Kératodermies palmoplantaires (Suite)

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Première partie

Génodermatoses avec une kératodermie palmoplantaire :

1- Ichtyoses :

Transmission héréditaire : dépend du type d’ichtyose.

Symptômes palmoplantaires : des paumes hyperlinéaires sont habituelles au cours de l’ichtyose vulgaire autosomique dominante.

Elle peut aussi être associée à un eczéma atopique palmoplantaire hyperkératosique.

Kératodermies palmoplantaires (Suite)Différentes formes d’ichtyoses congénitales comportent une KPP diffuse avec ou sans érythème sous-jacent : érythrodermies congénitales ichtyosiformes, ichtyoses lamellaires, ichtyoses hystrix de Curth-Macklin, ichtyoses congénitales complexes (trichothiodystrophie, syndrome de Dorfmann).

Symptômes associés ectodermaux : les ichtyoses sont un groupe hétérogène de maladies caractérisées par une xérose cutanée avec formation de squames d’aspect variable.

Les formes d’ichtyoses présentes dès la naissance (ichtyoses congénitales) comportent une atteinte généralisée parfois responsable d’une KPP, tandis que les ichtyoses vulgaires, autosomique dominante et récessive liée à l’X épargnent généralement les paumes et les plantes.

Les ichtyoses congénitales peuvent être accompagnées d’altérations unguéales et d’alopécie légère.

Symptômes associés non ectodermaux : dans les ichtyoses congénitales complexes, différents organes peuvent être atteints. Histologie : selon le type d’ichtyose.

Physiopathologie : dans l’érythrodermie ichtyosiforme congénitale bulleuse, des mutations des kératines K1 et K10 ont été identifiées.

Des mutations de la transglutaminase kératinocytaire sont retrouvées dans la forme lamellaire de type I des ichtyoses congénitales.

2- Épidermolyse bulleuse simple (EBS) :

Transmission héréditaire : autosomique dominante, rarement autosomique récessive.

Symptômes palmoplantaires : le type herpétiforme de Dowling- Meara, le type généralisé de Koebner et le type avec pigmentation en « mottes » peuvent être associés à une KPP focale ou diffuse.

Symptômes associés ectodermaux : l’EBS est un groupe de maladies caractérisées par la tendance qu’a la peau à développer des bulles après un traumatisme mécanique mineur.

L’âge du début est variable, les formes graves étant présentes dès la naissance.

Les bulles guérissent sans séquelles.

Histologie : bulles intraépidermiques suite à une cytolyse dans la couche basale.

Physiopathologie : les types d’EBS sans symptômes associés sont dus à des mutations de gènes des kératines K5 ou K14 qui codent des tonofilaments exprimés dans la couche basale de l’épiderme.

La sévérité de la maladie dépend de la région d’acide désoxyribonucléique (ADN) mutée, les mutations des régions hautement conservées provoquant les types d’EBS les plus sévères.

3- Dyskératose folliculaire :

Synonyme : maladie de Darier-White.

Transmission héréditaire : autosomique dominante, liée au chromosome 12q24.1.

Symptômes palmoplantaires : les paumes et les plantes sont le siège de petites lésions kératosiques qui entraînent une interruption du microrelief cutané.

Symptômes associés ectodermaux : la dyskératose folliculaire est une maladie qui se manifeste dans l’enfance ou dans l’adolescence.

Elle est caractérisée par des papules kératosiques et brunâtres, souvent confluentes, qui touchent les régions séborrhéiques.

Sur le dos des mains et des pieds se trouvent souvent des papules ressemblant à des verrues planes.

Les ongles sont régulièrement altérés : stries longitudinales, fragilité accrue, hyperkératose ou épaississement sous-unguéal.

De petites papules blanchâtres peuvent être présentes sur la muqueuse orale.

Histologie : acanthose, papillomatose, hyperorthokératose et dyskératose acantholytique focale avec des « corps ronds » et des « grains ».

Physiopathologie : la dyskératose folliculaire est due à des mutations du gène SERCAZA.

Son produit protéique est une pompe de calcium responsable pour l’export du calcium du réticulum endoplasmique dans le cytoplasme.

4- Acrokératose verruciforme :

Synonyme : maladie de Hopf.

Transmission héréditaire : autosomique dominante.

Symptômes palmoplantaires : cette génodermatose débute dans l’adolescence et se présente par l’apparition de papules ressemblant à des verrues planes.

Les paumes et les plantes ne sont pas souvent atteintes.

Symptômes associés ectodermaux : les lésions se trouvent de préférence sur le dos des mains et des pieds, aux avant-bras, aux coudes et aux genoux.

Histologie : acanthose, hypergranulose et hyperkératose. Une papillomatose se rencontre moins souvent.

Physiopathologie : inconnue.

En raison des différences histopathologiques, l’acrokératose verruciforme est probablement une entité propre plutôt qu’une forme fruste de la dyskératose folliculaire.

5- Érythrokératodermies :

Transmission héréditaire : autosomique dominante.

Symptômes palmoplantaires : l’érythrokératodermie variable de Mendes da Costa (EKV) et l’érythrokératodermie progressive symétrique de Gottron (EPS) peuvent être accompagnées d’une KPP diffuse érythémateuse.

Symptômes associés ectodermaux : l’EKV est présente à la naissance ou se manifeste dans la première année de vie.

Elle est caractérisée par des macules érythémateuses récidivantes transitoires à bords irréguliers.

Les patients développent aussi des plaques kératosiques brunâtres persistantes.

Les deux types de lésions se localisent aux extrémités, au tronc, aux fesses et au visage.

Des plaques psoriasiformes peuvent se trouver aux coudes et aux genoux.

L’EPS se manifeste dans la première année de vie et montre des plaques érythématosquameuses à distribution symétrique sur les extrémités, les épaules, les fesses et le visage, épargnant généralement le tronc.

Cependant, des macules érythémateuses transitoires ne font pas partie du tableau clinique. Une variante rare, l’érythrokératodermie en « cocardes » (Degos), caractérisée par des lésions annulaires transitoires avec desquamation centrale, n’est pas associée à une KPP.

Histologie : acanthose, papillomatose et hyperkératose ortho- et parakératosique.

Dans le derme se trouve un discret infiltrat inflammatoire périvasculaire.

Physiopathologie : l’EKV est due à des mutations de la connexine 31 (chromosome 1p34), composante des jonctions gap entre les kératinocytes.

L’association d’une EPS à une KPP de Camisa a été décrite dans une famille portant une mutation de la loricrine.

6- Pityriasis rubra pilaire PRP (forme familiale) :

Transmission héréditaire : autosomique dominante.

Symptômes palmoplantaires : les paumes et les plantes sont le siège d’un érythème kératosique et de fissures douloureuses.

Symptômes associés ectodermaux : la forme familiale de la PRP est plus rare et moins grave que la forme acquise.

Un érythème kératosique orangé et des papules folliculaires kératosiques confluentes se développent sur le tronc, le cuir chevelu et la face d’extension des membres.

Histologie : acanthose et hyperkératose avec îlots de parakératose.

Les follicules pileux sont le siège d’une kératose lamellaire infundibulaire.

Physiopathologie : inconnue.

7- Dermatopathie pigmentée réticulaire :

Transmission héréditaire : autosomique dominante.

Symptômes palmoplantaires : la KPP n’est pas toujours présente.

Elle est diffuse, par endroits ponctuée.

Symptômes associés ectodermaux : la triade caractérisant cette entité consiste en une pigmentation réticulée, une alopécie légère non cicatricielle des cheveux, sourcils, poils axillaires et pubiens, ainsi que des anomalies unguéales (fragilité accrue, stries longitudinales ou dystrophie).

La pigmentation réticulaire peut toucher le corps entier (paumes et plantes incluses), mais prédomine sur le tronc.

Elle apparaît dans les deux premières années de vie et, contrairement au syndrome de Naegeli-Franceschetti-Jadassohn, n’a pas tendance à régresser.

D’autres symptômes de fréquence variable ont été décrits dans la littérature : hypohidrose, hyperhidrose, adermatoglyphie, pigmentation des muqueuses orales et conjonctivales, formation répétitive de bulles sur le dos des mains et des avant-bras sans séquelles cicatricielles, taches superficielles sur la cornée et forte pigmentation de l’aréole.

Histologie : dégénérescence-liquéfaction de l’assise basale épidermique et incontinence pigmentaire, image proche du syndrome de Naegeli-Franceschetti-Jadassohn.

Physiopathologie : inconnue.

8- Syndrome de Naegeli-Franceschetti-Jadassohn :

Transmission héréditaire : autosomique dominante.

Symptômes palmoplantaires : la KPP est d’aspect variable.

Les lésions peuvent être focales, striées ou radiaires et/ou diffuses, parfois même absentes.

La KPP débute entre l’âge de 1 et 10 ans.

Symptômes associés ectodermaux : parfois, les nouveau-nés atteints de cette maladie développent des lésions bulleuses palmoplantaires transitoires à quelques jours de vie.

Ces lésions guérissent sans séquelles et ne récidivent pas.

Régulièrement, d’autres anomalies ectodermales sont associées à ce syndrome : hypo- ou aplasie des dermatoglyphes, altérations unguéales (malalignement des ongles des grands orteils, onycholyse, hyperkératose sous-unguéale) et anomalie de l’émail dentaire suivie de la perte prématurée des dents.

Habituellement, les patients souffrent d’une hypohidrose généralisée de gravité variable, responsable d’une intolérance à l’effort et parfois d’un collapsus.

La pigmentation réticulée ou en « mottes », caractéristique du syndrome, prédomine sur le tronc et le cou, mais peut aussi toucher le visage et les membres.

Elle se développe sans phase inflammatoire entre un âge de quelques mois et 6 ans, et elle a tendance à régresser à un âge plus avancé.

Histologie : épiderme normal, par endroits couvert d’une légère hyperkératose, incontinence pigmentaire et dépôts caractéristiques de colloïde-amyloïde sans infiltrat inflammatoire. Physiopathologie : inconnue.

9- Syndrome de Weary :

Synonyme : acrokératose poïkilodermique bulleuse et héréditaire.

Transmission héréditaire : autosomique dominante.

Symptômes palmoplantaires : la KPP d’aspect focal en « îlots » n’est présente que dans 60 % des cas.

Elle peut apparaître chez le nourrisson, mais ne se manifeste habituellement qu’après la puberté.

Symptômes associés ectodermaux : la différenciation entre les syndromes de Weary et de Kindler n’est pas encore résolue, certains travaux suggérant leur identité.

Les deux syndromes sont caractérisés par la formation de bulles chez l’enfant, l’apparition progressive d’une poïkilodermie et parfois d’une KPP.

Les lésions bulleuses du syndrome de Weary ne sont habituellement pas congénitales, mais apparaissent plutôt dans les six premiers mois de vie.

Elles peuvent être généralisées, toucher les muqueuses ou prédominer sur les extrémités.

Elles s’estompent dans l’enfance ou l’adolescence.

La dyschromie poïkilodermique se développe précocement dans la première année de vie au fur et à mesure que l’épidermolyse diminue.

Elle est caractérisée par des macules hyperpigmentées, par endroits réticulées, sur l’ensemble du corps, s’accentuant dans les grands plis et épargnant en général le visage.

L’atrophie cutanée et la présence de télangiectasies sont moins prononcées que dans le syndrome de Kindler.

Des papules planes verruqueuses se trouvent sur le dos des mains et des pieds, des poignets, des chevilles, des coudes et des genoux.

Histologie : vacuolisation des kératinocytes de la couche basale et incontinence pigmentaire. Physiopathologie : inconnue.

10- Syndrome de Kindler :

Transmission héréditaire : autosomique récessive, mais d’autres modes de transmission héréditaire sont possibles.

Symptômes palmoplantaires : la KPP d’aspect diffus ou focal en « îlots » est un symptôme variable de ce syndrome.

Symptômes associés ectodermaux : contrairement au syndrome de Weary, on ne trouve pas de lésions verruqueuses.

Les lésions bulleuses se développent dès les premiers jours de vie. Une photosensibilité est fréquente : la formation de bulles augmente en été et un érythème se développe sur la peau photoexposée.

L’apparition des bulles devient moins fréquente dans l’enfance.

La poïkilodermie se développe entre l’âge de 1 et 5 ans.

Elle commence et prédomine sur le visage et le cou.

L’atrophie cutanée est très prononcée, provoquant un aspect ridé de la peau qui est particulièrement fine et fragile sur le dos des mains et des pieds.

Le syndrome de Kindler présente plusieurs signes inconstants : sténose anale, urétrale ou oesophagienne, hypertrophie et saignement des gencives, ectropion de la paupière inférieure, fusion de la base des doigts et des orteils et leucokératose.

Histologie : atrophie de l’épiderme, vacuolisation des kératinocytes basaux, incontinence pigmentaire et télangiectasies.

Physiopathologie : inconnue.

11- Dyskératose congénitale :

Synonyme : syndrome de Zinsser-Cole-Engman.

Transmission héréditaire : récessive, liée à l’Xq28 dans la plupart des cas, mais aussi autosomique dominante et récessive.

Symptômes palmoplantaires : une KPP diffuse est présente dans environ 70 % des cas.

Elle est parfois érythémateuse et associée à une hyperhidrose ou à des bulles d’origine mécanique.

Symptômes associés ectodermaux : la maladie est caractérisée par la triade poïkilodermie, onychodystrophie et leucoplasie.

La poïkilodermie commence dans les dix premières années de la vie par des hyper- et hypopigmentations provoquant un dessin réticulaire prédominant sur le visage, le cou, le tronc et la partie supérieure des membres.

L’atrophie, parfois avec une disparition des dermatoglyphes, et les télangiectasies se manifestent plus tardivement.

Les leucoplasies de la muqueuse orale, mais aussi de la muqueuse génitale, intestinale et urétrale, apparaissent dans la deuxième décennie.

Les ongles sont amincis, dystrophiques et il se forme parfois un ptérygion.

Une alopécie diffuse touchant parfois les paupières et les cils peut être associée, ainsi que des anomalies dentaires (défaut de l’émail, malposition des dents) et une atrésie du canal lacrymal.

Symptômes associés non ectodermaux : insuffisance médullaire avec pancytopénie dans environ 50 % des cas.

Les patients ont un risque accru de développer des néoplasies malignes (carcinomes spinocellulaires dans les leucoplasies ou dans la peau atrophique, carcinomes gastro-intestinaux).

Un retard mental ou un hypogonadisme peuvent être associés.

Histologie : épiderme atrophique, incontinence pigmentaire et télangiectasies.

Physiopathologie : dans la forme récessive liée à l’X, des mutations du gène DKC 1 codant pour la dyskérine, protéine jouant un rôle dans la fonction nucléolaire, sont responsables de la maladie.

12- Syndrome de Gorlin :

Synonyme : syndrome des hamartomes basocellulaires multiples.

Transmission héréditaire : autosomique dominante, liée au chromosome 9q22.3.

Symptômes palmoplantaires : la KPP, présente dans 80 à 90 % des cas, est caractérisée par de multiples dépressions ponctiformes.

Symptômes associés ectodermaux : le syndrome de Gorlin est une maladie caractérisée par l’apparition précoce de carcinomes basocellulaires multiples dès la puberté.

Symptômes associés non ectodermaux : le signe diagnostique clé est la calcification de la faux du cerveau, présente dans 100 % des cas.

Des kystes odontogéniques touchant la mâchoire sont fréquents.

D’autres anomalies osseuses peuvent être observées : côtes bifides, macrocéphalie avec bosse frontale, hypertélorisme, anomalies vertébrales.

Différentes tumeurs se développent plus fréquemment que dans la population normale, par exemple les médulloblastomes et les fibromes ovariens et cardiaques.

Histologie : dépressions ponctiformes avec foyers de cellules basaloïdes dans les crêtes papillaires, ressemblant à des carcinomes basocellulaires. Physiopathologie : le syndrome de Gorlin est dû à des mutations du gène PTCH (chromosome 9q22.3).

Son produit protéique patched est un suppresseur de tumeur qui est impliqué dans la voie de transduction du signal hedgehog.

Ce signal est muté dans un syndrome familial de malformation (holoprosencéphalie) ce qui explique, par analogie, la présence d’anomalies du développement embryologique dans le syndrome de Gorlin.

13- Syndrome de Cowden :

Synonyme : syndrome des hamartomes multiples. Transmission héréditaire : autosomique dominante, liée au chromosome 10q22-23.

Symptômes palmoplantaires : la KPP ponctuée est habituellement observée dès l’enfance. Sur le dos des mains et sur les extrémités, on trouve souvent des lésions verruqueuses.

Symptômes associés ectodermaux : le syndrome de Cowden est caractérisé par l’apparition de multiples tumeurs bénignes cutanées : tricholemmomes faciaux, fibromes oraux et cutanés, lipomes.

Symptômes associés non ectodermaux : régulièrement, on découvre des tumeurs bénignes dans d’autres organes : polypes gastrointestinaux, fibroadénomes du sein, adénomes de la thyroïde.

De plus, les patients ont une forte prédisposition à des tumeurs malignes (cancer galactophorique du sein et cancer de la thyroïde).

Souvent, les patients présentent une macrocéphalie et un retard mental léger ou modéré.

Parfois ils développent des hamartomes cérébelleux avec augmentation de la pression intracrânienne et des épilepsies (phénotype de Lhermitte-Duclos).

Histologie : image proche de l’acrokératose verruciforme.

Physiopathologie : des mutations du gène suppresseur de tumeur PTEN sur le chromosome 10q22-23 sont responsables du syndrome de Cowden et du syndrome de Bannayan-Zonana, maladie très proche et allélique.

14- Épidermodysplasie verruciforme :

Synonyme : maladie de Lewandowsky-Lutz.

Transmission héréditaire : autosomique récessive.

Symptômes palmoplantaires : sur les paumes et les plantes, les lésions provoquent une KPP papuleuse.

Symptômes associés ectodermaux : l’épidermodysplasie verruciforme est une maladie qui entraîne une susceptibilité des patients à développer des verrues planes disséminées au visage, aux extrémités, et moins souvent au tronc.

Différents types de virus de la famille des papillomes humains (VPH) ont été isolés dans les lésions, certains ayant un potentiel oncogène.

Les patients sont prédisposés à développer des carcinomes spinocellulaires dans les lésions.

Histologie : acanthopapillomes et koïlocytes.

Physiopathologie : inconnue.

15- Porokératose plantaire, palmaire et disséminée (PPPD) :

Transmission héréditaire : autosomique dominante.

Symptômes palmoplantaires : la PPPD est une variante rare des porokératoses.

La maladie se manifeste dans la deuxième décennie par des lésions ponctuées kératosiques, de 1 à 4mm de diamètre aux paumes et aux plantes.

Symptômes associés ectodermaux : dans un deuxième temps, la maladie s’étend aux extrémités, au tronc et au cou, en formant des lésions légèrement papuleuses, de 2 à 10mm de diamètre, dont les bords sont surélevés et kératosiques.

Les patients présentent un risque accru de développer des carcinomes spinocellulaires dans les lésions porokératosiques.

Histologie : épiderme atrophique au centre bordé de « lamelles cornoïdes ».

Physiopathologie : inconnue.

Kératodermies palmoplantaires acquises :

A – KÉRATODERMIE PALMOPLANTAIRE MÉCANIQUE :

Les traumatismes mécaniques répétés peuvent induire la formation de callosités douloureuses aux plantes.

Elles représentent une réponse « protectrice » de la peau qui se manifeste par une acanthose et une hyperkératose.

Des troubles orthopédiques ou le port de chaussures mal adaptées sont souvent la cause de la modification progressive des points d’appui plantaires.

B – KÉRATODERMIE PALMOPLANTAIRE INFECTIEUSE :

1- Mycose :

La mycose est, parmi les causes de KPP, une des plus fréquentes.

On connaît deux formes différentes de mycose palmoplantaire : la forme dyshidrosique aiguë et la forme hyperkératosique chronique.

La forme dyshidrosique se caractérise par une éruption de vésicules dures, tendues, enchâssées dans l’épiderme, qui sont souvent groupées en placards de forme arrondie, polycyclique ou serpigineuse sur une base érythémateuse.

Typiquement, les vésicules au centre de la lésion sont érodées, faisant place au développement d’une collerette squameuse ou de rhagades.

La forme chronique se présente sous l’aspect de placards érythématosquameux souvent hyperkératosiques avec une atteinte en forme de « mocassin » qui inclut l’atteinte de la plante et des bords latéraux des pieds.

Au centre des lésions, on note souvent un aspect finement squameux de type dyshidrose lamellaire sèche ou farineux.

Les éléments facilitant le diagnostic différentiel clinique sont l’atteinte asymétrique, l’atteinte interdigitale, la dystrophie unguéale ou l’hyperkératose sous-unguéale, soit les signes d’une infection aiguë dans le sens d’un bord marginé, parfois avec la présence de vésicules en périphérie.

Un examen mycologique direct met en évidence des filaments et la culture un dermatophyte.

Le germe le plus souvent responsable est le Trichophyton rubrum, suivit du Trichophyton mentagrophytes.

2- Verrues :

Les verrues provoquées par les VPH causent souvent des KPP focales.

On note deux variétés qui siègent à la plante des pieds, dont la plus fréquente est la myrmécie (VPH 1).

Il s’agit d’une verrue endophytique profonde, souvent douloureuse et unique.

Elle possède une surface à centre kératosique, avec des points noirâtres, entourés d’un épais anneau kératosique.

Les verrues en « mosaïque » (VPH 2) sont des lésions superficielles, non douloureuses, souvent multiples et constituent des îlots multiples kératosiques de taille variable.

3- Syphilis stade II :

La syphilis secondaire induit des lésions palmoplantaires papuleuses et rarement confluentes, souvent entourées d’une desquamation de type collerette kératosique, mais parfois également complètement recouvertes d’une hyperkératose.

La sérologie est fortement positive à ce stade.

4- Maladie de Fiessinger-Leroy-Reiter (FLR) :

La maladie de FLR est caractérisée par la triade arthrite, urétrite et conjonctivite.

Dans 10 % des cas se développent des lésions papulopustuleuses, puis squameuses, formant finalement des nappes kératosiques à contour circiné sur les paumes et les plantes (keratoderma blenorrhagicum).

5- Gale norvégienne :

La gale norvégienne est la forme la plus étendue de scabiose.

Elle survient chez les sujets immunodéprimés.

Elle est caractérisée par des croûtes épaisses, brunâtres et d’aspect poudreux prédominant aux paumes, aux coudes, aux genoux et aux tibias.

C – KÉRATODERMIE PALMOPLANTAIRE MÉDICAMENTEUSE :

Exceptionnellement, des médicaments peuvent provoquer une KPP.

Cela a été décrit pour les sels d’or, l’hydantoïne, la mépacrine, la proguanil, la mexilétine, l’alphaméthyldopa, la practolole, l’hydroxyurée, les rétinoïdes et la streptomycine.

D – KÉRATODERMIE PALMOPLANTAIRE ARSENICALE :

On trouve des lésions kératosiques prédominant sur les paumes et les plantes.

Ce sont des lésions précancéreuses qui évoluent fréquemment vers des carcinomes spinocellulaires.

De plus, l’arsenic provoque des tumeurs malignes hépatiques et pulmonaires.

Une intoxication arsenicale se manifeste par une polynévrite, des troubles digestifs, une asthénie et des macules hypo- ou hyperpigmentées.

Elle peut être d’origine médicamenteuse (liqueur de Fowler), professionnelle (vapeurs arsenicales chez les agriculteurs, les vignerons ou les ouvriers industriels), alimentaire (eau, vin) ou criminelle.

Le diagnostic est confirmé par un dosage d’arsenic dans les phanères et dans les urines.

E – KÉRATODERMIE PALMOPLANTAIRE HORMONALE :

1- Kératodermie climatérique de Haxthausen :

Les plaques hyperkératosiques palmoplantaires se développent en période de ménopause sur les points d’appui.

La marche est souvent douloureuse.

2- Hypothyroïdie :

L’insuffisance thyroïdienne peut entraîner un épaississement de la couche cornée des paumes et des plantes.

3- Autres :

D’autres troubles endocriniens sont parfois accompagnés d’une KPP : phéochromocytome, insuffisance hypophysaire, diabète.

F – KÉRATODERMIE PALMOPLANTAIRE CIRCULATOIRE :

Les lymphoedèmes chroniques peuvent être responsables d’une papillomatose et d’une hyperkératose touchant les pieds et les jambes.

G – KÉRATODERMIE PALMOPLANTAIRE PARANÉOPLASIQUE :

1- Acrokératose paranéoplasique de Bazex :

Elle est caractérisée par des lésions érythématosquameuses et kératosiques acrales aux mains, aux pieds, mais aussi aux oreilles et à l’arête du nez, et par des lésions unguéales (onycholyse, hyperkératose sous-unguéale) presque toujours induites par un cancer des voies aérodigestives supérieures (pharynx, larynx, oesophage).

2- Tripe palms :

Certains carcinomes s’accompagnent de paumes à surface rugueuse ressemblant aux tripes des vaches.

Cette image est provoquée par l’épaississement de l’épiderme et l’accentuation des dermatoglyphes (pachydermatoglyphie).

Cinquante pour cent des patients développent simultanément une acanthosis nigricans.

3- Kératodermie palmoplantaire et cancer :

Des cas sporadiques montrent l’association d’une KPP d’aspect variable (diffus, focal, ponctué, filiforme) à diverses tumeurs malignes.

H – KÉRATODERMIE PALMOPLANTAIRE DUE AU DÉFICIT EN ZINC :

Les malabsorptions acquises de toute étiologie, une malnutrition (par exemple après une alimentation parentérale à long terme sans substitution en zinc) ou un défaut de transport du zinc dans le lait maternel peuvent induire un déficit en zinc.

Celui-ci peut également être dû à une maladie autosomique récessive, l’acrodermatite entéropathique, qui empêche l’absorption intestinale de zinc.

Le déficit se manifeste par des lésions érythématosquameuses périorificielles et acrales, ainsi que par une alopécie diffuse, des altérations unguéales, des paronychies, une photophobie et des diarrhées.

L’élément diagnostique est la diminution du taux de zinc sérique.

I – KÉRATOSE PONCTUÉE IDIOPATHIQUE :

Synonyme : porokératose plantaire discrète.

Cette KPP acquise et rare se manifeste dans l’adolescence ou à l’âge adulte par l’apparition de papules kératosiques (0,3 à 1 cm de diamètre) situées quasi exclusivement sur les points d’appui plantaires.

Les lésions sont habituellement très douloureuses.

J – KÉRATOSE PONCTUÉE IDIOPATHIQUE DES PLIS PALMAIRES :

Les papules hyperkératosiques sont localisées aux plis palmaires et métacarpo- et interphalangiens.

Elles apparaissent quasi exclusivement chez les sujets de peau noire.

Elles sont acquises et non familiales, plus fréquentes chez les travailleurs manuels.

K – KÉRATODERMIES PALMOPLANTAIRES ASSOCIÉES À D’AUTRES DERMATOSES :

1- Eczéma :

Les eczémas se présentent au stade aigu par des lésions papulovésiculeuses et dyshidrosiformes.

Au stade chronique, des hyperkératoses sèches et des rhagades douloureuses peuvent se développer.

Pour les eczémas de contact allergiques, l’anamnèse révèle souvent un agent en cause, relation qui est confirmée par les tests épicutanés.

Ces derniers restent toujours négatifs dans le cadre des dermatites d’irritation, souvent observées sur les paumes sous un aspect de lésions plutôt sèches et érythématosquameuses.

L’eczéma atopique est typiquement associé à une hyperlinéarité des paumes et des plantes ou à une pulpite sèche, mais il peut aussi se manifester par des lésions hyperkératosiques palmoplantaires.

2- Psoriasis :

En présence de placards érythématosquameux palmoplantaires bien délimités, il convient de rechercher des lésions du même type aux coudes, aux genoux, dans la région lombaire ou des altérations unguéales évoquant un psoriasis.

Le psoriasis pustuleux est une forme particulière du psoriasis qui peut être généralisée (type Zumbusch), restreinte aux paumes et aux plantes (type Barber) ou aux pulpes (type Hallopeau).

Le diagnostic différentiel comprend les mycoses, la maladie de FLR et la bactéride pustuleuse d’Andrews.

3- Lichen :

Il peut se manifester par des lésions papuleuses kératosiques à périphérie inflammatoire aux bords des mains et des pieds.

Les éléments diagnostiques sont le prurit, l’atteinte unguéale avec ptérygion, ainsi que les lésions lichéniennes du tégument et des muqueuses.

4- Pityriasis rubra pilaire (forme acquise) :

La maladie commence par un érythème kératosique de couleur orange et des papules folliculaires kératosiques confluentes sur le visage, le tronc et les membres.

L’hyperkératose palmoplantaire est diffuse, orangée et présente souvent des fissures douloureuses.

5- Érythrodermies :

Les érythrodermies de toute origine peuvent s’accompagner de lésions hyperkératosiques et de desquamation palmoplantaire.

Traitement :

A – TRAITEMENT ÉTIOLOGIQUE :

Le traitement des KPP acquises est, à chaque fois que cela est possible, étiologique, tentant d’éliminer les facteurs déclenchants ou de traiter la maladie sous-jacente.

1- Kératodermie palmoplantaire mécanique :

Le traitement symptomatique comporte l’application d’onguents kératolytiques contenant de l’acide salicylique ou de l’urée sous pansement occlusif, ainsi que le parage mécanique.

Dans un deuxième temps, il est essentiel d’écarter les facteurs provoquant la surcharge mécanique de la peau.

Le port de chaussures ou de semelles adaptées et même des ostéotomies sélectives peuvent alors se révéler nécessaires.

2- Mycose palmoplantaire :

Un traitement systémique par la terbinafine ou par les dérivés azolés est souvent indiqué.

3- Verrues :

Il existe un grand nombre d’approches thérapeutiques : un choix de divers traitements topiques contenant des kératolytiques et des cytostatiques (plus efficaces sous pansement occlusif), la cryothérapie par azote liquide, l’électrocoagulation, le laser CO2, le laser à colorant pulsé, la chirurgie et, en dernier recours mais très efficace, l’injection intralésionnelle de bléomycine.

4- Syphilis stade II :

Elle est traitée par des injections intramusculaires de benzathinepénicilline G (2,4 millions UI (unités internationales) en intramusculaire par semaine pendant 1 à 3 semaines).

En cas d’allergie à la pénicilline, les macrolides ou les tétracyclines peuvent être utilisés.

5- Maladie de Fiessinger-Leroy-Reiter :

L’infection urétrale ou entérale (Chlamydia, Yersinia, etc) doit être traitée par des antibiotiques.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou la corticothérapie générale sont indiqués en cas d’arthrites.

Parfois, la gravité des manifestations nécessite un traitement par méthotrexate, acitrétine ou ciclosporine.

6- Gale norvégienne :

Le traitement de choix est l’ivermectine per os, associé aux applications de topiques puissants tels que le benzoate de benzyle, le perméthrine ou l’hexachlorocyclohexane.

Il faut toutefois préciser que l’ivermectine n’a pas l’indication « gale » en France et sa prescription engage donc le praticien.

Il est utile d’appliquer des kératolytiques pour enlever les croûtes infestées de parasites.

7- Keratoderma climactericum de Haxthausen :

Une substitution hormonale est préférable au traitement par acitrétine qui s’est aussi révélée efficace.

8- Hypothyroïdie :

La substitution hormonale est suivie par une amélioration rapide de l’affection.

9- Acrokératose paranéoplasique de Bazex :

Les lésions cutanées régressent complètement après un traitement curatif du cancer et réapparaissent en cas de récidive.

10- Kératodermie palmoplantaire due au déficit en zinc :

La substitution en zinc entraîne une amélioration rapide des manifestations cliniques.

À l’exception du syndrome de Richner-Hanhart, le traitement étiologique des KPP héréditaires et des génodermatoses associées à une KPP est actuellement impossible.

11- Syndrome de Richner-Hanhart :

Pour éviter l’accumulation de la tyrosine et de la phénylalanine dans le corps, le traitement consiste en un régime pauvre en ces deux acides aminés (moins de 100 mg/kg/j), donc pauvre en fruits et légumes.

Ce traitement conduit à une amélioration rapide des lésions oculaires et cutanées et empêche, s’il est débuté précocement, le développement d’un retard mental.

B – TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE :

1- Traitement symptomatique local :

L’application de préparations kératolytiques et hydratantes et le parage mécanique (pierre ponce, râpe, lime) sont la base du traitement local des KPP.

L’utilisation de préparations sous occlusion plastique durant la nuit peut accélérer considérablement le ramollissement des lésions.

L’acide salicylique de 5 à 10% dans un excipient gras agit principalement en tant que kératolytique, tandis que l’acide lactique favorise avant tout l’hydratation de la peau.

L’urée appliquée dans des concentrations d’environ 10 à 30 % et le propylèneglycole (20 à 60 %) ont des propriétés à la fois kératolytiques et hydratantes.

Un traitement topique très efficace est celui d’application de propylèneglycole 60 % avec acide salicylique 6 % sous occlusion pendant la nuit.

Les plaques hyperkératosiques palmoplantaires présentent un terrain idéal pour une colonisation par des dermatophytes ou des levures.

Cette surinfection doit être traitée par des antifongiques.

Le repos et la prévention des contraintes mécaniques peuvent améliorer considérablement les KPP, car l’hyperkératose est provoquée par une réponse exagérée à une perturbation de l’intégrité mécanique de la peau.

Une intervention chirurgicale peut être indiquée pour enlever les collets de striction autour des doigts et des orteils en cas de pseudoainhums pour éviter leur amputation spontanée.

2- Traitement symptomatique systémique :

Les dérivés de l’acide rétinoïque comme l’acitrétine (0,2 à 0,5 mg/kg/j) sont très efficaces pour le traitement des KPP.

Néanmoins, le traitement systémique devrait être réservé pour les formes graves de KPP et les formes entraînant un handicap fonctionnel, car les effets secondaires (tératogénicité, sécheresse des muqueuses, céphalées, élévation du taux sérique du cholestérol, des triglycérides et des transaminases) peuvent être considérables.

Le traitement à long terme induit parfois la formation d’hyperostoses et de calcifications extraosseuses.

L’arrêt des rétinoïdes est habituellement suivi par une rechute rapide des lésions.

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