Kystes du maxillaire

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Introduction :

Un kyste est une cavité pathologique développée au sein d’un tissu et bordée par une paroi épithéliale sans rapport avec son contenu, qui peut être liquide ou semi-liquide.

Au sein des maxillaires, on peut observer des kystes véritables, des pseudokystes ou des tumeurs kystiques, la majorité étant d’origine odontogénique ; s’y associent les kystes muqueux, le plus souvent du bas-fond du sinus maxillaire et les mucocèles.

Kystes du maxillaireCes lésions ont généralement une symptomatologie d’appel fruste, voire inexistante, une évolution lente et ne sont découvertes que lorsqu’elles retentissent sur les organes de voisinage (tissus mous, dents, voire cavité orbitaire).

Leur découverte peut même être fortuite.

Il est donc important de connaître parfaitement leurs caractéristiques cliniques, radiologiques et histologiques.

Nous aborderons successivement les signes cliniques et radiologiques communs des kystes maxillaires, puis nous les étudierons en suivant la classification de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), avant de conclure par leur traitement.

Symptômes cliniques communs :

Les kystes maxillaires ont une symptomatologie clinique commune.

Dans 95 % des cas le symptôme majeur, souvent isolé et révélateur, est la tuméfaction jugale ou palatine, suivi des déplacements et algies dentaires.

Lorsqu’ils sont palpables, ils présentent volontiers une coque dépressible.

D’autres retentissent sur le sinus maxillaire.

Ils peuvent alors être révélés par des algies infraorbitaires, une sinusite maxillaire unilatérale chronique, une obstruction nasale unilatérale, tous symptômes qui imposent une prise en charge par un spécialiste ORL.

Ces tableaux sont majorés et compliqués en cas d’extension au-delà du sinus maxillaire, vers le sinus ethmoïdal, la base du crâne, la fosse ptérygopalatine et/ou la fosse infratemporale.

Bilan radiologique :

Les radiographies standards et la tomographie n’ont plus leur place dans le bilan des kystes maxillaires.

Si les clichés standards, demandés généralement dans le cadre de la recherche de foyers infectieux, sont souvent à l’origine de la découverte fortuite de kystes maxillaires, ils ne permettent pas une étude précise de ces derniers.

Seul l’examen tomodensitométrique (TDM) en coupes axiales et en reconstructions dans divers plans, en fenêtres osseuses et parenchymateuses, montre la situation exacte du kyste, son volume, ses rapports avec les tissus adjacents, notamment les sinus et les dents, l’état des corticales osseuses.

Il permet ainsi un bilan préopératoire très précis.

Les rapports avec les racines dentaires sont idéalement étudiés à l’aide du dentascanner.

Les kystes maxillaires donnent le plus souvent une radioclarté homogène à contours réguliers, mono- ou polygéodique, à paroi nette.

Parfois, une image mixte associe une lacune et des opacités.

L’association d’une rhizalyse dentaire est en faveur de la bénignité de la lésion.

Une imagerie par résonance magnétique (IRM) peut être demandée en cas de lésion extensive vers les régions adjacentes (ethmoïde, fosse infratemporale, etc).

Néoplasies et autres tumeurs liées à l’appareil odontogénique :

A – BÉNIGNES :

1- Épithélium odontogénique et ectomésenchyme non odontogénique :

L’améloblastome est une tumeur polymorphe localement invasive, relativement rare (1 % de toutes les tumeurs et kystes des maxillaires), développée aux dépens des tissus du bourgeon dentaire et caractérisée par sa tendance à l’extension et à la récidive.

L’améloblastome est généralement diagnostiqué entre 30 et 50 ans.

Il touche les maxillaires dans seulement 20 % des cas, principalement au niveau des régions tubérositaire et molaire.

Il se présente sous la forme d’un kyste uni- ou multilobé qui se développe généralement au travers d’os manquant, mais peut aussi lyser de l’os compact.

Cliniquement, l’évolution est lente avec soufflure osseuse progressive. Le site d’apparition peut être :

– alvéolaire, sous la forme d’une tuméfaction du rebord alvéolaire dans la région molaire ou prémolaire, avec voussure de la voûte palatine et du vestibule.

La muqueuse, habituellement normale, peut être ulcérée ;

– endonasal, avec obstruction unilatérale chronique non hémorragique.

L’endoscopie montre une masse charnue provenant du méat moyen.

Tardivement peuvent apparaître une déformation jugale, une exophtalmie, une névralgie infraorbitaire ou encore des algies sinusiennes en cas de surinfection.

Radiologiquement, l’image typique de l’améloblastome est polygéodique, faite de géodes franches, homogènes, arrondies ou ovalaires, à contours nets et réguliers, séparées par des ponts osseux et disposées sans ordre : c’est l’image classique en « bulles de savon ».

À un stade plus évolué, tout cloisonnement peut même disparaître. Des dents peuvent enfin être scellées dans la tumeur ou à côté d’elle.

On peut aussi observer une opacité sinusienne plus ou moins homogène, parfois pseudokystique en cas de nécrose centrale, pouvant alors donner une fausse image de sinusite chronique, mais il persiste normalement un espace libre entre la cloison de la tumeur et les parois sinusiennes.

Dans sa variante desmoplastique, l’améloblastome prend l’aspect d’une lésion fibro-osseuse.

Histologiquement, il peut être folliculaire, plexiforme ou mixte.

Il peut être invasif, notamment vers la fosse ptérygopalatine, voire la base du crâne ou le système nerveux central (principalement lors de récidives).

Il peut en effet récidiver, et donner des métastases régionales ou à distance (exceptionnelles et tardives).

Ceci impose une exérèse d’emblée complète et le contrôle histopathologique systématique de toute tumeur du maxillaire.

Une dégénérescence maligne surviendrait dans 5 % des cas, sous forme de carcinome ou, plus rarement, de sarcome.

Les tumeurs odontogéniques épithéliales, épithéliales calcifiantes et à cellules claires dérivent de l’épithélium odontogénique et se différencient par leurs caractéristiques histopathologiques.

Elles donnent en imagerie une radioclarté le plus souvent uniloculaire, parfois hétérogène.

Leurs récidives sont rares après exérèse complète.

2- Épithélium et ectomésenchyme odontogéniques, avec ou sans tissu dentaire :

Le fibrome améloblastique, le fibrodentinome améloblastique ou dentinome et le fibro-odontome améloblastique, l’odontoaméloblastome sont des tumeurs rarement observées après 21 ans et difficiles à distinguer d’un améloblastome mais présentant en plus de la dentine et, dans le cas du fibro-odontome améloblastique, de l’émail.

Radiologiquement, le dentinome donne une lacune claire bien limitée contenant du matériel radio-opaque.

La tumeur odontogénique adénomatoïde est composée d’un épithélium odontogénique comportant des canaux conjonctifs et des masses solides dans les parois d’un large kyste.

Elle survient plus fréquemment chez la femme entre 10 et 20 ans, sous la forme d’une tuméfaction indolore de croissance lente dans la région canine.

La tumeur, hétérogène sur l’imagerie, est généralement associée à une dent incluse mais contrairement au kyste dentigère, elle contient des calcifications.

Elle est habituellement bien encapsulée et donc facilement énucléée.

Le kyste odontogénique calcifiant ou kyste de Gorlin représente 1 % de l’ensemble des kystes des mâchoires ; son épithélium présente une couche basale composée de cellules cubiques, une couche supérieure épaisse de plusieurs cellules, de type réticulum stellaire, et des amas de cellules épithéliales fantômes qui peuvent se calcifier et former du tissu dentaire.

Il s’observe plus volontiers entre 10 et 20 ans, avec un sex-ratio égal à 1.

Il déplace peu à peu les structures adjacentes.

Radiologiquement, il donne une radioclarté bien limitée contenant des quantités variables de matériel radio-opaque lui conférant un aspect poivre et sel.

À un stade précoce, par défaut de minéralisation, il se comporte comme un kyste, puis sa lumière se remplit de cellules épithéliales fantômes, kératinisées, souvent calcifiées et il se solidifie.

Un carcinome épidermoïde peut apparaître à long terme.

L’odontome complexe est une lésion dans laquelle tous les tissus dentaires sont représentés, selon un agencement plus ou moins ordonné.

Il se développe le plus souvent dans les régions molaires et prémolaires, avec une phase de croissance active durant la dentition.

Les tumeurs de petit volume sont découvertes fortuitement sur des radiographies standards ; les plus volumineuses, qui déforment l’os, sont découvertes habituellement entre 10 et 20 ans.

Radiologiquement, il se caractérise par une lacune claire, bien définie, au sein de laquelle apparaît progressivement du matériel radio-opaque d’aspect nodulaire.

Bien qu’elle soit bien limitée, cette tumeur peut récidiver si son exérèse est incomplète.

L’odontome structuré contient tous les tissus dentaires, mais dans un ordonnancement plus logique que dans l’odontome complexe.

3- Éctomésenchyme odontogénique avec ou sans inclusions d’épithélium odontogénique :

Le fibrome odontogénique est une tumeur relativement rare et controversée.

Les myxomes (myxome odontogénique, myxofibrome, fibrome myxoïde) sont des tumeurs localement agressives, composées de cellules rondes et anguleuses disséminées dans un abondant stroma mucoïde.

Radiologiquement, elles forment de multiples lacunes osseuses de tailles diverses, séparées par des septa osseux rectilignes ou courbes.

La distinction n’est pas nette avec un améloblastome et le myxome peut aussi se présenter sous la forme d’une lacune mal délimitée, notamment au niveau maxillaire où il peut s’étendre dans les tissus mous.

Sa croissance peut être rapide, due à une accumulation de substances mucoïdes.

Le cémentoblastome bénin est une tumeur non minéralisée à sa périphérie et présentant des couches de tissu pseudocémentique.

Il se développe dans les régions molaires et prémolaires chez les garçons entre 10 et 30 ans.

Radiologiquement, il forme une opacité bien limitée au centre d’une lacune d’épaisseur homogène.

Généralement, la racine de la dent qui lui est associée est partiellement résorbée et attenante à la partie tissulaire de la tumeur.

B – MALIGNES :

1- Carcinomes odontogéniques :

La plupart des carcinomes des maxillaires prennent leur point de départ au niveau de la muqueuse buccale.

Ils sont tous agressifs, évoluant rapidement et infiltrant les tissus environnants.

L’améloblastome malin associe un améloblastome et des aspects histologiques de malignité (envahissement et rupture de la membrane basale, cellules monstrueuses).

Il peut être soit primitif, soit provenir de la transformation maligne d’un améloblastome.

Le carcinome intraosseux primaire, les variantes malignes d’autres tumeurs épithéliales odontogéniques, la transformation maligne d’un kyste odontogénique sont rares et traités comme les autres carcinomes.

2- Sarcomes odontogéniques :

Le fibrosarcome améloblastique, le fibrodentinosarcome et le fibroodontosarcome améloblastiques, le carcinosarcome odontogénique sont proches du fibrome améloblastique, mais leur composante ectomésenchymateuse montre les aspects typiques d’un sarcome.

Néoplasies et autres tumeurs d’origine osseuse :

A – NÉOPLASIES OSTÉOGÈNES :

Fibrome cémento-ossifiant :

Il s’agit d’une néoplasie bien délimitée, parfois encapsulée, constituée de tissu fibreux contenant des quantités variables de matériel minéralisé ressemblant à de l’os ou à du cément.

Il peut être difficile à différencier d’une dysplasie fibreuse, mais contrairement à cette dernière, il est bien délimité.

Il touche plus volontiers les femmes et se développe dans seulement 30 % des cas dans les maxillaires, au niveau de la fosse canine.

Radiologiquement, il prend l’aspect d’une lacune osseuse bien limitée contenant des quantités variables de matériel radio-opaque.

Il peut être localement agressif.

Dans sa forme juvénile il augmente rapidement de volume chez un enfant de moins de 15 ans.

B – LÉSIONS OSSEUSES NON NÉOPLASIQUES :

1- Dysplasie fibreuse des mâchoires :

Il s’agit d’une lésion non encapsulée qui se développe principalement chez les sujets jeunes et qui consiste en un remplacement de l’os normal par du tissu fibreux contenant des îlots d’os trabéculaire ou métaplasique.

Au stade ostéolytique, on observe une radioclarté mal limitée, puis le dépôt progressif d’os malade lui donne un aspect en verre dépoli.

L’os métaplasique est graduellement remplacé par de l’os lamellaire qui s’ordonne avec l’os trabéculaire en couches parallèles superposées au sein d’un stroma fibreux (chéloïde osseuse).

Cette lésion peut être plurifocale.

2- Dysplasies cémento-osseuses :

Il s’agit de dysplasies maxillaires caractérisées histologiquement par la présence de tissu similaire à du cément.

La dysplasie cémentale ou fibreuse périapicale affecte les tissus périapicaux d’une ou de plusieurs dents avec des caractéristiques histologiques similaires à celles du fibrome cémento-ossifiant mais, contrairement à ce dernier, sans marges bien définies.

Tardivement, elle prend l’aspect d’une masse dense minéralisée bien limitée excédant rarement 1 cm de diamètre.

La dysplasie cémento-osseuse floride (cémentomes gigantiforme, familial multiple) est formée de masses lobulées de tissu cémentoosseux, denses, minéralisées, presque acellulaires, se développant dans plusieurs parties des mâchoires.

Les sujets à peau noire en sont plus affectés et il existe parfois un facteur familial.

3- Chérubisme (maladie kystique multiloculaire familiale des mâchoires) :

Il s’agit d’une lésion bénigne, bien limitée, composée de tissu fibreux vasculaire, contenant une quantité variable de cellules géantes multinucléées, soit groupées, soit diffuses.

Cette lésion apparaît chez l’enfant parfois jeune, lui donnant un aspect joufflu, avec une atteinte volontiers familiale.

Radiologiquement, elle forme une lacune multilobée déformant l’os.

Après 12 ans, l’activité diminue puis disparaît. Les lésions jeunes sont très cellulaires, dominées par des cellules géantes, puis elles deviennent plus fibreuses et de l’os se forme à nouveau.

4- Granulome à cellule centrale géante :

Il s’agit d’une lésion intraosseuse composée de tissu fibreux contenant de multiples zones hémorragiques, des agglomérats de cellules géantes multinucléées et parfois des travées osseuses.

Il représente 3,5 % des tumeurs bénignes des mâchoires ; touche plus volontiers les femmes avant 30 ans et se développe dans les maxillaires dans 30 % des cas.

Il peut déformer l’os et traverser sa corticale, voire se présenter comme une tuméfaction gingivale.

Radiologiquement, il forme une zone de destruction osseuse de contour régulier ou lobulé, uni- ou multiloculaire, souvent mal limitée, parfois traversée par de minces septa osseux.

Rarement, des calcifications lui confèrent un aspect hétérogène pouvant en imposer pour un améloblastome.

Histologiquement, il présente de nombreuses cellules géantes multinucléées au sein d’un stroma hypercellulaire composé de fibroblastes et de collagène.

Il peut s’avérer impossible de le distinguer du chérubisme ou d’une localisation osseuse d’hyperparathyroïdie.

Il peut parfois être agressif, avec une croissance rapide, douloureuse, des lyses corticales et une forte tendance à la récidive après exérèse (13 à 22 % des cas).

La biopsie peut être hémorragique.

5- Kyste osseux anévrysmal :

Il est caractérisé par des lacunes osseuses de taille variable, remplies de sang et associées à un tissu fibroblastique contenant des cellules géantes multinucléées, de l’os ostéoïde et de l’os réticulé.

Son étiopathogénie est inconnue.

Il pourrait exister à l’origine une anomalie circulatoire.

Il représente 5 % de l’ensemble des kystes des maxillaires.

Il apparaît généralement avant 30 ans, avec une légère prépondérance féminine.

Il donne une tuméfaction jugale ou endobuccale, indolore, d’évolution lente, bleutée, composée de cavités remplies de sang, séparées par des cloisons en coquille d’oeuf et nettement limitée en périphérie par une coque d’os périosté.

Les biopsies sont hémorragiques.

Radiologiquement, il forme une lacune osseuse, parfois multilobée, parfois hétérogène, qui déforme, voire rompt, la corticale osseuse.

Environ un tiers d’entre eux sont associés à d’autres lésions osseuses.

Le curetage peut être très hémorragique.

6- Kyste osseux solitaire :

Il est considéré comme secondaire à un traumatisme : l’hémorragie intramédullaire serait suivie d’une résorption aboutissant à la constitution d’une cavité dont la croissance résulterait de modifications du drainage veineux.

Les dents adjacentes restent vivantes.

Il est rarement observé après 25 ans.

Radiologiquement, il forme une lacune osseuse unique, homogène, à contour osseux, avec souvent une avancée entre les racines dentaires, sans que ces dernières soient déplacées.

De même, la corticale osseuse peut être amincie en regard mais non refoulée.

C – AUTRES TUMEURS :

Tumeur neuroectodermique mélanique de l’enfance :

C’est une tumeur issue de la crête neurale, touchant la partie antérieure du maxillaire chez un enfant de moins de 1 an.

Elle est gingivale, exophytique, parfois pigmentée, détruit l’os, déplace les dents et est traversée par des septa osseux.

Kystes épithéliaux :

A – DE CROISSANCE :

1- Odontogéniques :

Ces kystes dérivent d’une croissance aberrante d’un ou de plusieurs tissus participant à l’odontogenèse.

Ils sont parmi les plus évolutifs des kystes des maxillaires, dont ils représentent 35 % des contingents.

Le kyste gingival de l’enfant ou perle d’Epstein est issu de la dégénérescence kystique des restes de la lame dentaire.

Il donne des nodules blanchâtres ou jaunâtres sur la crête gingivale au-dessus de la future portion dentée, entre 0 et 3 mois.

Totalement asymptomatiques, ils disparaissent par exfoliation.

Le kératokyste odontogénique contient de la kératine.

Supposé se développer à partir de la lame dentaire, de ses résidus ou de la couche basale de la muqueuse buccale, il est caractérisé par une fine capsule fibreuse lui conférant une certaine rigidité.

D’étiopathogénie inconnue, il représente environ 14 % de tous les kystes des maxillaires ; il présente deux pics d’incidence : entre 10 et 30 ans, et entre 40 et 50 ans.

Il est légèrement plus fréquent chez l’homme, multiple dans 3 à 12% des cas et il touche les maxillaires dans 38 % des cas, préférentiellement dans la région prémolomolaire.

Son évolution est lente. Une fistulisation muqueuse est possible avec issue de sécrétions blanchâtres parsemées de paillettes.

Il est souvent volumineux (40 à 50 mm de diamètre) et contient un liquide crémeux, blanchâtre, au sein d’une coque en coquille d’oeuf.

Il n’y a pas dans la littérature, même dans les grandes séries, de cas rapportés de dégénérescence maligne.

En revanche, il présente une forte tendance à la récidive, jusqu’à 20 ans plus tard, ce qui explique l’importance d’un diagnostic fiable, d’un traitement radical (énucléation complète en monobloc) et d’une surveillance à vie.

Radiologiquement, il forme une géode mono- ou polylobée homogène, ronde ou ovale, au contour régulier et net, avec une paroi fine sauf s’il y a eu surinfection, déformant et amincissant les corticales osseuses sans toutefois les lyser.

Enfin, certains kératokystes enveloppent la couronne d’une dent non évoluée et provoquent la rhizalyse des dents avoisinantes.

Histologiquement, sa coque conjonctive est fine, bordée d’un épithélium malpighien de 5 à 8 couches cellulaires, avec une couche basale faite de cellules cubiques ou cylindriques.

Il est parakératinisé dans 84 % des cas, orthokératinisé dans 6 % des cas et mixte dans 12 % des cas. Le kyste primordial est plus rare que le précédent.

Il provient de la dégénérescence kystique de l’émail et prend la place de la dent concernée.

Il apparaît entre 10 et 30 ans avec une légère prédominance masculine, sur la gencive postérieure, sous la forme d’un nodule gris ou bleuâtre.

Le syndrome de Gorlin et Goltz ou nævomatose basocellulaire est une maladie héréditaire de transmission autosomique dominante associant : des kératokystes odontogènes, des kystes primordiaux multiples volumineux et récidivants, des naevi basocellulaires multiples pouvant dégénérer, des malformations squelettiques (côtes bifides, brièveté des métacarpes), des lésions ophtalmologiques (cécité, hypertélorisme, strabisme), des troubles neurologiques (hydrocéphalie, retard intellectuel), un hypogonadisme ou une tumeur ovarienne.

Le kyste dentigère ou folliculaire englobe la couronne d’une dent (canine et troisième molaire surtout) et s’attache à son col.

Il proviendrait d’une accumulation de sérosités entre l’épithélium de l’émail devenu inactif et la couronne dentaire déjà formée, ou entre les différentes couches épithéliales de l’émail.

Il survient principalement chez l’homme entre 10 et 40 ans.

Radiologiquement, il forme une lacune claire bien circonscrite, monogéodique, entourant la couronne d’une dent incluse, le plus souvent de façon asymétrique.

Il peut atteindre de grandes dimensions et lyser les racines des dents adjacentes.

Sa paroi est constituée de tissu conjonctif et d’un épithélium fin qui s’épaissit en cas d’inflammation.

Après énucléation complète, sa récidive est rare.

Exceptionnellement, un améloblastome ou un carcinome peut se greffer sur sa paroi.

Le kyste éruptif est une variété de kyste dentigère due à la dilatation par une sérosité hématique de l’espace folliculaire entourant la couronne d’une dent en voie d’éruption.

Une simple excision muqueuse suffit à dégager la couronne dentaire, laquelle continue ensuite naturellement son processus d’éruption.

Le kyste périodontal latéral se développe à tout âge entre les racines d’une dent antérieure vivante à partir de reliquats épithéliaux odontogéniques.

Son origine est inconnue : épithélium de l’émail inactivé, vestiges de la lame dentaire ou de cellules de Malassez.

Radiologiquement, il donne une zone claire, ronde ou ovale, bien circonscrite par une fine coque osseuse.

Le kyste odontogénique botryoïde représente une variante multiloculaire souvent volumineuse du kyste périodontal latéral et récidiverait plus.

Le kyste gingival de l’adulte se développe à partir de reliquats épithéliaux odontogéniques gingivaux et se présente sous la forme d’un nodule blanchâtre de 1 cm de diamètre, le plus souvent dans la région canine et prémolaire, chez des patients de la cinquième décennie.

Son étiopathogénie reste inconnue.

Le kyste glandulaire odontogénique et le kyste sialo-odontogénique apparaissent dans la portion dentée des mâchoires, dans les deux sexes, à tout âge et sans image caractéristique.

2- Kystes épithéliaux non odontogéniques :

Le kyste du canal nasopalatin dériverait des vestiges épithéliaux du canal nasopalatin (canal incisif), à l’extrémité antérieure de la ligne de suture médiane des processus palatins des maxillaires.

Il apparaît entre 30 et 60 ans.

Il touche trois fois plus d’hommes que de femmes.

Sa fréquence varierait de 0,08 % à 1,5 %.

Il se développe préférentiellement entre les racines des incisives qui peuvent diverger mais demeurent vivantes.

Radiologiquement, il forme une lacune claire ronde ou ovale, bien délimitée par un liseré d’ostéocondensation.

Sa taille est généralement inférieure à 1 cm, les formes étendues pouvant gagner les régions prémolaires de façon asymétrique.

Le kyste de la papille palatine se forme aux dépens des tissus mous situés à l’entrée du canal nasopalatin et n’offre de ce fait aucune traduction radiologique.

Il donne une tuméfaction fluctuante de siège palatin antérieur médian, susceptible de se fistuliser pour laisser échapper un liquide salé.

Le kyste nasolabial ou nasoalvéolaire, plus connu sous le nom de kyste du seuil narinaire, a un développement extraosseux, entre la base d’implantation de l’aile narinaire et le vestibule buccal antérosupérieur.

Son étiopathogénie reste controversée, mais il semblerait provenir d’un trouble du développement de la partie inférieure du canal lacrymonasal.

Plus rare que le kyste nasopalatin, il touche tous les âges avec une très nette prépondérance féminine.

Il donne une tuméfaction du plancher du vestibule narinaire et du vestibule buccal antérosupérieur, indolore, molle ou fluctuante, mobile par rapport au plan osseux, dont la taille peut atteindre 3 à 4 cm.

La corticale externe du maxillaire peut être érodée au niveau de l’orifice piriforme, avec respect du périoste.

Le bilan radiologique est muet, sauf si on l’opacifie.

En histologie, ses contours sont festonnés ; il est revêtu d’un épithélium le plus souvent cylindrique pseudostratifié.

Son exérèse permet sa guérison. Les kystes médians (palatins, alvéolaires) se situent à la jonction des maxillaires.

On pense aujourd’hui qu’ils sont une extension postérieure d’un kyste du canal nasopalatin lorsqu’ils sont palatins et une extension antérieure de ce même canal lorsqu’ils sont alvéolaires.

Ils donnent une radioclarté bien limitée.

Le kyste globulomaxillaire se développe au sein de l’os entre la canine et l’incisive latérale, en regard de la fissure globulomaxillaire (ou incisivocanine).

Il peut parfois se révéler par une petite tuméfaction indolore.

Sa découverte est le plus souvent radiologique, sous la forme d’une zone bien délimitée, en forme de poire inversée dont l’extrémité effilée s’insinue entre l’incisive latérale et la canine, entraînant parfois une divergence de leurs racines.

Il peut s’étendre jusqu’à la première molaire et refouler le plancher de la fosse nasale et du sinus.

Des formes bilatérales ont été rapportées.

L’étiopathogénie n’en est pas encore connue.

B – KYSTES ÉPITHÉLIAUX INFLAMMATOIRES :

1- Kyste radiculaire :

Les kystes radiculaires sont les lésions kystiques les plus fréquentes des maxillaires (59 %).

Les phénomènes inflammatoires consécutifs à la nécrose de la cavité pulpaire, en rapport avec la carie dentaire ou un traumatisme, peuvent se propager dans l’espace desmodontal périapical ou latéroradiculaire, induisant la formation d’un granulome.

En l’absence de traitement, les vestiges épithéliaux peuvent proliférer dans la cavité bordée par cet épithélium d’origine odontogénique.

Le kyste radiculaire apical peut se développer à partir de n’importe quelle dent, mais il survient préférentiellement dans la portion antérieure des maxillaires.

Il touche surtout les hommes entre 20 et 40 ans.

Il est souvent asymptomatique et sa découverte est alors radiologique, sous la forme d’une géode unique, arrondie ou ovale, homogène, appendue à l’apex de la dent mortifiée.

Sa taille, théoriquement supérieure à 10 mm, mais surtout la présence d’un liseré périphérique de densité supérieure aux structures alvéolaires voisines, le font différencier du granulome.

Cependant, au cours d’une poussée inflammatoire, tout ou partie de ce contour peut s’estomper.

Parfois, le kyste est révélé par des phénomènes douloureux en rapport avec une monoarthrite subaiguë de la dent intéressée avec constitution d’une suppuration.

Cellulites, sinusites et ostéites peuvent aussi être observées. Son évolution est lente, sans guérison spontanée.

À long terme, il peut souffler les corticales osseuses en s’étendant vers les zones de moindre résistance mécanique, s’extérioriser en région vestibulaire sous-muqueuse, voire se fistuliser.

La greffe d’un carcinome épidermoïde est exceptionnelle.

Le kyste radiculaire latéral est dû à une fracture radiculaire, un canal aberrant, voire une fausse route lors d’un traitement canalaire avec perforation accidentelle de la racine ou du plancher pulpaire.

Il n’a pas de liseré périphérique.

2- Kyste paradentaire :

Dans la précédente classification de l’OMS, les kystes inflammatoires d’origine dentaire ne comprenaient qu’une seule variété radiculaire.

Main en 1970, puis Craig en 1976 ont décrit une entité spécifique nommée kyste inflammatoire collatéral.

Il est développé en dehors de la racine latérale d’une dent vivante en cours d’éruption, après inflammation d’une poche périodontale.

Radiologiquement, il donne une image claire, bien circonscrite par un liseré d’ostéocondensation, en position distale ou vestibulaire par rapport aux racines de la dent en cause.

En macroscopie, il est connecté exclusivement à la surface radiculaire de la dent.

Kystes muqueux :

Les muqueuses pituitaire et buccale peuvent être le siège de formations kystiques.

A – KYSTES DU BAS-FOND DU SINUS MAXILLAIRE :

Il s’agit de kystes développés au sein de la muqueuse pituitaire, dont on distingue deux variétés différentes par leur contenu et leur structure histologique.

Les kystes sécrétants représentent 3 à 30%des cas selon les auteurs et résultent de l’occlusion de plusieurs glandes muqueuses ; la rétention du mucus aboutit à la constitution d’un kyste mucoïde, sous une muqueuse normale et dans un chorion oedémateux.

Le mucus, blanc grisâtre, est incoagulable.

Les kystes non sécrétants sont dus à une inflammation chronique qui induit la production de sérosités dans le chorion puis de grandes lacunes et enfin de pseudokystes sans paroi propre reposant directement sur la paroi osseuse et dont le contenu coagule rapidement après ponction.

Les kystes du bas-fond du sinus maxillaire sont le plus souvent découverts sur un cliché radiologique standard en incidence de Blondeau, demandé pour recherche de foyer infectieux ou aptitude à certains emplois (plongeurs).

On observe alors une opacité intrasinusienne inférieure, arrondie, régulière, sans lyse osseuse.

Ce kyste est exceptionnellement symptomatique, provoquant alors de brèves douleurs infraorbitaires.

Cette découverte justifie une enquête rigoureuse à la recherche d’une affection rhinosinusienne chronique et d’un foyer dentaire (panoramique dentaire, consultation spécialisée).

L’endoscopie nasale cherche un facteur obstructif du méat moyen (déviation septale, concha bullosa, inversion de courbure du cornet moyen, polype, etc), une surinfection maxillaire et une polypose nasosinusienne. Devant de telles anomalies, un examen TDM est alors demandé.

B – KYSTE GINGIVOPALATIN :

Développé à partir de la lame dentaire, ce qui peut le faire classer parmi les kystes odontogéniques, il forme une petite excroissance gingivale grisâtre ou brunâtre de moins de 1 cm, enchâssée dans le chorion et bordée par un revêtement malpighien qui comporte fréquemment des calcifications dystrophiques et des corps hyalins.

Chez l’enfant, il n’entraîne aucune gêne fonctionnelle.

Chez l’adulte, il peut faire évoquer l’extériorisation d’un kyste périodontal latéral, dont il se distingue par l’absence de perte de substance du rebord osseux alvéolaire.

Dans certains cas, il relève d’une origine traumatique, par inclusion de l’épithélium buccal ; son exérèse n’est pas suivie de récidive si elle est complète.

Mucocèles :

Les mucocèles nasosinusiennes sont une pathologie peu fréquente qui correspond à la formation de kystes rétentionnels d’évolution généralement progressivement lente.

Leur découverte peut être fortuite mais elle est due le plus souvent à leur retentissement sur les organes de voisinage (peau, orbite, etc).

Elles peuvent se développer aux dépens de toute la muqueuse sinusienne et les localisations maxillaires sont fréquentes.

Traumatismes et chirurgie endonasale en sont les principales causes, leur développement spontané étant rare.

Elles peuvent aussi être associées à des polyposes, à des variations anatomiques (concha bullosa).

Elles touchent surtout l’adulte ; chez l’enfant, elles s’observent surtout lors de mucoviscidoses. Enfin, leur découverte peut être fortuite.

Elles donnent une tuméfaction plus ou moins tendue, lisse et régulière, peu douloureuse à la palpation, rénitente en raison de son contenu liquidien.

L’examen TDM montre une tuméfaction arrondie, homogène, soufflant, voire lysant les parois osseuses à son contact.

Traitement des kystes du maxillaire :

Le traitement des kystes du maxillaire est le plus souvent chirurgical.

L’abstention thérapeutique expose à l’augmentation de volume du kyste, qui peut retentir sur les organes avoisinants, à un risque de surinfection, voire de dégénérescence maligne chez certains d’entre eux.

L’unanimité est aujourd’hui faite sur le principe d’une exérèse systématique et complète d’emblée de la poche kystique.

Il faut souligner la présence constante, entre la face externe fibreuse de la paroi kystique et les parois osseuses de la cavité, d’un feutrage vasculonerveux qu’il est possible de cliver au décolleur mousse.

Ceci permet de conserver la vitalité des dents, dont les apex sont en rapport avec la cavité opératoire et de conserver les contours osseux externes sans reconstruction et sans affaissement alvéolaire.

Il favorise également un comblement complet, rapide et de bonne qualité de la cavité.

À l’exception des cas où la cavité opératoire doit rester largement ouverte pour permettre à une dent incluse de retrouver sa place sur l’arcade dentaire, une meilleure consolidation est obtenue si le périoste périmaxillaire est suturé.

Ainsi, dans la plupart des cas, les cloisons osseuses reprennent leur aspect initial.

En cas d’extension intrasinusienne, la même technique permet généralement de préserver la muqueuse antrale.

En cas de surinfection sinusienne, une méatotomie moyenne permet le rétablissement d’une ventilation efficace de ce sinus.

La trépanation antrale, a minima et très latéralement pour ne pas léser les nerfs dentaires antérieurs, doit être exceptionnelle et réservée aux seuls kystes inaccessibles par voie endonasale et présentant une coque rigide.

En présence d’une extension palatine importante, il faut utiliser un abord vestibulaire et/ou palatin, avec incision au collet des dents, pour éviter de les dévitaliser.

Concernant les dents impliquées dans la genèse du kyste ou englobées par celui-ci, l’attitude est la suivante :

– s’il s’agit d’un kyste radiculodentaire sur l’apex d’une dent mortifiée, on réalise une résection apicale et une obturation radiculaire intégrale ;

– si le délabrement de la dent impose son extraction, l’alvéole est fermée sans tension après curetage, en s’aidant au besoin d’une incision du périoste ;

– s’il s’agit d’un kyste péricoronaire, la dent incluse est conservée après trépanation au sommet du rebord alvéolaire.

Pour les kystes épidermoïdes, les principes généraux du traitement conservateur sont appliqués, avec toutefois quelques précautions particulières, notamment l’ablation des germes inclus et la résection des parties de la gencive adhérentes à la paroi du kyste, sources de récidive.

Le devenir des germes dentaires non évolués fait ensuite l’objet d’une surveillance attentive, mais il y a peu de risque d’apparition de nouveaux kystes chez l’adulte.

Pour certains auteurs, la marsupialisation simple est indiquée en présence d’une destruction osseuse étendue, lorsque le kyste est au contact de structures anatomiques nobles, et chez les sujets dont l’état général n’autorise pas une chirurgie radicale.

Cette attitude permet de respecter les structures voisines, mais elle ne permet pas le contrôle histologique de l’ensemble de la pièce et oblige à une surveillance prolongée.

En cas d’améloblastome, les risques de récidive et de métastases en cas d’exérèse incomplète, ainsi que les difficultés d’une reprise chirurgicale en cas de récidive, imposent une exérèse passant au large de la lésion, même si cela impose une maxillectomie.

En cas de carcinome primitif ou secondaire, le traitement recommandé est une exérèse chirurgicale large suivie d’une radiothérapie externe.

La chimiothérapie n’a pas fait la preuve de son efficacité dans ces cancers.

Certaines tumeurs ou récidives se situent d’emblée au-delà de toute ressource chirurgicale ; dans ces cas, des réductions tumorales ont été obtenues par des gestes chirurgicaux limités, une radiothérapie externe ou une vaporisation laser.

Cas particuliers :

– kystes muqueux : seuls ceux entraînant un retentissement sinusien sont traités ;

– mucocèles : si l’ablation de la poche mucocélique a longtemps été la règle, il est maintenant bien établi qu’une large marsupialisation par voie endonasale amène une guérison définitive et une restitutio ad integrum de l’anatomie des organes voisins qui étaient auparavant refoulés.

Conclusion :

Les kystes du maxillaire sont des entités diverses et variées, dans la majorité des cas paucisymptomatiques, de croissance lente, souvent découverts fortuitement.

Une fois authentifiés, la tomodensitométrie, parfois complétée par une IRM, constitue l’examen d’exploration de référence ; elle montre en effet précisément leurs limites, leur contenu et leurs rapports.

Tous les auteurs sont d’accord sur la nécessité d’une exérèse chirurgicale complète d’emblée, car ils peuvent augmenter de volume et déplacer les dents, voire déformer les corticales osseuses.

Certains ont une tendance marquée à la récidive en cas d’exérèse incomplète et d’autres enfin peuvent dégénérer en carcinomes.

Les mucocèles sont simplement largement marsupialisées.

Quant aux kystes muqueux des sinus maxillaires, seuls ceux ayant déjà provoqué un retentissement sinusien justifient un geste chirurgical.

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