Infections respiratoires basses communautaires de l’adulte (immunodépression exclue)

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Introduction :

Les infections respiratoires basses regroupent un ensemble d’entités dont les caractères communs sont la cause (infectieuse) et le siège (voies aériennes sous-glottiques).

Il s’agit de la bronchite aiguë, des surinfections de bronchite chronique et des pneumonies.

Leur symptomatologie est voisine, associant à des degrés variables des signes respiratoires (toux, expectoration, douleur thoracique, dyspnée) et des signes généraux (fièvre, asthénie, syndrome pseudogrippal…).

Infections respiratoires basses communautaires de l’adulte (immunodépression exclue)Compte tenu de leur extrême fréquence (premier motif de consultation en médecine générale), de leur potentielle gravité en termes de mortalité et de retentissement socioéconomique (coûts directs mais aussi indirects par l’absentéisme engendré), elles constituent un véritable problème de santé publique.

Un autre point important est celui de l’émergence et du développement des résistances bactériennes aux principaux antibiotiques utilisés.

Ce phénomène est au moins en partie dû à la prescription intempestive d’antibiotiques dans de nombreux cas où ils ne sont pas nécessaires, par exemple en cas d’infections d’origine virale comme la grippe et les bronchites aiguës.

Pneumonies communautaires :

A – DÉFINITION :

Le terme « pneumonie » désigne toute infection du parenchyme pulmonaire.

Les pneumonies communautaires s’opposent aux pneumonies nosocomiales qui surviennent dans les 48–72 heures ou dans les 14 jours qui suivent une hospitalisation.

On rapproche des pneumonies nosocomiales celles des malades résidant en institution.

Classiquement, on distinguait trois types de pneumonies selon le siège anatomique de l’infection.

L’intérêt d’une telle classification était de faire un rapprochement entre une présentation anatomoradiologique d’une part, et une origine microbiologique d’autre part.

Ont donc été décrites :

– les pneumonies « alvéolaires » qui se caractérisent par une atteinte préférentielle des espaces aériens distaux avec progression de l’infection par contiguïté à travers les pores de Kohn ou canaux de Lambert.

Ce type d’atteinte correspond aux pneumonies dites « typiques » ;

– les pneumonies interstitielles dites « atypiques » qui seraient dues aux agents intracellulaires et aux virus ;

– les bronchopneumonies atteignant les bronchioles et le parenchyme pulmonaire adjacent et typiquement dues au staphylocoque.

La plupart des études, cependant, tendent à montrer qu’aucune présentation radiologique n’est spécifique d’un germe donné.

B – MOYENS DE DÉFENSE ET MÉCANISMES DE L’INFECTION :

L’infection est favorisée quand les mécanismes de défense du tractus respiratoire inférieur, normalement stérile, sont dépassés.

Les conditions favorisant cette situation sont, soit inhérentes à l’hôte (altération des défenses immunitaires), soit en rapport avec l’agent infectieux en raison de sa virulence ou de l’importance de l’inoculum.

La connaissance des moyens de défense pulmonaires contre les infections bactériennes a beaucoup progressé, en particulier grâce au modèle de l’infection à Streptococcus pneumoniae qui représente de loin l’agent infectieux le plus souvent retrouvé dans les pneumonies bactériennes documentées.

Le point de départ de l’infection est le plus souvent la flore oropharyngée, par microinhalation ou par inhalation de particules exogènes (transmission aéroportée) ; les autres possibilités étant la transmission par contiguïté anatomique ou la voie hématogène, toutes deux moins fréquentes.

Il existe plusieurs mécanismes de lutte contre les infections pulmonaires.

1- Moyens mécaniques :

Il s’agit de la toux et du transport mucociliaire permis par l’action conjointe des battements ciliaires et du mucus, normalement imperméable aux micro-organismes.

2- Immunité cellulaire :

La première ligne de l’immunité respiratoire cellulaire est représentée par les macrophages alvéolaires grâce à leur pouvoir de phagocytose, puis par les polynucléaires neutrophiles, recrutés par des agents chimiotactiques comme certaines cytokines (interleukines [IL]8), les leucotriènes (LTB4) ou le platelet activating factor, un autre dérivé de l’acide arachidonique.

Le complément joue aussi un rôle dans la phagocytose en facilitant l’opsonisation (C3b, C5b) et par ses effets chimiotactique (C5a) et bactériolytique.

3- Réponse humorale locale :

Elle est assurée par les immmunoglobulines (Ig)A sécrétoires qui ont un rôle dans l’immunité antivirale en neutralisant les principaux virus respiratoires (rhinovirus, virus respiratoire syncytial et virus de la grippe).

Leur rôle dans l’immunité antibactérienne consiste en l’agglutination des bactéries pathogènes, dont elles empêchent aussi la fixation à l’épithélium respiratoire, favorisant ainsi leur élimination « mécanique ».

4- Réponse immune systémique :

Elle fait appel aux lymphocytes T pour les pathogènes intracellulaires (virus, mycoplasmes, Chlamydia, légionelles) et aux lymphocytes B dans la lutte contre les pathogènes extracellulaires (comme Streptococcus pneumoniae).

C – ÉPIDÉMIOLOGIE ET FACTEURS DE RISQUE :

La fréquence exacte des pneumonies aiguës communautaires (PAC) est difficile à établir.

La principale source d’information provient de l’hôpital, ce qui laisse supposer que les chiffres réels sont sousestimés.

Il a été rapporté une incidence de 1,5 à 15 pour 1 000 habitants.

La fréquence augmente avec l’âge.

La fréquence des admissions hospitalières varie de 22 à 51 % des cas.

La mortalité est plus importante dans les pays non industrialisés et aux âges extrêmes de la vie.

Elle variait de 10/100 000 à 40/100 000 habitants par an en Europe entre 1985 et 1990.

Des études prospectives européennes ont retrouvé une mortalité globale de 7 % chez les malades hospitalisés et jusqu’à 29 % en cas de pneumonie sévère.

Plusieurs facteurs de risque d’acquisition d’une pneumonie ont été retrouvés.

Leur reconnaissance est capitale pour la mise en place des stratégies vaccinales.

1- Âge :

L’âge est un facteur de risque indépendant de survenue d’une pneumonie : après 65 ans, chaque année augmente le risque de contracter une pneumonie.

L’incidence annuelle des pneumonies communautaires chez les malades non institutionnalisés âgés de plus de 65 ans se situe entre 25 et 44/1 000 contre 4,7 à 11,6/1 000 dans la population générale.

Le risque de pneumonie à Streptococcus pneumoniae est plus élevé dans la population âgée que dans la population générale.

La fréquence des hospitalisations pour pneumonies sévères augmente aussi considérablement avec l’âge : elle est estimée à 1,6/1 000 adultes entre 55 et 64 ans, et à 11,6/1 000 pour les malades âgés de plus de 75 ans.

L’âge est aussi l’un des principaux facteurs prédictifs de mortalité par pneumonie dans 20 études en analyses univariées et dans six études en analyses multivariées.

La mortalité par pneumonie et/ou grippe a ainsi été estimée à 9/100 000 chez les malades âgés, atteignant jusqu’à 217/100 000 en cas d’existence d’un autre facteur de risque et 979/100 000 s’il existe plus d’un facteur de risque.

La mortalité est également associée à l’existence d’une comorbidité.

Ces observations sont soutenues sur le plan physiopathologique par la mise en évidence de plusieurs déficiences dans les mécanismes de défense anti-infectieuse, dont la diminution de la toux et de la clairance mucociliaire, le dysfonctionnement thymique et la diminution de la réponse immunitaire cellulaire.

La limite d’âge habituellement retenue est de 65 ans.

Cette limite est arbitraire, mais se justifie en l’absence de validation d’un indice témoignant davantage de l’âge physiologique.

En effet, le vieillissement est un phénomène physiologique correspondant à une diminution de l’efficience des différentes fonctions et dont l’origine est une involution d’organes dépendant de facteurs multiples : génétiques, environnementaux, physiques (état nutritionnel et maladies sous-jacentes), et du mode de vie (alcoolisme, tabagisme).

Ainsi, plusieurs autres facteurs de risque peuvent être associés à cette variable.

2- Vie en institution :

L’institutionnalisation constitue à la fois un facteur de risque de survenue d’une pneumonie et un facteur de risque de sévérité.

La colonisation oropharyngée par les bacilles à Gram négatif ou le staphylocoque doré peut jouer un rôle majeur chez ces malades par contamination du tractus respiratoire inférieur par micro-inhalations répétées.

L’étiologie virale joue également un rôle important dans cette population.

Les agents infectieux le plus fréquemment isolés chez les malades institutionnalisés présentant une pneumonie sont, par ordre de fréquence décroissant : Streptococcus pneumoniae, Staphylococcus aureus, bacilles à Gram négatif et Haemophilus influenzae.

3- Alcoolisme :

Il agit à différents niveaux des mécanismes de défense respiratoire.

La colonisation bactérienne oropharyngée par les bacilles à Gram négatif est facilitée.

Il entraîne aussi une diminution des réflexes de toux et de déglutition et une diminution du transport ciliaire.

Il est aussi responsable d’une altération de la fonction des lymphocytes, des polynucléaires neutrophiles, des monocytes et des macrophages alvéolaires.

Chacune de ces altérations contribue à la réduction de la clairance bactérienne au niveau du tractus respiratoire.

L’action de l’alcool est renforcée par l’existence d’autres facteurs de risque : tabagisme, âge avancé…

Les infections par bacilles à Gram négatif et légionelles, ainsi que les bactériémies sont plus fréquentes en cas d’alcoolisme.

L’alcool ne semble cependant pas être un facteur de risque de pneumonie sévère, excepté dans le cas particulier des pneumonies à Streptococcus pneumoniae associées à une leucopénie.

4- Dénutrition :

L’infection est favorisée par plusieurs facteurs associés à la malnutrition comme la diminution du taux d’immunoglobulines (Ig)A, du recrutement des macrophages et les anomalies de l’immunité cellulaire.

En conséquence, la fréquence des infections causées par des bacilles à Gram négatif et des infections sévères est élevée en cas de malnutrition.

Celle-ci agit souvent en association avec d’autres facteurs de comorbidité (alcoolisme, bronchopneumopathie chronique obstructive [BPCO], insuffisance respiratoire chronique, pathologie neurologique).

5- Tabagisme :

La fumée de tabac provoque une altération du transport mucociliaire, de l’immunité humorale et cellulaire, endommage les cellules épithéliales et augmente l’adhésion de Streptococcus pneumoniae et Haemophilus influenzae à l’épithélium oropharyngé.

De plus, le tabagisme prédispose aux infections par Legionella pneumophila, Streptococcus pneumoniae et au virus de la grippe.

De ce fait, une large proportion de malades hospitalisés pour pneumonie sont des fumeurs.

En revanche, le tabagisme ne paraît pas corrélé à la sévérité de la pneumonie.

6- Comorbidité :

On retrouve une comorbidité chez 46 à 80 % des malades hospitalisés pour pneumonie communautaire.

La comorbidité la plus fréquemment retrouvée est la BPCO (13 à 53 %), suivie des pathologies cardiovasculaires (6 à 30 %), des pathologies neurologiques (5 à 24 %) et du diabète sucré (5 à 16 %).

Les pneumonies causées par Streptococcus pneumoniae, Staphylococcus aureus, les streptocoques du groupe B et Haemophilus influenzae peuvent survenir après une infection virale (grippe) et chez les malades porteurs d’une BPCO, d’un diabète sucré ou d’une pathologie neurologique favorisant également l’apparition d’une pneumonie à bacilles à Gram négatif.

Même s’il n’a pas été formellement montré que l’existence d’une comorbidité augmentait la mortalité, une étude indique que 71 % des malades décédés ont une comorbidité contre 40 % des survivants.

Dans une autre étude, le risque de décès est multiplié par cinq en cas de cardiopathie associée.

7- Autres facteurs :

Une fréquence accrue de pneumonie à Streptococcus pneumoniae a été observée chez les soldats (12/1 000), chez les peintres (42/1 000) et chez les mineurs d’Afrique du Sud (mines d’or) ainsi qu’en cas d’hospitalisation dans l’année précédente.

L’hospitalisation antérieure augmente en particulier le risque d’acquisition d’une pneumonie à Streptococcus pneumoniae. L’exposition aux eaux stagnantes et les conduits hydriques domestiques peuvent favoriser le développement d’une légionellose.

Enfin, la prise de certains traitements peut contribuer au développement d’une pneumonie chez les malades âgés, surtout quand elle est associée à un autre facteur de risque : la morphine et les atropiniques interfèrent avec le transport mucociliaire, les thérapeutiques sédatives inhibent la toux et le réflexe épiglottique, les corticostéroïdes et les salicylates interagissent avec la phagocytose.

D – DIAGNOSTIC POSITIF :

Bien souvent, le diagnostic est incertain pour plusieurs raisons : difficulté de la reconnaissance clinique d’une véritable pneumonie communautaire chez un malade présentant des signes d’infection respiratoire basse ; faible sensibilité et spécificité de la radiographie thoracique et des examens de laboratoire.

La difficulté de distinction entre les différentes formes d’infection respiratoire basse peut avoir de graves conséquences puisque les PAC sont souvent d’origine bactérienne et nécessitent de débuter rapidement une antibiothérapie efficace.

En revanche, les autres formes d’infection respiratoire basse ne requièrent pas d’antibiothérapie, sauf cas particuliers discutés plus loin.

En raison de ces difficultés diagnostiques, la plupart des malades présentant des signes d’infection respiratoire basse sont traités à tort par des antibiotiques.

Cette attitude a été au moins en partie à l’origine du développement des résistances bactériennes aux antibiotiques.

Les symptômes de pneumonie sont non spécifiques, mais incluent généralement de la fièvre, parfois des frissons, ainsi que des symptômes respiratoires et non respiratoires : toux, expectorations purulentes, douleurs thoraciques, dyspnée, coryza, pharyngite, vomissements, diarrhée, myalgies ou céphalées.

L’approche diagnostique dépend d’une anamnèse précise et d’un examen clinique complet, avec une attention particulière à la possibilité qu’une infection puisse résulter d’un pathogène inhabituel, par exemple : exposition à des oiseaux ou animaux, voyage récent, profession, adénopathie, splénomégalie.

Le contexte de survenue de la pneumonie doit aussi être précisé, par exemple : grippe récente ou varicelle, vie en communauté dans une maison de retraite…

Le classique syndrome de condensation (matité à la percussion, crépitants, augmentation des vibrations vocales et diminution du murmure vésiculaire) est retrouvé chez seulement un tiers des adultes admis à l’hôpital avec une pneumonie communautaire confirmée radiologiquement, et chez seulement 5 à 10% de l’ensemble des adultes ayant une PAC.

La radiographie thoracique est donc indispensable pour le diagnostic de PAC.

Une opacité est présente dans environ 40 % des cas d’infection respiratoire basse en présence d’anomalies auscultatoires en foyer, et pratiquement jamais en l’absence d’anomalies à l’examen clinique.

En raison de la difficulté d’obtention d’une radiographie thoracique en ville au moment de la consultation, le diagnostic est habituellement porté sur la clinique avec les difficultés inhérentes à l’absence d’une définition clinique stricte pour les PAC.

Cependant, l’examen radiographique est nécessaire s’il existe des facteurs de risque de complication ou si l’évolution n’est pas favorable après 2 ou 3 jours.

Le cliché doit également être examiné à la recherche de signes pouvant, soit orienter vers des pathogènes inhabituels, soit guider la décision vers une prise en charge hospitalière du malade s’il existe par exemple un abcès, une pleurésie, des adénopathies, une excavation, ou des opacités étendues, bilatérales.

Sur le plan biologique, le taux de globules blancs, la vitesse de sédimentation et les protéines de la phase aiguë de l’inflammation (C reactive protein [CRP]) augmentent habituellement.

Les recommandations quant aux examens complémentaires à réaliser (radiographie thoracique, exploration microbiologique, numération-formule sanguine [NFS] et autres examens de laboratoire) et les facteurs de risque d’acquisition d’une PAC à germe inhabituel.

E – FORMES ÉTIOLOGIQUES :

1- Pneumonie « typique » versus pneumonie « atypique » :

Cette approche traditionnelle distingue les malades atteints de pneumonie « typique » versus pneumonie « atypique » avec pour but de guider le choix d’antibiothérapie initiale.

La pneumonie typique est caractérisée par un début brutal, une fièvre élevée, des frissons, une toux productive, des douleurs thoraciques, des signes cliniques en foyer, une radiographie thoracique montrant une atteinte lobaire ou segmentaire, une hyperleucocytose et un examen cytobactériologique des crachats (ECBC) positif, fréquemment à un germe prédominant.

Les pneumonies typiques sont généralement dues à des bactéries extracellulaires comme Streptococcus pneumoniae et Haemophilus influenzae.

Les pneumonies atypiques sont caractérisées par un début progressif, une fièvre sans frisson, une toux sans expectoration, des céphalées, des myalgies, des crépitants diffus à l’auscultation, une hyperleucocytose modérée, un infiltrat interstitiel sur la radiographie thoracique et un ECBC direct (et probablement des cultures) négatif pour les bactéries.

Il s’y associe souvent une infection des voies aériennes supérieures.

Les pneumonies atypiques sont causées par des bactéries intracellulaires ou des virus.

Cependant, les pneumonies virales ou à germes intracellulaires peuvent se présenter par un tableau mimant une pneumonie typique et inversement.

Plusieurs études suggèrent que cette classification est désormais caduque.

Seules quelques études se sont intéressées à l’épidémiologie des pneumonies chez les malades traités en ambulatoire.

La principale difficulté est l’absence de standardisation entre les études pour les investigations réalisées.

2- Pneumonies bactériennes :

* Bactéries à Gram positif :

+ « Streptococcus pneumoniae » :

C’est l’agent pathogène le plus fréquemment identifié dans les PAC.

Il est retrouvé dans environ deux tiers des cas de pneumonies bactériémiques.

En hospitalisation classique, 16 à 51 % des pneumonies sont dues à Streptococcus pneumoniae.

En soins intensifs, l’incidence rapportée dans différentes études varie entre 33 et 54 % .

Streptococcus pneumoniae est à l’origine d’une morbidité et d’une mortalité considérables.

Avant l’ère des antibiotiques, les pneumonies bactériémiques dues à ce germe étaient grevées d’une mortalité de l’ordre de 77 %. Entre 1950 et 1970, ce chiffre s’est stabilisé autour de 28 %.

En France, la mortalité par pneumonie à Streptococcus pneumoniae était estimée à 0,7/100 000 habitants en 1985.

Un sujet d’inquiétude est celui de la résistance de Streptococcus pneumoniae aux antibiotiques : depuis la date d’apparition des premières souches de sensibilité diminuée à la pénicilline (1967 en Australie), les phénomènes de résistance se sont répandus dans différents pays.

En France, le pourcentage de pneumocoques résistants croît de façon exponentielle depuis 1988.

Jusqu’à cette date, il se maintenait en dessous de 5 %.

En 1992, il était de 20,1 % puis est passé à 36, 3 % en 1995 et à 42,8 % en 1996.

De plus, on retrouve une tendance à l’évolution vers de hauts niveaux de résistance puisque ces souches (concentration minimale inhibitrice [CMI] > 2 mg/L) représentaient environ les deux tiers de l’ensemble des souches en 1996 contre seulement 12,9 % en 1988 et 50,3 % en 1991.

La résistance concerne aussi d’autres familles d’antibiotiques, y compris les nouvelles molécules comme les fluoroquinolones de nouvelle génération pour lesquelles des souches résistantes sont apparues à Hong Kong après seulement quelques mois d’utilisation.

Néanmoins, pour les localisations pulmonaires de l’infection pneumococcique, la mortalité ne semble pas être liée à l’acquisition d’un Streptococcus pneumoniae résistant, quoique les données sur le sujet soient parfois contradictoires : un haut niveau de résistance pourrait être associé à un risque accru de complications et de mortalité à l’hôpital.

Les facteurs de risque d’acquisition d’une souche résistante sont classiquement l’existence d’une immunodépression, une hospitalisation antérieure ou une antibiothérapie préalable par une bêta-lactamine et le caractère nosocomial de l’infection.

Ces facteurs sont inconstamment retrouvés dans les études.

Streptococcus pneumoniae est un saprophyte des voies respiratoires qui peut facilement proliférer lorsque les défenses immunitaires se trouvent compromises : âge avancé, alcoolisme, diabète, tabagisme, immunodépression.

Classiquement, le début est brutal, caractérisé par des frissons intenses et prolongés et une importante douleur thoracique de type pleural.

La fièvre peut être élevée (40 °C) ; les malades ont généralement une tachycardie, une polypnée et une toux. L’oligurie et la cyanose sont fréquentes.

À ce stade, un herpès nasolabial peut être retrouvé ; l’auscultation trouve des râles crépitants et la radiographie thoracique montre en général une opacité homogène lobaire ou segmentaire.

Sans antibiothérapie, la toux persiste avec crachats de coloration rouge orangé (expectoration rouillée de Laennec).

L’hyperleucocytose est fréquente et les hémocultures sont positives dans 10 à 20 % des cas, lorsque ces prélèvements sont réalisés avant antibiothérapie.

On parle d’infection « invasive » lorsqu’il existe une bactériémie (ou qu’il s’associe à la pneumonie un foyer infectieux secondaire).

Les gaz du sang retrouvent un effet shunt avec baisse de la pression partielle en oxygène (PaO2) et de la pression partielle en gaz carbonique (PaCO2).

Chez un malade non traité, en cas d’évolution favorable, une recrudescence des symptômes survient au 8e jour, quand la fièvre cesse et que la température atteint à nouveau 37 °C ; il est alors noté une abondante diurèse.

Les anomalies radiographiques et celles notées à l’examen physique s’améliorent rapidement.

La croissance rapide de Streptococcus pneumoniae ainsi que le risque de complications secondaires (empyème, méningite, septicémie) font des pneumonies à Streptococcus pneumoniae des urgences médicales.

+ Autres streptocoques :

Ils sont très rarement responsables de pneumonies.

Parmi eux, les streptocoques du groupe A (Streptococcus pyogenes) sont le plus souvent impliqués et plus fréquemment chez des malades jeunes.

Les pneumonies à Streptococcus pyogenes surviennent après des infections virales comme la rougeole, la varicelle ou la rubéole chez les enfants, et après la grippe, la coqueluche ou la varicelle chez les adultes.

La présentation clinique est plutôt celle d’une pneumonie dite « typique ».

Épanchement pleural et empyème sont fréquents.

D’autres complications peuvent survenir comme un pneumothorax, une péricardite, une médiastinite ou une fistule bronchopleurale.

+ Staphylocoque :

La sévérité de l’infection staphylococcique résulte d’une résistance habituelle à de nombreux antibiotiques et du caractère fréquemment nécrotique de l’infection aboutissant à la formation de bulles dont la rupture dans la plèvre est à l’origine de pneumothorax ou de pneumopyothorax.

La sévérité potentielle de l’infection est également liée au risque élevé de septicémie.

Le mode de contamination se fait par voie aérienne (inhalation, aspiration) ou hématogène.

La contamination par voie aérienne peut suivre une infection virale comme la grippe ou la rougeole, chez un malade ayant parfois une comorbidité (BPCO, cancer, laryngectomie), tandis que la voie hématogène est le résultat d’une bactériémie (endocardite, ou métastase septique d’un autre foyer infectieux).

La présentation clinique peut être différente d’une pneumonie « typique » : lorsque l’infection se développe par voie hématogène, dyspnée, toux et expectoration purulente peuvent être masquées par des symptômes d’endocardite ou du foyer infectieux primaire.

La radiographie thoracique montre deux types d’anomalie : foyer central ou segmentaire après inhalation ou, en cas de dissémination hématogène, infiltrats multiples, généralement nodulaires au début, pouvant progresser vers un foyer de consolidation avec ou sans cavitation.

Abcès, pleurésie et empyème sont fréquents, ainsi que la septicémie.

Le pronostic dépend des maladies associées, de l’importance de l’infection et de la sensibilité du staphylocoque aux antibiotiques.

* Bactéries à Gram négatif :

+ Bacilles à Gram négatif :

Ils incluent différents types d’entérobactéries et de pseudomonas, en particulier Klebsiella pneumoniae, Escherichia coli, Pseudomonas aeruginosa et Acinetobacter spp.

Ces bactéries sont plus fréquemment responsables de pneumonies nosocomiales mais des pneumonies communautaires peuvent également s’observer à partir d’une colonisation oropharyngée suivie d’inhalations ou de microaspirations.

Il existe fréquemment un facteur de comorbidité. La présentation clinique est celle d’une pneumonie « typique ». Le pronostic est défavorable, en particulier en cas d’immunodépression, d’alcoolisme, de neutropénie et d’âge avancé.

La pneumonie, causée par Klebsiella pneumoniae (bacille de Friedländer), survient typiquement chez des malades de sexe masculin et de plus de 40 ans.

L’alcoolisme, le diabète sucré et les pathologies pulmonaires chroniques sont des facteurs prédisposants.

Classiquement, il s’agit de malades présentant une prostration avec une hypotension.

L’expectoration est volumineuse et hémoptoïque.

La radiographie thoracique montre plusieurs foyers de consolidation au niveau des lobes supérieurs avec cavitations multiples et bombement de la scissure.

Les pneumonies causées par Escherichia coli et Pseudomonas aeruginosa surviennent habituellement chez des malades atteints de maladies chroniques ; l’hémoptysie est rare et la pneumonie prédomine habituellement au niveau des lobes supérieurs.

Abcédation et pleurésie purulente sont fréquentes.

Les pneumonies à Acinetobacter sont d’évolution rapide, aboutissant à une hypoxémie sévère, avec parfois des signes de choc, une atteinte pulmonaire bilatérale, une pleurésie purulente, conduisant parfois au décès en quelques jours.

Pseudomonas pseudomallei, qui cause la mélioïdose, est un bacille à Gram négatif aérobie que l’on retrouve dans le sol, la végétation et l’eau des régions tropicales.

La contamination se fait plus souvent par voie hématogène après une infection cutanée que par voie aéroportée.

La mélioïdose aiguë se présente comme une dyspnée avec fièvre élevée, douleur thoracique, toux et expectoration purulente, et hémoptysies.

Une cellulite locale et une lymphangite peuvent se voir au point d’inoculation cutanée.

La radiographie thoracique montre une miliaire diffuse, des infiltrats et/ou des images cavitaires.

La mélioïdose chronique peut survenir plusieurs années après que l’infection ait été contractée en zone endémique.

L’infection peut être asymptomatique ou mimer une tuberculose pulmonaire avec présence d’une asthénie, d’une anorexie avec perte de poids, d’une fébricule, d’une toux productive avec parfois hémoptysies.

La radiographie thoracique montre des infiltrats aux apex parfois excavés.

+ « Haemophilus influenzae » :

La plupart des infections invasives à Haemophilus influenzae sont dues à des souches encapsulées typables.

Les résistances à l’ampicilline d’Haemophilus influenzae sont apparues en Europe en 1972.

Des souches multirésistantes ont été détectées dès 1990.

Les pneumonies à Haemophilus influenzae sont fréquemment précédées d’une infection des voies aériennes supérieures.

Une discrète pleurésie réactionnelle peut survenir, mais les pleurésies purulentes et les excavations sont rares.

+ « Moraxella catarrhalis » :

Anciennement appelée « Branhamella catarrhalis », ce diplocoque à Gram négatif est habituellement retrouvé dans l’oropharynx.

Les pneumonies causées par Moraxella catarrhalis se voient chez des malades ayant des affections pulmonaires chroniques comme une BPCO, une cardiopathie chronique congestive ou un cancer.

Symptômes et signes radiographiques sont non spécifiques.

L’hyperleucocytose est usuelle.

L’évolution est habituellement favorable.

* Bactéries à développement intracellulaire :

+ « Legionella pneumophila» :

Les légionelles sont des bacilles à Gram négatif intracellulaires aérobies.

Plus de 40 espèces ont été identifiées, dont moins de 50 % sont pathogènes.

Legionella pneumophila est responsable d’environ 90 % des légionelloses, suivie de Legionella micdadei.

Le sérotype 1 est à l’origine de plus de 80 % des légionelloses dues à Legionella pneumophila.

L’eau et les systèmes de climatisation sont les réservoirs naturels et la contamination s’effectue par inhalation d’aérosols ou par micro-inhalation d’eau contaminée.

Aucune transmission interhumaine n’a encore été rapportée.

Les infections à Legionella pneumophila peuvent être asymptomatiques, reconnues par séroconversion, ou causer un épisode de fièvre ou une pneumonie de gravité modérée à sévère.

Les pneumonies surviennent, soit de façon sporadique, soit sous forme de petite épidémie, plus volontiers chez le malade immunodéprimé (en particulier en cas de corticothérapie) et chez les malades fumeurs ou présentant une pathologie pulmonaire chronique.

Après 2 à 8 jours d’incubation, l’apparition de céphalées, de myalgies, d’une fièvre élevée et de frissons précède de quelques jours la survenue de la pneumonie.

La toux est initialement non productive, puis il y a apparition d’une expectoration claire ou parfois purulente.

Dyspnée, hémoptysies et douleurs thoraciques sont des symptômes fréquents.

Les symptômes extrarespiratoires sont nombreux et non spécifiques.

Ils incluent douleurs abdominales, nausées, vomissements, diarrhée liquidienne, arthralgies, myalgies, rash cutané, céphalées, agitation, confusion, convulsions, hématurie, oligurie, protéinurie, insuffisance rénale et splénomégalie.

Sur le plan biologique, on peut observer une hyponatrémie, une hypophosphorémie et/ou une rhabdomyolyse.

Hyperleucocytose, neutropénie, lymphopénie et hépatite peuvent être associées.

Les anomalies de la radiographie thoracique ne sont pas spécifiques.

Une aggravation radiologique peut s’observer dans la première semaine, même en cas d’antibiothérapie adaptée.

L’évolution dépend de la précocité du diagnostic et du traitement et des comorbidités associées.

La mortalité est augmentée chez les immunodéprimés et en cas de complications.

Bien que devant faire évoquer le diagnostic de pneumonie à légionelles, aucune de ces données cliniques, biologiques ou radiologiques n’est spécifique de l’affection.

Une étude prospective récente a montré qu’en analyse multivariée, les différences entre pneumonies communautaires à légionelles, comparées à celles d’autres étiologies, se limitaient à la plus grande fréquence d’une pathologie sous-jacente (immunodépression, BPCO, cancer…), et à l’existence d’une diarrhée, d’une hyponatrémie et d’une rhabdomyolyse.

+ « Mycoplasma pneumoniae» :

Les pneumonies à Mycoplasma pneumoniae surviennent en général sous forme de petites épidémies.

Elles se présentent parfois comme une infection respiratoire virale, mais l’incubation est plus longue (10 à 20 jours) que celle des virus, et la fièvre est généralement inférieure à 39 °C.

Après quelques jours, la plupart des symptômes s’amendent, mais une fébricule et une toux peuvent persister plus longtemps.

Dans environ 50 % des cas, on peut retrouver un épisode d’infection des voies aériennes supérieures.

Des manifestations extrapulmonaires peuvent survenir : arthralgies, adénopathies cervicales, diarrhée, anémie hémolytique, méningite, méningoencéphalite, myalgies, myocardite, hépatite, nausées, péricardite, éruption cutanée et vomissements.

L’examen clinique note occasionnellement des crépitants.

Sur le plan radiographique, les infiltrats sont habituellement localisés dans les deux lobes inférieurs et régressent lentement, en 4 à 6 semaines.

Les participations pleurale et médiastinale sont rares.

+ « Chlamydia » :

La psittacose est une pneumonie causée par Chlamydia psittaci, bactérie intracellulaire responsable de l’ornithose.

Chlamydia psittaci peut être transmise à l’homme par inhalation à partir d’oiseaux infectés comme les canaris, les perroquets, les pigeons ou les dindes.

Après 7 à 14 jours d’incubation, le début peut être brutal.

La fièvre (38 à 40 °C), avec parfois des frissons, s’associe à une dyspnée, à des douleurs thoraciques et à des signes extrarespiratoires : arthralgies, céphalées, myalgies.

La toux peut être invalidante et les crachats sont muqueux.

Splénomégalie et rash maculeux sont évocateurs.

Les anomalies radiologiques sont variables, mais montrent typiquement une infiltration lobaire inférieure.

Hépatite, phlébite, encéphalite, myocardite, insuffisance rénale et coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) sont des complications rares.

La mortalité est d’environ 1 %.

Les rechutes sont prévenues en prolongeant le traitement 2 semaines après le retour à l’apyrexie.

Chlamydia pneumoniae, anciennement connu comme l’agent TWAR, est reconnu comme agent pathogène responsable de pneumonies depuis 1985.

L’incidence des pneumonies qui lui sont dues est incertaine.

Il s’agit, le plus souvent, d’adultes jeunes.

Chez les malades âgés, l’évolution peut être sévère, particulièrement en cas de comorbidité. Des douleurs pharyngées peuvent précéder l’apparition de la fièvre (38 à 39 °C) et d’une toux non productive.

La radiographie thoracique montre des infiltrats segmentaires résolutifs en 4 semaines.

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