Manifestations cutanées des infections bactériennes systémiques

0
2585

Introduction :

Il faut distinguer les manifestations cutanées résultant de la dissémination bactériémique ou septicémique d’une bactérie dans l’organisme, des bactériémies ou manifestations systémiques secondaires à une infection à porte d’entrée cutanée.

Manifestations cutanées des infections bactériennes systémiquesLes manifestations cutanées associées aux septicémies résultent de mécanismes physiopathologiques variés :

– CIVD (Neisseria meningitidis, Streptococcus spp, entérobacilles Gram négatifs) ;

– invasion vasculaire directe et obstruction par certaines bactéries (Neisseria meningitidis, Pseudomonas aeruginosa, Rickettsia spp) ;

– vascularite par formation de complexes immuns (Neisseria meningitidis, Neisseria gonorrhoeae, Salmonella typhi) ;

– endocardite avec emboles septiques (Staphylococcus aureus, Streptococcus spp) ;

– action de toxines bactériennes (staphylococcal scalded skin syndrome [SSSS], toxic shock syndrome [TSS], scarlatine).

La pathogénicité d’une bactérie est liée d’une part à son pouvoir invasif, d’autre part à ses propriétés toxigéniques.

Quelques espèces bactériennes ne sont pathogènes que par leur seul pouvoir invasif (Pneumococcus via une résistance à la phagocytose) ; à l’inverse, d’autres espèces n’agissent que par le biais de production de toxines (Corynebacterium diphteriae, Bacillus anthracis, Clostridium tetani, Clostridium perfringens).

Toutefois, la plupart des infections bactériennes résultent des deux mécanismes pathogènes, invasif et toxigénique (Streptococcus/ scarlatine) ; parfois, les mécanismes restent obscurs.

Les bactéries à Gram négatif (Escherichia coli, Salmonella typhi, Neisseria meningitidis et Neisseria gonorrhoeae, Brucella melitensis…) possèdent des endotoxines, macromolécules lipopolysaccharidiques, qui font partie intégrante de la paroi bactérienne ; la rupture de la membrane bactérienne est nécessaire à leur libération.

Leur toxicité est liée à la fraction lipidique, alors que leurs déterminants antigéniques sont portés par la fraction polysaccharidique.

Deux cytokines, produites par les macrophages activés par le complexe lipopolysaccharidique, jouent un rôle toxique et pro-inflammatoire majeur : tumor necrosis factor (TNF) et interleukine 1 (IL1).

Le TNF est un pyrogène endogène via son action sur les centres hypothalamiques.

Il stimule la sécrétion d’autres cytokines par les macrophages : IL1 (également pyrogène), IL6 et IL8 (activateur du chimiotactisme des leucocytes).

Il augmente la synthèse hépatique du fibrinogène et active le système de coagulation via un effet sur l’endothélium vasculaire ; il diminue la pression artérielle et la perfusion tissulaire en réduisant la contractilité myocardique et en relâchant le muscle lisse.

Le complexe lipopolysaccharidique stimule directement la sécrétion d’IL1 par les macrophages.

L’IL1 a également un effet procoagulant sur l’endothélium vasculaire, stimule l’adhésion leucocytaire et la prolifération lymphocytaire T CD4+ et B.

Infections à bactéries à Gram positif :

A – ENDOCARDITE BACTÉRIENNE :

1- Endocardite subaiguë (Streptococcus viridans et groupe non-A) :

Les manifestations cutanées sont liées à des phénomènes emboliques (fibrineux ou septiques) ou à une vascularite.

Les pétéchies, maculopapules purpuriques ne blanchissant pas à la vitropression, sont fréquentes (20 à 40 % cas) ; elles prédominent aux extrémités ou à la partie supérieure du thorax. Une atteinte muqueuse est habituelle (conjonctivale, palatine).

Après une phase d’accentuation, elles pâlissent en quelques jours. Histologiquement, elles correspondent à une inflammation des petits vaisseaux dermiques avec prolifération endothéliale, infiltrat cellulaire périvasculaire et phénomènes hémorragiques.

Les hémorragies sous-unguéales en « flammèches », situées au tiers moyen de l’ongle, sont très fréquemment évocatrices d’endocardite subaiguë (d’autres étiologies sont à éliminer : syndrome des antiphospholipides, hyperéosinophilie…), les hémorragies d’origine traumatique étant habituellement plus distales.

Les nodosités (ou faux panaris) d’Osler sont observées dans 10 à 25 % des cas : il s’agit de nodules de petite taille, érythémateux, sensibles, qui siègent à la pulpe des doigts et orteils, sur les éminences thénar et hypothénar, voire sur les bras. Ils surviennent par poussées, transitoires (12 à 24 heures à quelques jours), peuvent desquamer mais ne s’ulcèrent pas.

Leur origine embolique dans le cas de l’endocardite subaiguë (contrairement à l’endocardite aiguë) n’est pas démontrée, l’analyse histologique ne révélant qu’une turgescence endothéliale et un infiltrat inflammatoire périvasculaire sans microemboles bactériens ou fibrineux.

Les placards de Janeway sont des nodosités hémorragiques, plus rarement des placards érythémateux, indolores, situés sur les paumes et plantes, rarement observés dans l’endocardite subaiguë (à l’inverse de l’endocardite aiguë).

Histologiquement, ils correspondent à des microabcès dermiques, avec infiltrat péricapillaire à polynucléaires neutrophiles et phénomènes d’extravasation d’hématies.

2- Endocardite aiguë (Staphylococcus aureus) :

Les manifestations cutanées, observées dans environ 30 % des cas, regroupent pustules, abcès sous-cutanés, placards purpuriques centrés par une zone blanchâtre, purulente.

L’aspiration à l’aiguille de cette zone centrale met en évidence des amas de cocci à Gram positif au sein d’un infiltrat inflammatoire polymorphe.

Plus rarement, des nodules sous-cutanés, fermes, recouverts d’une peau érythémateuse, habituellement localisés au tronc, surviennent dans un contexte subfébrile.

Ils évoquent des lésions de panniculite (type Weber-Christian).

Les hémocultures sont souvent négatives dans ce contexte, bien qu’il s’agisse probablement de métastases septiques ; l’analyse histologique révèle un infiltrat inflammatoire non spécifique, la mise en culture d’un nodule permet l’isolement d’un Staphylococcus aureus.

B – STREPTOCOCCIES (GROUPE A) :

1- Scarlatine :

La scarlatine est une éruption diffuse liée à la production d’une toxine érythrogène par un streptocoque du groupe A, d’origine pharyngée, porteur d’un bactériophage lysogénique.

Trois toxines érythrogènes immunologiquement distinctes (types A, B et C) seraient produites par 90 % des souches de streptocoque A.

Actuellement, le type B, parfois associé au type C, serait responsable de la majorité des cas de scarlatine.

Les anticorps antitoxiques (spécifiques de type) étant protecteurs, les rares cas de scarlatine récidivante chez un même sujet ne sont explicables que par infection par deux souches streptococciques productrices de toxine d’un type immunologique distinct.

La scarlatine survient habituellement chez l’enfant âgé de 2 à 10 ans, rarement chez l’adulte.

Après une incubation de 2 à 4 jours, une pharyngite fébrile (souvent 39-40 °C) apparaît, parfois associée à un cortège fonctionnel avec nausées, vomissements, céphalées, malaise, douleurs abdominales, frissons.

La fièvre atteint son acmé à la 48e heure, puis se normalise progressivement en 5 à 6 jours.

L’éruption apparaît 24 à 48 heures après les signes pharyngés, sous la forme d’un énanthème et d’un exanthème.

Les signes muqueux associent une rougeur pharyngée et une angine érythématopultacée.

Des adénopathies sousmandibulaires bilatérales sont palpables.

Après un stade saburral initial, la langue prend un aspect « framboisé » lié à une hypertrophie érythémateuse des papilles.

Parfois, un purpura pétéchial du palais mobile est noté.

L’exanthème débute au cou puis s’étend rapidement au tronc, enfin aux extrémités : il est diffus à la 36e heure, respectant visage, paumes et plantes.

L’érythème est constitué de micropapules mesurant 1 à 2mmde diamètre, donnant un aspect rugueux au toucher ; il prédomine aux grands plis inguinaux, axillaires, des coudes et à l’abdomen, de même qu’aux zones de pression (fesses).

Des variantes, vésiculeuse (sudamina miliaire), purpurique ou infraclinique (érythème du tronc), sont possibles.

L’évolution se fait vers une desquamation en 5 à 6 jours, débutant au visage (oreilles +++) puis s’étendant au tronc, enfin aux extrémités où elle prend un aspect en larges lambeaux.

Cette desquamation permet parfois un diagnostic rétrospectif dans les formes paucisymptomatiques. Une polyadénopathie et une splénomégalie sont parfois observées.

Les examens biologiques révèlent une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, puis une discrète éosinophilie (5 à 10 % des cas).

Le prélèvement de gorge met en évidence un streptocoque du groupe A.

L’élévation des antistreptolysines O (ASL O) peut aider au diagnostic rétrospectif.

Le diagnostic différentiel se discute avec les autres éruptions scarlatiniformes : infections à Staphylococcus aureus producteur d’exfoliatine (groupe phagique II), TSST-1 (toxic shock syndrome toxin 1), exanthème subit (ou 5e maladie, lié à Human herpes virus 6), rubéole, mononucléose infectieuse, toxidermies médicamenteuses…

Le traitement fait appel à une antiobiothérapie antistreptococcique (pénicilline).

Les streptococcémies de groupe A surviennent volontiers sur terrain prédisposant, notamment chez les sujets toxicomanes ou, en dehors de ce contexte, chez les individus ayant une pathologie ou une immunodépression sous-jacente.

Les infections nosocomiales ne sont pas rares et semblent liées à un pronostic péjoratif.

2- Choc toxique streptococcique (ou toxic shock-like syndrome due to group A streptococci) :

Un défaillance aiguë multiviscérale ressemblant au choc toxique staphylococcique (TSST-1) peut survenir lors d’infections à streptocoque du groupe A (sérotype M-1).

Le foyer infectieux initial est habituellement une cellulite ou une fasciite nécrosante.

Le tableau associe hypotension artérielle, frissons, fièvre, tachycardie, myalgies, troubles psychiques et signes de défaillance multiviscérale (troubles gastro-intestinaux, insuffisance rénale, détresse respiratoire).

Un érythème localisé, souvent au visage, est présent mais ne diffuse pas et n’évolue pas vers la desquamation (ce qui le différencie de la scarlatine).

Les hémocultures sont généralement négatives dans ce tableau d’origine toxinique.

Le choc toxique streptococcique serait lié à une résurgence de souches streptococciques productrices d’exotoxine de type A, plus rarement de types B et C, ces dernières étant plutôt responsables de tableaux scarlatiniformes.

3- Purpura fulminans :

Le purpura fulminans est un tableau rare, correspondant à une nécrose hémorragique cutanée aiguë, habituellement fatale, survenant dans les suites d’infections bactériennes variées d’origine streptococcique (groupe A), staphylococcique, pneumococcique, ou méningococcique, plus exceptionnellement virale (varicelle).

Le purpura fulminans est la traduction de phénomènes hémorragiques liés à une activation aiguë du système de coagulation avec consommation excessive des protéines de coagulation, et fibrinolyse accrue.

Le mécanisme déclenchant de cette coagulopathie reste mal compris : une anomalie de la coagulation pourrait jouer un rôle (déficit acquis en protéine C ou S) ?

Il en résulte une thrombopénie, une diminution des taux de prothrombine (facteur II), de fibrinogène (facteur I), de proaccélérine (facteur V), et de facteur antihémophilique VIII, une augmentation du taux de plasminogène et des produits de dégradation de la fibrine (liée à la fibrinolyse secondaire).

Le tableau clinique associe fièvre, frissons, et des placards violacés, ecchymotiques, à contours géographiques, symétriques, prédominant aux extrémités et aux zones de pression, mais pouvant atteindre également les lèvres, les oreilles, le nez et le tronc.

Des bulles hémorragiques peuvent apparaître sur ces zones ecchymotiques.

Une évolution fulgurante vers la gangrène, notamment des doigts, est possible.

Des signes de défaillance hémodynamique surviennent rapidement en 48 à 72 heures : tachycardie, hypotension, avec vasoconstriction périphérique réflexe aggravant l’ischémie distale. Les examens biologiques associent une polynucléose, une thrombopénie, une baisse des facteurs I, II, V, VII, VIII de la coagulation et une augmentation des produits de dégradation de la fibrine.

L’histologie cutanée, lorsqu’elle est pratiquée, révèle une occlusion des artérioles par des thrombi fibrineux, avec infiltrat inflammatoire dense à polynucléaires neutrophiles cernant les foyers de nécrose.

Aucune bactérie n’est mise en évidence.

Le traitement repose avant tout sur la mise en route d’une antibiothérapie adaptée.

En cas de saignement important, la transfusion de plaquettes et de facteurs de la coagulation peut être indiquée, voire la prescription d’héparinothérapie pour limiter la coagulation intravasculaire.

Malgré ces mesures thérapeutiques, la mortalité reste dramatiquement élevée.

Chez les patients survivants, l’amputation d’extrémités et/ou l’excision-greffe de zones nécrosées peut s’avérer nécessaire.

C – STAPHYLOCOCCIES (SSSS, TSS) :

Les bactériémies et/ou septicémies à staphylocoque surviennent volontiers sur terrain favorisant : sujet âgé, affection cardiovasculaire ou rénale sous-jacente, chirurgie récente, toxicomanie, pathologie maligne sous-jacente….

1- Épidermolyse staphylococcique aiguë ou SSSS :

L’épidermolyse staphylococcique aiguë est liée à la production d’exotoxines (de type A et B) par une souche de Staphylococcus aureus appartenant le plus souvent au groupe phagique II (plus rarement I et III).

Elle survient habituellement chez le nouveau-né (syndrome de Ritter) ou le jeune enfant, parfois chez l’enfant plus âgé, rarement chez l’adulte et alors sur terrain particulier, chez l’insuffisant rénal, le patient immunodéprimé ou souffrant d’hémopathie.

Elle débute brutalement par un érythème diffus scarlatiniforme, fébrile.

En 12 à 24 heures, apparaît un décollement intraépidermique débutant dans la région médiofaciale, le cou et les grands plis, particulier par son caractère très superficiel se traduisant par un signe de Nikolsky positif et la survenue de larges bulles flasques à contenu clair se rompant rapidement, laissant alors le derme à nu et donnant une impression de « linge mouillé ».

Les muqueuses sont indemnes. Des troubles de la thermorégulation et hydroélectrolytiques suivent rapidement.

L’infection initiale n’est pas toujours identifiée : cathéter, injection parentérale, infection de fistules artérioveineuses, abcès, arthrite septique…

L’histologie révèle un clivage intraépidermique superficiel dans la couche granuleuse ; s’y associe une discrète réaction inflammatoire dermoépidermique.

Sous traitement antibiotique (nafcilline ou oxacilline 50 à 100 mg/kg/24 heures chez le nouveau-né, 100 à 200 mg/kg/ 24 heures chez l’enfant, 6 à 10 g/24 heures chez l’adulte) et réanimation adaptés, la cicatrisation des lésions est obtenue rapidement en quelques jours et le pronostic est tout à fait favorable chez l’enfant ; à l’inverse, chez l’adulte, du fait du terrain sousjacent débilité, la mortalité est élevée.

2- « Scarlatine » staphylococcique :

La fièvre scarlatiniforme staphylococcique simule la forme streptococcique mais les signes muqueux sont généralement absents.

Contrairement au SSSS, dont elle est considérée comme une forme clinique fruste, la formation de bulles n’a pas lieu ; toutefois, un discret signe de Nikolsky peut être observé.

L’évolution se fait en 2 à 5 jours vers une desquamation initialement faciale, puis diffuse. La guérison survient en une dizaine de jours.

3- Choc toxique staphylococcique (TSS) :

Le choc toxique staphylococcique est lié à la production d’une toxine TSST-1 par une souche de Staphylococcus aureus, plus rarement d’autres toxines (entérotoxine B ou C1).

L’induction d’un état de choc serait liée à l’action synergique du TNF (dont la sécrétion serait stimulée par TSST-1) et de l’IL1.

Le choc toxique staphylococcique a été particulièrement observé dans les années 1980 chez des femmes porteuses de tampons hygiéniques absorbants pendant leurs menstruations ; d’autres foyers staphylococciques (tissus mous, os, poumons) peuvent en être à l’origine.

Le tableau clinique associe fièvre, hypotension artérielle, voire choc, et exanthème scarlatiniforme avec desquamation palmoplantaire retardée (1 à 2 semaines).

D’autres signes tels un érythème pharyngé, une langue « framboisée », une conjonctivite, une diarrhée, des vomissements, peuvent être précocement observés.

Une défaillance multiviscérale, musculaire (myalgies, rhabdomyolyse), neurologique centrale (encéphalopathie toxique), rénale (insuffisance rénale), hépatique (augmentation des aspartate aminotransférase [ASAT] et bilirubine), hématologique (thrombopénie), apparaît. Une hyperleucocytose est habituelle.

Le diagnostic différentiel se fait avec les exanthèmes scarlatiniformes (forme sévère de scarlatine, choc toxique streptococcique, SSSS), les toxidermies médicamenteuses, la maladie de Kawasaki, la méningococcémie.

Le traitement fait appel à des mesures de remplissage vasculaire, au traitement du foyer infectieux initial, à une antibiothérapie antistaphylococcique adaptée (nafcilline intraveineuse 1 à 1,5 g/4 heures).

D – AUTRES :

Signalons les formes septicémiques exceptionnelles de maladie de rouget du porc, infection à Erysipelotrix rhusiopathiae, bacille à Gram positif responsable de l’érysipéloïde, favorisées par l’alcoolisme et l’immunodépression.

Les signes cutanés sont évocateurs du diagnostic (érysipéloïde, macules érythémateuses ou érythématopurpuriques de grande taille [5 à 6 cm] et à centre clair, siégeant sur le tronc et les membres), confirmé par l’isolement du germe sur milieu spécial à partir de prélèvements sanguins et/ou cutanés.

La complication majeure de ces formes est l’endocardite.

Le traitement repose sur la pénicilline G intraveineuse.

Infections à bactéries à Gram négatif :

A – MÉNINGOCOCCIES :

1- Méningococcémie aiguë/méningite :

Après une phase pseudogrippale, s’installent fièvre et syndrome méningé.

Les manifestations cutanées sont habituellement purpuriques ; toutefois, des exanthèmes maculopapuleux, urticariens, peuvent s’observer.

Le purpura est initialement pétéchial, parfois centré par une zone grisâtre, vésiculeuse ; les lésions atteignent les extrémités et le tronc, plus rarement la face, les paumes et plantes et les muqueuses.

Un tableau de gangrène hémorragique, proche du purpura fulminans, peut survenir, alors souvent associé à des signes de CIVD.

L’histologie cutanée révèle la présence de microthrombi de fibrine, d’une nécrose des parois vasculaires et d’hémorragies périvasculaires.

Une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles est notée dans le sang et le liquide céphalorachidien (LCR), ainsi qu’une hyperprotéinorachie et une hypoglycorachie.

La détection d’antigène soluble spécifique dans le LCR (à l’aide d’une technique d’agglutination sur latex) permet un diagnostic rapide. L’isolement du méningocoque est habituel dans le sang et le LCR, beaucoup plus inconstant à partir des lésions cutanées.

Le principal diagnostic différentiel est l’endocardite aiguë à Staphylococcus aureus, mais les lésions purpuriques ont alors un centre purulent, dont le prélèvement met en évidence des amas de cocci à Gram positif à l’examen direct et permet l’isolement du staphylocoque en culture.

Le pronostic, en dehors de la forme fulminante, est excellent sous traitement antibiotique adapté.

2- Méningococcémie chronique :

C’est une infection rare, dont les manifestations sont souvent difficiles à reconnaître initialement.

Il peut exister un fièvre aiguë inaugurale, puis le patient se plaint de myalgies diffuses, d’arthralgies, de céphalées, d’anorexie avec perte de poids.

L’émergence simultanée d’un exanthème localisé et d’une fièvre, persistant quelques jours avant de régresser, sont caractéristiques de la maladie.

La récurrence de cet exanthème fébrile évolue sur une période allant de quelques semaines à 6-8 mois.

Les manifestations cutanées sont variables, habituellement localisées en regard d’une ou plusieurs articulations douloureuses ou d’une zone de pression.

La taille des lésions varie également (1 à 20 mm).

Elles associent des lésions maculopapuleuses rosées (30 % des cas), des nodules – des membres inférieurs le plus souvent – simulant un érythème noueux, un purpura pétéchial, des éléments purpuriques centrés par des vésicules ou des pustules, des macules hémorragiques cernées par une zone érythémateuse plus pâle (caractéristiques), des placards hémorragiques à centre bleu-gris, enfin des nodules hémorragiques dermiques profonds.

Les autres signes sont pauvres (arthralgies ou arthrites modérées).

Le risque est le passage vers une forme aiguë : septicémie, méningite, endocardite.

L’histologie évoque une angéite leucocytoclasique (infiltrat inflammatoire polymorphe, périvasculaire).

Le mécanisme des lésions serait allergique mais l’antigène responsable n’est pas identifié.

Les hémocultures sont généralement positives lors des poussées et permettent alors le diagnostic.

Les diagnostics différentiels regroupent les fièvres périodiques avec signes cutanés et articulaires : endocardite subaiguë bactérienne, maladie de Still, purpura rhumatoïde, listériose, érythème polymorphe, gonococcémie chronique.

L’évolution peut être spontanément favorable mais l’absence de traitement fait encourir un risque de complications aiguës.

Le traitement antibiotique adapté permet une guérison dans 100 % des cas.

B – SEPTICÉMIE À PSEUDOMONAS AERUGINOSA (PYOCYANIQUE) :

La septicémie à Pseudomonas aeruginosa survient sur terrain prédisposant : myélodysplasie, neutropénie, pathologie sous-jacente imposant une antibiothérapie antérieure, une corticothérapie générale ou une chimiothérapie antitumorale…

Le patient est souvent déjà fébrile et neutropénique lorsque les manifestations cutanées apparaissent.

Dans un contexte de céphalées, fièvre élevée, diarrhée, s’installent les signes cutanés évocateurs : vésiculobulles à contenu parfois hémorragique, ecthyma gangréneux (ulcération arrondie, indolore, à centre nécrotique ou surmonté d’une épaisse croûte noirâtre, à bords érythémateux indurés) habituellement localisé dans la région anogénitale ou axillaire, cellulite gangréneuse et/ou exanthème maculopapuleux ou nodulaire du tronc, roséoliforme (évoquant la fièvre typhoïde).

Plus décalée dans le temps, la « cellulite nodulaire » est caractéristique d’infection septicémique à pyocyanique : les éléments sont inflammatoires (rouges, chauds), parfois fluctuants mais paraissent habituellement fermes car profondément enchâssés ; ils se situent au tronc et aux extrémités.

Leur incision libère un contenu purulent.

Le Pseudomonas est habituellement isolé dans toutes ces lésions et dans les hémocultures ; la mise en évidence à l’examen direct de bacilles à Gram négatif en grand nombre au sein de rares polynucléaires neutrophiles évoque une infection à pyocyanique.

D’autres souches de Pseudomonas (Xanthomonas maltophilia) ont été isolées.

Le pronostic dépend essentiellement du terrain, souvent défavorable avec une mortalité élevée (80 %).

Le traitement repose principalement sur une antibiothérapie adaptée ; l’association à des facteurs stimulant la multiplication des macrophages et neutrophiles (granulocyte-macrophage colony-stimulating factor [GMCSF]) peut être utile chez les patients neutropéniques.

C – FIÈVRE TYPHOÏDE – SALMONELLOSES :

Après 7 à 10 jours de fièvre élevée (avec pouls dissocié), apparaît l’éruption roséoliforme caractéristique dans un contexte de douleurs abdominales et de diarrhée.

Des maculopapules rosées, mesurant 2 à 3 mm de diamètre, apparaissent à la face antérieure du thorax (10 à 20 éléments), rarement sur le dos ou les extrémités.

Chaque élément persiste 3 à 4 jours ; plusieurs poussées surviennent durant 2 à 3 semaines en l’absence de traitement.

D’autres manifestations cutanées, tels un erythema typhosum (exanthème maculopapuleux diffus, confluent, durant la première semaine d’évolution), un érythème noueux ou des lésions urticariennes peuvent se voir.

Une absence d’hyperleucocytose, voire une leucopénie et un syndrome mononucléosique, sont habituels.

Le diagnostic repose sur l’isolement de la Salmonella dans les hémocultures la première semaine (80 % des cas), dans les selles la deuxième. Le germe peut également être isolé dans les macules rosées et dans la moelle.

La sérologie, dirigée contre l’antigène « O », positive après 2 semaines d’évolution, est peu sensible et peu spécifique (test de Widal).

L’évolution est habituellement favorable en quelques jours sous antibiothérapie adaptée ; toutefois, des complications digestives à type de perforation ou d’hémorragie peuvent survenir, responsables de 75 % de la mortalité.

Une excrétion asymptomatique de Salmonella typhi dans les selles peut persister chez 1 à 2% des patients, alors source majeure de contamination de l’entourage.

Le traitement de référence est le chloramphénicol (1 g toutes les 6 heures pendant 15 à 21 jours).

En cas de contre-indication aux phénicolés, ampicilline, quinolones, triméthoprime-sulfaméthoxazole, voire céphalosporines de troisième génération, constituent une alternative thérapeutique.

D – AUTRES BACTÉRIES À GRAM NÉGATIF :

Le tableau caractéristique d’une infection à Haemophilus influenzae est une cellulite atteignant tête, cou ou membres supérieurs, habituellement chez le jeune enfant de moins de 3 ans, plus rarement chez l’adulte.

Escherichia coli, Proteus spp, Klebsiella spp, Enterobacter spp, Serratia marcescens, et autres bacilles à Gram négatif du genre Bacteroides peuvent être à l’origine de tableaux de cellulite infectieuse aiguë, voire de fasciite nécrosante, sur terrains prédisposants (sujets âgés, immunodéprimés, diabétiques…) après traumatisme, chirurgie ou pathologie inflammatoire périnéale ou digestive.

À part, Vibrio vulnificus, bacille à Gram négatif transmis par contact ou ingestion de coquillages infestés, a été plus récemment mis en cause dans la survenue de tableaux septicémiques sévères en Asie, en Australie et dans le golfe du Mexique.

Sur terrain immunodéprimé, d’hépatopathie chronique sous-jacente ou de cirrhose (d’origine énolique ou non), surviennent fièvre, frissons et lésions cutanées bulleuses traduisant une septicémie primaire.

La mortalité est lourde (50 %), atteignant 100 % des cas au stade de choc septique.

L’isolement du germe peut se faire à partir des bulles ou d’hémocultures.

La prise en charge thérapeutique implique un diagnostic précoce, une antibiothérapie (céphalosporines de troisième génération plus aminosides) et des mesures de réanimation adaptées.

Vibrio vulnificus peut également être responsable de tableaux de cellulites nécrosantes bulleuses à porte d’entrée cutanée (plaie cutanée en contact avec une eau infestée), dont l’évolution septicémique secondaire est à craindre.

Un débridement chirurgical est alors souvent nécessaire, associé à l’antibiothérapie.

Stratégie diagnostique bactériologique :

L’examen direct (après coloration de Gram) d’un produit biologique, prélevé au niveau d’un site cutané suspect d’infection, permet parfois de guider la mise en route précoce d’une antibiothérapie.

Une technique rigoureuse de prélèvement est nécessaire à l’élimination de bactéries contaminantes ; exemple : aspiration souscutanée à l’aiguille après injection ou non de sérum physiologique, biopsie cutanée.

Le choix du milieu de culture doit être réfléchi : tout prélèvement bactériologique, cutané et/ou sanguin, doit être cultivé sur gélose agar au sang et milieu spécifique pour la recherche de germes anaérobies.

L’utilisation de milieux de culture supplémentaires est guidée par la clinique et le résultat d’un examen direct lorsqu’il est effectué (milieu éosine-bleu de méthylène [EMB] ou MacConkey en cas de suspicion d’infection à bacilles à Gram négatif ; gélose chocolat ou milieu de Thayer-Martin en atmosphère CO2 en cas de suspicion d’infection à cocci à Gram négatif ; gélose au sang en atmosphère anaérobie en cas de doute sur un Streptococcus anaérobie, un Clostridium, ou un Bacteroides).

Un diagnostic bactériologique est ainsi possible à partir de prélèvements cutanés de localisations suppurées spécifiques.

C’est le cas des papulopustules, abcès sous-cutanés ou nodules au cours des septicémies à Staphylococcus aureus (notamment dans le cadre d’une endocardite aiguë), des papulopustules ecchymotiques au cours des gonococcémies, des lésions papulopustuleuses et purpuriques au cours des listérioses, des lésions vésiculobulleuses des cellulites à bactéries à Gram négatif ou encore, des lésions d’ecthyma gangréneux au cours des infections à pyocyanique…

Les lésions cutanées spécifiques non pyodermiques (donc stériles) ne permettent qu’une orientation diagnostique bactériologique.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.