Immunopathologie cutanée

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Introduction :

L’immunopathologie peut être définie comme l’étude des processus pathologiques qui sont dus à, ou qui peuvent être étudiés par des interactions entre un anticorps et l’antigène (endogène ou exogène) correspondant.

Les premières applications diagnostiques de l’immunopathologie remontent au début des années 1940, lorsque Coons et al ont mis en évidence sur coupes tissulaires des pneumocoques à l’aide d’anticorps couplés à la fluorescéine.

Immunopathologie cutanéeL’immunopathologie cutanée est née au cours des années 1960, lorsque ont été découverts, par la technique d’immunofluorescence directe, les dépôts d’immunoglobulines (Ig) et de complément dans la peau au cours de dermatoses auto-immunes comme le lupus érythémateux et le pemphigus auto-immun.

L’immunopathologie cutanée s’est depuis considérablement développée grâce à la mise au point de méthodes de marquage plus performantes (immunoenzymatiques, amplificatrices, techniques de double marquage, techniques de « démasquage » antigénique), à la production des anticorps monoclonaux (ACM) et à leur application à l’échelle ultrastructurale (microscopie électronique, microscopie confocale à balayage laser) ; par ailleurs, leurs applications diagnostiques se sont rapidement étendues à des maladies de nature très variée.

Actuellement, les techniques immunohistopathologiques occupent une place primordiale en dermatopathologie et sont devenues un complément souvent indispensable de l’examen histologique classique car elles permettent d’élargir énormément les possibilités diagnostiques obtenues sur des fragments biopsiques utilisés pour l’histologie conventionnelle.

Les examens immunopathologiques font intervenir deux acteurs principaux, les antigènes recherchés sur les préparations biologiques (coupes de tissus le plus souvent ou frottis cellulaires), et les anticorps qui servent à leur identification.

Le scénario de l’interaction entre ces deux acteurs correspond à la technique immunohistochimique.

Principes et techniques :

A – ANTIGÈNES :

Les antigènes recherchés en immunopathologie cutanée sont le plus souvent de nature protéique.

Chaque antigène est en fait une mosaïque constituée de plusieurs motifs antigéniques, les « épitopes », dont chacun est reconnu par un anticorps, plus précisément par une partie de celui-ci, le « paratope ».

1- Origine des antigènes recherchés en immunopathologie cutanée :

Elle est variée.

Il peut s’agir :

– de molécules du soi absentes de la peau normale, qui s’y déposent suite à un processus pathologique ; c’est le cas des Ig ou de complexes immuns dirigés contre des antigènes cutanés (autoantigènes) au cours des dermatoses auto-immunes bulleuses, du lupus érythémateux ou des vasculites allergiques ;

– de molécules de la peau normale qui sont la cible d’autoanticorps (circulants ou fixés dans la peau) ;

– de molécules présentes dans les cellules de la peau normale qui s’expriment anormalement au cours d’un processus pathologique (par exemple, présence de kératine dans des carcinomes cutanés primitifs ou métastatiques, absence d’un antigène de la jonction dermoépidermique au cours d’une épidermolyse bulleuse congénitale) ;

– de molécules exogènes comme des antigènes viraux, fongiques ou microbiens présents dans la peau au cours des dermatoses infectieuses.

L’antigénicité d’un tissu est définie comme sa capacité de fixer les anticorps.

Elle dépend de la nature physicochimique de la structure tridimensionnelle de l’antigène, et peut être altérée par les processus de préparation de l’échantillon (notamment la fixation et l’inclusion).

2- Fixation des prélèvements :

C’est une étape indispensable à la préparation des échantillons à étudier ; elle a pour but :

– d’inactiver les processus d’autolyse des tissus après leur exérèse ;

– de permettre la conservation de l’architecture tissulaire ;

– d’immobiliser les antigènes (surtout ceux de petite taille) en empêchant leur diffusion ;

– d’augmenter la rigidité tissulaire indispensable à la coupe.

La fixation peut se faire par des agents chimiques ou par le froid.

Les fixateurs chimiques le plus couramment utilisés pour la microscopie optique sont à base de formaldéhyde (liquide de Bouin, de Baker, formol tamponné…), plus rarement d’alcools, d’acétone, de sels de mercure (fixateur B5, solution de Zenker), ou bien de glutaraldéhyde, de paraformaldéhyde et de tétroxyde d’osmium pour la microscopie électronique.

La fixation par le froid se fait le plus souvent par immersion immédiate du prélèvement biopsique dans l’azote liquide ; les fragments peuvent alors être conservés à -20 °C (quelques mois) ou mieux à -70 °C ou dans l’azote liquide (-195 °C, conservation possible sur des années).

La congélation du prélèvement peut être différée grâce à l’utilisation d’un milieu de transport spécial (milieu de Michel), qui permet d’acheminer vers le laboratoire spécialisé le fragment biopsique à température ambiante.

En général, la fixation par congélation, couramment utilisée pour la détection d’Ig et de fractions du complément par immunofluorescence directe, offre une bonne antigénicité tissulaire mais une conservation histologique médiocre et est donc peu recommandée pour les cas où l’analyse morphologique est importante (par exemple les proliférations tumorales).

À l’opposé, la fixation chimique permet une bonne conservation morphologique des tissus, mais elle induit (surtout lorsqu’elle est prolongée) des modifications chimiques des épitopes antigéniques, allant jusqu’à les rendre indétectables.

La diminution de l’antigénicité dépend du type de fixateur, de la durée de fixation et de la nature de l’antigène.

L’inclusion des tissus peut également diminuer leur antigénicité.

La paraffine, utilisée habituellement pour l’histologie, offre un bon compromis entre l’altération de l’antigénicité et la facilité d’obtention des coupes.

Les méthacrylates et les résines époxy, utilisées pour la microscopie électronique, réduisent fortement l’antigénicité tissulaire, qui est conservée en revanche par les résines hydrosolubles.

3- Démasquage antigénique :

Des techniques de « démasquage antigénique » (antigen retrieval) ont été élaborées ; elles permettent de reconstituer (au moins partiellement) l’antigénicité des tissus (notamment ceux fixés au formol et inclus en paraffine) ; elles permettent la détection d’un nombre croissant d’antigènes, auparavant détectables seulement sur des tissus congelés, comme les antigènes membranaires des lymphocytes (CD), les Ig et/ou le complément, permettant ainsi de réaliser l’immunophénotypage des lymphomes et de confirmer le diagnostic de certaines maladies bulleuses auto-immunes (par immunofluorescence directe) sur du matériel utilisé pour l’histologie classique.

Les principales techniques de démasquage antigénique sont :

– la digestion enzymatique : après déparaffinage, les coupes sont traitées par une enzyme protéolytique (trypsine 0,1 % ou pronase 0,1-0,2 % dans du PBS [phosphate-buffered saline]) pendant 10-15 minutes ;

– l’échauffement des coupes dans un tampon spécial : après déparaffinage et réhydratation, les coupes sont immergées dans un tampon citrate (0,01 M, pH 6) ou acide éthylène-diamine-tétraacétique (EDTA) et chauffées au four à micro-ondes (2 ou 3 fois 5 minutes à 600 W) jusqu’à ébullition.

Ce prétraitement peut également être réalisé dans un autocuiseur (du type cocotte-minute).

Ces techniques augmentent la sensibilité de la réaction immunohistochimique ; elles ont cependant l’inconvénient de faciliter le décollement des coupes, ce qui nécessite l’utilisation de lames prétraitées de façon physique (charge électrostatique) ou chimique (prétraitement avec des produits permettant une meilleure adhésion des coupes, comme la poly-L-lysine ou l’aminopropyltriéthoxysilane).

B – ANTICORPS :

Les anticorps (ou Ig) sont des glycoprotéines reconnaissant de façon très spécifique et avec une affinité élevée les antigènes contre lesquels ils ont été produits.

Les Ig le plus souvent utilisées appartiennent à la classe des IgG.

Le site de la molécule d’Ig se liant à l’épitope antigénique est appelé « paratope » et se trouve au niveau des domaines hypervariables du fragment Fab.

Les anticorps sont polyclonaux ou monoclonaux.

1- Anticorps polyclonaux (ACP) :

Ils sont obtenus par immunisation d’un animal (lapin ou chèvre le plus souvent) par injections répétées de l’antigène purifié, puis par purification du sérum de l’animal (par exemple par chromatographie d’affinité).

La production des ACP (qui représentent en fait un mélange aléatoire d’ACM reconnaissant des épitopes variés) est relativement rapide et simple.

Cependant, ces réactifs ne sont pas homogènes ni parfaitement reproductibles et peuvent contenir des anticorps contaminants présents dans le sérum des animaux ayant servi à leur production ; leur avidité pour l’antigène peut être faible.

2- Anticorps monoclonaux :

Produits pour la première fois par Köhler et Milstein en 1975, ils sont généralement obtenus chez la souris par la technique des hybridomes.

Ils sont sécrétés par un clone cellulaire immortalisé, résultant de la fusion d’une cellule myélomateuse avec un lymphocyte B de l’animal immunisé par l’antigène.

Par rapport aux ACP, les ACM présentent les avantages suivants : ils sont homogènes et donc monospécifiques, reconnaissant un seul épitope ; ils peuvent être produits (théoriquement) en quantité illimitée, puisqu’ils sont sécrétés par des cellules immortalisées ; enfin, en raison de la sélection des clones, l’immunogène servant à l’immunisation des animaux peut ne pas être purifié.

La production des ACM est assez longue et nécessite des moyens élaborés ; ces réactifs sont donc plus onéreux que les ACP.

L’affinité d’un ACM correspond à la force de sa liaison à l’antigène, et est exprimée par la constante d’affinité.

Les ACP sont caractérisés par leur avidité, résultante de l’affinité de chaque anticorps composant l’ACP.

En immunohistochimie, les anticorps doivent avoir une affinité/avidité élevée, garantissant que l’anticorps restera fixé sur l’antigène pendant les étapes successives de la réaction immunohistochimique.

C – MARQUEURS :

Ce sont les substances visibles (en lumière blanche, ultraviolette ou en microscopie électronique) qui permettent de repérer le site de fixation de l’anticorps sur l’antigène recherché.

Ces marqueurs sont couplés de façon covalente à une autre molécule (anticorps primaire ou secondaire, protéine A).

Un bon marqueur doit pouvoir :

– être disponible sous forme purifiée ;

– ne pas altérer l’affinité de l’anticorps sur lequel il est fixé ;

– ne pas être présent dans le tissu à étudier ;

– être stable dans le temps.

Les marqueurs le plus couramment utilisés sont les suivants.

1- Marqueurs fluorescents (fluorochromes) :

Il s’agit de substances qui ont la propriété d’émettre instantanément une lumière visible lorsqu’elles sont excitées par une lumière de longueur d’onde inférieure à celle de la lumière d’émission.

À chaque fluorochrome (isothiocyanate de fluorescéine : FITC ; isothiocyanate de tétraméthylrhodamine : TRITC ; phycoérythrine, acide acétique aminométhylcoumarinique…) correspond une longueur d’onde d’excitation et d’émission précise (FITC : 490/525 nm, fluorescence verdâtre ; TRITC : 530/580 nm, fluorescence rouge), ce qui permet d’utiliser plusieurs fluorochromes sur la même coupe pour détecter des antigènes différents par des techniques de double ou triple immunomarquage (ceci nécessite l’utilisation de filtres appropriés).

Les techniques immunohistochimiques utilisant des fluorochromes comme marqueurs correspondent à l’« immunofluorescence ».

Cette technique permet un contraste net entre l’antigène recherché et les tissus voisins (rapport signal/bruit élevé).

Les inconvénients des marqueurs fluorescents sont représentés par :

– la diminution progressive de la fluorescence avec le temps (fading) (qui peut être toutefois partiellement palliée par l’utilisation de milieux de montage spéciaux contenant des agents antioxydants, comme la p-phénylène diamine ou le n-propylgallate) ;

– la nécessité d’utiliser un microscope coûteux, émettant généralement une lumière ultraviolette en épifluorescence, et équipé de filtres permettant de séparer la lumière émise de la lumière d’excitation ;

– la présence relativement fréquente, au sein des tissus, de substances fluorescentes qui peuvent être confondues avec le fluorochrome-marqueur.

Au niveau de la peau, une autofluorescence d’intensité variable est observée au niveau de la couche granuleuse, des fibres de collagène ou de l’élastine (notamment en cas d’élastose) ainsi que sur les pelotons sudoraux eccrines.

Malgré ces inconvénients, les marqueurs fluorescents restent largement utilisés pour le diagnostic courant et pour la recherche.

2- Marqueurs enzymatiques :

Il s’agit d’enzymes qui catalysent avec une grande efficacité des substrats incolores (rajoutés à la fin de la réaction immunohistochimique) en chromogènes visibles.

Les plus utilisés sont :

– la peroxydase du raifort (40 kDa) qui possède un groupement contenant du fer (hématine) ; celui-ci agit sur le peroxyde d’hydrogène en libérant un atome d’oxygène, qui provoque l’oxydation du substrat ;

– la phosphatase alcaline de l’épithélium intestinal bovin (100 kDa), qui mobilise des groupements phosphate ;

– la glucose-oxydase d’Aspergillus niger (185 kDa) qui a l’avantage de ne pas être présente dans les tissus humains ; cependant, elle est moins sensible que la peroxydase ou la phosphatase alcaline, nécessitant des concentrations supérieures de l’anticorps primaire ;

– la â-galactosidase d’Escherichia coli (500 kDa) ; au pH optimal de 7-7,5, il n’y a pas d’interférence avec la â-galactosidase des mammifères (pH 5,5-6).

Les marqueurs enzymatiques ne sont pas spontanément visibles, mais doivent être révélés par incubation avec leur substrat chromogène, spécifique de chaque enzyme.

Les substrats catalysés forment un dépôt de couleur caractéristique, visible en microscopie optique (et pour certains en microscopie électronique).

Les substrats chromogènes le plus couramment utilisés sont :

– pour la peroxydase : la diaminobenzidine (DAB, coloration marron-noir qui peut même être intensifiée par une contrecoloration avec des métaux lourds, comme l’osmium, l’or colloïdal, l’argent, le nickel ou le cobalt), l’aminoéthylcarbazole (AEC, coloration rouge-marron), le chloronaphtol (coloration bleue) et la p-phénylène diamine hydrochloride (pPDD, coloration bleu-noir) ;

– pour la phosphatase alcaline : le fast-red TR ou le fast-blue BB (colorations rouge et bleue, respectivement) et la nouvelle fuchsine (coloration rouge-pourpre) ;

– pour la glucose-oxydase : le nitro-bleu de tétrazolium (coloration bleu-noir) et le tétranitro-bleu de tétrazolium (TNBT, coloration marron).

Certains chromogènes (DAB, pPDD, nouvelle fuchsine, TNBT) sont insolubles aux solvants organiques et permettent la déshydratation des préparations et leur montage permanent ; les autres chromogènes nécessitent un montage en milieu aqueux.

Les marqueurs enzymatiques présentent certains avantages par rapport aux fluorochromes :

– ils peuvent être examinés avec un microscope optique classique, permettant une observation plus confortable ;

– les colorations sont relativement stables dans le temps, et les préparations peuvent être conservées sur de longues périodes ;

– certains peuvent être utilisés aussi pour la microscopie électronique.

Un inconvénient potentiel est leur présence endogène au sein des tissus à étudier, ce qui peut provoquer des réactions « faussement » positives, c’est-à-dire ne correspondant pas à la localisation du marqueur exogène (et donc de l’antigène recherché).

3- Marqueurs métalliques particulaires (or colloïdal, ferritine) :

Ils sont surtout utilisés pour l’immunomicroscopie électronique.

Ils permettent une évaluation de l’intensité du marquage par comptage du nombre de grains.

L’utilisation de grains d’or de taille variable (allant de 5 à 40 nm) permet des doubles, voire des triples marquages.

4- Autres :

Certains colorants (red dye R-salt) peuvent être conjugués à des anticorps ; ils sont cependant peu utilisés car peu sensibles.

D – RÉACTION ANTIGÈNE-ANTICORPS :

Elle est due à l’interaction entre l’épitope et le paratope correspondant, et fait intervenir quatre types de liaisons non covalentes : liaisons hydrogènes, liaisons électrostatiques, forces Van der Waals et liaisons hydrophobes.

En pratique, elle se fait selon différentes techniques qui se distinguent en techniques directes, indirectes et amplificatrices, de sensibilité variable.

1- Technique directe :

Elle utilise un anticorps primaire directement lié à la molécule marqueur (fluorescéine, peroxydase, etc).

Il s’agit d’une technique rapide, réalisée en une seule étape, mais qui présente une sensibilité inférieure à celle des techniques indirectes et amplificatrices.

L’exemple type en est l’« immunofluorescence directe », réaction utilisant des anticorps anti-Ig et anticomplément humain couplés à la fluorescéine, appliqués sur coupes congelées de peau (péri-) lésionnelle pour le diagnostic de dermatoses auto-immunes comportant des dépôts d’immunoréactifs (pemphigus, pemphigoïdes, dermatite herpétiforme, lupus érythémateux, vasculites…).

La technique brevetée « EPOS » est une variante de la technique directe ; elle se réalise en un seul temps mais présente une sensibilité très augmentée (amplification), car elle utilise un polymère sur lequel sont fixées plusieurs molécules d’anticorps primaire et de marqueur (peroxydase).

2- Technique indirecte classique :

C’est une technique à deux étapes : la première consiste à incuber la préparation avec l’anticorps primaire, reconnaissant l’antigène recherché ; la seconde étape consiste à rajouter l’anticorps secondaire, c’est-à-dire un anticorps dirigé contre les Ig de l’animal qui a fourni l’anticorps primaire.

Cet anticorps est couplé au marqueur et est alors appelé « conjugué ».

Une variante de la technique indirecte utilise la protéine A du staphylocoque doré, molécule monocaténaire de 42 kDa se liant avec une haute affinité à plusieurs sous-classes d’Ig.

La protéine A peut être couplée à des molécules marqueurs (fluorescéine, peroxydase, or colloïdal…) et est ainsi utilisée comme conjugué à la place de l’anticorps secondaire marqué.

Ses avantages sont la rapidité de liaison aux Ig, la petite taille de la molécule (évitant les problèmes d’encombrement stérique), la diminution du bruit de fond (car les tissus ne possèdent en général pas de sites endogènes fixant cette protéine).

Cependant, l’affinité de liaison de la protéine A aux Ig varie en fonction de la sous-classe d’Ig : chez l’homme, elle est maximale pour les IgG1, IgG2 et IgG4.

La technique indirecte est plus sensible que la technique directe.

L’exemple type en est l’« immunofluorescence indirecte », couramment utilisée pour la détection d’autoanticorps circulants dirigés contre des structures épithéliales.

L’anticorps primaire est le sérum du patient, qui est appliqué à différentes dilutions sur différents substrats épithéliaux en fonction de la pathologie suspectée ; il est ensuite révélé par un conjugué (en général sérum immun de chèvre ou de lapin anti-Ig humaines couplé à la fluorescéine).

La technique indirecte en trois étapes est une modification de la technique précédente : après les deux étapes de celle-ci, on rajoute un deuxième anticorps lié au marqueur (deuxième conjugué), dirigé contre les Ig correspondant à l’anticorps secondaire (premier conjugué).

Ce protocole permet une amplification du signal, puisqu’il dépose au moins deux molécules marqueurs par molécule d’antigène.

Une variante de la technique indirecte est la technique utilisant le complément, qui permet de détecter des anticorps présents en faible quantité, mais qui fixent le complément.

Le sérum à étudier doit être inactivé par échauffement (56 °C pendant 30 minutes), afin de détruire le complément endogène.

Après incubation du sérum inactivé sur le substrat épithélial désiré, du complément frais (humain ou de lapin) est rajouté ; l’anticorps primaire fixe alors plusieurs molécules de C3 (amplification).

La réaction est révélée par un anticorps anticomplément marqué à la fluorescéine.

Cette technique est utilisée pour révéler les anticorps circulants au cours de la pemphigoïde gestationis (herpes gestationis factor).

3- Techniques amplificatrices :

Elles ont pour but d’augmenter la sensibilité de la détection des antigènes recherchés, en augmentant le nombre de molécules marqueurs par molécule d’antigène ; ceci permet de détecter des antigènes présents en faible quantité et aussi d’augmenter les dilutions des anticorps primaires (qui sont en général les réactifs les plus coûteux).

Ces techniques sont actuellement très largement utilisées en immunohistopathologie diagnostique.

Il en existe plusieurs variétés.

* Technique peroxydase-antiperoxydase (PAP) :

Elle utilise un complexe anticorps-peroxydase, cet anticorps étant de la même origine animale que l’anticorps primaire.

Le tissu à étudier est incubé avec l’anticorps primaire, puis avec un anticorps secondaire dirigé contre l’anticorps primaire (et le complexe anticorps-peroxydase) ; la dernière étape consiste à l’incubation avec le complexe anticorps-peroxydase, qui se fixe sur l’anticorps secondaire (qui sert ainsi de « pont » entre les anticorps de la première et de la troisième couche).

Le complexe anticorpsperoxydase comporte plusieurs molécules de peroxydase, d’où amplification du signal.

Selon le même principe, il existe des techniques de phosphatase alcaline-antiphosphatase alcaline (PAAPA) et de glucose-oxydase-antiglucose-oxydase.

La technique PAP a été largement utilisée dès 1970, mais tend à être supplantée par des techniques plus récentes, reposant notamment sur le système (strept-) avidine-biotine.

* Technique (strept-) avidine-biotine-peroxydase :

Elle repose sur la grande affinité que possède l’avidine, glycoprotéine de 68 kDa extraite du blanc d’oeuf, pour la biotine, vitamine de 244 kDa, et sur le fait que chaque molécule d’avidine possède quatre sites de fixation pour la biotine, permettant l’amplification du signal. Plusieurs protocoles ont été élaborés sur la base de l’interaction avidine-biotine.

Le plus simple (complexe avidine-biotine, ABC), réalisé en trois étapes, consiste à incuber le tissu avec l’anticorps primaire, puis avec un anticorps secondaire (conjugué) couplé à la biotine (chaque molécule d’anticorps biotinylé peut comporter plusieurs molécules de biotine).

La dernière étape consiste à incuber la préparation avec un complexe avidine-biotine-peroxydase, préparé extemporanément ; ceci aboutit au dépôt de plusieurs molécules de peroxydase sur le site antigénique.

Une variante est la méthode de biotine-avidine marquée (labelled avidin-biotin), qui utilise comme troisième étape l’avidine directement couplée à la peroxydase (à la place des complexes avidine-biotine).

Cette variante serait plus sensible que les méthodes ABC et PAP.

D’autres marqueurs enzymatiques (phosphatase alcaline) ou fluorescents (FITC) peuvent également être utilisés selon le même schéma (avidine-biotine-phosphatase alcaline, avidine-biotine-fluorescéine).

Plus récemment, l’avidine a été remplacée par la streptavidine, protéine de 60 kDa extraite de Streptomyces avidinii ; comme l’avidine, elle possède quatre sites de fixation pour la biotine mais présente l’avantage de provoquer moins de fixations non spécifiques (sur les mastocytes, par exemple) en raison d’un pI neutre et l’absence de résidus glucidiques.

Il faut rappeler que certains tissus peuvent contenir de la biotine (endogène) qui peut fixer la streptavidine ; les techniques utilisant des produits biotinylés doivent donc comprendre une étape préliminaire d’inhibition de la biotine endogène, habituellement par incubations successives préalables des tissus alternativement avec de l’avidine et de la biotine.

Une variante plus récente reposant sur la liaison streptavidinebiotine est la technique (brevetée) d’amplification par catalysation du signal (catalyzed signal amplification system : CSA) : après incubation avec l’anticorps primaire, la préparation est successivement incubée avec un anticorps secondaire biotinylé, un complexe streptavidine-peroxydase primaire, puis avec de la tyramide biotinylée qui est oxydée par la peroxydase primaire ; ceci conduit au dépôt de quantités importantes de biotine, qui ensuite fixe la streptavidine-peroxydase secondaire rajoutée à la fin de la réaction.

* Technique « EnVision » :

Il s’agit d’une technique brevetée rapide (deux étapes) de haute sensibilité.

Elle est basée sur l’utilisation d’un polymère de dextran hydrophile et non chargé, sur lequel sont fixés de façon covalente un grand nombre (50-500) de molécules enzymatiques (peroxydase ou phosphatase alcaline) ainsi que 10-50 molécules de l’anticorps secondaire.

Ce polymère est appliqué sur la préparation après application de l’anticorps primaire.

Cette technique est de réalisation simple et rapide ; par rapport aux techniques basées sur l’interaction entre la streptavidine et la biotine, elle offre l’avantage de ne pas utiliser des anticorps secondaires (qui peuvent être source de réactions croisées ou provoquer un bruit de fond) ni la streptavidine, qui peut se fixer sur la biotine endogène.

E – CONTRE-COLORATION :

À la fin de la réaction immunohistochimique, une contre-coloration nucléaire est généralement réalisée, permettant une meilleure visualisation des cellules (marquées ou non) au sein de la préparation et une interprétation plus aisée de l’immunomarquage.

Les colorants nucléaires sont des agents intercalants de l’acide désoxyribonucléique (ADN), comme l’iodure de propidium, le bromure d’éthidium ou le bleu Evans (utilisés en immunofluorescence) ou des colorants (comme l’hématoxyline de Mayer, la phloxine et le fast green), utilisés avec les marqueurs enzymatiques.

Il existe actuellement dans le commerce des coffrets contenant la plupart des produits nécessaires à la réalisation des réactions immunohistochimiques (à l’exception généralement des anticorps primaires), ce qui simplifie grandement l’application de ces méthodes en routine, et a contribué à leur large diffusion.

Depuis quelques années, des automates ont même été mis au point, permettant de réaliser ces techniques de façon quasi-automatique.

F – SENSIBILITÉ :

La sensibilité d’une technique immunohistochimique est définie par la quantité minimale d’antigène pouvant être détectée par cette technique. Elle dépend de différents facteurs, comme :

– les méthodes de préparation de l’échantillon (fixation, inclusion) qui modifient l’antigénicité ;

– la nature de l’antigène : un antigène contenant de multiples épitopes sera détecté plus facilement (les techniques de démasquage antigénique agissent à ce niveau, en exposant des épitopes « masqués » par le fixateur) ;

– l’accessibilité de l’antigène : les antigènes membranaires sont plus exposés que les antigènes cytoplasmiques, qui sont généralement protégés par des structures membranaires, imperméables aux réactifs (Ig notamment).

Les coupes exposent les antigènes cytoplasmiques, qui peuvent être rendus encore plus accessibles par des traitements avec des agents détergents (Triton, saponine…) ;

– la taille des immunoréactifs : les fragments Fab’ par exemple (46 kDa) pénètrent plus facilement dans les tissus que les Ig entières (156 kDa) ou les complexes PAP (440 kDa) ;

– le protocole de réaction immunohistochimique : les techniques d’amplification ont évidemment une sensibilité supérieure à celle des techniques directes ou indirectes classiques.

Par ailleurs, la nature (couleur) du chromogène intervient également, puisque les cellules de la rétine de l’oeil sont plus sensibles à des longueurs d’onde proches de 555 nm.

En pratique, il est indispensable de posséder un contrôle positif qui permet d’évaluer la sensibilité de chaque expérience.

En immunohistopathologie, le meilleur contrôle est interne, représenté par des cellules de la peau normale adjacente connues pour exprimer l’antigène recherché ; sinon, une coupe d’un autre tissu contenant l’antigène peut également être utilisée.

G – SPÉCIFICITÉ :

Elle correspond à la détection réelle de l’antigène recherché.

Elle doit être soigneusement vérifiée, car il existe plusieurs causes de réactivités faussement positives (non spécifiques).

1- Non-spécificité immunologique :

Deux antigènes différents peuvent posséder des motifs antigéniques communs, qui seront reconnus indifféremment par un anticorps censé réagir avec l’une des deux molécules.

Ainsi, les anticorps antineurofilaments peuvent parfois réagir avec les noyaux, en raison d’homologies de séquence entre les neurofilaments et les lamines, protéines nucléaires.

D’autre part, les anticorps primaires peuvent contenir des anticorps « contaminants » qui donneront une réactivité inattendue ; à titre d’exemple, le sérum des lapins contient souvent des autoanticorps (naturels) antikératine.

Ce problème peut être évité par purification minutieuse des antisérums.

2- Non-spécificité non immunologique :

Elle peut avoir plusieurs origines :

– la fixation du fragment Fc des anticorps utilisés sur des récepteurs Fc présents sur les phagocytes et les monocytes tissulaires ;

– la fixation d’anticorps fixant le complément (IgG) sur des molécules de complément endogène ;

– la présence de marqueurs endogènes : l’hémoglobine (érythrocytes), la myoglobine (cellules musculaires), les cytochromes (monocytes, polynucléaires éosinophiles et neutrophiles, basophiles, histiocytes) et les catalases (foie, rein) ont une activité peroxydasique.

Les réactions utilisant la peroxydase doivent donc comporter une étape initiale d’inhibition de l’enzyme endogène, qui se fait par incubation préalable avec de l’eau oxygénée à 3 % pendant 5-10 minutes.

L’activité phosphatase alcaline endogène peut être inhibée par le lévamisole.

La glucose-oxydase échappe à cette règle puisqu’elle n’est pas présente dans les tissus des mammifères.

Par ailleurs, certains tissus (rein, pancréas, foie) contiennent de la biotine qui peut fixer les molécules de streptavidine ;

– la fixation de l’avidine sur l’héparine contenue dans les mastocytes ;

– la fixation de la protéine A sur des Ig présentes dans les tissus ;

– la fixation des réactifs sur des tissus nécrotiques, le bord des coupes, le tissu conjonctif…

Enfin, il ne faut pas négliger la présence dans les tissus de pigments pouvant ressembler au substrat chromogène (par exemple mélanine et DAB) ; ceci peut imposer le choix d’un substrat chromogène différent.

La vérification de la spécificité d’une réaction immunohistochimique (contrôle négatif) est très importante mais quelquefois difficile à obtenir.

La méthode la plus rigoureuse est la pré-incubation de l’anticorps primaire avec l’antigène purifié, qui doit abolir l’immunoréactivité de l’anticorps utilisé ensuite dans la réaction immunohistochimique.

Cette méthode étant très difficilement réalisable, en pratique on se contente de la substitution de l’anticorps primaire avec un antisérum non-immun (idéalement de la même sous-classe que l’anticorps primaire si celui-ci est monoclonal), ce qui doit conduire également à une absence de réactivité.

H – TECHNIQUES SPÉCIALES :

1- Immunomarquages multiples :

La combinaison appropriée de deux techniques immunohistochimiques permet la réalisation de doubles, voire de triples marquages, intéressants pour étudier la relation spatiale entre deux ou trois antigènes présents sur la même coupe.

Ces marquages nécessitent l’utilisation de marqueurs (enzymatiques et/ou fluorescents) différents et d’anticorps qui ne donnent pas de réactivités croisées.

Plus encore que pour les techniques simples, des contrôles négatifs rigoureux sont nécessaires afin de s’assurer de la spécificité des résultats obtenus.

2- Immunohistochimie quantitative :

Elle permet de déterminer la concentration d’un antigène (de façon absolue ou relative) à l’échelle de la microscopie optique ou électronique.

En microscopie optique, la concentration d’un antigène est évaluée par l’intensité (relative) de la densité optique produite par un substrat chromogène.

Elle peut être exprimée de façon semiquantitative (par l’observateur) selon une échelle numérique arbitraire (1 +, 2 +, etc).

Cette estimation n’a qu’une valeur relative, mais permet de faire des comparaisons entre différents prélèvements qui devront toutefois avoir été traités de façon identique (fixation, inclusion, immunomarquage, etc).

La quantification de l’intensité du marquage peut également être réalisée par un équipement spécial (caméra microphotographique) relié au microscope, technique qui n’est pas très utilisée en pratique courante.

En microscopie électronique, la quantification de l’intensité du marquage peut aussi se faire par estimation de la densité du substrat chromogène, ou mieux par comptage des particules de marqueur lorsque des marqueurs particulaires (or colloïdal) sont utilisés.

Antigènes de différenciation (marqueurs immunohistochimiques) de la peau normale :

Les différents types cellulaires qui composent la peau humaine expriment des antigènes, reconnaissables par des ACM ou ACP spécifiques.

Lorsque ces antigènes sont suffisamment sensibles et spécifiques d’un type cellulaire, ils peuvent être utilisés comme des « marqueurs immunohistochimiques » permettant l’identification des cellules sur des coupes histologiques.

Ces marqueurs sont précieux pour le diagnostic, notamment des tumeurs cutanées indifférenciées, dont l’origine histogénétique ne peut être définie en histologie classique.

En outre, plusieurs macromolécules de la matrice extracellulaire (notamment des membranes basales) peuvent être reconnues par des anticorps spécifiques, qui sont très utiles dans le diagnostic des maladies bulleuses, acquises et surtout héréditaires (épidermolyses bulleuses génétiques).

Les composants de la peau qui peuvent être reconnus spécifiquement par immunohistochimie sont les suivants.

A – ÉPIDERME :

Il est constitué de cellules épithéliales, les kératinocytes (85-90 %) et de cellules résidentes de morphologie dendritique (10-15 %) (cellules de Langerhans, mélanocytes, cellules de Merkel).

1- Kératinocytes :

Ils expriment les kératines (K), famille multigénique de protéines fibreuses de la classe des filaments intermédiaires.

Les polypeptides de kératine sont classifiés selon leur poids moléculaire (PM) et leur pI en kératines de faible PM (40-56,5 kDa) ou kératines acides (pI < 5,5) ou de type I, et en kératines de haut PM (52-67 kDa) ou kératines neutres/basiques (pI > 6) ou de type II.

Le catalogue de Moll, basé sur cette classification, comprend 20 polypeptides différents (K1-K9 de type II et K10-K20 de type I).

Chaque kératinocyte exprime des polypeptides de kératine par paires, constituées d’un filament acide et d’un filament basique, selon un schéma qui dépend de la différenciation de la cellule.

Dans l’épiderme normal, les kératinocytes expriment les K5 et K14/K15 au niveau de la couche basale, les K1 et K10 dans les couches suprabasales et les K2 et K11 dans la couche granuleuse. Les kératinocytes de la peau plantaire expriment la K9.

Les kératinocytes activés ou hyperprolifératifs expriment les K6 et K16.

Plusieurs ACM monospécifiques existent qui permettent la détection de polypeptides individuels de kératine.

Les kératinocytes expriment également des protéines desmosomales (desmoplakines, desmogléines, desmocollines, plakoglobine), antigènes épithéliaux spécifiques et sensibles.

Les kératinocytes des couches supérieures expriment en plus des antigènes très spécifiques de la différenciation épithéliale : (pro-) filaggrine (37 kDa), composant des grains de kératohyaline, protéines cytoplasmiques précurseurs de l’enveloppe cornée (involucrine, loricrine, kératolinine, envoplakine, cornifine, élafine…).

2- Cellules de Langerhans :

Ce sont des cellules dendritiques résidentes des épithéliums stratifiés, dérivant de précurseurs médullaires CD34+ ; elles constituent 2-8 % de la population cellulaire totale de l’épiderme humain normal et sont caractérisées en ultrastructure par la présence du granule de Birbeck.

Les deux marqueurs immunohistochimiques les plus spécifiques des cellules de Langerhans dans la peau sont l’antigène Lag, associé aux granules de Birbeck et reconnu par l’ACM homonyme, et l’antigène CD1a, glycoprotéine membranaire de 49 kDa exprimée aussi par les thymocytes corticaux.

Les cellules de Langerhans expriment également la protéine S100b, membre d’une famille de protéines acides liant le calcium, la vimentine, les antigènes HLA (human leukocyte antigen) de classe II et les récepteurs pour les IgG et le C3.

3- Mélanocytes :

Ce sont des cellules de la couche basale de l’épiderme, originaires de la crête neurale.

Elles sont spécifiquement reconnues grâce à l’expression de l’antigène Melan-A/MART-1, protéine membranaire composée de 118 acides aminés, de la tyrosinase et de la glycoprotéine associée à la pigmentation (75 kDa).

Les mélanocytes expriment également de façon constitutive l’oncoprotéine bcl-2 (25 kDa), la protéine S100ab et la vimentine.

La glycoprotéine gp100, reconnue par l’ACM HMB-45, est associée aux prémélanosomes ; elle est exprimée dans les mélanocytes embryonnaires, les mélanocytes du bulbe pilaire, et les mélanocytes épidermiques activés (mais pas par ceux de l’épiderme adulte normal).

4- Cellules de Merkel :

Ce sont des cellules neuroendocrines de l’assise basale de l’épiderme et de l’épithélium folliculaire, dont l’origine est encore discutée (crête neurale ou cellules souches épidermiques).

Les cellules de Merkel expriment les kératines de faible PM (K8, 18, 19 et 20), la K20 étant probablement le meilleur marqueur des cellules de Merkel dans la peau.

Les autres marqueurs des cellules de Merkel (de moindre sensibilité) sont la chromogranine A, composant protéique de 68 kDa des granules neurosécrétoires, l’énolase neuronale spécifique (isoformes á et ç), enzyme glycolytique des cellules neuronales et neuroendocrines, la synaptophysine, protéine acide de 38 kDa associée aux vésicules synaptiques, la neural cell adhesion molecule (N-CAM) et divers neuropeptides (protein gene product 9.5, met-enképhaline, calcitonin-gene related peptide, vasoactive intestinal polypeptide).

B – ANNEXES ÉPIDERMIQUES :

Elles sont constituées de kératinocytes spécialisés qui expriment les marqueurs épithéliaux, notamment les kératines et les antigènes desmosomaux.

Cependant, les kératinocytes annexiels expriment certains polypeptides de kératine particuliers, ainsi que certains antigènes qui les différencient des kératinocytes épidermiques.

1- Follicules pilosébacés :

À côté des kératines « molles » des kératinocytes épidermiques, dix autres polypeptides de kératines « dures » ou pilaires ont été décrits, qui sont exprimés au niveau des follicules pileux et de la tige pilaire.

Ces polypeptides sont classés en kératines de type I ou acides (polypeptides Ha1-4 et Hax) et polypeptides de type II ou basiques/neutres (polypeptides Hbl-4 et Hbx).

Très récemment, il a été démontré que les kératinocytes du bulge pilaire, contenant les cellules souches du follicule pileux, expriment la kératine K15.

Dans les glandes sébacées, les sébocytes basaux expriment des quantités détectables de kératine.

Les sébocytes matures expriment les kératines de haut PM, l’antigène épithélial membranaire, protéine complexe hautement glycosylée de 70 kDa, et la glycoprotéine biliaire (160 kDa) appartenant à la famille de l’antigène carcinoembryonnaire (ACE) ; ils expriment également l’antigène Thomsen-Friedenreich (T) et, à moindre degré, son précurseur, l’antigène Tn (ce dernier, mais pas l’antigène T, est exprimé par les acariens Demodex folliculorum).

L’antigène OM-1 (antigène de cystadénocarcinome ovarien) et la lipase sont également des marqueurs sébacés.

2- Glandes sudorales :

Le marqueur le plus utilisé pour détecter la différenciation sudorale est l’ACE, glycoprotéine oncofoetale 180-200 kDa représentant un groupe hétérogène de plusieurs membres (NCA-1, NCA-2, NFA-2, glycoprotéine biliaire…).

L’ACE est détecté au niveau du pôle apical des cellules de la partie sécrétoire et excrétrice des glandes sudorales eccrines (GSE) et, à un moindre degré, apocrines (GSA).

L’antigène épithélial membranaire est détecté sur le pôle apical des cellules sécrétoires des GSE et des GSA, notamment au niveau des canalicules intercellulaires des GSE ; il est aussi exprimé, bien que moins intensément, sur le pôle apical des cellules du canal excréteur.

Les cellules sécrétoires des GSE et GSA expriment les kératines des épithéliums simples (n° 8, 18, 19).

Une sous-population de cellules sécrétoires des GSE (mais pas des GSA) exprime la protéine S100 et l’oncoprotéine bcl-2.

La gross cystic disease fluid protein-15 (GCDFP-15) est le représentant le mieux connu d’une famille de protéines isolées du liquide de la maladie kystique du sein, initialement considérée spécifique des épithéliums apocrines ; il semble toutefois que cet antigène soit parfois exprimé aussi par les GSE.

Les cellules myoépithéliales bordant la partie sécrétoire des GSE et des GSA expriment la kératine « contractile » K17 ainsi que l’actine musculaire spécifique.

C – JONCTION DERMOÉPIDERMIQUE (JDE) :

La JDE est une membrane complexe, assurant l’adhésion de l’épiderme au derme sous-jacent.

En ultrastructure, elle est constituée de quatre compartiments qui sont (de la surface vers la profondeur), la membrane plasmique des kératinocytes et les hémidesmosomes, la lamina lucida (LL) (avec ses filaments d’ancrage), la lamina densa (LD) et les fibres d’ancrage.

Plusieurs composants de la JDE sont actuellement bien caractérisés sur le plan biochimique et moléculaire.

L’antigène 1 de la pemphigoïde bulleuse (BPAG1 de 230 kDa), la protéine IFAP-300 (intermediate filament associated protein), l’intégrine á6b4 et la plectine sont associés aux hémidesmosomes.

L’antigène BPAG2 (ou collagène de type XVII de 180 kDa) est un composant transmembranaire des hémidesmosomes qui traverse la LL et contribue probablement à la formation des filaments d’ancrage.

Les laminines sont une famille de glycoprotéines avec au moins 11 isoformes connues aujourd’hui, dont chacune est constituée de trois chaînes (a, b et ç).

La JDE contient la laminine 1 (á1b1c1), la laminine 5 (précédemment connue comme nicéine, kalinine ou épiligrine) (á3b3c2) et la laminine 6 (á3b1c1), associées à la LL et à la partie supérieure de la LD. Le collagène de type IV est le composant majeur de la LD alors que le collagène de type VII (290 kDa) forme les fibres d’ancrage.

D’autres antigènes ont été identifiés mais pas encore complètement caractérisés sur le plan biochimique et/ou moléculaire : uncéine (antigène 19-DEJ-1), antigène NU-T2, antigènes KF1, LDA1, nidogène, héparane-sulfate protéoglycane et chondroïtine-sulfate protéoglycane, antigènes AF1 et AF2, thrombospondine, collagène de type V et ostéonectine/BM-40.

Un antigène de 97 kDa reconnu par des sérums de patients atteints de dermatose à IgA linéaire (« ladinine ») a été décrit et considéré comme l’autoantigène spécifique de cette maladie ; cependant, cette molécule est très proche de l’antigène BPAG2, et pourrait être codée par le même gène que celui-ci par épissage alternatif.

L’étude des antigènes de la JDE est d’une importance capitale pour le diagnostic des maladies bulleuses sous-épidermiques, acquises et surtout congénitales (épidermolyses bulleuses héréditaires).

D – DERME :

Il s’agit d’un tissu conjonctif ordonné, composé de cellules résidentes et d’une matrice extracellulaire, constituée de protéines (fibreuses ou non) ; il contient également des cellules en transit, des vaisseaux (sanguins et lymphatiques), des filets nerveux et des structures musculaires.

1- Matrice extracellulaire :

Les composants macromoléculaires du tissu conjonctif (divers types de collagène, élastine, fibronectine, tenascine, épimorphine…) peuvent être reconnus par des ACM ou ACP spécifiques.

2- Fibroblastes (et fibrocytes) :

Cellules fondamentales de tous les tissus conjonctifs, elles expriment les marqueurs mésenchymateux (vimentine et antigène Te7). Récemment, des anticorps ont été produits (FibAS) supposés spécifiques des fibroblastes humains.

Les myofibroblastes, cellules apparentées aux fibroblastes apparaissant au cours du processus de cicatrisation, expriment, en plus des marqueurs mésenchymateux, l’actine musculaire (et quelquefois la desmine).

3- Mastocytes :

Ce sont des cellules d’origine médullaire, résidant dans l’espace périvasculaire du derme ; elles sont habituellement identifiées par des colorations histochimiques ou histoenzymatiques mais peuvent aussi être reconnues par des anticorps antitryptase et antichymase.

Par ailleurs, les mastocytes (comme les mélanocytes) expriment l’oncoprotéine c-kit.

4- Dendrocytes dermiques :

Ils représentent un réseau de cellules hétérogènes de morphologie dendritique qui ont été pratiquement découvertes grâce à l’immunohistochimie.

In vivo, au moins deux types de dendrocytes dermiques existent dans le derme humain.

Les dendrocytes dermiques du premier type (DD I) sont reconnus grâce à l’expression spécifique du facteur de coagulation XIIIa, protransglutaminase intracellulaire qui stabilise la fibrine.

Les DD I sont présents autour des vaisseaux capillaires du derme papillaire, autour des pelotons sudoraux et au sein des septa conjonctifs de l’hypoderme.

Ils expriment les marqueurs mésenchymateux (vimentine, Te7), ainsi que certains antigènes membranaires des cellules présentatrices d’antigène (HLe1, HLA DR/DQ, CD14, CD36) mais pas les antigènes Lag, CD1a ou la protéine S100.

Le second type de dendrocytes dermiques (DD II) est caractérisé par l’expression de l’antigène CD34 (ou human progenitor cell antigen, HPCA-1), glycoprotéine transmembranaire de 105-120 kDa.

Les DD II expriment les antigènes mésenchymateux, mais sont facteur XIIIa, CD1a et protéine S100 négatifs ; ils sont retrouvés dans le derme moyen et profond, notamment autour des pelotons sécrétoires eccrines et des follicules pileux, à la hauteur du bulge.

Les DD I, les DD II et les cellules de Langerhans représentent donc des types cellulaires distincts, reconnus par l’expression (in vivo mutuellement exclusive) du facteur XIIIa et des antigènes CD34 et CD1a/Lag, respectivement.

5- Lymphocytes :

Le derme humain normal peut occasionnellement contenir des lymphocytes.

Ceux-ci peuvent être caractérisés par l’expression des antigènes CD (cluster of differentiation), molécules habituellement membranaires exprimées par les sous-populations leucocytaires.

Plus de 200 antigènes CD sont actuellement connus, qui permettent de différencier les sous-populations lymphocytaires (lymphocytes T auxiliaires ou suppresseurs/cytotoxiques, lymphocytes B, cellules natural killer [NK], monocytes/macrophages…), souvent sur des coupes fixées au formol.

6- Vaisseaux cutanés :

Le marqueur le plus spécifique des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins dans la peau est le facteur von Willebrand (antigène lié au facteur VIII) (exprimé aussi par les mégacaryocytes et les plaquettes).

L’antigène CD31 ou PECAM-1 (platelet-endothelial cell adhesion molecule 1), glycoprotéine de 130 kDa impliquée dans l’adhésion des plaquettes sur les cellules endothéliales, est également un bon marqueur endothélial, exprimé aussi par les plaquettes, les mégacaryocytes et les lymphocytes B.

L’antigène CD34 est exprimé sur la membrane plasmique des cellules endothéliales au niveau des jonctions intercellulaires.

L’antigène H (comportant des résidus d’á-L-fucose), reconnu par la lectine Ulex Europaeus agglutinin-I (UEA-I) a été longtemps utilisé comme marqueur endothélial mais n’est pas très spécifique, puisque exprimé aussi par les kératinocytes différenciés.

L’anticorps PAL-E reconnaît les vésicules des cellules endothéliales.

Les cellules endothéliales des vaisseaux lymphatiques expriment la vimentine (comme leurs homologues sanguins), et faiblement le facteur von Willebrand, mais pas l’antigène CD34. Plus récemment, la thrombomoduline a été utilisée comme marqueur des cellules endothéliales vasculaires et lymphatiques.

La paroi musculaire des vaisseaux de moyen ou de gros calibre exprime les marqueurs musculaires.

Par ailleurs, les vaisseaux sanguins sont entourés de péricytes, exprimant la vimentine et l’actine musculaire.

7- Nerfs cutanés :

Les axones des nerfs dermiques expriment les neurofilaments (68, 160 et 200 kDa) et la périphérine, les filaments intermédiaires des cellules neuronales, ainsi que l’énolase neuronale spécifique.

Récemment, il a été démontré que les axones dermiques pénètrent dans l’épiderme, où ils viennent au contact avec les cellules de Langerhans ; ces axones sont visualisés grâce à l’expression de la protéine N-CAM, de la PGP 9.5 et du calcitonin gene-related peptide.

Les cellules de Schwann expriment la protéine S100, la protéine gliofibrillaire acide (GFAP), une glycoprotéine de 110 kDa associée à la myéline (reconnue en raison d’une réactivité croisée par l’anticorps monoclonal Leu-7, produit contre l’antigène CD57 des cellules NK), la protéine myélinique basique et l’antigène AHMY1.

Les fibroblastes périnerveux expriment (en plus de la vimentine) l’antigène épithélial membranaire.

8- Cellules musculaires lisses (muscles piloarrecteurs, paroi musculaire des vaisseaux) et striées :

Elles expriment la desmine, le filament intermédiaire de 53 kDa spécifique des cellules musculaires et l’actine musculaire spécifique (exprimée également par les péricytes, les myofibroblastes et les cellules myoépithéliales).

Les cellules musculaires lisses expriment en plus une isoforme spécifique de l’actine (á-actine).

La myoglobine, protéine monocaténaire et la titine (3 000 kDa) sont des antigènes cytoplasmiques spécifiques des cellules musculaires striées.

E – HYPODERME :

Il est constitué d’adipocytes, cellules qui perdent, lors de la préparation pour l’histologie, la majorité de leur contenu cytoplasmique ; cependant, elles présentent une expression péricellulaire de vimentine et de protéine S100.

Antigènes de prolifération cellulaire :

La prolifération cellulaire peut être étudiée à l’aide de marqueurs de prolifération, c’est-à-dire d’antigènes dont l’expression est corrélée à des phases précises du cycle cellulaire.

Les analogues de la thymidine (comme la 5’-bromodéoxyuridine : BrdU) sont incorporés dans l’ADN pendant la phase S et peuvent être détectés avec des anticorps spécifiques ; cette technique nécessite une pré-incubation du tissu avec la BrdU, ce qui limite son utilisation à des études expérimentales prospectives.

L’antigène Ki67 est une protéine nucléolaire exprimée dans toutes les cellules cyclantes (en phase G1, G2, S, et M) mais pas en phase G0 ; il peut être détecté sur des coupes fixées avec l’ACM MIB-1 et permet de définir la « fraction de croissance » du tissu.

L’antigène nucléaire de prolifération cellulaire (proliferating cell nuclear antigen/cycline) représente une famille de protéines auxiliaires de la polymérase ä de l’ADN, exprimée surtout pendant la phase S du cycle cellulaire. Dans la peau normale, les antigènes Ki67 et PCNA sont détectés dans un pourcentage variable de kératinocytes basaux de l’épiderme et de ses annexes, qui augmente au cours de dermatoses hyperprolifératives et de tumeurs.

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