Kératodermies palmoplantaires

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Introduction :

Les KPP sont un groupe hétérogène de maladies cutanées caractérisées par une hyperkératose (épaississement corné) des paumes et des plantes.

Les KPP se basent sur des particularités physiologiques de l’épiderme palmoplantaire.

La morphologie palmoplantaire est unique, avec des crêtes interpapillaires allongées, acanthose, hypergranulose et hyperkératose physiologiques et sans follicules pileux, glandes sébacées et apocrines.

Cette morphologie se traduit dans un programme de différenciation propre à l’épiderme palmoplantaire par rapport au reste du tégument.

Kératodermies palmoplantairesCette différenciation est déjà réalisée in utero pendant le développement foetal qui inclut la formation des crêtes interpapillaires caractéristiques et l’expression spécifique et exclusive de la kératine K9.

Les couches épineuses de l’épiderme palmoplantaire expriment aussi les kératines K6a, K6b, K16 et K17 qui, d’autre part, ne sont retrouvées que dans les structures annexielles ou l’épithélium stratifié des muqueuses.

Dans la couche granuleuse, on note de nombreuses granules de kératohyalines bicomposées, riches en loricrine qui, autrement, sont très rares chez l’homme.

La couche cornée palmoplantaire est riche en proline par l’expression accentuée des SPRR, protéines précurseurs de l’enveloppe cornée.

Finalement, la couche cornée palmoplantaire possède un profil lipidique qui diffère du reste du tégument et qui entrave une diffusion ou perte d’eau transépidermique palmoplantaire accentuée.

Le savoir sur la physiologie et la génétique moléculaire de la peau nous permet aujourd’hui de mieux expliquer l’étiologie de ces troubles de la kératinisation et de nombreux défauts moléculaires à la base des KPP ont été identifiés récemment.

Les mécanismes selon lesquels ces défauts moléculaires provoquent l’hyperkératose restent encore à être élaborés.

Il est possible que des anomalies de la structure des kératines ou d’autres protéines impliquées dans la formation d’une couche cornée normale entraînent l’hyperkératose qui est une réponse protectrice adoptée pour maintenir l’intégrité mécanique et amoindrir la fragilité accrue de la peau.

Classification et démarche diagnostique :

A – CLASSIFICATION :

Nous classifions les KPP en trois groupes :

– KPP héréditaires ;

– génodermatoses avec KPP ;

– KPP acquises.

Les KPP héréditaires sont caractérisées par une clinique concentrée aux paumes et aux plantes.

Elles sont définies selon :

– le mode de transmission de la maladie ;

– l’aspect clinique et la distribution des lésions de la KPP (diffus ou focal, en « îlots », strié ou ponctué) ;

– les symptômes associés ectodermaux ;

– les symptômes associés non ectodermaux ;

– les données histologiques ;

– la physiopathologie.

La classification des KPP est parfois difficile à cause de la morphologie variable des lésions, les variations inter- et intrafamiliales de l’aspect clinique et l’utilisation de nomenclatures différentes.

L’association des KPP à d’autres altérations pathologiques de structures ectodermales a fait naître le terme de dysplasie ectodermale palmoplantaire.

L’identification du défaut génétique responsable des différentes entités permettra à l’avenir de faire une classification nosologique plus précise.

B – DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE :

1- Anamnèse :

* Anamnèse familiale :

L’anamnèse familiale permet souvent de distinguer les KPP acquises des formes héréditaires ou associées à une génodermatose.

Un arbre généalogique détaillé permettra souvent de déterminer ou de suspecter un mode de transmission, essentiel dans la classification des KPP héréditaires.

* Anamnèse personnelle :

Les KPP héréditaires ou les génodermatoses avec KPP apparaissent le plus souvent pendant les premiers mois de vie dans un contexte familial.

Les formes acquises se développent à n’importe quel moment dans la vie et sont souvent liées à un ou plusieurs facteurs externes, tels qu’une surcharge mécanique, des problèmes orthopédiques, la prise de certains médicaments, des carences nutritionnelles ou des troubles hormonaux.

L’anamnèse peut aussi révéler une histoire d’eczéma allergique ou une prédisposition atopique, un contact avec des personnes ou des animaux infectés, ou encore la présence d’une tumeur entraînant une KPP paranéoplasique.

2- Clinique :

* Examen des paumes et des plantes :

L’aspect clinique permet de classer les KPP, particulièrement les formes héréditaires, en des formes diffuses, focales, en « îlots », striées ou ponctuées, mais permet également d’évoquer l’étiologie des formes acquises.

Les mycoses, par exemple, montrent souvent une atteinte symétrique aux bords marginés, avec une atteinte interdigitale et une dystrophie unguéale ou sous-unguéale associées.

Les verrues, avec une distribution focale, soit en « mosaïque », soit en « myrmécie », sont caractérisées par une surface rugueuse et par des saignements ponctiformes après parage.

La déformation des pieds et des mains indique la prédisposition des patients à développer des callosités mécaniques.

* Examen cutané :

L’examen clinique de l’ensemble du tégument, des phanères et des muqueuses est de première importance dans l’approche diagnostique des KPP.

L’absence d’autres signes cutanés permet déjà de suspecter, soit une KPP héréditaire, soit une KPP acquise mécanique ou induite par médicaments.

La présence de signes cutanés en dehors des paumes et des plantes permet de classer une KPP dont l’aspect clinique en lui-même n’est souvent pas spécifique.

Dans le cadre d’un psoriasis, des signes classiques mais aussi mineurs tels qu’une atteinte des ongles, du cuir chevelu ou de la zone interfessière doivent être recherchés.

Le lichen plan montre des lésions des muqueuses et du tégument très caractéristiques.

L’examen cutané complet est enfin essentiel pour distinguer les différentes KPP héréditaires et celles associées aux génodermatoses, pour lesquelles l’identification d’une anomalie annexielle permet souvent la classification.

* Examens paracliniques :

Les examens de laboratoire sont parfois nécessaires pour étayer le diagnostic clinique.

Les KPP acquises d’origine infectieuse doivent impérativement être confirmées par des examens complémentaires.

Un examen direct et une culture sont nécessaires dans le cadre des mycoses palmoplantaires.

La syphilis secondaire est mise en évidence avec une sérologie VDRL (venereal disease research laboratory) et TPHA (Treponema pallidum haemagglutination assay).

Pour le diagnostic d’une maladie de Reiter, une infection des voies urinaires ou une gastroentérite doivent être identifiées.

Enfin, l’examen direct du matériel prélevé des sillons ou des lésions croûteuses permet d’identifier les acariens, les oeufs ou les selles dans le cadre d’une gale norvégienne.

Les carences hormonales ou nutritionnelles sont objectivées par l’analyse des substances concernées dans le sang.

Finalement, l’analyse de la tyrosine et de la phénylalanine dans le sang est utile pour la démarche diagnostique des KPP focales en « îlots » (voir syndrome de Richner-Hanhart).

* Examen morphologique :

L’examen histologique est souvent utile et facilite la distinction entre des KPP cliniquement parfois semblables, telles que l’eczéma (spongiose), le psoriasis (pustules spongiformes de Kogoj) et la mycose (filaments à la coloration à l’acide périodique Schiff [PAS]).

L’histologie facilite particulièrement la classification des KPP héréditaires.

La KPP de Vörner est la plus fréquente de ces dernières.

Elle est caractérisée par une acanthokératolyse, c’est-à-dire une hyperkératose épidermolytique.

Pour les variantes diffuses, ce signe histologique permet la différenciation entre une KPP de Vörner et une KPP de Unna qui montre une simple hyperkératose.

Néanmoins, il ne s’agit pas d’un signe spécifique pour la KPP de Vörner : les mêmes altérations histologiques peuvent être trouvées dans les KPP héréditaires focales et les différentes variantes oligosymptomatiques de la pachyonychie congénitale.

L’acanthokératolyse peut être discrète et focale et doit toujours être recherchée soigneusement.

La KPP de Camisa et celle de Vohwinkel ont une image histologique unique, caractérisée par une hyperkératose parakératosique particulière avec aplatissement retardé des kératinocytes et rétention de noyaux ronds jusque dans les cornéocytes plus superficiels.

Quant à l’acrokératoélastoïdose de Costa, la fragmentation des fibres élastiques dermiques (élastorrhexis) est dite spécifique.

Le syndrome de Huriez montre une image dermique de sclérose avec fibrose, augmentation des vaisseaux et atrophie des structures épithéliales telles que les glandes eccrines.

Il faut noter que l’analyse de l’ultrastructure n’a pas sa place dans l’approche diagnostique pratique des KPP.

Actuellement, les examens génétiques moléculaires ne sont effectués que pour la recherche scientifique.

Leur place dans la démarche diagnostique pratique des KPP reste à être définie.

Kératodermies palmoplantaires héréditaires :

Afin de faciliter un diagnostic différentiel rapide et précis, les KPP héréditaires et les génodermatoses avec une KPP seront décrites selon le même schéma.

A – KÉRATODERMIES PALMOPLANTAIRES DIFFUSES AUTOSOMIQUES DOMINANTES :

1- Kératodermie palmoplantaire de Vörner :

Synonymes : KPP épidermolytique ; KPP acanthokératolytique ; KPP avec dégénérescence granuleuse.

Transmission héréditaire : autosomique dominante, liée au chromosome 17q12.

Symptômes palmoplantaires : il s’agit de la KPP héréditaire la plus fréquente.

Elle est caractérisée par une hyperkératose diffuse, jaunâtre ou érythémateuse, bien délimitée, souvent entourée de bords érythémateux.

Une hyperhidrose s’associe dans un tiers des cas.

Le traitement par rétinoïdes par voie systémique peut induire la formation de lésions bulleuses et un décollement en bloc de l’hyperkératose.

Symptômes associés ectodermaux : dans 50 % des cas, on trouve un épaississement cutané sur la face dorsale des articulations métacarpo- et interphalangiennes et des ongles bombés en « verre de montre ».

Histologie : acanthose et hyperkératose épidermolytique (acanthokératolyse, dégénérescence granuleuse).

Physiopathologie : mutations de la kératine 9 (chromosome 17q12) altérant la région 1A du domaine hélicoïdal, motif de l’initiation de l’hélice de cette kératine.

2- Kératodermie palmoplantaire de Unna :

Synonymes : KPP Thost-Unna ; KPP diffuse circonscrite ; KPP de Norbotten. Transmission héréditaire : autosomique dominante, liée aux chromosomes 12q11-q13 et 17q12-q24.

Symptômes palmoplantaires : elle se manifeste dans les deux premières années de vie par un aspect clinique semblable à la KPP de Vörner.

Elle est caractérisée par une hyperkératose palmoplantaire diffuse et épaisse, à bords bien délimités, souvent associée à une hyperhidrose.

Un érythème peut se trouver en périphérie des lésions.

Symptômes associés ectodermaux : parfois, la KPP de Unna n’est pas limitée aux paumes et s’étend sur la face interne des avant-bras.

Des lésions hyperkératosiques peuvent se trouver sur les tendons d’Achille, le dos des mains et des pieds, ainsi que sur les coudes et les genoux.

Cependant, ce phénotype complet correspond à celui décrit par Greither.

Des analyses moléculaires seront nécessaires afin de déterminer s’il s’agit d’un groupe de maladies hétérogènes ou d’un spectre large de la même maladie.

Histologie : acanthose et hyperorthokératose.

Physiopathologie : controversée.

Un seul cas a été publié qui montre une mutation de la région globulaire aminoterminale V1 (ISIS-box) de la kératine 1, impliquée dans le crosslinkage avec la loricrine dans l’enveloppe cornée (voir aussi KPP de Camisa).

3- Kératodermie palmoplantaire de Greither :

Synonymes : KPP progrediens et transgrediens.

Transmission héréditaire : autosomique dominante.

Symptômes palmoplantaires : la différenciation entre la KPP de Greither et la KPP de Unna étendue d’une part, et l’érythrokératodermie variable palmoplantaire d’autre part, n’est pas complètement résolue.

La KPP de Greither se manifeste après l’âge de 3 ans, donc plus tard que la KPP de Unna.

L’hyperkératose palmoplantaire est diffuse, habituellement entourée de bords érythémateux, et associée à une hyperhidrose.

Elle a tendance à progresser sur le dos des mains et des pieds et sur les tendons d’Achille.

Symptômes associés ectodermaux : des lésions érythématosquameuses peuvent être présentes sur les coudes, les genoux, et plus rarement sur les avant-bras et les cuisses.

Tandis que l’hyperkératose palmoplantaire est parfois discrète, l’atteinte des autres localisations est plutôt prononcée.

Contrairement à d’autres KPP héréditaires, la KPP de Greither a tendance à régresser après l’âge de 50 à 60 ans. Histologie : acanthose, hyperorthokératose.

Physiopathologie : inconnue. Une liaison au chromosome 1p34, site de gènes codant pour des connexines a été rapportée, puis exclue par une autre étude détaillée.

4- Kératodermie palmoplantaire de Camisa :

Synonymes : KPP mutilante type I ; KPP en forme de « nid d’abeille » type I ; KPP de la loricrine.

Transmission héréditaire : autosomique dominante, liée au chromosome 1q21.

Symptômes palmoplantaires : cette KPP rare se développe dans les deux premières années de vie.

Typiquement, l’hyperkératose palmoplantaire se présente en forme de « nid d’abeille », entourée de bords érythémateux et elle est associée à une hyperhidrose.

Symptômes associés ectodermaux : des collets de striction (pseudoainhums) peuvent se former progressivement autour des doigts et des orteils, provoquant parfois une amputation spontanée.

Des épaississements cornés se trouvent parfois sur la face dorsale des articulations métacarpo- et interphalangiennes, mais sans avoir l’aspect particulier des papules verruciformes ou des lésions kératosiques stellaires de la KPP de Vohwinkel.

La KPP de Camisa est accompagnée d’une ichtyose modérée de type lamellaire.

Histologie : hypergranulose et hyperkératose parakératosique particulière avec aplatissement retardé des kératinocytes et rétention de noyaux ronds.

Physiopathologie : des mutations du gène de la loricrine (chromosome 1q21), la protéine majeure de l’enveloppe cornée, sont responsables de la KPP de Camisa.

Ces mutations sont responsables d’un changement de la phase de lecture carboxyterminale, créant ainsi une translocation nucléaire de la loricrine.

Ce mécanisme renforce les structures nucléaires et explique l’image histologique particulière.

Cependant, il ne s’agit probablement pas d’un trouble primaire de l’enveloppe cornée.

5- Kératodermie palmoplantaire de Vohwinkel :

Synonymes : KPP mutilante type II ; KPP en forme de « nid d’abeille » type II.

Transmission héréditaire : autosomique dominante, liaison au chromosome 13q11 exclue.

Symptômes palmoplantaires : l’atteinte des paumes et des plantes est similaire à celle du type de Camisa.

Cependant, la KPP de Vohwinkel s’étend souvent sur la face palmaire des articulations radiocarpales, tout en restant bien délimitée.

Symptômes associés ectodermaux : comme dans la KPP mutilante type I, on trouve des strictions circonférencielles de type pseudoainhums aux doigts et aux orteils.

Les lésions sur la face dorsale des mains et des pieds ont un aspect particulier formant des papules verruciformes et des lésions kératosiques stellaires en forme d’« étoile de mer ».

Les lésions kératosiques parfois présentes sur les coudes et les genoux sont linéaires ou stellaires.

Symptômes associés non ectodermaux : la KPP de Vohwinkel est associée à une détérioration acoustique.

Histologie : acanthose, hyperkératose avec foyers parakératosiques, on ne trouve aucune expression de la loricrine dans les noyaux des kératinocytes.

Physiopathologie : la KPP de Vohwinkel est due à des mutations de la connexine 26 (cf « Pour en savoir plus »).

La connexine 26 est une composante des jonctions gap entre les kératinocytes et les cellules épithéliales de l’organe de Corti.

En outre, des mutations mitochondriales ont été identifiées dans deux familles avec KPP et surdité.

6- Syndrome d’Olmsted :

Synonyme : KPP avec plaques périorificielles.

Transmission héréditaire : autosomique dominante.

Symptômes palmoplantaires : à la naissance ou dans les premiers mois de vie, les patients présentent une KPP diffuse et épaisse, à bords nets, qui s’étend souvent sur le dos des mains et des pieds, provoquant des fissures douloureuses.

Symptômes associés ectodermaux : des lésions kératosiques sur les avant-bras et une dystrophie unguéale sont régulièrement associées.

Des contractures en flexion des articulations métacarpo- et interphalangiennes peuvent parfois provoquer l’amputation spontanée des doigts et des orteils.

Des plaques kératosiques péribuccales et périanales sont un signe caractéristique.

L’association à une alopécie, à une dysplasie épithéliale de la cornée ou à une leucokératose est parfois observée.

Histologie : acanthose, papillomatose et hyperkératose ortho- ou parakératosique avec inclusions de gouttes lipidiques.

Dans la couche granuleuse, on trouve par endroits des cellules claires qui montrent une diminution des tonofilaments sans altération structurale en microscopie électronique. Physiopathologie : inconnue.

7- Syndrome de Huriez :

Synonymes : KPP avec scléroatrophie ; sclerotylosis.

Transmission héréditaire : autosomique dominante.

Symptômes palmoplantaires : dès la naissance, les patients présentent une KPP diffuse avec des accentuations focales, limitée aux paumes et aux plantes.

La KPP du syndrome de Huriez est peu prononcée, ne montre pas de bords érythémateux et peut être associée à une hypohidrose.

Symptômes associés ectodermaux : une scléroatrophie des mains et des pieds avec sclérodactylie est caractéristique.

Des carcinomes spinocellulaires se développent souvent dans les zones atrophiques.

Des altérations unguéales (hypoplasie/aplasie, koïlonychie, stries longitudinales ou déformation en « verre de montre ») sont régulièrement associées.

Histologie : acanthose et hyperorthokératose.

Dans le derme, il existe une scléroatrophie avec fibrose, augmentation des vaisseaux et diminution des glandes eccrines et des fibres élastiques.

Physiopathologie : inconnue.

8- Syndrome de Clouston :

Synonyme : dysplasie ectodermale hydrotique.

Transmission héréditaire : autosomique dominante, liée au chromosome 13q11-q12.1.

Symptômes palmoplantaires : la KPP prédomine aux phalanges distales des mains et des pieds et a souvent un aspect particulier avec une surface presque papillomateuse.

Symptômes associés ectodermaux : le syndrome de Clouston est défini par la triade : altération unguéale, anomalie des cheveux et des poils et KPP diffuse.

Les anomalies des cheveux et des poils sont variables allant d’une fragilité accrue et d’une croissance lente à une alopécie totale incluant les poils du corps, les sourcils et les paupières.

Les ongles sont hypoplasiques, fragiles ou dystrophiques.

Des lésions kératosiques peuvent se manifester sur les coudes et les genoux.

Symptômes associés non ectodermaux : l’association à une surdité, une polysyndactylie, un hippocratisme digital, un retard mental ou un défaut de croissance est inconstante.

Histologie : acanthose modérée, couche granuleuse normale et hyperkératose, parfois avec petits foyers de parakératose.

Physiopathologie : un éventuel gène « candidat » dans l’étiologie du syndrome de Clouston est le gène de la scielline (chromosome 13q22), protéine précurseur de l’enveloppe cornée.

B – KÉRATODERMIES PALMOPLANTAIRES DIFFUSES AUTOSOMIQUES RÉCESSIVES :

1- Kératodermie palmoplantaire type Meleda :

Synonymes : mal de Meleda ; KPP de Gamborg-Nielsen ; KPP de Nagashima.

Transmission héréditaire : autosomique récessive, liée au chromosome 8q24.

Symptômes palmoplantaires : la maladie débute dans les premiers mois de vie par un érythème palmoplantaire qui se transforme en kératodermie diffuse de couleur jaunâtre à brunâtre.

L’érythème persiste parfois aux bords de la kératodermie.

Une hyperhidrose associée et des surinfections causent fréquemment une macération malodorante des zones atteintes.

Les lésions hyperkératosiques se propagent sur la face dorsale des mains et des pieds et sont souvent particulièrement prononcées surles articulations métacarpo- et interphalangiennes.

Symptômes associés ectodermaux : des contractures en flexion au niveau de ces articulations ou même des pseudoainhums peuvent se développer.

Dans environ 50 % des cas, des plaques lichénoïdes se trouvent sur la face palmaire des articulations radiocarpales et parfois aussi sur les coudes et les genoux.

Un érythème de la commissure des lèvres peut être présent.

Des altérations unguéales (hyperkératose sous-unguéale, koïlonychie, onychogryphose) sont régulièrement observées.

Symptômes associés non ectodermaux : un raccourcissement des phalanges (brachyphalangie), le plus marqué à l’auriculaire, est souvent associé.

Histologie : acanthose, hyperorthokératose et discret infiltrat inflammatoire dermique.

Physiopathologie : de possibles gènes candidats sont des homologues de l’antigène Ly-6 dont les gènes codants sont situés au chromosome 8q24.3.

2- Syndrome de Papillon-Lefèvre :

Synonymes : KPP avec périodontite ; syndrome de Haim-Munk.

Transmission héréditaire : autosomique récessive, liée au chromosome 11q14.

Symptômes palmoplantaires : l’atteinte palmoplantaire se présente par une hyperkératose diffuse, modérée, à bords érythémateux, psoriasiforme.

Elle est souvent hyperhidrosique, macérée, surinfectée et ainsi malodorante.

L’hyperkératose se propage sur la face dorsale des mains et des pieds.

Symptômes associés ectodermaux : les lésions hyperkératosiques peuvent aussi toucher les coudes, les genoux et les articulations métacarpo- et interphalangiennes.

La périodontite souvent grave est le signe spécifique du syndrome de Papillon-Lefèvre.

Elle apparaît entre l’âge de 1 et 5 ans et elle est la cause d’une perte prématurée et inévitable des dents de lait et des dents permanentes.

Des altérations unguéales non spécifiques (stries ou dépressions horizontales, dyschromie, koïlonychie, fragilité accrue et dystrophie) sont souvent présentes.

Symptômes associés non ectodermaux : une calcification de la duremère, une susceptibilité aux infections bactériennes, ainsi que des arachnodactylies et une déformation des phalanges distales peuvent être associées.

Histologie : acanthose, hyperkératose parfois avec foyers parakératosiques et discrets infiltrats inflammatoires dermiques.

Physiopathologie : inconnue.

3- Syndrome de Schöpf-Schulz-Passarge :

Transmission héréditaire : autosomique récessive.

Symptômes palmoplantaires : la KPP se manifeste dans l’enfance ou à l’âge adulte par une hyperkératose diffuse, typiquement érythémateuse, à bords bien délimités.

Elle peut être discrète ou absente. L’association à une hyperhidrose est facultative.

Symptômes associés ectodermaux : la dentition est profondément perturbée avec une éruption incomplète ou totalement absente des dents permanentes.

Cependant, la perte des dents n’est pas précédée par une gingivite inflammatoire.

Une alopécie diffuse non cicatricielle et une hypoplasie-dystrophie des ongles sont habituellement observées.

Le signe le plus caractéristique est la présence de multiples hydrocystomes opaques ou translucides, d’un diamètre de 1 à 3mm, sur les bords des paupières.

Ce sont des tumeurs annexielles qui ne se manifestent que tardivement à l’âge adulte.

Les patients ont un risque accru de développer des néoplasies palmoplantaires bénignes (poromes eccrines) ou malignes (carcinomes basocellulaires et spinocellulaires). Histologie : hyperorthokératose.

Physiopathologie : inconnue.

4- Syndrome de Bureau-Barrière-Thomas :

Transmission héréditaire : autosomique récessive.

Symptômes palmoplantaires : la KPP se manifeste dans l’enfance.

Elle est diffuse, bien délimitée, mais plus prononcée sur l’éminence hypothénar et remonte le long de la base des doigts.

Symptômes associés ectodermaux : hyperhidrose généralisée.

Les ongles sont volumineux, bombés en « verre de montre ».

Symptômes associés non ectodermaux : les phalanges terminales montrent un hippocratisme digital massif (en « baguette de tambour »).

En outre, le syndrome est caractérisé par une hypertrophie des os longs associée à un amincissement des corticales. Histologie : hypergranulose, papillomatose, hyperorthokératose et discret infiltrat lymphohistiocytaire papillaire.

Physiopathologie : inconnue.

C – KÉRATODERMIES PALMOPLANTAIRES FOCALES :

1- Kératodermie palmoplantaire striée :

Synonyme : KPP striata de Siemens-Brünauer-Fuhs.

Transmission héréditaire : autosomique dominante, liée au chromosome 18q12 et au chromosome 6p21.

Symptômes palmoplantaires : la KPP striée se développe dans l’enfance.

Elle se manifeste aux plantes par des callosités aux points d’appui.

Aux paumes, cependant, on trouve un aspect strié s’étendant, soit des doigts aux paumes, soit limitée aux doigts avec une hyperkératose diffuse des paumes.

Symptômes associés ectodermaux : parfois, on note des hyperkératoses éponychiales ou sous-unguéales ou des cheveux bouclés.

Physiopathologie : des mutations de la desmogléine 1 (chromosome 18q12) et de la desmoplakine (chromosome 6p21) causent des allèles « nuls », non fonctionnels.

La desmogléine et la desmoplakine sont des composantes des desmosomes qui assument la cohésion du corps malpighien.

Cette « haplo-insuffisance » souligne l’importance du dosage correct des composantes pendant la synthèse des desmosomes.

2- Kératodermie palmoplantaire focale en « îlots » :

Synonymes : KPP areata de Siemens ; KPP nummulaire ; hereditary painful callosities ; KPP varians de Wachters.

Transmission héréditaire : autosomique dominante, liée au chromosome 17q12.

Symptômes palmoplantaires : la KPP se manifeste dès que l’enfant commence à marcher ou un peu plus tard dans l’enfance.

La gravité des lésions varie chez les différents membres d’une famille atteinte.

L’hyperkératose se développe sur les zones exposées au frottement, en particulier sur les points d’appui plantaires.

Symptômes associés ectodermaux : une kératose orogénitale et pilaire et des altérations unguéales subtiles (hyperkératose sousou péri-unguéale) peuvent être associées, sans pour autant avoir la sévérité de l’atteinte de la pachyonychie congénitale.

Histologie : l’acanthose, l’hypergranulose et l’hyperorthokératose sont les signes histologiques constants de cette KPP.

Parfois, une épidermolyse focale est trouvée.

Physiopathologie : des mutations du gène de la kératine 16 (chromosome 17q12) ont pu être identifiées.

Il s’agit d’une variante oligosymptomatique de la pachyonychie congénitale du type Jadassohn-Lewandowsky.

3- Pachyonychie congénitale de Jadassohn-Lewandowsky :

Synonyme : pachyonychia congenita type I.

Transmission héréditaire : autosomique dominante, liée aux chromosomes 12q11 et 17q12.

Symptômes palmoplantaires : la KPP a une distribution focale en « îlots », siégeant avant tout aux points d’appui et aux zones exposées au frottement.

Elle se manifeste habituellement dans l’enfance et elle est plus marquée aux plantes.

Elle est souvent associée à une hyperhidrose.

Symptômes associés ectodermaux : l’épaississement, la dyschromie et l’hyperkératose sous-unguéale de la partie distale des ongles sont les caractéristiques de la pachyonychie.

Habituellement, elle est présente dès la naissance ou peu après, mais des formes de révélation plus tardive sont connues.

La pachyonychie congénitale type I est accompagnée d’une kératose pilaire avec hélicotrichie, ainsi que d’une leucokératose orale et très rarement nasale, laryngée, oesophagienne ou tympanale.

Une perlèche, une xérose cutanée et des lésions verruqueuses sur les coudes et les genoux sont fréquentes.

L’association à une amylose cutanée et à une hyperpigmentation a été décrite.

Des lésions bulleuses peuvent se développer aux zones palmoplantaires après frottement ou pendant un traitement par rétinoïdes par voie systémique.

Histologie : hyperkératose épidermolytique.

Physiopathologie : des mutations de gènes des kératines K6a (chromosome 12q11) et K16 (chromosome 17q12) ont été identifiées.

Elles altèrent la région 1A du domaine hélicoïdal, motif de l’initiation de l’hélice de ces kératines.

Les kératines K6a et K16 s’associent pour former des tonofilaments hétérodimériques exprimés dans les assises suprabasales palmoplantaires, le lit unguéal, la gaine folliculaire externe et les assises suprabasales des muqueuses orogénitales, ce qui explique le tableau clinique lors d’une altération structurale de ces protéines.

4- Pachyonychie congénitale de Jackson-Sertoli :

Synonymes : pachyonychie congénitale type II ; pachyonychie congénitale de Jackson-Lawler.

Transmission héréditaire : autosomique dominante, liée aux chromosomes 12q11 et 17q12.

Symptômes palmoplantaires : le tableau clinique ressemble, mais en plus discret, à celui de la pachyonychie congénitale type I.

Symptômes associés ectodermaux : les altérations unguéales de la pachyonychie congénitale type II sont généralement moins sévères que celles du type I.

La différenciation des deux formes se fait par l’appréciation des symptômes ectodermaux associés et par la détection du défaut génétique.

Par opposition au type I, on ne trouve pas de leucokératose, mais de multiples kystes sébacés qui présentent de nombreuses poussées inflammatoires.

Des cheveux hélicoïdaux et des dents néonatales sont parfois présents et des variantes oligosymptomatiques ont été décrites.

Histologie : hyperkératose épidermolytique.

Physiopathologie : des mutations de gènes des kératines K6b (chromosome 12q11) et K17 (chromosome 17q12) ont été identifiées.

Elles altèrent la région 1A du domaine hélicoïdal, motif de l’initiation de l’hélice de ces kératines.

Les kératines K6b et K17 sont exprimées dans les assises suprabasales palmoplantaires, le lit unguéal, la gaine folliculaire externe et le canal sébacé.

5- Syndrome de Howel-Evans :

Synonyme : KPP avec cancer de l’oesophage.

Transmission héréditaire : autosomique dominante, liée au chromosome 17q23-24.

Symptômes palmoplantaires : la KPP se manifeste tardivement dans l’enfance, voire dans l’adolescence.

Elle se développe sur les zones exposées au frottement, donc plutôt aux plantes qu’aux paumes. Symptômes associés ectodermaux : kératose pilaire et leucokératose orale.

Contrairement à la KPP focale en « îlots », les ongles ne présentent pas d’anomalie.

Symptômes associés non ectodermaux : le syndrome de Howel-Evans est caractérisé par un risque accru des sujets atteints de développer un cancer de l’oesophage.

Histologie : acanthose et hyperorthokératose.

Physiopathologie : récemment, le gène responsable de cette maladie a été localisé sur le chromosome 17q23-24, localisation distale du site des gènes des kératines et à proximité du gène de l’envoplakine.

Néanmoins, la séquence de l’envoplakine ne semble pas porter de mutations.

6- Syndrome de Richner-Hanhart :

Synonyme : tyrosinémie type II.

Transmission héréditaire : autosomique récessive, liée au chromosome 16q22.1-q22.3.

Symptômes palmoplantaires : la KPP est présente dans 80 % des cas.

Elle n’apparaît qu’à partir de l’âge de 2 à 4 ans et elle est caractérisée par des callosités circonscrites, douloureuses, surtout au niveau des points d’appui.

Une hyperhidrose palmoplantaire est fréquemment associée.

Symptômes associés ectodermaux : dès les premiers mois de vie, des ulcérations pseudoherpétiformes se développent sur la cornée (75 % des cas). Occasionnellement, on trouve une leucokératose de la muqueuse orale.

Symptômes associés non ectodermaux : la présence d’un retard mental est moins fréquente (60 % des cas) et d’une sévérité variable.

Histologie : hyperkératose partiellement parakératosique, kératinocytes multinucléés et dyskératose.

La microscopie électronique met en évidence une agrégation perturbée des tonofilaments et des inclusions cytoplasmiques.

Physiopathologie : des mutations du gène de la tyrosineaminotransférase hépatique situé sur le chromosome 16q22.1-q22.3 provoquent une tyrosinémie et une tyrosinurie.

Des études ultrastructurales suggèrent que le développement de la KPP est dû à une accumulation de tyrosine dans les kératinocytes, provoquant une agrégation perturbée des tonofilaments et ainsi une fragilité accrue de la peau.

Les dépôts de tyrosine forment des cristaux en « aiguilles » qui provoquent les douleurs caractéristiques et souvent invalidantes du syndrome.

D – KÉRATODERMIES PALMOPLANTAIRES PONCTUÉES :

1- Kératodermie palmoplantaire ponctuée :

Synonymes : syndrome de Davies-Colley ; syndrome de Buschke-Fischer-Brauer ; keratosis palmoplantaris papulosa seu maculosa.

Transmission héréditaire : autosomique dominante.

Symptômes palmoplantaires : la KPP ponctuée se manifeste dans la plupart des cas entre l’âge de 10 et 30 ans.

Elle est caractérisée par l’apparition progressive de nombreuses kératoses localisées, circonscrites, verrucoïdes des paumes et des plantes et sur la face palmaire des doigts et des orteils.

Elles sont d’une taille de 3 à 5 mm et montrent par endroits une dépression centrale.

Sur les plantes, les lésions ont tendance à confluer, ayant ainsi un aspect plus diffus.

Elles peuvent ressembler à des verrues ou à des cors, mais on ne trouve ni saignement ponctiforme ni concentration des hyperkératoses sur les points d’appui.

Histologie : acanthose, hypergranulose et hyperorthokératose. Physiopathologie : une liaison aux gènes des kératines sur le chromosome 12q et 17q a été exclue.

2- Acrokératoélastoïdose :

Synonyme : syndrome de Costa.

Transmission héréditaire : autosomique dominante.

Symptômes palmoplantaires : cette KPP se développe avant l’âge de 20 ans, surtout chez la femme noire.

Les papules kératosiques sont ovales ou polygonales, de couleur jaunâtre translucide, et se localisent sur le bord des paumes et des plantes.

Elles ont un diamètre de 1 à 3mm et possèdent parfois une petite dépression centrale.

Au centre des paumes et des plantes, les lésions ont tendance à confluer, ayant ainsi un aspect plus diffus.

Une hyperhidrose palmoplantaire est régulièrement présente. Histologie : acanthose et hyperorthokératose.

La fragmentation des fibres élastiques dermiques, appelée élastorrhexis, est spécifique de cette KPP.

Physiopathologie : inconnue.

3- Hyperkératose focale acrale :

Transmission héréditaire : autosomique dominante.

Symptômes palmoplantaires : les papules hyperkératosiques apparaissent au cours des 20 premières années de vie et se localisent sur le bord des paumes et des plantes ressemblant ainsi à l’acrokératoélastoïdose.

Cependant, une hyperhidrose n’est pas observée. Les patients sont quasi exclusivement des Noirs.

Symptômes associés ectodermaux : des lésions hyperkératosiques peuvent être présentes sur la face dorsale des articulations métacarpo- et interphalangiennes.

Histologie : acanthose et hyperorthokératose.

Derme sans altération des fibres élastiques.

Physiopathologie : inconnue.

4- Kératodermie palmoplantaire épineuse :

Synonymes : porokeratosis punctata palmaris et plantaris ; punctate porokeratosis of the palms and soles ; punctate porokeratotic keratoderma ; spiny keratoderma.

Transmission héréditaire : autosomique dominante.

Symptômes palmoplantaires : l’âge du début de la KPP épineuse est variable (12 à 70 ans).

L’image clinique, cependant, est caractéristique et ne correspond pas à celle d’une porokératose.

On note de toutes petites lésions filiformes d’un diamètre de 0,5 à 2 mm, fermement adhérentes, imitant la surface des anciennes boîtes à musique.

Les lésions se trouvent uniquement sur les paumes et les plantes.

Histologie : l’épine kératosique correspond à une colonne d’hyperkératose parakératosique, ressemblant aux « lamelles cornoïdes » des porokératoses, mais se distinguant des dernières par l’absence de cellules dyskératosiques ou vacuolisées. Physiopathologie : inconnue.

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