un placard typique et elles sont fermes, solides et parfois hémorragiques ;

– LS hémorragiques avec suffusions sanguines sous-épithéliales se présentant comme des hématomes ;

– LS vitiligoïdes ou pigmentogènes pouvant poser des problèmes diagnostiques avec des morphées ou un vitiligo.

Lichen scléreux vulvaire :

La localisation la plus fréquente du LS est de loin la muqueuse vulvaire.

Les signes d’appel sont dominés par le prurit qui est présent dans 75 % des cas ; il peut être intermittent ou chronique à recrudescence nocturne.

Les dyspareunies orificielles sont inconstantes, elles sont dues soit à une sténose globale de l’orifice vulvovaginal, soit à une bride vestibulaire postérieure qui se déchire lors des rapports. Des brûlures sont aussi signalées lorsqu’il existe des érosions ou des ulcérations ou des fissurations spontanées des sillons interlabiaux, de la fourchette ou des zones sous- ou sus-clitoridienne.

La sécheresse vulvaire est quasi constante et elle peut persister après guérison.

En revanche, les hémorragies vulvaires sont rares, elles s’observent parfois chez la petite fille, ou chez la femme âgée chez qui elles doivent faire craindre la greffe d’un cancer épidermoïde invasif.

Cependant dans plus de 15 % des cas, le LSV reste asymptomatique, d’où l’intérêt d’un examen systématique de la vulve lors de tout examen gynécologique ; enfin il n’existe aucun parallélisme entre l’intensité des signes fonctionnels et l’étendue ou l’aspect clinique des lésions.

A – ASPECTS CLINIQUES :

Le LSV revêt des aspects cliniques très variés.

Le diagnostic clinique est souvent facile, mais il peut être plus difficile et n’être confirmé qu’après une biopsie, surtout dans les formes localisées.

Le LSV entraîne deux types de modifications de la muqueuse vulvaire : d’une part des modifications de couleur de la muqueuse et d’autre part des modifications des reliefs anatomiques de la vulve.

La muqueuse prend tantôt un aspect blanc nacré presque translucide, très caractéristique de cette affection, traduisant la hyalinisation du chorion superficiel, tantôt un aspect plus ivoirien ou mat et leucoplasique, traduisant une hyperplasie épithéliale susjacente.

Ces lésions leucoplasiques sont souvent multifocales et l’on parle ici de LS hyperplasiques (anciennes dystrophies mixtes).

Des modifications des reliefs sont observées dans près d’un tiers des cas, elles se manifestent par :

– une atrophie ou un encapuchonnement du clitoris ou à l’inverse un aspect gonflé, voire pseudotumoral, du clitoris qui n’est que la conséquence d’une accumulation de smegma dans la loge préputiale et qui peut même entraîner des abcès périclitoridiens en cas de surinfection.

Un aspect soufflé des petites lèvres est parfois constaté lorsque celles-ci sont injectées par la sclérose, mais plus fréquemment les petites lèvres sont atrophiques, voire absentes, synéchiées aux grandes lèvres.

– les sténoses orificielles : fréquentes, elles sont dues soit à des brides vestibulaires généralement postérieures, beaucoup plus rarement antérieures ; soit à une rétraction globale de l’orifice vulvovaginal.

Ces modifications des reliefs peuvent être partielles et localisées ou toucher tous les reliefs de la vulve et alors entraîner une atrophie vulvaire complète.

Dans sa forme typique, le LS atteint la vulve, la région périanale et même les sillons génitocruraux ; le diagnostic clinique est alors aisé.

En revanche, lorsque l’atteinte reste localisée et se présente comme une plaque blanche à type de leucoplasie une biopsie s’impose pour éliminer une forme leucoplasique de maladie de Bowen.

Dans près d’un quart des cas, le LSV devient hyperplasique, la muqueuse perd sa coloration nacrée et sa finesse ; elle est épaissie et rugueuse du fait de l’hyperplasie épithéliale.

L’épaississement épithélial peut être lié soit à une lichénification surajoutée donnant un aspect quadrillé et pachydermique à la muqueuse ; soit, plus souvent, à une ou des zones leucoplasiques formant des îlots saillants et rugueux, bordant parfois une zone érosive ou ulcérée parfois infiltrée.

Ces zones leucoplasiques et/ou ulcéroleucoplasiques doivent être biopsiées, si elles ne disparaissent pas après un traitement local à base de corticoïdes de classe 1 de 5 à 6 semaines.

En effet, elles peuvent déjà être le point de départ d’un carcinome épidermoïde micro-invasif.

Lorsque le grattage est intense, on note aussi des érosions et des ulcérations en coup d’ongle qui disparaissent dès l’instauration d’un traitement correct.

Quelques aspects cliniques plus rares du LSV méritent d’être mentionnés car ils peuvent être source d’erreurs diagnostiques.

Les formes érythroplasiques et pseudoérythroplasiques du LSV ne sont pas rares.

Aux aspects blancs et scléreux du LSV se surimpriment des zones érythémateuses, voire érythroplasiques, en particulier au niveau du vestibule.

Ces formes érythroplasiques de LSV, qu’elles entraînent ou non une atrophie vulvaire, posent parfois des problèmes diagnostiques délicats avec certains lichens plans érosifs vulvaires.

En effet, le lichen plan réalise parfois des tableaux proches : aspect blanchâtre diffus de la muqueuse entourant une vestibulite plus érosive qu’érythroplasique avec parfois une atrophie des petites lèvres et du clitoris ou des synéchies des brides vestibulaires et des sténoses orificielles.

Mais, à ce lichen plan érosif vulvaire s’associent parfois des déterminations cutanées et surtout d’autres localisations muqueuses : vaginite desquamative parfois synéchiante, gingivite desquamative, lichen plan jugal ou lingual.

Le diagnostic peut aussi se poser avec une pemphigoïde mucosynéchiante ou une pemphigoïde bénigne des muqueuses.

Au cours de certains LSV, on peut constater l’existence d’hémorragies sous-épithéliales qui réalisent des plaques hématiques et purpuriques très impressionnantes cliniquement, elles peuvent être cause d’hémorragies vulvaires, en particulier chez la fillette.

Au cours du LSV bulleux, on constate la présence d’une ou deux formations bulleuses de grande taille, très fermes et solides, contrairement à celles des vraies maladies bulleuses.

La bulle est ici sous-épithéliale et elle traduit l’intensité de la hyalinisation du collagène qui entraîne un décollement de l’épithélium.

Les formes vitiligoïdes sont parfois trompeuses car il existe des remaniements pigmentaires postinflammatoires qui font poser le diagnostic de mélanose vulvaire, voire de mélanome malin.

B – LICHEN SCLÉREUX VULVAIRE DE FILLETTE :

Depuis les cas princeps décrits par Kindler en 1953, environ 200 cas ont été rapportés dans la littérature jusqu’en 1990.

Depuis une décennie, les publications chez l’enfant se multiplient.

En fait, le LSV de l’enfant est souvent méconnu ou diagnostiqué avec retard.

Une étude récente présentée aux journées dermatologiques de Paris en décembre 1999 rapporte 95 cas de LSV de la fillette observés dans deux services dermatologiques parisiens entre 1964 et 1998.

La symptomatologie fonctionnelle est la même que chez l’adulte, dominée par le prurit et les brûlures vulvaires ; mais, chez l’enfant, les hémorragies vulvaires sont fréquentes et parfois révélatrices de l’affection.

La constipation peut être aussi un motif de consultation, cependant dans plus de 10 % des cas, la découverte du LSV est fortuite.

La moyenne d’âge du début des symptômes est de 6 ans, mais certains cas ont pu être observés avant l’âge de 1 an.

Cependant, le délai entre le début des symptômes et le diagnostic est en moyenne de 3,5 ans.

Comme chez l’adulte, le LSV entraîne des modifications de la couleur de la muqueuse qui devient d’une blancheur nacrée très évocatrice, mais les fissures spontanées, les érosions de grattage et les suffusions hémorragiques sous-épithéliales sont plus fréquentes.

En période prépubertaire, des modifications des reliefs anatomiques sont parfois constatées : atrophie du clitoris, disparition des petites lèvres, brides vestibulaires postérieures ou sténose globale de l’orifice vulvovaginal.

Les formes hyperplasiques, comportant un épaississement épithélial, ne s’observent que dans 5 % des cas infantiles, en revanche, des aspects vitiligoïdes sont notés dans environ 20 % des cas. Les atteintes cutanées associées varient beaucoup d’une étude à l’autre, allant de 8 à 40%.

Les diagnostics différentiels sont les causes d’irritations vulvaires banales, la candidose, la lichénification, la coalescence des petites lèvres, le vitiligo, voire le psoriasis qui chez l’enfant est souvent fissuraire.

Le LSV de l’enfant pose souvent de délicats problèmes de diagnostic avec des sévices sexuels du fait de la présence d’hémorragies sous-épithéliales, voire d’hématomes spontanés.

Bien que classiquement le LSV infantile guérisse spontanément à la puberté, les dernières données de la littérature ne plaident pas en ce sens.

Il est donc indispensable de traiter ces jeunes patientes pour d’une part les soulager dans l’immédiat car la symptomatologie est parfois très douloureuse et pour d’autre part éventuellement éviter la survenue d’un carcinome invasif avant la trentaine car, comme Wallace, nous avons observé un cas à 18 ans et deux cas avant l’âge de 30 ans sur LSV de l’enfant.

Le vécu psychologique de cette affection est souvent pénible, non seulement pour la fillette, mais aussi parfois pour la mère, surtout si certains signes de la maladie (hémorragies, hématomes, fissures et érosions) ont été pris pour les conséquences de sévices sexuels.

Il faut aussi rassurer la mère qui bien souvent pose des questions sur la qualité de la vie sexuelle ultérieure de son enfant ainsi que sur sa fécondité ou encore les modalités d’un éventuel accouchement.

Le LSV infantile est généralement facile à diagnostiquer cliniquement, sans l’aide d’une biopsie toujours mal vécue par l’enfant.

Dans la majorité des cas, le LSV de l’enfant répond bien à la corticothérapie locale, cependant celle-ci ne le met pas à l’abri de récidives possibles à l’arrêt du traitement ou à l’âge adulte.

C – ÉVOLUTION ET COMPLICATIONS DU LICHEN SCLÉREUX VULVAIRE :

Le LSV se complique souvent d’érosions, de fissures ou de surinfection à Candida ou à germes banals.

L’intensité du grattage favorise l’installation d’une lichénification.

Ces LSV lichénifiés n’ont pas de potentiel malin, contrairement aux lichens hyperplasiques, c’est-à-dire comportant des zones leucoplasiques épaisses ; leur fixité et leur caractère rebelle à une corticothérapie locale puissante doit inciter à la biopsie, de même que les lésions ulcérées traînantes.

En effet, ces îlots ulcéroleucoplasiques font le lit du carcinome épidermoïde invasif de la vulve. Histologiquement, on constate différents aspects.

L’hyperplasie épithéliale est généralement progressive, à partir du LS typique, l’épithélium s’épaissit et forme des bourgeons papillaires de plus en plus longs.

Apparaît alors l’image classique de leucoplasie qui devient à risque lorsqu’il existe des atypies des cellules basales car elles correspondent à une néoplasie intraépithéliale différenciée, soit au VIN3 différencié des Anglo-Saxons.

Quant aux critères histologiques du LS, ils sont souvent absents sous la zone hyperplasique, alors qu’à quelques millimètres, la hyalinisation caractéristique du LS est patente.

Dans une étude anatomoclinique faite à l’hôpital Tarnier en 1990, portant sur 48 cas de LS associés à un cancer épidermoïde invasif, Leibowitch et al montrent que, dans 83 % des cas, le carcinome se développe sur une hyperplasie épithéliale et que dans 70 % des cas, on constate dans ces zones des atypies basales.

Depuis, de nombreuses études confirment ces données, en particulier celles de Derrick et celles de Rouzier.

Ces carcinomes épidermoïdes invasifs de la vulve survenant sur un LS ne sont pas associés à une infection à Papillomavirus, contrairement aux cancers invasifs apparaissant sur des VIN3 indifferenciés (maladie de Bowen).

Aussi ces zones hyperplasiques avec ou sans atypies doivent-elles être traitées ; si elles ne disparaissent pas après 4 à 6 semaines d’applications de dermocorticoïdes puissants, elles doivent être enlevées chirurgicalement pour permettre un examen histologique.

En effet, bien que le carcinome épidermoïde invasif soit une complication rare du LS, 4 à 5% des cas, c’est généralement dans une zone de ce type qu’il a le plus de risque de se développer.

Le devenir du LSV est imprévisible ; schématiquement, il peut régresser spontanément, passer à la chronicité ou se cancériser.

Lichen scléreux génital masculin :

Beaucoup moins fréquent que LSV, le LS génital masculin touche généralement l’homme jeune entre 30 et 40 ans.

Il semble aussi que sur ce terrain l’affection soit « sous-diagnostiquée ».

Le LS est une cause importante de phimosis acquis de l’adulte.

Afin de mieux préciser sa responsabilité dans les phimosis de l’adulte jeune, une équipe française a réalisé une étude histologique prospective chez 43 hommes d’un âge moyen de 35 ans, ayant subi une circoncision pour phimosis ou paraphimosis.

Un LS a été retrouvé dans 32 % des cas alors que le diagnostic n’avait été posé avant l’intervention que dans 12 % des cas ; ces chiffres sont nettement supérieurs à ceux de l’enfant chez qui le LS n’est retrouvé que dans 12 %.

Les signes d’appel sont variés : prurit du gland ou du prépuce, fissures spontanées ou aux rapports, difficultés à décalotter, voire hémorragies postcoïtales ou ralentissement du jet urinaire en cas d’atteinte du méat.

Dans la majorité des cas, le LS du pénis reste isolé, sans atteinte périanale, ni cutanée.

Il se manifeste par :

– des lésions blanches et scléreuses à topographie capricieuse touchant le gland, le sillon balanopréputial ou le fourreau ;

– des zones leucoplasiques planes ou épaisses ou encore atrophiques ;

– des fissures, en particulier au niveau du sillon balanopréputial où elles sont causes de synéchies et phimosis ;

– des anneaux scléreux de striction du prépuce se fissurant en érection ;

– des lésions parfois purpuriques ou hémorragiques ;

– aussi, des lésions bulleuses.

Lorsque le LS touche la région méatique, il peut entraîner une sténose du méat avec des troubles mictionnels.

Des épreuves urodynamiques doivent alors être faites.

Chez le garçonnet, les aspects cliniques sont identiques.

Les relations entre le LS génital de l’homme et le cancer épidermoïde invasif sont moins bien connues que chez la femme.

Chez l’homme, seuls des cas sporadiques sont rapportés.

Dans une série de 86 cas de LS génitaux chez des hommes non circoncis, dont l’âge moyen était de 53 ans, des lésions cancéreuses ont été constatées dans 5 cas (5,8 %).

Il s’agissait dans trois cas de carcinomes épidermoïdes invasifs, dans un cas d’un carcinome in situ et dans un cas d’un carcinome verruqueux.

Le cancer était apparu dans un délai allant de 10 à 23 ans.

Histologiquement, les auteurs ont constaté une transition évidente entre le LS et le cancer, mais chez ces hommes les recherches de Papillomavirus par polymerase chain reaction (PCR) ont été positives dans 4 cas sur 5. Le potentiel carcinogène du LS chez l’homme semble donc élevé, mais le rôle des Papillomavirus oncogènes reste aussi à préciser.

Comme chez la femme, une surveillance stricte avec des biopsies des zones rebelles et suspectes s’impose.

Lichen scléreux : traitement

A – TRAITEMENTS LOCAUX :

Quelle que soit la localisation du LS, le traitement du lichen repose sur la corticothérapie locale.

Dans le LS cutané, l’efficacité des dermocorticoïdes est nette sur le prurit, mais plus relative sur les lésions qui souvent persistent ou laissent des cicatrices pigmentées ou atrophiques.

Depuis près de 10 ans, l’efficacité de l’androgénothérapie locale qui était utilisée dans le traitement des lésions génitales de l’adulte est remise en question par de nombreux auteurs.

Sideri, dans une étude versus placebo, a montré que la testostérone à 2 % n’était pas plus efficace que le placebo, et qu’en outre elle n’était pas dénuée d’effets secondaires androgéniques indésirables (acné, hyperpilosité, hypertrophie du clitoris, etc).

Dans une étude comparant les applications de propionate de testostérone à 2 %, de progestérone à 2 % et de propionate de clobétasol, Bracco a montré que ce dernier était le traitement de choix.

Les dermocorticoïdes de grade 1 sont généralement utilisés en traitement d’attaque au rythme d’une application par jour pendant 2 à 3 mois.

En cas de LS anogénital, ce traitement d’attaque par le propionate de clobétasol à 2 % entraîne une disparition rapide des signes fonctionnels et une régression des signes cliniques et histologiques.

Les doses préconisées sont de l’ordre d’un tube de 10 grammes par mois pendant 2 à 3 mois.

S’il existe une surinfection à Candida, il faut associer des antimycosiques en ovules et/ou per os ainsi qu’en crème pendant quelques jours ; les surinfections bactériennes sont très rares et nécessitent un traitement anti-infectieux adapté au préalable.

Lorsque le LS génital est associé à un herpès génital particulièrement récidivant et aggravé par les dermocorticoïdes, on peut être amené à associer un traitement antiherpétique per os préventif.

Dans l’immense majorité des cas, une corticothérapie locale puissante entraîne rapidement une disparition du prurit, des sensations de brûlures, des fissures et des dyspareunies, en revanche l’amélioration clinique est plus lente, mais les applications de dermocorticoïdes peuvent être généralement espacées au bout de 2 à 4 mois.

Dans les LSV hyperplasiques, comportant une ou des zone(s) d’hyperplasie épithéliale ou des zones ulcérées rebelles à un traitement bien conduit, il faut faire une exérèse avec examen histologique de ces lésions persistantes car on sait actuellement qu’elles peuvent faire le lit d’un carcinome épidermoïde de la vulve.

En revanche, cette évolution maligne ne survient que dans 4 à 6% des cas de LSV (il s’agit généralement de LSV non ou mal traités), mais elle entraîne une sanction thérapeutique lourde : vulvectomie radicale avec curage ganglionnaire bilatéral.

La durée du traitement est difficile à préciser.

Si, dans de nombreux cas, le LS semble être une maladie passagère répondant bien au traitement dans un certain nombre de cas, impossible à préciser, l’affection passe à la chronicité et un traitement « à vie » est nécessaire.

Les dermocorticoïdes de grade 1 sont alors utilisés deux fois par semaine, au long cours.

À cette posologie il est rare d’observer une dermite aux corticoïdes qui se traduit par une sensation de cuisson ou de brûlures et un aspect érythémateux et télangiectasique de la muqueuse, ces dermites aux corticoïdes se développent plus fréquemment en zone périanale et régressent à l’arrêt temporaire du corticostéroïde.

En aucun cas, ce traitement local n’entraîne d’effets systémiques.

Les auteurs ne sont actuellement pas unanimes sur la nécessité de traiter ou non les formes asymptomatiques, nous pensons qu’un traitement et un suivi correct biannuel sont recommandés afin de prévenir une progression vers un processus malin.

B – TRAITEMENTS CHIRURGICAUX :

Si dans la majorité des cas, les dyspareunies orificielles disparaissent avec le traitement médical et l’adjonction de lubrifiants aux rapports, certaines vont persister car elles sont d’origine mécanique, telle la constitution d’une bride vestibulaire postérieure ou une sténose globale de l’orifice vulvovaginal.

En cas de bride qui se fissure régulièrement lors des rapports, une périnéotomie médiane postérieure sous anesthésie locale est indiquée.

Elle consiste à faire une incision verticale de la bride et à recoudre horizontalement, ainsi la bride disparaît et l’orifice est un peu élargi.

Lorsque les dyspareunies sont secondaires à une sténose globale de l’orifice vulvovaginal, il faut envisager une vulvopérinéoplastie sous anesthésie générale.

Cette intervention consiste à faire un abaissement de la paroi vaginale postérieure de façon à agrandir le diamètre de l’orifice et à remplacer la muqueuse vestibulaire postérieure fragile par de la muqueuse vaginale « solide » qui ne sera jamais touchée par le LS.

Un geste chirurgical d’urgence s’impose aussi en cas d’abcès du clitoris qui peut survenir du fait de l’accumulation de smegma liée à l’encapuchonnement du clitoris.

Quant à la chirurgie « plastique » du clitoris dans le but de « désencapuchonner », elle est peu pratiquée, sauf en cas de demande de certaines patientes qui sont gênées dans leur libido ou encore pour éviter les récidives d’abcès.

Elle consiste à faire une circoncision du capuchon clitoridien enfin d’éviter un nouvel accolement.

Chez l’homme, le LS est une cause non négligeable de phimosis acquis, bien souvent le traitement médical par dermocorticoïdes puissant ne règle pas ou pas assez les problèmes de décalottage et une circoncision est alors nécessaire.

C – TRAITEMENT DU LICHEN SCLÉREUX GÉNITAL DE L’ENFANT :

Chez la fillette, on a longtemps pensé qu’il était préférable de n’utiliser que des corticoïdes locaux de grade 2 ou 3 avec espacement progressif des applications, là encore, en fonction de l’amélioration clinique.

En fait, les dernières études montrent que les dermocorticoïdes de classe 1, en première intention, apportent un réel bénéfice de façon rapide et relativement durable.

Le LS génital de l’enfant répond bien à la corticothérapie locale, mais il peut comme chez l’adulte récidiver à l’arrêt ou à l’espacement du traitement.

Dans tous les cas, il faut informer la mère et/ou l’enfant du risque non négligeable (et difficile là aussi à apprécier) de récidive à l’âge adulte.

Enfin, comme chez l’adulte, la chirurgie est nécessaire en cas de bride vestibulaire postérieure ou de sténose, elle doit être proposée à la toute jeune fille à titre préventif pour permettre ultérieurement une vie sexuelle normale.

Chez le garçonnet, le LS est aussi souvent méconnu ou découvert à l’occasion d’un phimosis acquis, d’emblée traité chirurgicalement et qui aurait pu régresser sous dermocorticoïdes.

D – TRAITEMENT SYSTÉMIQUE :

Il n’y a actuellement aucun traitement systémique du LS. La corticothérapie systémique est paradoxalement totalement inefficace tant sur le LS cutané que sur le LS génital.

Au cours de certains LS rebelles, les rétinoïdes systémiques ont été proposés, mais les effets secondaires indésirables et leur prescription au long cours les rendent difficiles à utiliser.

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