Législation des maladies pulmonaires professionnelles en France

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Prévention de l’exposition aux aérocontaminants en entreprise :

La mise en place de la prévention technique de l’exposition aux aérocontaminants est précisée dans le Code du travail.

Les principales étapes sont :

– l’identification des risques ;

– l’estimation des expositions avec en particulier la métrologie des aérocontaminants (nature, concentration, granulométrie…) et la comparaison avec les recommandations (valeurs moyennes d’exposition, valeurs limites d’exposition) ;

– l’évaluation des risques ;

– leur maîtrise avec des moyens collectifs de prévention technique (substitution des substances nocives, diminution de l’émission des aérocontaminants à la source, ventilation adéquate), voire des moyens individuels (masques, cagoules avec apport d’air…).

Législation des maladies pulmonaires professionnelles en FranceEn fonction des expositions potentielles, une surveillance médicale adaptée doit être mise en place.

Une surveillance médicale dite spéciale (SMS) est instaurée pour les salariés exposés à des risques dangereux ou occupés à des travaux dont la liste figure dans l’arrêté du 11 juillet 1977, par exemple les travaux exposant aux poussières de silice, d’ardoise, d’amiante, de fer ou à la suite de décrets dits spéciaux instituant le contenu de la surveillance médicale comme pour l’amiante.

Le salarié soumis à cette SMS bénéficie obligatoirement d’un examen médical avant l’embauche.

La surveillance médicale sera ensuite adaptée pour chaque risque, soit réglementée de façon impérative comme par exemple dans le cas de l’amiante, les textes fixant à la fois la fréquence des visites et la nature des examens à accomplir périodiquement, soit laissée à l’appréciation du médecin du travail, comme pour le fer.

À la suite de cette surveillance médicale, le médecin du travail juge de l’aptitude du salarié à son poste de travail.

Il recherche également des signes évoquant l’apparition d’une maladie professionnelle.

Dans le cadre de ses missions, il peut être amené à proposer le reclassement de sujets atteints de troubles respiratoires.

La responsabilité de la prévention des maladies professionnelles incombe toujours à l’employeur.

Le médecin du travail joue un rôle important de conseiller vis-à-vis de tous les interlocuteurs dans l’entreprise.

Dans les grandes entreprises (plus de 50 salariés), des services d’hygiène et de sécurité et des Comités d’hygiène, de sécurité et d’amélioration des conditions de travail (CHSCT) ont été mis en place afin d’améliorer la gestion des risques professionnels et l’amélioration des conditions de travail.

Mais dans les petites et moyennes entreprises, les risques sont souvent importants et mal maîtrisés ; le médecin du travail est un des rares intervenants pour promouvoir cette prévention.

Dans tous les cas, il peut être aidé par des structures extérieures : service de prévention des Caisses régionales d’assurance maladie (CRAM), Institut national de recherche et de sécurité (INRS)…

Ainsi, dans les petites entreprises, des aides techniques, voire financières peuvent être obtenues pour l’amélioration des conditions de travail.

En fait, une prévention efficace nécessite la motivation de chacun, ainsi que des formations spécifiques.

Elle nécessite aussi une étroite collaboration entre les différents acteurs que sont : les patients ou salariés, les pneumologues et médecins traitants, les médecins du travail, les employeurs.

Des échanges d’informations sont donc indispensables.

Ces échanges concernent à la fois des informations techniques sans toutefois trahir le secret industriel, et des informations médicales dans le respect du secret médical.

Certes cette prévention en entreprise a un coût qui doit être comparé au coût de l’absence de prévention : coûts financiers mais aussi humains.

Les coûts directs (soins médicaux, rentes d’incapacité permanente partielle [IPP], indemnités journalières…) seront imputés aux cotisations de l’employeur selon un barème complexe prenant en compte la taille de l’entreprise et les risques identifiés.

À ceux-ci doivent être ajoutés les coûts indirects tels qu’absentéisme, turnover des salariés, diminution de production, perte de qualité…

Ces actions de prévention en entreprise présentent cependant des limites, en particulier l’arrêt de la surveillance médicale ciblée à la fin des expositions, d’où l’intérêt d’une surveillance postemploi adaptée.

Souvent la surveillance médicale adaptée aux expositions professionnelles cesse lorsque le salarié n’est plus exposé (reclassement, licenciement, démission, retraite).

Or les pneumoconioses et cancers bronchopulmonaires peuvent survenir bien après la fin de l’exposition.

La poursuite d’une surveillance médicale adaptée aux expositions antérieures est indispensable.

Cette surveillance postprofessionnelle n’est actuellement réglementée que pour les substances responsables de pneumoconiose et pour les cancérogènes (arrêté du 28 février 1996).

Cet arrêté concerne les personnes salariées.

Des décrets analogues ont été promulgués pour le monde agricole et la fonction publique.

En revanche, la surveillance par la médecine du travail ne concerne pas les professions indépendantes, en particulier les artisans.

Seules quelques actions pilotes vis-à-vis de certains risques professionnels ont été réalisées en collaboration avec la caisse des travailleurs indépendants.

Modalités de reconnaissance d’une maladie pulmonaire professionnelle :

Les modalités de reconnaissance en maladie professionnelle dépendent du statut socioprofessionnel du patient, du type de pathologie, de l’étiologie.

Plusieurs questions doivent être successivement soulevées selon un algorithme précis pour conseiller au mieux les patients.

A – STATUT SOCIOPROFESSIONNEL DU SALARIÉ :

1- Salarié du régime général ou du régime agricole de Sécurité sociale et des autres régimes particuliers (Mines, SNCF, EDF…) :

Ils bénéficient des dispositions du livre IV du Code de la Sécurité sociale (système de reconnaissance par « tableaux » publiés au Journal Officiel et système complémentaire de reconnaissance).

2- Salariés des fonctions publiques :

En ce qui concerne le personnel relevant des fonctions publiques (d’État, territoriale ou hospitalière), la Commission de réforme se prononce sur l’imputabilité au travail d’une affection contractée ou aggravée en service, en se référant habituellement aux « tableaux » du régime général.

3- Travailleur indépendant :

Enfin, pour le travailleur indépendant (bénévole, profession libérale), il n’existe pas de réparation particulière pour les maladies professionnelles, sauf dans trois circonstances : le travailleur est couvert par une assurance complémentaire (privée ou régime général) volontairement souscrite ; l’affection a été acquise lors d’un emploi salarié antérieur ; l’affection est secondaire à l’inhalation de fibres d’amiante, la réparation pouvant alors être obtenue par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA).

B – RECONNAISSANCE DES MALADIES PROFESSIONNELLES :

Trois modalités de reconnaissance doivent être distinguées en fonction de l’existence d’un tableau de maladie professionnelle correspondant au cas du salarié.

Ces modalités sont précisées dans trois alinéas successifs de la loi du 27 janvier 1993 sur la reconnaissance des maladies professionnelles.

1- Reconnaissance par présomption d’origine selon « le système des tableaux » (régime général et régime agricole) : alinéa 2

Conformément au système prévu par la loi du 25 octobre 1919, une maladie peut être reconnue comme maladie professionnelle indemnisable si elle figure sur l’un des tableaux annexés au Code de la Sécurité sociale.

Ces tableaux sont créés et modifiés par décret en tenant compte de l’évolution des techniques, des progrès des connaissances médicales et de l’amélioration des connaissances sur les relations entre maladies et étiologies professionnelles.

Ces tableaux ont été élaborés pour le régime général et pour le régime agricole.

Sur les 112 tableaux du régime général, 29 mentionnent des maladies respiratoires (pneumoconioses, cancers, asthmes, pneumopathies d’hypersensibilité, bronchopathies chroniques, tuberculose…).

En ce qui concerne le régime agricole, dix tableaux mentionnent des maladies respiratoires sur un total de 65.

La reconnaissance des pneumoconioses dans le régime général garde certaines particularités que nous verrons dans un deuxième temps (tableaux no 25, 30, 30 bis, 44, 44 bis, 91 et 94 du régime général).

Chaque tableau porte un titre bien précis qui reprend l’intitulé de l’affection ou de l’agent causal, et un numéro qui est fonction de sa date de parution au Journal Officiel.

Chaque tableau est divisé en trois colonnes.

– La colonne de gauche énumère les symptômes ou lésions pathologiques que doit présenter le patient.

Ces symptômes sont limitatifs et devront parfois être confirmés par des examens complémentaires, par exemple dans le Tableau 66 concernant les rhinites et asthmes professionnels, l’asthme doit être objectivé par explorations fonctionnelles respiratoires.

– La colonne du milieu précise le délai de prise en charge, c’est-à-dire le délai maximal entre la cessation d’exposition au risque et la première constatation médicale de la maladie pour bénéficier de la présomption d’origine.

Ce délai est variable non seulement suivant chaque nuisance, mais également selon les manifestations ou symptômes présentés.

Par exemple pour le Tableau 25 consacré à la silice, ce délai est de 6 mois pour une silicose aiguë, 35 ans pour une silicose chronique.

Quelques tableaux prévoient également, dans cette colonne, une durée minimale d’exposition au risque, c’est-à-dire la durée d’exposition à la nuisance au-dessous de laquelle l’indemnisation par présomption d’origine est impossible.

Par exemple, pour le Tableau 30 bis concernant l’amiante, le cancer bronchopulmonaire primitif ne pourra être reconnu que sous réserve d’une durée minimale d’exposition de 10 ans.

– La colonne de droite liste les travaux susceptibles de provoquer l’affection.

Selon les tableaux, cette liste peut être limitative, et seuls les travailleurs affectés à ces travaux pourront bénéficier de la présomption d’origine.

Cette liste peut également n’être qu’indicative, c’est-à-dire que tout travail avec exposition habituelle peut être pris en considération, même s’il n’est pas inscrit sur cette liste.

Après validation du diagnostic par le médecin-conseil et lorsque l’exposition habituelle au risque est prouvée par l’enquête diligentée par la Sécurité sociale, toute affection qui répond aux conditions médicales et administratives mentionnées au sein de ces tableaux est automatiquement reconnue comme professionnelle par présomption d’origine.

2- Système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles : alinéas 3 et 4 :

Le système complémentaire de réparation, introduit par la loi du 27 janvier 1993 (loi no 93-121, codifiée aux 3e et 4e alinéas de l’article L 461-1 du Code de la Sécurité sociale) permet à des salariés la reconnaissance d’autres affections qui ne rentrent pas dans le cadre des tableaux, sous réserve que l’origine professionnelle de l’affection soit démontrée à la suite d’une instruction contradictoire de la demande.

Le système complémentaire de reconnaissance est une amélioration importante de la prise en charge de toutes les maladies professionnelles, notamment respiratoires.

* Reconnaissance au titre de l’alinéa 3 (affections figurant sur un tableau et pour lesquelles certaines conditions administratives ne sont pas remplies) :

Lorsque l’exposition habituelle au risque est retrouvée par l’enquête administrative alors que le délai de prise en charge n’est pas respecté ou lorsque le métier du patient ne figure pas dans la liste limitative du tableau, le dossier sera automatiquement transmis par la caisse de Sécurité sociale au Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Pour le régime général de la Sécurité sociale, ce comité est composé de trois médecins : le médecin-conseil régional, un médecin-inspecteur régional du travail et un professeur d’université praticien hospitalier ou un praticien hospitalier particulièrement qualifié en matière de pathologie professionnelle.

Ce comité devra définir si l’affection est directement liée à l’activité professionnelle du patient et son avis s’imposera aux caisses.

Cette procédure peut être utilisée pour la reconnaissance de cas d’asthme professionnel dont la substance incriminée n’est pas mentionnée dans un tableau spécifique ni dans le tableau no 66 du régime général.

* Reconnaissance au titre de l’alinéa 4 (affection hors tableau) :

Si aucun tableau ne mentionne l’affection du patient, le CRRMP ne sera saisi qu’en cas d’affection grave ayant entraîné le décès ou dont le taux prévisionnel d’IPP est supérieur à 25 %.

Il devra définir si l’affection est directement et essentiellement liée à l’activité professionnelle du patient.

Le CRRMP, pour tous les dossiers qui lui sont soumis, est informé de l’exposition du patient, prend connaissance de l’avis de l’ingénieur-conseil régional sur la nature de l’exposition au risque.

L’avis du médecin du travail est obligatoirement sollicité lors de l’instruction du dossier.

Puisque la présomption d’origine ne joue plus, il s’agit d’une logique de preuve.

Le CRRMP évalue tous les éléments permettant d’étayer la relation entre l’exposition professionnelle du patient (nature, durée, intensité…) et la survenue de l’affection (type de maladie, délais d’apparition depuis le début et la fin de l’exposition, étiologies non professionnelles, arguments expérimentaux et épidémiologiques…).

Ses décisions s’imposent aux caisses.

Cas particulier des « affections respiratoires à réparation spéciale » :

Des dispositions spéciales ont été mises en place, de longue date, pour les pneumoconioses.

Elles concernent les sept tableaux suivants du régime général.

– Tableau no 25 : affections consécutives à l’inhalation de poussières minérales renfermant de la silice cristalline (quartz, cristobalite, tridymite), des silicates alcalins (kaolin, talc), du graphite ou de la houille.

– Tableau no 30 : affections professionnelles consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante.

– Tableau no 30 bis : cancer bronchopulmonaire provoqué par l’inhalation de poussières d’amiante.

– Tableau no 44 : affections consécutives à l’inhalation de poussières ou de fumées d’oxyde de fer.

– Tableau no 44 bis : affections cancéreuses consécutives à l’inhalation de poussières ou de fumées d’oxyde de fer.

– Tableau no 91 : bronchopneumopathie chronique obstructive du mineur de charbon.

– Tableau no 94 : bronchopneumopathie chronique obstructive du mineur de fer.

Les tableaux no 25, 30 et 44 ont des listes indicatives de métiers avec des durées d’exposition variables de 6 mois en cas de silicose aiguë (tableau no 25), jusqu’à 10 ans en cas de sidérose (tableau no 44).

En revanche, les tableaux no 30 bis (cancer bronchopulmonaire lié à l’amiante), no 44 bis (affections cancéreuses consécutives à l’inhalation de poussières ou de fumées d’oxyde de fer), no 91 (bronchopneumopathie chronique obstructive du mineur de charbon) et no 94 (bronchopneumopathie chronique obstructive du mineur de fer) comportent une liste limitative de métiers.

Les durées d’exposition sont de 10 ans pour ces quatre tableaux (no 30 bis, 44 bis, 91 et 94).

Certains cas de bronchopneumopathies chroniques obstructives peuvent être réparés par un tableau de maladie professionnelle spécifique (no 70, 90, 91, 94) ou lorsqu’ils sont associés à une autre pathologie respiratoire indemnisable.

Il en est ainsi des bronchopneumopathies chroniques obstructives, quelle que soit leur gravité, associées à une silicose.

Les autres bronchites industrielles ne peuvent pas être examinées par le CRRMP au titre de l’alinéa 3, par l’intermédiaire d’un tableau.

En revanche, les cas d’atteinte respiratoire sévère, avec un taux d’IPP supérieur à 25 %, peuvent être soumis au Comité pour bénéficier des dispositions de l’alinéa 4 de l’article L 461-1 du Code de Sécurité sociale.

Les particularités des « affections respiratoires à réparation spéciale » du régime général ont été modifiées par le décret du 31 août 1999 .

Comme pour l’ensemble des maladies professionnelles, la déclaration est effectuée par le patient lui-même à sa Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).

Ensuite, le médecin-conseil « détermine s’il y a lieu de solliciter l’avis d’un médecin spécialiste ou compétent en pneumologie ou en médecine du travail possédant des connaissances particulières dans le domaine des pneumoconioses ».

Le Collège des trois médecins est donc supprimé et le recours aux médecins agréés en pneumoconioses n’est plus systématique.

L’équivalent d’un avis de sapiteur peut être demandé selon les cas par le médecin-conseil.

La suite de la procédure de reconnaissance reste inchangée quelle que soit l’affection déclarée et ses modalités sont précisées dans les trois alinéas successifs de la loi sur la reconnaissance des maladies professionnelles.

– Si le diagnostic de l’affection est conforme au tableau considéré, si les délais de prise en charge et d’exposition sont respectés, et si l’exposition habituelle est retrouvée par l’enquête technique, l’affection est reconnue professionnelle par présomption d’origine.

– Si le diagnostic de l’affection est conforme au tableau considéré, si l’exposition habituelle est retrouvée par l’enquête technique, mais si les délais de prise en charge ou d’exposition ne sont pas respectés, ou si le métier ne figure pas dans la liste limitative du tableau concerné, le dossier sera soumis au CRRMP au titre de l’alinéa 3.

Le comité devra définir si l’affection est directement liée à l’activité professionnelle du patient.

– Si le diagnostic de l’affection ne correspond pas à un tableau, si une exposition habituelle est retrouvée par l’enquête technique, le dossier ne sera soumis au CRRMP au titre de l’alinéa 4 qu’en cas d’affection grave ayant entraîné le décès ou dont le taux prévisionnel d’IPP est supérieur à 25 %.

Le CRRMP devra définir si l’affection est directement et essentiellement liée à l’activité professionnelle du patient.

Ainsi, la procédure de reconnaissance appliquée aux « affections respiratoires à réparation spéciale » est en grande partie alignée sur les autres maladies professionnelles :

– la vérification du diagnostic est de la compétence du médecinconseil, éventuellement aidé par un avis spécialisé ;

– après vérification du diagnostic, si les critères administratifs ne sont pas tous remplis pour une prise en charge par présomption d’origine, la détermination de la relation avec l’activité professionnelle est de la compétence du CRRMP.

Pour tous les dossiers qui lui sont soumis, le CRRMP évalue les éléments permettant d’étayer la relation entre l’exposition professionnelle du patient (nature, durée, intensité, biométrologie avec présence de corps asbestosiques…) et la survenue de l’affection (type de maladie, délais d’apparition depuis le début et la fin de l’exposition, facteurs non professionnels, arguments expérimentaux et épidémiologiques…).

Il est donc très important que le patient puisse apporter au CRRMP tous les arguments pour pouvoir statuer.

Il faut remarquer que le CRRMP, disposant des informations médicales et administratives, formule un avis qui s’impose aux services administratifs des caisses, ce qui n’était pas le cas des avis des Collèges de trois médecins.

Pour toutes les maladies professionnelles, la caisse dispose maintenant d’un délai de 3 mois à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la déclaration pour statuer sur le caractère professionnel.

Si nécessaire, un nouveau délai de 3 mois est prévu.

Mais la notification de reconnaissance ou de refus doit être formalisée dans un délai de 6 mois au maximum, même en cas de difficultés d’enquête administrative, même en cas de recours au CRRMP.

Cas particulier des accidents de travail :

En dehors des cas de maladie professionnelle, certaines affections respiratoires comme les oedèmes pulmonaires lésionnels secondaires à l’inhalation de gaz irritants, peuvent être reconnues en tant qu’accident de travail. Mais si l’affection résulte d’une exposition habituelle, sans fait accidentel, la procédure des maladies professionnelles que nous venons de voir doit être envisagée.

Modalités de déclaration d’une maladie professionnelle :

Dans l’intérêt du patient, si un médecin suspecte une affection d’origine professionnelle, il est nécessaire d’analyser les différentes démarches en vue d’une éventuelle reconnaissance.

La déclaration d’une maladie professionnelle est effectuée par le patient lui-même à sa CPAM.

Cette déclaration est accompagnée d’un certificat médical et d’une attestation de salaire fournie par l’employeur.

Dans la majorité des cas, une suspicion de maladie professionnelle est suffisante pour rédiger ce certificat médical initial qui doit mentionner :

– la maladie observée, en se référant au tableau concerné, indiquant la nature de la maladie et notamment les manifestations constatées pouvant être imputées au risque professionnel, ainsi que les suites probables ;

– la date de la première constatation de la maladie ; – l’exposition professionnelle incriminée.

La caisse adresse une copie de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical initial à l’Inspection du travail.

Le double de cette déclaration est envoyé à l’employeur.

Une feuille de soins est remise à la victime par la CPAM pour qu’elle puisse bénéficier du paiement direct des prestations.

Les services médicaux et administratifs de la caisse procèdent à une double vérification :

– le service administratif recherche des preuves d’exposition habituelle à la nuisance professionnelle incriminée, précise les dates de début et de fin d’exposition ;

– le service médical vérifie le diagnostic, précise la date de première constatation de la maladie. Le médecin-conseil doit répondre à un certain nombre de questions.

– Le diagnostic invoqué est-il exact ?

– La maladie présentée figure-t-elle aux tableaux ?

– Pour une maladie désignée dans un tableau mais pour laquelle certaines conditions administratives ne sont pas remplies, les conditions fixées dans le tableau et ayant trait à la description clinique et biologique de la pathologie sont-elles bien réunies ?

– Pour une maladie non inscrite à un tableau, l’état est-il stabilisé, et si oui, l’IPP atteint-elle le seuil de 25 % (par référence au barème indicatif utilisé en matière d’accidents de travail et maladies professionnelles) ? Dans le cas où le dossier relèverait du CRRMP, le médecin-conseil devra rédiger un rapport circonstancié sur la pathologie présentée et sur ses causes probables.

Lorsque le diagnostic concerne une pneumoconiose, le médecinconseil détermine s’il y a lieu de solliciter l’avis d’un médecin spécialiste ou compétent en pneumologie ou en médecine du travail possédant des connaissances particulières dans le domaine des pneumoconioses.

Si l’avis du CRRMP est nécessaire, il sera saisi en deuxième intention.

Conséquences de la reconnaissance :

La reconnaissance d’une maladie professionnelle entraîne l’octroi de plusieurs avantages pour le salarié.

Elle permet une réparation forfaitaire du préjudice avec indemnisation et prise en charge dans certaines limites. Des améliorations ont été introduites.

Mais certaines modifications ont entraîné d’importantes inégalités de reconnaissance et de réparation en fonction des nuisances, des pathologies et des différents régimes de Sécurité sociale.

A – DE LA PART DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (RÉGIME GÉNÉRAL) :

La prise en charge des consultations, soins… est effectuée à 100 %.

Cette prise en charge s’arrête à la date de guérison (retour à l’état antérieur sans séquelle). Si besoin, elle peut être prolongée au-delà de la date de consolidation afin d’éviter une aggravation ultérieure.

Cette disposition est très utile dans certains cas d’asthme.

En cas d’arrêt de travail, des indemnités journalières versées sont plus favorables qu’en simple arrêt maladie.

En cas de séquelles, l’attribution d’un taux d’IPP permet de verser un capital (taux < 10 %) ou une rente (taux = 10 %).

Ce taux ne peut être fixé qu’après la consolidation de l’affection. Il peut être révisé en cas d’aggravation (ou d’amélioration).

Si un taux d’IPP supérieur à 66,66 % a été fixé, une incapacité totale de travail (ITT) peut être attribuée.

Quant à l’indemnité de changement d’emploi, elle ne peut être octroyée qu’aux seuls patients atteints de pneumoconiose, avec un taux d’IPP nul, devant changer d’activité professionnelle.

La consolidation coïncide avec l’arrêt des indemnités journalières.

Le patient, le médecin traitant et le médecin-conseil ne doivent donc pas attendre cette consolidation pour contacter le médecin du travail s’ils suspectent des difficultés pour la reprise du travail, voire une inaptitude professionnelle.

Une visite de préreprise doit être effectuée alors que le patient est encore en arrêt de travail afin de rechercher un aménagement de poste, un reclassement.

Il faut souligner que la reconnaissance d’une maladie professionnelle par le médecin-conseil n’entraîne pas ipso facto une inaptitude médicale par le médecin du travail.

B – HANDICAP :

Dans un deuxième temps, le dossier est transmis à la Commission technique d’orientation et de reclassement professionnels (COTOREP) afin d’obtenir une reconnaissance éventuelle du statut de travailleur handicapé.

C – DE LA PART DE L’EMPLOYEUR :

Si une inaptitude professionnelle à un poste de travail résulte d’une maladie professionnelle reconnue, l’employeur doit proposer, dans la mesure du possible, un reclassement dans l’entreprise.

En cas d’impossibilité, le salarié est licencié avec des indemnités de licenciement plus élevées.

Litiges :

En reprenant l’algorithme proposé pour les modalités de reconnaissance d’une maladie professionnelle, plusieurs questions doivent être posées.

– Quelle est la nature du litige : médicale, administrative ?

– Qui est « partie » au litige : le malade, l’organisme payeur, l’employeur ?

La réponse à ces questions permet de conseiller le malade dans un contentieux réputé complexe, qui obéit à des règles juridiques simples :

– toute décision réglementaire basée sur la loi doit faire l’objet d’une notification indiquant obligatoirement les voies de recours, y compris, lorsqu’elles existent, en cas d’appel ;

– ne peuvent saisir une juridiction que les parties directement concernées par une décision.

A – LITIGES MÉDICAUX :

Les litiges médicaux sont ceux pour lesquels le médecin traitant est directement concerné car son avis n’est pas suivi dans deux cas :

– les critères diagnostiques d’une pathologie : un asthme peut être étiqueté bronchopneumopathie chronique ;

– plus rarement, la relation de cause à effet entre une pathologie et un décès peut être contestée.

Les litiges d’ordre médical relèvent de deux types de procédure :

– l’expertise dite L 141-1 qui s’impose aux parties, par exemple lors de la contestation d’un diagnostic ;

– l’examen par le tribunal du contentieux de l’incapacité lorsque le niveau d’incapacité est estimé insuffisant par le malade ou trop élevé par l’employeur.

Ces deux procédures peuvent être utilisées lorsque les conditions d’accès au CRRMP d’une pathologie non inscrite à un tableau ne sont pas remplies (alinéa 4).

Ainsi un expert pourra statuer sur la notion de stabilisation dans le cadre de la procédure L 141-1.

Par ailleurs, lorsque le taux d’IPP évalué pour une affection hors tableau est estimé inférieur au seuil de 25 %, le tribunal du contentieux de l’incapacité sera compétent pour juger de cette situation.

B – LITIGES ADMINISTRATIFS :

Ces litiges sont de la compétence du Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS), juridiction ayant une Cour d’appel et une chambre sociale à la Cour de cassation.

Ainsi la reconnaissance de la nature de l’exposition et de son caractère habituel est, en cas de litige, de la compétence du TASS.

Le TASS peut, lorsqu’il l’estime nécessaire, ou à la demande d’une partie, recourir à une expertise dite L. 141-1 pour éclairer un litige médical, en particulier lorsque les conclusions d’une expertise précédente posent des problèmes d’application de la législation.

C – COMMISSION DE RECOURS AMIABLE (CRA) :

En préalable à toute procédure administrative, l’avis contesté par le malade est examiné par la CRA.

Il s’agit d’une émanation du conseil d’administration de la caisse qui examine la conformité des décisions en fonction de la législation.

Dans ce cadre, elle a la possibilité de revoir une décision et constitue un examen préalable amiable destiné à éviter des contentieux non motivés. Son avis défavorable ou son absence de réponse est la première étape d’une saisine de la juridiction sociale.

D – DÉLAIS DE RECOURS :

Ils sont notifiés au malade systématiquement ; leur connaissance est importante afin d’éviter une prescription qui empêche toute action future.

Ce délai est de 2 mois en première instance.

Rappelons qu’en matière de Sécurité sociale, il existe un délai de prescription de 2 ans.

Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante :

Le FIVA est un organisme public qui a pour mission de réparer les préjudices secondaires aux maladies liées à l’amiante.

Son objectif est de compléter les indemnisations déjà mises en place pour les maladies professionnelles.

Créé en octobre 2001, ce fonds est devenu opérationnel en 2003.

Les médecins qui sont amenés à suivre des salariés ayant été exposés à l’amiante doivent aussi les conseiller dans leurs démarches médicosociales telles que la cessation anticipée d’activité et le FIVA.

Il est donc important de connaître cette indemnisation complémentaire.

Le FIVA concerne :

– les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d’une maladie professionnelle occasionnée par l’amiante au titre de la législation française de Sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d’invalidité ; cette nouvelle démarche auprès du FIVA peut couvrir des préjudices non pris en compte par la législation des maladies professionnelles ;

– les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement d’une exposition à l’amiante sur le territoire de la République française, en particulier les artisans qui ne bénéficient pas de reconnaissance en maladie professionnelle, les sujets atteints à la suite d’expositions environnementales ou d’activités de bricolage ;

– les ayants droit des personnes visées ci-dessus. Les formulaires de demande de réparation peuvent être obtenus auprès du FIVA.

Le dossier de demande comporte des renseignements sur l’exposition, sur la reconnaissance éventuelle en maladie professionnelle ou les procédures en cours.

Il faut joindre un certificat médical attestant la maladie si celle-ci n’a pas déjà été reconnue en maladie professionnelle.

La déclaration auprès du Fonds est donc une démarche simple d’autant que :

– la justification de l’exposition est d’emblée considérée comme acquise : pour les patients reconnus atteints d’une maladie professionnelle liée à l’amiante ; pour les sujets atteints de mésothéliome malin primitif de la plèvre, du péritoine, du péricarde ou d’autres tumeurs pleurales primitives, de plaques calcifiées ou non, péricardiques ou pleurales, unilatérales ou bilatérales, lorsqu’elles sont confirmées par un examen tomodensitométrique ;

– aucune restriction sur l’ancienneté de la maladie n’est mentionnée.

Des cas anciens peuvent être déclarés.

Le Fonds recherche les circonstances de l’exposition à l’amiante et ses conséquences sur l’état de santé de la victime.

Pour les étapes de reconnaissance de l’imputabilité et de réparation des préjudices, il procède ou fait procéder à toute investigation et expertise utiles sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou industriel.

Le Fonds peut demander une expertise médicale, en particulier pour évaluer le préjudice.

Il peut requérir de tout service de l’État, collectivité publique, organisme assurant la gestion des prestations sociales, organisme assureur susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice, la communication des renseignements relatifs à l’exécution de leurs obligations éventuelles.

Si besoin, il peut se substituer à la victime pour effectuer une déclaration en maladie professionnelle auprès de la caisse de sécurité sociale.

L’avis d’une « Commission d’examen des circonstances d’exposition à l’amiante » n’est sollicité que pour les pathologies non déjà reconnues en maladie professionnelle ou dont le constat ne vaut pas « justification de l’exposition à l’amiante ».

Cette commission statue uniquement sur le lien entre l’exposition et la maladie déclarée, sans évaluer le préjudice.

La réparation envisagée est « intégrale ».

Elle peut couvrir certains préjudices non pris en charge par la législation des maladies professionnelles.

Ainsi, la réparation peut concerner des préjudices financiers :

– les frais engagés pour soins, restés à la charge du patient ;

– les salaires ou revenus qui auraient été perçus en l’absence de maladie.

Des indemnités forfaitaires peuvent être allouées ;

– une IPP. Dans tous les cas, sont déduites des montants calculés les sommes payées ou à payer pour l’indemnisation des préjudices financiers par les organismes sociaux, employeurs, assureurs…

La réparation peut concerner également des préjudices personnels :

– les souffrances endurées, physiques et psychiques ;

– les autres préjudices (agrément, esthétique…).

L’offre d’indemnisation doit intervenir dans un délai maximal de 6 mois à compter de la date à laquelle le Fonds a reçu une demande complète d’indemnisation. Une provision, avance sur l’indemnisation définitive, peut être octroyée.

À la suite d’une demande auprès du Fonds, si une maladie professionnelle est suspectée, le Fonds peut effectuer la déclaration et les démarches auprès de la caisse de Sécurité sociale en vue d’une reconnaissance en maladie professionnelle.

Le délai est alors suspendu jusqu’à la date de la décision de la caisse ou de l’organisation spéciale de Sécurité sociale.

L’organisme doit prendre sa décision dans un délai de 3 mois renouvelable une fois.

Faute de décision dans ce délai, le Fonds dispose d’un délai de 3mois supplémentaires pour statuer.

Si l’offre est acceptée, le Fonds adresse le règlement au plus tard 2 mois après réception de l’accord.

L’acceptation empêche toute action juridictionnelle en réparation pour le même préjudice.

En cas de contestation, les patients disposent d’un délai de 2 mois pour introduire une action en justice.

Si une aggravation de l’état de santé survient, une indemnisation complémentaire peut être demandée.

Le Fonds est financé par une contribution de l’État et par une contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la Sécurité sociale.

Quelles sont les conséquences pratiques de cette nouvelle indemnisation ?

Il faut conseiller aux patients atteints de mésothéliome ou à leurs ayants droit, d’effectuer une demande auprès du FIVA, qu’ils aient été exposés ou non à l’amiante.

Les patients atteints d’une maladie professionnelle peuvent faire une demande pour toucher un complément de rente.

Si un patient pense qu’il existe un lien entre sa maladie, quelle qu’elle soit, et une éventuelle exposition à l’amiante et qu’il a subi un préjudice, il peut faire une demande auprès du FIVA.

Il doit seulement justifier de la maladie et de l’exposition. Le médecin doit certifier de la maladie. Il n’a pas à se prononcer sur son origine, ni sur le préjudice.

Il doit cependant conseiller son patient sur les chances de succès de la procédure ! Mais de nombreuses interrogations persistent.

Le problème principal est l’imputabilité de certaines pathologies à des expositions anciennes, en particulier les cancers bronchiques :

– du fait du nombre de malades concernés.

En France, les nouveaux cas de cancers bronchiques s’élèvent à 26 000 environ par an ;

– du fait de la fréquence et de la difficulté de retrouver des expositions anciennes.

Cet interrogatoire à la recherche d’une exposition professionnelle ou non est de la responsabilité du pneumologue qui ne doit pas s’arrêter à des questions sur le tabagisme ;

– du fait du rôle écrasant du tabac et des interactions avec les expositions professionnelles.

Des réflexions sont en cours sur les critères d’imputabilité.

L’imputabilité de la plaque pleurale n’est pas discutée puisqu’elle « vaut justification de l’exposition », mais la taille minimale de l’image n’est pas définie.

L’évaluation des dommages suscite aussi de nombreuses questions car la réparation intégrale pour les victimes de l’amiante entraîne une inégalité de prise en charge vis-à-vis des autres maladies professionnelles.

Une cohérence des niveaux de réparation doit être recherchée afin d’éviter l’octroi de réparations scandaleusement différentes en fonction des nuisances, des pathologies, des dommages et des pays.

Le FIVA a pour objectif une meilleure indemnisation des maladies liées à l’amiante, une harmonisation en fonction des statuts des victimes, en particulier pour les artisans.

Il ne doit pas être à l’origine de nouvelles inégalités.

Cessation anticipée d’activité pour les anciens salariés de l’amiante :

Certains salariés ayant été exposés à l’amiante peuvent bénéficier d’une retraite anticipée à partir de l’âge de 50 ans :

– les salariés ou anciens salariés reconnus atteints d’une maladie professionnelle ;

– les salariés ou anciens salariés de certains établissements ou ports, en fonction de la période de travail et du temps d’exposition.

Conclusion :

La législation des maladies pulmonaires professionnelles est complexe mais obéit à une logique qui associe prévention et réparation.

Le système mis en place en France est remarquable comparativement aux autres pays mais il doit rester cohérent.

La réduction de l’incidence de ces maladies et de leurs conséquences nécessite l’implication de tous : salariés, médecins, employeurs.

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