Imagerie par résonance magnétique de diffusion et de perfusion et ischémie cérébrale

0
3170

Introduction :

Durant la dernière décennie, des progrès considérables ont été effectués en imagerie par résonance magnétique (IRM), permettant de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau sain et pathologique.

En complément des images anatomiques d’excellente qualité, obtenues grâce aux séquences conventionnelles, les nouvelles séquences IRM permettent une approche métabolique et physiopathologique des pathologies cérébrales.

Imagerie par résonance magnétique de diffusion et de perfusion et ischémie cérébraleAujourd’hui, la plupart des IRM d’installation récente sont équipées de techniques d’imagerie ultrarapides, permettant d’utiliser les nouvelles séquences IRM, telles la diffusion et la perfusion, en pratique clinique.

C’est dans le domaine de la pathologie cérébrovasculaire, ischémique aiguë en particulier, que l’impact de ces nouvelles séquences est le plus évident.

En quelques années, les techniques de diffusion, de perfusion et d’angiographie par résonance magnétique (ARM) sont devenues essentielles à la prise en charge des accidents ischémiques cérébraux (AIC) aigus.

Alors qu’elles étaient uniquement des outils de recherche il y a encore quelques années, ces techniques sont en passe de détrôner le scanner et de devenir l’imagerie de choix des AIC au stade aigu.

Dans cet article, nous résumons les principes de base des techniques de diffusion et de perfusion, et présentons leurs applications cliniques actuelles pour l’évaluation des patients suspects d’AIC aigu.

Méthodes :

A – IMAGERIE DE DIFFUSION :

1- Diffusion isotrope et coefficient de diffusion apparent :

C’est indiscutablement la plus robuste des nouvelles techniques d’imagerie et c’est la raison pour laquelle elle constitue la pièce maîtresse de l’imagerie des AIC à la phase aiguë.

Contrairement aux séquences conventionnelles pondérées en T1 ou T2 ou au scanner, les séquences de diffusion montrent l’ischémie cérébrale rapidement après la survenue des symptômes cliniques.

En effet, les lésions ischémiques se traduisent par un hypersignal sur les images de diffusion dès les premières minutes après une occlusion artérielle chez l’animal, et dès la 39e minute chez l’homme.

* Théorie :

La diffusion de molécules d’eau désigne les mouvements moléculaires aléatoires, ou mouvements browniens.

Ces mouvements sont dus à l’agitation thermique liée à l’énergie cinétique des molécules.

Dans un milieu liquide, en l’absence d’obstacle susceptible de gêner les mouvements moléculaires, la diffusion est dite libre et obéit à la loi de Fick.

Ainsi, la diffusion est importante dans l’eau pure et deux à dix fois moindre dans le tissu cérébral du fait de nombreux obstacles : membranes cellulaires, axones myélinisés, organites intracellulaires, macromolécules…

* Acquisition des images :

L’imagerie de diffusion, obtenue pour la première fois chez l’homme en 1985, rend compte de l’importance de ces mouvements moléculaires aléatoires au sein de chaque voxel exploré.

En IRM, la pondération en diffusion est obtenue en plaçant deux gradients intenses, appelés gradients de diffusion, de part et d’autre du pulse de 180° d’une séquence en écho de spin classique, selon la méthode de Stejskal-Tanner.

Ces gradients entraînent un déphasage puis un rephasage des protons des molécules d’eau.

Les protons immobiles seront parfaitement rephasés par le gradient de rephasage.

Ainsi, pour ces protons immobiles, l’application des gradients de diffusion n’entraîne aucune modification du signal.

Au contraire, après application du gradient de déphasage, les protons mobiles (en raison des mouvements de diffusion normaux) sont mal rephasés par le gradient de rephasage, ce qui se traduit sur l’image par une chute du signal IRM.

Ainsi, grâce aux gradients de diffusion, la chute de signal est le reflet direct des mouvements des molécules d’eau.

D’après l’équation d’Einstein (r2 = 2 Dt, où r correspond au déplacement d’une molécule, D au coefficient de diffusion et t au temps de diffusion), le déplacement d’une molécule dans un milieu caractérisé par un D = 10-3 mm2/s, mesuré pendant 100 ms, est de quelques micromètres. Dans les milieux biologiques, le coefficient de diffusion D, qui caractérise le degré de mobilité des molécules d’eau, est appelé coefficient de diffusion apparent (ADC).

L’atténuation du signal (SA) dans un voxel donné dépend de l’ADC dans ce voxel, selon la loi exponentielle suivante :

SA = e- b.ADC où b est une constante qui dépend des caractéristiques des gradients de diffusion.

La pondération en diffusion dépend de la valeur de b.

Plus b est élevé, plus la séquence est pondérée en diffusion. Les valeurs de b habituellement utilisées en clinique varient entre 300 et 1 000 s/mm2.

Des valeurs de b plus élevées sont aujourd’hui difficiles à obtenir sur les IRM utilisées en clinique, car l’intensité maximale des gradients de diffusion est généralement limitée à 22 mT/m.

L’allongement de l’intervalle entre les gradients ou de leur durée entraînerait une perte de signal du fait de l’allongement du temps d’écho.

En pratique clinique, la valeur de b = 1 000 s/mm2 offre aujourd’hui un bon compromis entre pondération en diffusion et rapport signal sur bruit, compte tenu des limites technologiques actuelles des IRM.

* Interprétation des images :

L’acquisition d’une série d’images avec différentes valeurs de b permet de calculer une carte du coefficient de diffusion de chaque voxel.

En fait, seules deux acquisitions avec des valeurs de b différentes (b = 0 s/mm2, b = 1 000 s/mm2) suffisent pour calculer une carte d’ADC.

En pratique clinique, il existe deux types d’images :

– les images brutes dites pondérées en diffusion, c’est-à-dire obtenues après application des gradients de diffusion (b = 1 000 s/mm2).

Ces images apparaissent directement sur la console d’acquisition de l’IRM ;

– les cartes d’ADC, qui correspondent aux images paramétriques d’ADC calculées en chaque pixel à partir des images pondérées en diffusion.

Un logiciel dédié est nécessaire pour obtenir ces images.

Selon les constructeurs, elles sont directement visualisées sur la console d’acquisition ou sur une console indépendante de post-traitement.

Ces images peuvent être présentées selon une échelle de gris ou de couleur.

Les zones dans lesquelles les mouvements de diffusion sont importants, c’est-à-dire ayant un ADC élevé (liquide céphalorachidien [LCR] par exemple) apparaissent hypo-intenses sur les images pondérées en diffusion.

Au contraire, les zones dans lesquelles les mouvements de diffusion sont limités (par exemple AIC aigu), c’est-à-dire ayant un ADC bas, apparaissent hyperintenses sur les images pondérées en diffusion.

Cependant, l’interprétation des images pondérées en diffusion n’est pas toujours simple.

Tous les hypersignaux visibles sur les images pondérées en diffusion ne correspondent pas à une baisse d’ADC.

En effet, les images pondérées en diffusion sont également fortement influencées par la pondération T2 des tissus.

En pratique, ceci signifie que toute lésion hyperintense en T2 (ce qui est le cas des AIC subaigus, et de la plupart des autres lésions, tumorales par exemple) peut rester hyperintense sur les images pondérées en diffusion sans qu’il existe pour autant de baisse d’ADC.

Cependant, ces hyperintensités dues à un allongement du T2 sont habituellement moins franches que celles liées à une diminution du coefficient de diffusion.

2- Isotropie/anisotropie :

L’équation simple SA = e-b.ADC suffit pour décrire les propriétés de diffusion d’un milieu à condition qu’il soit isotrope, c’est-à-dire que les mouvements de diffusion soient identiques dans toutes les directions de l’espace.

Un milieu homogène, tel l’eau pure, est isotrope, mais ce n’est pas le cas du tissu cérébral.

Le tissu cérébral est hétérogène en raison de la présence de nombreux obstacles au déplacement des molécules d’eau : membranes cellulaires, fibres myélinisées de la substance blanche…

Ainsi, dans le cerveau, la diffusion dépend de l’orientation des fibres myélinisées et est dite anisotrope.

Les molécules d’eau qui se déplacent perpendiculairement aux axones myélinisés ont des mouvements plus lents que les molécules d’eau qui se déplacent parallèlement aux fibres de myéline.

Ainsi, le signal en IRM varie en fonction de la direction dans laquelle on mesure les mouvements de diffusion, c’est-à-dire de la direction dans laquelle on applique les gradients de diffusion.

En pratique, les gradients de diffusion sont appliqués sélectivement selon un axe donné (par exemple, transversal ou antéropostérieur), ce qui permet une mesure des mouvements de diffusion dans cette direction.

Si l’on modifie la direction des gradients de diffusion, le signal se modifie en fonction de la direction des fibres de myéline.

L’anisotropie de la substance blanche est donc à l’origine d’hypersignaux sur les images pondérées en diffusion, qui peuvent être confondus avec des lésions ischémiques aiguës, elles aussi en hypersignal.

En pathologie ischémique aiguë, la technique la plus utilisée pour s’affranchir des hypersignaux liés aux effets d’anisotropie consiste à calculer une image dite isotrope.

Celle-ci est obtenue en moyennant le signal des images de diffusion après application des gradients dans les trois directions principales, xx’, yy’, zz’.

L’image obtenue est relativement homogène, c’est-à-dire sans effet d’anisotropie, et permet de visualiser les modifications locales des propriétés de la diffusion isotrope, telles que celles observées en cas d’AIC aigu .

3- Diffusion anisotrope ou tenseur de diffusion :

L’imagerie en tenseur de diffusion est une technique de diffusion plus sophistiquée, dans laquelle les gradients de diffusion sont appliqués successivement dans au moins six directions de l’espace, et non plus seulement dans les directions xx’, yy’ et zz’.

Contrairement aux images de diffusion utilisées dans l’AIC aigu pour lesquelles on souhaite éliminer les effets d’anisotropie, l’imagerie en tenseur de diffusion permet de quantifier l’anisotropie et de visualiser la direction des fibres de substance blanche.

Le tenseur de diffusion permet une description complète des propriétés de diffusion d’un volume.

Il détermine non seulement l’amplitude, mais également la direction des mouvements de diffusion, donc la direction des faisceaux de substance blanche.

Pour cette raison, le tenseur de diffusion a essentiellement été appliqué à la pathologie de la substance blanche, montrant des anomalies dans des régions du cerveau qui apparaissent normales en IRM conventionnelle.

Récemment, des travaux utilisant le tenseur de diffusion ont montré que la substance blanche était beaucoup plus sensible à l’ischémie que ne le laissait supposer les techniques plus classiques de diffusion.

Par ailleurs, à distance de l’accident aigu, l’imagerie en tenseur de diffusion devrait permettre d’analyser les connexions entre les différentes régions du cerveau et d’améliorer notre compréhension des relations structure/fonction en pathologie cérébrale, en particulier des processus de récupération fonctionnelle au décours d’un AIC.

B – IMAGERIE DE PERFUSION :

À ce jour, il existe deux techniques d’IRM permettant des mesures de la perfusion cérébrale

– l’une étudie la cinétique de passage d’un produit de contraste non diffusible dans le cerveau et nécessite une injection (bolus tracking) ;

– l’autre consiste en un marquage des spins artériels (arterial spin labelling).

1- IRM de perfusion avec injection de gadolinium :

C’est de loin la méthode la plus utilisée en pratique clinique.

Cette technique est basée sur l’analyse par IRM des modifications de signal induites par le premier passage d’un produit de contraste paramagnétique (chélates de gadolinium), injecté en bolus dans une veine périphérique.

Elle permet une analyse de l’hémodynamique régionale cérébrale.

En effet, lorsqu’il traverse le lit capillaire, le bolus de gadolinium induit localement une différence de susceptibilité magnétique entre le compartiment sanguin dans lequel il circule et le parenchyme cérébral dans lequel le produit de contraste ne pénètre pas (si la barrière hématoencéphalique est intègre).

Ces hétérogénéités de champ magnétique entraînent une réduction locale du temps de relaxation transverse T2* du tissu, qui se traduit par un hyposignal transitoire lors du passage du gadolinium à travers les capillaires cérébraux.

Des acquisitions d’images de tout l’encéphale pondérées en T2*, séquence très sensible à l’effet de susceptibilité magnétique, sont répétées toutes les secondes pendant une durée de 1 minute pour suivre la chute du signal induite par le passage du gadolinium.

À partir de la courbe du signal en fonction du temps, on peut obtenir de nombreux paramètres reflétant l’hémodynamique locale : temps d’apparition du pic de contraste, temps de transit moyen (MTT), volume sanguin cérébral local relatif (rVSC) et flux sanguin cérébral local relatif (rDSC).

Certains paramètres sont directement obtenus à partir de la courbe du signal en fonction du temps : le rVSC correspond à la surface comprise entre la ligne de base et la courbe ; le temps d’apparition du pic correspond au temps compris entre le début de l’acquisition et le maximum de la chute de signal (c’est-àdire le maximum de concentration de gadolinium dans le volume étudié).

On peut également obtenir un pseudo-MTT en mesurant le premier moment de la courbe du signal en fonction du temps.

En revanche, pour mesurer le débit sanguin cérébral (DSC), il faut « déconvoluer » la courbe du signal tissulaire par la fonction d’entrée artérielle.

Sur le plan technique, ceci nécessite une mesure de signal de l’artère carotide interne ou du polygone de Willis, et la mise en oeuvre de méthodes de post-traitement plus lourdes. Une fois le DSC connu, le vrai MTT est obtenu par la formule :

MTT = VSC/DSC (VSC : volume sanguin cérébral).

En pratique clinique, les paramètres les plus fréquemment utilisés sont ceux qui ne nécessitent pas la mise en oeuvre des techniques de déconvolution (VSC, pseudo-MTT et temps d’apparition du pic).

C’est la raison pour laquelle les cartes de « temps » sont habituellement utilisées pour apprécier l’étendue de l’hypoperfusion cérébrale.

2- Perfusion par marquage magnétique du sang artériel :

Cette technique est basée sur le phénomène d’entrée de coupe.

En amont de la coupe étudiée, le sang est marqué magnétiquement par un pulse d’inversion. L’entrée massive des spins artériels, ainsi marqués, dans le plan de coupe, se traduit par une baisse du signal qui dépend du DSC.

Ces acquisitions doivent être répétées en raison de la faible chute de signal que produit l’entrée des spins marqués.

Ceci entraîne un allongement des temps d’acquisition (> 5 min) et constitue une des limites actuelles à l’utilisation de cette technique en pathologie ischémique aiguë.

Par ailleurs, les mesures du flux sanguin seraient peu fiables en cas de ralentissement important du flux sanguin, ce qui est souvent le cas après une occlusion artérielle aiguë.

L’avantage de cette technique est de permettre une approche véritablement quantitative, tout en restant totalement non invasive (pas d’injection).

Les améliorations techniques devraient rapidement permettre de raccourcir les temps d’acquisition tout en augmentant le volume de cerveau imagé et le rapport signal/bruit, et ainsi de l’utiliser en clinique.

Intérêt diagnostique de la diffusion/perfusion :

En l’absence d’IRM, le diagnostic d’AIC repose sur :

– la symptomatologie clinique, trompeuse jusque dans 20 % des cas ;

– le scanner qui, à la phase aiguë d’un AIC, est souvent décevant puisqu’il est fréquemment normal ou subnormal.

Grâce aux nombreuses études effectuées ces dernières années, on sait que l’utilisation simultanée des techniques de diffusion, perfusion et d’ARM permet d’améliorer considérablement le diagnostic neuroradiologique.

Ces techniques fournissent une photographie quasi instantanée du parenchyme cérébral ischémique, permettent de poser en quelques minutes le diagnostic positif ou négatif d’AIC, de visualiser le site de l’occlusion artérielle, d’orienter le diagnostic étiologique et de fournir des informations précieuses sur le caractère évolutif de l’accident ischémique dans les premières heures.

A – IMAGERIE DU PARENCHYME CÉRÉBRAL ISCHÉMIQUE AIGU :

Dans les heures qui suivent l’apparition des signes cliniques, il n’y a encore aucun hypersignal visible sur les séquences classiques pondérées en T2.

En revanche, la sensibilité des séquences de diffusion pour la détection des lésions ischémiques aiguës est excellente, puisqu’elle dépasse 90 %.

Sur les images pondérées en diffusion, le diagnostic de lésion ischémique est posé devant une plage d’hypersignal, qui traduit une baisse de l’ADC .

Les études chez l’animal et chez l’homme ont montré qu’il existait une baisse de l’ADC de l’ordre de 50 % au sein d’une lésion ischémique aiguë.

B – SIGNIFICATIONS PHYSIOPATHOLOGIQUES DES VARIATIONS D’ADC DANS L’ACCIDENT ISCHÉMIQUE CÉRÉBRAL AIGU :

La restriction des mouvements de diffusion, donc la baisse d’ADC qui est observée à la phase aiguë des AIC, est habituellement attribuée à la présence d’un oedème cytotoxique (augmentation de l’eau intracellulaire) qui survient rapidement après un accident ischémique d’origine artérielle.

L’oedème cytotoxique est la conséquence du dysfonctionnement de la pompe Na/K-acide adénosine triphosphate (ATP) dépendante, qui assure habituellement l’homéostasie de la cellule.

En cas de baisse d’apport en oxygène, l’arrêt de la pompe Na/K entraîne une redistribution d’eau du milieu extracellulaire vers le milieu intracellulaire.

Or, les mouvements de diffusion sont plus restreints (ADC plus bas) dans le milieu intracellulaire que dans le milieu extracellulaire, en raison de la présence de nombreux organites et macromolécules intracellulaires.

Ainsi, le transfert net d’eau du milieu extracellulaire vers le milieu intracellulaire expliquerait, pour certains, la baisse de l’ADC observée dans les suites immédiates d’un AIC aigu.

Pour d’autres, cette baisse d’ADC résulterait plutôt de la réduction de l’espace extracellulaire et de l’augmentation de la tortuosité des voies de passage des molécules d’eau au sein de ce milieu extracellulaire, conséquence indirecte du gonflement cellulaire, ou oedème cytotoxique.

C – QUANTIFICATION DE L’ADC :

L’imagerie de diffusion est une technique véritablement quantitative.

L’ADC, qui traduit le mouvement des molécules d’eau, s’exprime en mm2/s et ne dépend pas du champ magnétique principal.

En revanche, l’ADC varie d’une espèce à l’autre : environ 0,6 X 10-3 mm2/s dans le cerveau de rat, jusqu’à 1,5 X 10-3 mm2/s dans le cerveau humain. Dans le cerveau humain sain, les valeurs d’ADC sont également très variables, allant de 0,3 à plus de 1,1 X 10-3 mm2/s.

Cette variabilité tient en partie à la méthode de mesure utilisée : séquence différente, application des gradients selon un ou plusieurs axes, utilisation de paramètres différents (valeurs de b).

Certains auteurs proposent donc d’utiliser le ratio entre l’ADC de la zone ischémiée et l’ADC d’une zone en « miroir » du fait de l’absence de variation droite-gauche.

Chez l’homme, la cinétique des variations d’ADC au décours d’un AIC aigu est encore mal connue.

Ceci s’explique par l’absence d’études longitudinales en raison de la difficulté de répéter les IRM à intervalles de temps réguliers chez des patients souvent fragiles.

Les rares travaux effectués chez l’homme montrent que l’ADC chute rapidement après l’occlusion artérielle pour atteindre sa valeur minimale entre la sixième et la 60e heure (moyenne 32 heures) après les premiers symptômes neurologiques.

Au stade subaigu, l’ADC tend à se normaliser du fait de la lyse cellulaire et de l’apparition d’un oedème à prédominance extracellulaire. Cette pseudonormalisation surviendrait entre le cinquième et le dixième jour selon Warach et al.

Pour d’autres, elle serait plus tardive et surviendrait à partir du 17e jour et pourrait s’observer jusqu’au 42e jour.

À un stade plus tardif, l’oedème est exclusivement extracellulaire, avec un ADC augmenté, puis laisse place, au stade chronique, à une lésion liquidienne avec des valeurs d’ADC très élevées, proches de celles du LCR.

D – CARACTÉRISATION DE L’ACCIDENT ISCHÉMIQUE CÉRÉBRAL :

En cas d’AIC aigu, le nombre, le volume et la localisation des lésions sont évidents sur les images de diffusion.

Les informations sur le nombre et la topographie des lésions permettent dans certains cas d’orienter rapidement le bilan étiologique (par exemple, embolie d’origine cardiaque en cas de lésions multiples localisées dans des territoires artériels distincts).

Les séquences de diffusion permettent de distinguer les volumineuses lésions corticosous-corticales, volontiers d’origine thromboembolique, des petites lésions profondes dues à une atteinte des petits vaisseaux.

Un autre intérêt des séquences de diffusion est qu’elles permettent de différencier un AIC récent d’un AIC ancien.

En effet, une lésion ischémique récente apparaît en hypersignal sur les images pondérées en diffusion avec une baisse de l’ADC, alors qu’une lésion ancienne a un signal liquidien : hyposignal sur les images de diffusion avec augmentation de l’ADC.

E – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

Les séquences de diffusion permettent de distinguer les accidents ischémiques d’origine artérielle d’autres pathologies simulant un AIC. En présence d’un déficit neurologique persistant, une imagerie de diffusion et de perfusion normale rend très improbable le diagnostic d’AIC.

Notons toutefois que certains AIC peuvent rester invisibles en séquence de diffusion, surtout s’ils sont de petite taille (infarctus lacunaire) ou dans le tronc cérébral.

En cas d’IRM de diffusion négative et de déficit persistant, le bilan étiologique s’oriente vers des pathologies non « ischémiques » : déficit postcritique, aura migraineuse, hystérie, déficit neurologique périphérique…

Au contraire, la présence d’un hypersignal franc en séquence pondérée en diffusion avec chute de l’ADC dans les jours qui suivent l’apparition d’un déficit brutal est très spécifique du diagnostic d’ischémie d’origine artérielle.

Cependant, des hypersignaux ont été décrits sur les images pondérées en diffusion dans diverses pathologies telles que l’état de mal épileptique, l’ictus amnésique, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, certaines mitochondriopathies, l’ischémie veineuse ou encore l’éclampsie.

Pour l’état de mal épileptique, la maladie de Creutzfeldt-Jakob et l’ischémie veineuse, des valeurs basses d’ADC ont été rapportées.

La baisse d’ADC lors d’un déficit neurologique brutal n’est donc pas synonyme d’AIC artériel. En revanche, l’ADC semble être augmenté dans les mitochondriopathies, telles le mitochondrial myopathy, encephalomyopathy, lactic acidosis, strokes-like episodes (MELAS) ou l’éclampsie, et dans la plupart des cas d’ischémie veineuse, suggérant la présence d’un oedème prédominant dans le secteur extracellulaire.

L’imagerie de diffusion, lorsqu’elle retrouve un ADC augmenté, est alors utile pour écarter le diagnostic d’AIC artériel aigu.

Des anomalies visibles en séquences de perfusion sans anomalie de diffusion associée pourraient évoluer vers l’infarctus dans le cadre d’un vasospasme au décours d’une hémorragie méningée par exemple, et ont également été rapportés dans le cadre d’accidents ischémiques transitoires (AIT) ou d’auras migraineuses.

L’une des questions fondamentales devant un déficit neurologique brutal est d’éliminer une hémorragie intracrânienne, qu’il s’agisse d’un véritable hématome ou d’une hémorragie méningée.

C’était, jusqu’il y a peu, le domaine d’excellence du scanner.

Cependant, il semblerait que les nouvelles séquences d’IRM (échoplanar en écho de gradient, séquence FLAIR) soient extrêmement sensibles pour la détection des saignements intracrâniens, même au stade hyperaigu.

Si les résultats des premières études sont prometteurs, ils doivent être confirmés par des études prospectives systématiques, conduites chez un grand nombre de patients.

Par ailleurs, l’abandon du scanner à la phase aiguë d’un accident vasculaire, qui permettrait de gagner un temps précieux, nécessite une parfaite connaissance de la sémiologie de l’hématome en IRM, qui est beaucoup plus complexe qu’en scanner.

F – IMAGERIE DE L’ACCIDENT ISCHÉMIQUE TRANSITOIRE :

La définition classique de l’AIT (symptômes neurologiques d’origine vasculaire résolutifs en moins de 24 heures) est uniquement basée sur des données cliniques et sur une fenêtre temporelle arbitraire.

Cette définition est controversée car elle ne tient pas compte des données de l’imagerie cérébrale moderne, ni des données physiopathologiques.

La présence d’une lésion ischémique aiguë en IRM permet de poser le diagnostic positif d’AIT, diagnostic qui reste très difficile sur les seules données cliniques, même au terme d’un bilan étiologique exhaustif.

Le scanner et les séquences classiques d’IRM révèlent souvent, chez les patients atteints d’AIT, la présence de lésions ischémiques multiples dont il est difficile d’affirmer le caractère récent.

En revanche, des études récentes montrent que l’IRM de diffusion pratiquée au décours immédiat d’un AIT révèle la présence d’une lésion ischémique aiguë chez près de la moitié des patients, particulièrement si l’épisode déficitaire neurologique est long (plusieurs heures).

Par ailleurs, le diagnostic clinique topographique d’un AIT peut également s’avérer difficile lorsque le déficit est fugace.

Une IRM de diffusion positive a une valeur localisatrice qui permet d’orienter le bilan étiologique.

L’angiographie par IRM et les séquences de perfusion peuvent également être d’une aide précieuse, car ces techniques peuvent révéler une sténose intracrânienne ou une asymétrie de perfusion cérébrale nécessitant une prise en charge rapide et adaptée.

Imagerie du parenchyme ischémique au stade hyperaigu :

A – IRM ET PÉNOMBRE ISCHÉMIQUE :

Au sein d’une zone infarcie, on oppose schématiquement deux zones : le centre lésionnel dans lequel les lésions sont irréversibles, et la périphérie ou zone de « pénombre » ischémique, dans laquelle les lésions sont potentiellement réversibles en cas de revascularisation artérielle rapide.

Le centre de la lésion, dans lequel l’ischémie est la plus sévère, apparaît en hypersignal sur les images pondérées en diffusion et traduit une baisse importante de l’ADC (20 à 50%).

La périphérie lésionnelle a des valeurs d’ADC normales ou subnormales et apparaîtrait normale ou en discret hypersignal sur les images de diffusion.

On peut donc schématiquement rapprocher la zone d’hypersignal visible en séquence pondérée en diffusion de la zone d’ischémie irréversible, bien que certaines régions les plus périphériques apparaissant en hypersignal semblent ne pas évoluer systématiquement vers l’infarctus.

La zone de pénombre ischémique, ou zone d’ischémie potentiellement réversible, se situerait donc en périphérie de la zone d’hypersignal visible en diffusion et apparaît normale sur ces séquences.

Aussi est-il indispensable d’associer les séquences de perfusion aux séquences de diffusion pour apprécier l’étendue de la pénombre ischémique.

De nombreuses études ont montré que l’infarctus avait plus de risque de s’étendre lorsqu’il existait une occlusion artérielle persistante en ARM et lorsque la zone d’hypoperfusion était plus large que la zone anormale en diffusion (inadéquation perfusion/diffusion ou zone de mismatch chez les Anglo-Saxons).

Cependant, la prédiction individuelle du risque d’extension d’un infarctus à partir des données de perfusion reste délicate.

Si l’on dispose, grâce à ces techniques, d’une photographie instantanée du tissu ischémique à un instant t, il est difficile de prédire l’évolution de l’arbre vasculaire (lyse spontanée du caillot, défaillance de la vascularisation collatérale, hypotension artérielle) à l’instant t + Dt, qui est éminemment variable selon les individus.

De plus, les paramètres de perfusion habituellement calculés en urgence n’apportent que des informations semi-quantitatives et indirectes sur la perfusion cérébrale.

Les paramètres de perfusion en IRM, tels le temps de transit moyen ou le temps d’apparition du pic, surestiment l’étendue de la pénombre ischémique.

Des travaux récents ont montré que des mesures précises, c’est-à-dire véritablement quantitatives, du DSC au sein de la pénombre ischémique permettent de mieux définir les zones à risque d’ischémie.

B – SÉLECTION DES CANDIDATS À LA THROMBOLYSE :

L’efficacité de la thrombolyse par injection intraveineuse d’activateur tissulaire du plasminogène (t-PA) a été démontrée dans les 3 premières heures d’un AIC. Cependant, ce traitement est loin d’être dénué de complications, hémorragiques en particulier.

L’une des difficultés majeures de la prise en charge de l’AIC hyperaigu est de décider en quelques minutes de la mise en route d’un traitement agressif sans certitude diagnostique (contrairement à l’infarctus du myocarde, pour lequel on dispose en urgence d’outils diagnostiques puissants, électrocardiogramme [ECG] et enzymes cardiaques).

Dans ce contexte, les nouvelles techniques de diffusion et de perfusion devraient permettre d’améliorer considérablement la sélection des candidats à la thrombolyse en urgence :

– en éliminant d’emblée les patients ayant des pathologies non ischémiques ;

– en éliminant les patients pour lesquels l’accident est de type lacunaire, donc peu enclin à s’étendre et de relativement bon pronostic, même en l’absence de thrombolyse ;

– en éliminant les patients pour lesquels la lésion est déjà reperfusée (absence d’occlusion en ARM, et hyperperfusion de la lésion ischémique).

En effet, les reperfusions précoces spontanées sont associées à des AIC de plus petit volume et ont un pronostic clinique généralement favorable ;

– en éliminant les patients pour lesquels les anomalies de perfusion sont moins étendues que les anomalies de diffusion.

En effet, il n’y a alors pas de risque d’extension de l’infarctus ;

– en permettant de ne traiter que les patients ayant un AIC susceptible de s’étendre, c’est-à-dire ceux pour lesquels il persiste une occlusion d’un gros tronc artériel et pour lesquels il existe une zone de pénombre ischémique.

L’utilisation des techniques de diffusion/perfusion avant décision thérapeutique devrait permettre d’élargir la fenêtre thérapeutique.

En effet, il existe de toute évidence d’importantes variations individuelles et pour certains patients, une pénombre ischémique existe encore au-delà des fatidiques 3 premières heures.

C – VALEUR PRONOSTIQUE :

Plusieurs études récentes chez l’homme ont montré que le volume des anomalies visibles en diffusion et en perfusion au stade aigu étaient des paramètres prédictifs et indépendants du volume final de l’infarctus et de la récupération clinique à 3 mois. Par ailleurs, l’étendue de la zone hypoperfusée sans anomalie de diffusion (zone de mismatch) est également corrélée positivement au volume d’extension, ainsi qu’au volume final de l’infarctus.

Enfin, l’existence d’une occlusion artérielle visible sur l’ARM du polygone de Willis au stade aigu est un facteur prédictif d’infarctus en évolution et est corrélée négativement au pronostic fonctionnel à distance.

Des travaux récents montrent par ailleurs que les infarctus volumineux sur une imagerie de diffusion effectuée au stade aigu ont un risque important de transformation oedémateuse maligne et que des valeurs basses d’ADC au sein d’un infarctus aigu seraient un facteur prédictif du risque de transformation hémorragique.

Limites :

En pratique, pour une prise en charge rapide et efficace, l’utilisation de l’IRM à la phase aiguë de l’AIC nécessite que les conditions suivantes soient satisfaites :

– proximité entre le service d’urgences médicales et l’unité IRM ;

– possibilité d’exclure en quelques minutes et de façon formelle les contre-indications à l’IRM. Ceci peut être difficile chez des patients non accompagnés, aphasiques ou atteints de troubles de conscience ;

– existence d’une installation IRM de dernière génération (1 ou mieux 1,5 T, puissance des gradients supérieure à 20 mT/m, vitesse de commutation rapide, techniques d’imagerie rapide tel l’échoplanar).

Même si ces installations ne sont pas beaucoup plus coûteuses que les IRM conventionnelles, leur coût reste très supérieur à celui des unités scanographiques ;

– présence d’une équipe médicotechnique assurant l’accès immédiat à l’IRM 24 heures/24, 7 jours/7, la surveillance des fonctions vitales du patient pendant la durée de l’IRM et le post-traitement des images de perfusion en particulier.

Ainsi, l’utilisation à grande échelle de l’IRM à la phase aiguë des AIC reste essentiellement limitée par des problèmes de coût, d’accès aux installations IRM et donc de disponibilité des IRM de dernière génération.

Sur le plan clinique, l’une des questions qui reste en suspens est de savoir si l’on peut, devant un patient atteint d’un déficit neurologique brutal, surseoir à la réalisation du scanner et réaliser d’emblée une IRM.

Ce point est crucial puisque la fenêtre thérapeutique est très courte (3 heures).

L’étape diagnostique doit donc être rapide et efficace. L’abandon du scanner n’est possible que si l’IRM confirme qu’elle est aussi sensible que le scanner pour la détection d’une hémorragie intracrânienne aiguë.

Perspectives :

Avec la disponibilité croissante des IRM de dernière génération, cette technique est déjà utilisée en routine dans la plupart des grands centres hospitaliers, et devrait progressivement remplacer le scanner pour la prise en charge des AIC aigus.

Parallèlement, des progrès technologiques intéressants ont été accomplis ces dernières années dans le domaine du scanner, telles les mesures de perfusion en scanner.

Malgré ceci, les informations pertinentes apportées par l’IRM à la phase aiguë d’un AIC sont de bien meilleure qualité que celles apportées par le scanner.

Les nouvelles méthodes d’IRM devraient donc rapidement s’imposer comme des outils diagnostiques et pronostiques incontournables en pratique clinique, et devenir des outils d’évaluation de l’efficacité thérapeutique.

Outre la sélection des patients, les nouvelles techniques IRM devraient fournir des critères d’efficacité thérapeutique (par exemple, prévention de l’extension des zones anormales en diffusion) et faire partie des critères d’efficacité des essais thérapeutiques de phase II ou III.

Enfin, pour des raisons d’économie de santé, des études devront confirmer que ces techniques d’IRM ont un rapport coût/efficacité favorable (raccourcissement des durées d’hospitalisation, réduction du nombre d’examens complémentaires, amélioration du pronostic à long terme…), ce qui paraît hautement probable.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.