Hypothyroïdie de l’enfant (Suite)

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Première partie

Diagnostic différentiel :

Dans les pays où le diagnostic clinique permet seul de reconnaître le myxoedème, peu d’autres diagnostics sont envisageables : cardiopathies du fait des troubles circulatoires, de la cyanose périphérique et de l’infiltration, trisomie 21 (faciès dysmorphique, hypotonie, retard psychomoteur), mais des associations des deux conditions ne paraissent pas exceptionnelles, voire une maladie osseuse, mucopolysaccharidose.

Le dosage systématique de la TSH et de la T4 devant un tableau clinique, même non évident, garde son intérêt. Dans les cas les plus fréquents, en dehors de la période néonatale, il faut penser à l’insuffisance thyroïdienne devant tout retard statural à vitesse de croissance très ralentie, avec un gros retard osseux.

Le diagnostic est habituellement fait devant les valeurs hormonales révélant le déficit thyroïdien ; on rappelle ici la nécessité de leur évaluation dans tout retard statural.

Pourquoi un dépistage ? Le développement psychomoteur avant sa mise en place

A – GRAVITÉ DE L’HYPOTHYROÏDIE :

Hypothyroïdie de l’enfant (Suite)La véritable gravité de l’hypothyroïdie était la dégradation intellectuelle qui survenait au cours de la maladie diagnostiquée tardivement, qui ne donnait que peu de chances d’accéder à un niveau intellectuel ou social « normal » si le diagnostic avait lieu après le premier trimestre.

Certes, les hypothyroïdies ne subissaient pas toutes cette dégradation ; les athyréoses avaient habituellement le plus mauvais score (37,5 % d’arriérés, 25 % de médiocres, 37,5 % de bons résultats), puis venaient ensuite les glandes en place et les troubles de l’hormonogenèse (42,9 % de bons résultats, 35,7 % de médiocres et 21,4 % de mauvais) et les ectopies dont plus de la moitié, 69,6 %, n’avaient pas de problèmes théoriquement (16,4 % de médiocres et 14 % de mauvais niveaux).

Mais il faut savoir que les quotients intellectuels ou de développement acquis au début du traitement ne se modifiaient guère en cours de traitement, que les plus bas subissaient même, souvent, une dégradation du fait de troubles psychologiques ou de signes neuropsychiques qui, a minima, atteignaient tous les enfants, même ceux traités précocement ; ainsi, chaque année, un groupe constant d’enfants irrémédiablement débiles et certains, environ un tiers d’entre eux, ayant des quotients de développement inférieurs à 50, ne pouvaient prétendre à aucune insertion scolaire, sociale, voire familiale.

B – NÉCESSITÉ DU DÉPISTAGE :

Chaque année, le flot de ces enfants grossissait, mais il apparaissait néanmoins que cette malédiction n’était pas irrémédiable ; en présence de formes traitées tôt, même chez les athyréotiques, le pronostic était possiblement normal.

Mais moins d’un quart des enfants étaient reconnus cliniquement et tous n’obtenaient pas automatiquement un niveau normal (environ seulement 80 %).

Le diagnostic précoce devenait donc la parade à cette débilité, mais la clinique non orientée avait montré depuis des années ses limites.

Le diagnostic ne pouvait être que biologique et le dépistage intéresser tous les nouveau-nés.

Les premières études menés par les groupes québécois en utilisant le dosage de la thyroxine sur du sang séché ont ouvert la voie.

Les mêmes techniques ont été reprises dans la région Midi-Pyrénées par Rochiccioli.

Ces études ont montré que le diagnostic trop tardif de la maladie n’était plus une fatalité.

C – MÉTHODES :

1- Dosage de la thyroxine :

Le dépistage par le dosage de la thyroxine a été utilisé lors d’études pilotes et a permis de dépister toutes les hypothyroïdies hautes ou basses ; il retrouvait aussi les déficits en TBG, mais reconnaissait également des hypothyroxinémies non thyroïdiennes (maladie aiguë, malades en réanimation) ; le taux des faux positifs pouvant atteindre 2 à 4,5 %.

Le dosage de la thyroxine sur un échantillon de sang séché était très difficile dans la zone des valeurs basses, là où précisément il devait être efficace et nécessitait de faire, à chaque série, une détermination des valeurs témoins.

Enfin, les grosses ectopies et les autres hypothyroïdies compensées, à thyroxine normale mais à TSH élevée, n’étaient pas reconnues pour être éventuellement surveillées, si ce n’est traitées.

Aux Pays-Bas, on a ajouté un back-up de TSH dans les 20 % de thyroxine les plus bas pour pouvoir permettre le dépistage des formes centrales en plus des déficits primaires.

2- Dosage de la « thyroid stimulating hormone » :

Ces différentes raisons ont poussé à lui préférer progressivement le dosage de la TSH qui présente des variations plus amples dans la zone franchement pathologique et qui est moins perturbée par les causes extrathyroïdiennes.

À ce titre, il donne moins de faux positifs (enfants convoqués pour un dépistage, mais non hypothyroïdiens).

Mais il peut, dans les cas où l’augmentation de la TSH n’est que modérée, s’aider d’une mesure de la T4 ; la mesure seule de la TSH est obligatoire en France, elle se fait dans 22 laboratoires qui assurent en plus la Poste aux Armées, Andorre et Monaco, et aussi, évidemment, les départements et territoires d’outre-mer (DOMTOM).

Des contrôles de qualité ont lieu de façon régulière ; de plus les laboratoires français se partagent entre méthode radioimmunologique (Elsa NN ou K NN) et méthode immunofluorométrique (Delfiat) qui est largement utilisée dans les pays voisins.

D – ASPECTS PRATIQUES DU DÉPISTAGE :

1- Calendrier :

Avant que la mise en place du dépistage de l’hyperplasie congénitale des surrénales en 1990 n’amène à avancer la date du prélèvement au troisième jour, le jour où l’on devait pratiquer le dépistage avait été fixé au sixième pour plusieurs raisons : la première est que le dépistage de l’hypothyroïdie s’est greffé sur celui de la phénylcétonurie, qui avait déjà lieu, à cette époque, au sixième jour, car une période d’alimentation normale postnatale est nécessaire pour faire une élévation de la phénylalanine.

Cette modification de date a été sans conséquences sur ce dépistage.

Ensuite, il fallait, dans une certaine mesure aussi, se situer à distance de la crise hypothalamo-hypophyso-thyroïdienne qui a lieu à la naissance et dont le retour à la situation d’équilibre peut prendre un certain temps : 30 minutes après la naissance a lieu une forte libération de TSH pouvant atteindre jusqu’à 100 mUI/L.

Cette élévation va entraîner une sécrétion thyroïdienne en T3 et T4, tandis que la rT3, élevée au moment de la naissance, baisse.

La TSH décroît alors progressivement tandis que la T4, après un pic plus étalé, se stabilise à un niveau élevé. Le taux de T3 subit une élévation comparable, mais de façon plus rapide.

Le taux de rappel fixé en France, quelle que soit la méthode, est 25 mUI/mL de sang.

2- Technique :

Le prélèvement a lieu au talon nettoyé à l’éther, il est recueilli sur du papier Schleicher & Schuell 2992, ou sur des cercles prédessinés ; le dépôt de sang doit réaliser une tache de 13 mm, le sang devant traverser le papier, ce qui correspond à la quantité de 50 mL de sang ; une pastille centrale de 6 mm, prélevée à l’emporte-pièce, permet un dosage sur 11 mL de sang ; si la qualité du recueil ne permet pas ce type de prélèvement, deux pastilles de 4,25 mm peuvent la remplacer ou, à la rigueur, trois pastilles de 3 mm.

Si le papier n’est imprégné que d’un côté, il faut doubler le nombre de pastilles pour un résultat plus incertain.

Les nouvelles méthodes Elsa NN ou Delfiat peuvent accepter des pastilles plus petites de 3 mm, ce qui permet de faire un dépistage plus fiable.

Un certain nombre de faits peuvent rendre inopérant le prélèvement : l’hémolyse liée à l’utilisation de l’alcool, l’exposition à tout rayonnement thermique ou solaire.

Une alternative se développe, sans que l’on ait mesuré les répercussions sur les taux frontières de TSH, qui est de prélever le sang directement en voie veineuse sur le dos de la main, endroit où les anesthésiques locaux sont opérants, alors qu’ils sont inefficaces pour le prélèvement de sang capillaire au talon.

3- Dosages :

La mesure de la TSH est assurée le plus rapidement possible après un enregistrement, centralisé ou non.

Actuellement, on a délimité plusieurs seuils : le seuil de contrôle simple est de 25 à 39 mUI/mL de TSH avec nouveau contrôle papier.

Au-delà de 40 mUI/mL, l’enfant est convoqué dans un service de référence pour être examiné et pour qu’un prélèvement de contrôle soit effectué.

Parallèlement, le laboratoire doit effectuer une vérification de TSH et, s’il le peut, pratiquer un contrôle de thyroxine libre sur le papier en sa possession.

Il est possible de découvrir des patients, même avec des valeurs limites de TSH.

4- État clinique :

Lors de l’arrivée à l’hôpital, après convocation, d’enfants ayant actuellement entre 8 et 15 jours, les signes ou symptômes ne sont pas toujours manifestes sauf en cas d’athyréose, établis sur les 50 premiers patients étudiés à Saint Vincent de Paul.

La radio du genou permet d’avoir des arguments diagnostiques en cas d’absence de points de Todd et Béclard ou de bandes claires métaphysaires, ou de retard supérieur à 6 semaines (méthode de Sénécal).

Elle a aussi une valeur pronostique car elle signe l’ancienneté de l’affection et, par là même, sa gravité par les répercussions cérébrales qu’elle pourrait déjà avoir entraînées.

Les signes auxologiques sont aussi proportionnels à la gravité de la maladie : la croissance est pour ainsi dire bloquée en cas d’athyréose.

Le raccourcissement actuel des délais de prise en charge (à 10 jours au lieu de 1 mois il y a 20 ans) fait que tous ces signes sont désormais un peu moins éloquents.

5- Scintigraphie à l’iode :

La scintigraphie faite au 123I ou au 99mTc révèle la cause.

Les statistiques nationales font état de 27,3 % d’athyréoses, de 49,4 % d’ectopies et 15,6 de « glandes en place » qui recouvrent les troubles de l’hormonogenèse, les hypoplasies glandulaires et les goitres.

Rappelons, pour simplifier, que le diagnostic des troubles de l’hormonogenèse ne peut, à ce stade, reconnaître que trois types :

– le défaut de captation, scintigraphie thyroïdienne et salivaire blanche en présence d’un goitre palpable ;

– le défaut d’organification de l’iodure : fixation élevée mais déplaçable par un analogue de l’iode (thiocyanate ou perchlorate) ;

– le trouble de la synthèse de la thyroglobuline : goitre avec hypothyroïdie sévère et dosage de la thyroglobuline nul.

Tous les autres cas avec fixation élevée non déplaçable ne peuvent être reconnus que lors de fenêtres thérapeutiques ultérieures.

Certains pays ne font la scintigraphie qu’à 2 ans.

La place de l’échographie pourra peut-être, à terme, devenir prépondérante dans la démarche diagnostique des troubles morphologiques, seuls les troubles enzymatiques bénéficiant de l’iode 123.

Cependant, il s’agit d’un examen particulièrement délicat chez le nouveau-né où des pièges sont possibles.

6- Résultats du dépistage :

La fréquence de l’hypothyroïdie dans le monde est semblable d’un pays à l’autre, elle se situe de 1/3 000 à 1/4 000 sans variations saisonnières.

L’efficacité du dépistage est supérieure à celle du diagnostic clinique.

Ceci a été prouvé sur une étude rétrospective, en reprenant d’anciens papiers buvards et en comparant les résultats obtenus au nombre d’enfants reconnus cliniquement.

Il existe par ailleurs peu de variations liées à l’origine ethnique ; seuls les enfants d’origine africaine noire plus ou moins éloignée semblent beaucoup moins fréquemment atteints.

À côté des formes permanentes, il faut aussi tenir compte des faux positifs.

Leur fréquence est de 0,15 à 1,1 % : il peut s’agir d’erreurs de dosage ou d’enfants normaux ayant un déplacement de leurs phénomènes de crise néonatale trop étalé dans le temps.

Il existe par ailleurs des formes transitoires, particulièrement chez le prématuré ; la carence iodée pourrait y jouer un rôle.

On avait aussi mis en évidence des hyperthyrotropinémies en raison d’artefacts techniques actuellement terminés.

Plus importante à connaître, la fréquence des faux négatifs.

Seuls les pays ayant une organisation centralisée peuvent les recenser : il y en avait 53 au 1er janvier 1990 en France, ce qui fait une moyenne de cinq à sept cas par an.

Les causes en sont variées : erreurs humaines ou techniques sont majoritaires.

De plus, du fait d’un taux de couverture de 99,5 %, il y a statistiquement, avec 800 000 naissances, un hypothyroïdien non dépisté par an.

Le dépistage de l’hypothyroïdie s’est avéré être une arme efficace dans la lutte contre la carence iodée ; la concentration moyenne de TSH lors du dépistage est le reflet direct de l’état nutritionnel en iode des mères et donc de la population en général.

Dans les zones de carence iodée, l’évolution décroissante de la concentration moyenne de la TSH chez les nouveau-nés (et par là même chez leurs mères) témoigne de la réussite des efforts de supplémentation iodée.

Cette évolution est d’ailleurs parallèle à celle de la diminution des goitres dans cette même population.

Traitement :

A – MÉDICAMENTS DISPONIBLES :

Ce sont :

– la L-Thyroxine Rochet en gouttes, dosée à 150 µg/mL, soit 30 gouttes/mL = 5 µg/goutte, à conserver à + 4° ;

– le Lévothyroxt dosé à 25, 50, 75, 100, 125, 150 et 175 µg ;

– la L-Thyroxinet dosée à 100 µg/comprimé. Les produits contenant de la T3 sont peu utilisés : Euthyralt (20 µg T3 + 100 µg T4), équivalences théoriques : 100 µg T4 libre = trois quarts de comprimé d’Euthyralt = 20 gouttes de T4 libre.

B – POSOLOGIE :

La posologie doit tenir compte des différentes formes galéniques car on a remarqué des différences d’efficacité d’une marque de T4 à l’autre aux États-Unis.

Chez l’enfant dépisté, la posologie d’attaque est variable selon les auteurs : de 10 à 15 µg/kg en comprimés étant donné le risque lié à l’hypothyroxinémie non compensée par le taux maternel de T4, soit 10 µg/kg seulement.

Avec les gouttes, de 5-7 µg à 8 µg/kg/j suffisent, dans la majorité des cas, à normaliser rapidement la TSH.

Ces recommandations doivent intégrer le niveau initial de la thyroxine de l’enfant pour « l’arrondissement » de la posologie.

Le risque de surdosage, lors de la première année, est négligeable pour Ficher, bien que générant des troubles pour d’autres.

Dans les hypothyroïdies historiques, on recommandait au contraire une posologie croissante, de même une prescription d’hydrocortisone.

Cette approche est maintenant obsolète.

La posologie a tendance à baisser avec le temps, elle n’est plus différente de celle de l’adulte chez le grand enfant : 2,5 µg/kg/j.

Le risque d’hypercalcémie fait prescrire des doses de vitamine D de 400 UI seulement par jour, les premiers mois.

C – SURVEILLANCE BIOLOGIQUE DU TRAITEMENT :

La posologie initiale doit être modifiée en fonction de paramètres qui ne font pas tous l’unanimité.

Il est évident qu’une croissance normale est la première condition d’un traitement bien conduit, mais ce ne saurait être la seule car ce paramètre est facilement obtenu, même avant le dépistage.

Cependant, à l’heure actuelle, il est sûr que le résultat final dépend de la qualité du traitement.

* TSH :

S’il est admis que, chez l’adulte, le taux de TSH est suffisant, il est apparu très vite des discordances entre les taux de TSH et ceux d’hormones thyroïdiennes.

On a parlé d’un seuil de rétrocontrôle différent chez l’enfant. Cette notion doit être intégrée pour ne pas exposer au surdosage en thyroxine, pour obtenir une normalisation sans danger de la TSH.

Il est normal d’exiger celle-ci au bout de 1 mois (2 mois au plus tard).

* T4 :

La mesure de la T4 est utilisable à tout âge.

Le taux de T4 totale n’est pas corrélé à la dose de T4 libre fournie.

La recommandation est de placer le taux de T4 dans la moitié supérieure des valeurs normales pour l’âge.

Cependant, la connaissance de situations où la TSH et la T4 sont élevées en même temps a amené à trouver un meilleur moyen de surveillance pour dépister des sous- ou surdosages chroniques.

* rT3 :

On a proposé la mesure de la rT3, ce qui ne paraît pas très performant : le niveau nécessaire de T4 où la rT3 augmente est déjà celui des franches hyperthyroïdies.

De même a t on préconisé la T3 dans les cas de sous-dosages, mais là aussi, toutes les situations n’ont pas été éclaircies.

La T3 libre paraissait devoir être plus informative. Aussi le dosage de T3 libre n’a-t-il que peu d’applications en routine.

* T4 libre et TSH :

Aussi la thyroxine libre semble-t-elle plus fiable pour reconnaître les TSH situées au-delà de la normale.

Elle est aussi corrélée avec le taux de TSH endogène, ainsi qu’avec la dose quotidienne de T4 libre, alors que l’on ne peut faire ces corrélations avec la T4 totale.

La qualité de la réussite de ces enfants dépendant de la qualité du traitement, il importe que la qualité des contrôles soit la meilleure possible.

La recommandation la plus impérative est de normaliser la T4 dès le premier contrôle biologique à 2 semaines, étape indispensable pour obtenir celle de la TSH.

À moins de situations exceptionnelles, le dosage de la thyroxine libre et de la TSH est suffisant pour le suivi biologique de routine.

D – RISQUES DES SUR- ET SOUS-DOSAGES :

– En cas de surdosage, avance de maturation osseuse et craniosténose sont les risques les plus graves chez le nourrisson, car les signes habituels se remarquent peu : soif, agitation, sueurs, hyperthermie, enfin troubles du caractère.

– En cas de sous-dosage, c’est avant tout la constipation, l’énervement et le caractère grognon.

La peau sèche est un caractère fidèle mais ne peut s’interpréter qu’en l’absence de tout eczéma. Le retard statural et d’âge osseux est sans valeur pronostique, mais l’impact sur le développement psychomoteur est parfois irréversible.

La connaissance de ces phénomènes est à expliquer aux parents, car les ajustements thérapeutiques doivent avoir lieu en accord avec le médecin et non sur des signes isolés, pour ne pas risquer alors des déséquilibres importants.

La prise récente de L-T4 ne gêne pas la mesure des hormones totales et que partiellement celle des formes libres.

E – SUIVI SOMATIQUE DE L’HYPOTHYROÏDIE :

La situation a fondamentalement changé depuis la pratique du dépistage puisque avant celui-ci on était en présence d’enfants ayant un très gros retard statural et osseux ; la croissance s’opérait par un rattrapage d’autant plus marqué que le retard initial était plus grave.

La croissance se calait ensuite sur une courbe correspondant aux possibilités de chacun, compte tenu de son environnement personnel.

Cependant, les formes vues tardivement ne retrouvaient pas toujours un pronostic statural satisfaisant.

On notait aussi parfois des lésions dysplasiques de la hanche séquellaires, dont seul un traitement précoce empêchait la survenue.

Depuis le dépistage, la croissance qui était normale à la naissance, était peu perturbée lors du diagnostic.

Elle évolue ensuite selon les standards normaux pour le poids, la taille et le périmètre crânien.

Dans certaines séries, les garçons évoluent moins favorablement que les filles.

Les pronostics de tailles sont en rapport avec celles des parents et ceux des témoins.

Maintenant, les premières tailles finales confirment ces faits ; cependant, le résultat optimal n’est acquis qu’au prix d’un traitement bien équilibré et les facteurs de réussite staturale sont très proches de ceux du devenir intellectuel.

La maturation osseuse est plus variable.

L’on trouve soit un retard modéré, soit une avance, soit une avance ou un retard selon la méthode employée, avec un retard plus marqué chez les garçons.

Le retard du traitement, associé à celui du squelette au moment du diagnostic, constitue un facteur de mauvais pronostic à l’âge de 9 ans.

La surveillance du traitement passe donc par une appréciation, de façon régulière, de la maturation osseuse.

Surveillance psychométrique de l’hypothyroïdie :

Bien que depuis la mise en place du dépistage la débilité liée à l’affection ait pratiquement disparu, il demeure une polémique sur la qualité du devenir des enfants atteints d’hypothyroïdie congénitale dépistée à la naissance.

La majorité des auteurs s’accordent sur le développement psychomoteur des hypothyroïdies congénitales peu sévères, avec un pronostic équivalent à celui des enfants normaux jusqu’à l’âge de 10 ans environ.

Néanmoins, les avis divergent en ce qui concerne le devenir des hypothyroïdies congénitales sévères.

En effet, certains auteurs estiment que des lésions cérébrales irréversibles se sont déjà produites in utero et pourraient altérer le développement intellectuel ultérieur de ces enfants, ce qui n’est pas notre expérience chez nos patients âgés au minimum de 12 ans.

La sévérité de l’hypothyroïdie congénitale peut être appréciée selon différents critères : les facteurs périnatals, puisqu’à la fois prénatals et présents lors du diagnostic néonatal.

Parmi ceux-ci, les plus utilisés sont le taux de T4 ou de T4 libre et le niveau de la maturation osseuse.

En effet, les hormones thyroïdiennes ont un effet majeur sur la maturation osseuse pendant la période foetale et néonatale.

Ainsi, un retard important de maturation osseuse à la naissance incite à envisager un début plus précoce de l’hypothyroïdie en période foetale.

Le meilleur indicateur de maturation osseuse semble être la mesure de la surface épiphysaire des points du genou.

L’étiologie de l’hypothyroïdie congénitale peut également être considérée comme marqueur de sévérité.

Il est évident qu’une athyréose, par l’absence complète de thyroxine postnatale qu’elle entraîne, est une forme plus sévère que l’ectopie thyroïdienne.

La TSH initiale révèle, par son taux, l’intensité de la carence en thyroxine des cellules hypothalamiques générant la TRH ; elle peut apparaître ainsi comme un marqueur de souffrance cérébrale, même si ce marqueur a été peu utilisé.

Les facteurs pronostiques postnatals du développement psychomoteur, couramment retenus dans les études, sont l’âge au début du traitement, la posologie de L-T4 et l’adéquation du traitement jugée sur les dosages de contrôle.

Ces critères sont dépendants de la qualité de la prise en charge à la naissance. Par ailleurs, le niveau socioéconomique peut être considéré comme un facteur postnatal, puisqu’il constitue la principale composante de l’environnement dans lequel l’enfant va évoluer après la naissance.

Nous avons pu suivre une cohorte d’enfants depuis le début et l’évaluer à différents âges.

Les facteurs pronostiques du développement psychomoteur et intellectuel ont été évalués successivement à l’âge de 1, 2, 4 et 7 ans, puis enfin de 12 et 15 ans.

Les résultats, globalement normaux à tous les âges, avaient permis de montrer que le développement psychomoteur à 2 ans était lié de façon significative aux facteurs prénatals (l’étiologie, le taux initial de thyroxine plasmatique et la maturation osseuse).

Puis, la valeur pronostique prépondérante des facteurs prénatals semblait décliner avec l’âge.

En effet, le développement intellectuel à l’âge de 4 ans n’était plus lié à l’étiologie et celui de 7 ans l’était à la seule maturation osseuse.

Inversement, l’effet des facteurs postnatals devenait significatif avec l’âge.

Leur influence, non significative à 2 ans, était déterminante sur le développement intellectuel à 7 ans.

En effet, l’âge de début et la qualité du traitement étaient fortement liés aux scores de quotient intellectuel obtenus à 7 ans.

Pour les résultats obtenus à 12-15 ans, l’influence des facteurs prénatals ne se manifeste plus, hormis le taux de TSH initial, sur le quotient intellectuel de performance à 12 ans ; les facteurs postnatals (la date de début de traitement, la dose de thyroxine et surtout le niveau socioéconomique de la famille) sont les facteurs essentiels.

Ceci suggère un rôle prépondérant des facteurs postnatals, au détriment des facteurs prénatals, dans le pronostic du développement intellectuel à long terme de l’hypothyroïdie congénitale dépistée à la naissance, et rend très conscient de la nécessité de fournir aux enfants une prise en charge optimale.

1- Acceptation de la maladie :

La compréhension et l’acceptation de la maladie par la famille est essentielle.

La révélation du diagnostic génère chez les parents un traumatisme dont la résolution, plus ou moins facile, est susceptible d’engendrer des troubles psychologiques chez les enfants qui obèrent les valeurs obtenues aux tests.

Ces troubles s’amendent avec l’âge, mais ils peuvent encore avoir de l’influence à 7 ans.

La genèse de ces troubles peuvent être aussi les surdosages thérapeutiques ou par ajustements familiaux abusifs.

La qualité de la prise en charge est importante ; elle doit donc porter à la fois sur l’enfant et sa famille, afin de minimiser les facteurs postnatals.

2- Troubles neuropsychiques :

Ces différences peuvent être liées à la présence de troubles neuropsychiques qui rappellent ceux décrits antérieurement par Wolter et al. Ils ne sont mis en évidence qu’avec des protocoles spéciaux.

Autrement, il s’agit de troubles de mémoire ou de déficits de neuroperception ; certains de ces troubles sont peu importants et non permanents.

Vingt à 30 % des enfants traités à l’âge de 3 semaines ont des modifications de leurs potentiels auditifs.

L’étude systématique de l’audition par les émissions otoacoustiques devrait être conduite lors des 3 premiers mois de vie, puisque le risque de surdité est, grossièrement, dix fois plus élevé.

3- Cursus scolaire :

L’appréciation du cursus scolaire sera aussi une manière plus fidèle de coter la réussite de ces enfants.

La collection des informations en fin de scolarité secondaire n’en est qu’à son début, puisque les premiers patients à avoir été dépistés n’ont que 20 ans à l’heure actuelle.

En attendant, on peut dire que la scolarité primaire des enfants est normale.

Pathogénie de l’hypothyroïdie congénitale :

1- Origine génétique :

L’hypothyroïdie congénitale est une affection qui est répandue de façon universelle, avec des variations nettes selon les groupes ethniques laissant apparaître un caractère de susceptibilité génétique que n’a pu démontrer l’étude des haplotypes HLA, mais que laisse escompter la très large prépondérance féminine.

Cependant, cette expression génétique n’est pas directement transmissible, pour ce qui est des troubles embryologiques à l’origine de l’hypothyroïdie congénitale.

Selon la génétique mendélienne, les formes familiales survenant dans la même fratrie, les ascendants ou collatéraux proches, correspondent à 1 ou 2 % et ont été l’occasion de faire des investigations en biologie moléculaire, de même que les formes associées à des malformations somatiques ont ainsi mis en avant des mutations de gènes spécifiques de transcription (TTF1 et TTF2, facteurs de transcription spécifiques thyroïdiens 1 et 2) ou des gènes de croissance tels Pax-8.

À l’heure actuelle, en l’absence de tests génétiques de routine, on ne peut proposer la recherche de ce type de mutations qu’en cas de situations particulières : formes familiales, formes avec consanguinité, formes accompagnées de malformations locorégionales, car les recherches systématiques de formes en apparence sporadiques et isolées sont demeurées majoritairement vaines.

Certaines hypoplasies majeures peuvent être liées à des mutations du récepteur de la TSH, parfois expliquées par une consanguinité.

Les troubles de l’hormonogenèse, dont la transmission est récessive autosomique, sont clairement d’origine génétique ; on commence à pouvoir reconnaître les différents gènes à l’origine des divers stades de la formation des hormones : mutations du gène NIS pour les défauts de captation de l’iode, mutations du gène TPO pour les anomalies de couplage ou d’organification, anomalies du gène de la thyroglobuline, ainsi que anomalie des gènes des déshalogénases 1 et 2, anomalie du gène du syndrome de Pendred.

2- Auto-immunité :

La mise en évidence d’hypothyroïdies auto-immunes à l’âge adulte ou lors de la seconde enfance a été une piste pour évoquer une origine auto-immune aux formes congénitales. Blizzard a rapporté, en 1960, des formes de dysgénésies familiales se produisant dans la descendance de femmes ayant une thyroïdite.

Ces constatations ont été confirmées par d’autres auteurs.

Cependant, la recherche systématique des anticorps antithyroïdiens (antithyroglobuline ou antimicrosomiaux) au cours de l’hypothyroïdie congénitale n’a pas donné de résultats différents de ceux des témoins et les mères atteintes de thyroïdite donnent habituellement naissance à des enfants normaux.

La mise en évidence de formes d’hypothyroïdie transitoire du nouveau-né, accompagnées d’anticorps antithyroglobuline ou antimicrosomiaux, ou inhibiteurs de la fixation de la TSH sur son récepteur, ont relancé la possibilité d’une pathogénie auto-immune, d’autant que l’étude des mères d’hypothyroïdiens n’a pas été faite de manière exhaustive.

* Anticorps bloquant la croissance thyroïdienne :

La découverte par Drexhage d’anticorps bloquant la croissance thyroïdienne (TGI-block) dans les formes congénitales, dans des proportions qui vont de 50 à 85 %, a fourni des arguments qui ont été renforcés par la présence d’anticorps permettant une cytotoxicité cellulaire dans environ 25 à 30 % des cas.

La présence de ces deux types d’anticorps chez des mères n’ayant pas de pathologie auto-immune paraît identique dans des populations différentes et est un argument dont il faut tenir compte.

* Autres anticorps :

D’autres types d’anticorps ont été étudiés : immunoglobuline G en immunofluorescence, incorporation de 123I dans les cellules FRLT5, production d’AMPc TSH dépendante, deuxième antigène de la colloïde.

Toutes ces méthodes donnent des résultats différents, mais elles ajoutent des cas où l’on trouve des anticorps antithyroïdiens positifs dans l’hypothyroïdie congénitale.

Il reste à démontrer que la découverte d’anticorps dans ce contexte a une valeur pathogénique ou est seulement un témoin d’une agression.

3- Origine toxique :

En dehors de la pathogénie auto-immune, des facteurs toxiques ont été avancés, en particulier lors de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl.

Certains pays ont institué une prévention par l’iode, dans la crainte des retombées ; pour autant, la fréquence dans les pays exposés n’a pas significativement varié.

4- Hypothèse virale :

L’hypothèse d’infection virale a été récemment avancée ; elle pourrait participer au processus auto-immun en modifiant les antigènes de surface du complexe majeur d’histocompatibilité.

Celle-ci ne pourra être démontrée que par des études extensives épidémiologiques, mais il n’apparaît pas, pour le moment, de variations saisonnières de l’incidence de l’hypothyroïdie.

Conclusion :

Vingt ans après la généralisation du dépistage de l’hypothyroïdie congénitale dans les pays à niveau de développement élevé, le pari de faire disparaître la débilité liée à celle-ci paraît gagné.

Il faut se garder de tout triomphalisme, mais aussi de tomber dans une routine tout aussi démobilisante.

Ces résultats doivent être connus, annoncés aux parents des enfants dépistés lors de la mise en route du traitement.

De même doit-on les prévenir des écueils à éviter.

Ces résultats doivent être connus par tous ceux qui participent à la chaîne du dépistage : sagesfemmes, administratifs, laborantins, médecins et psychologues pour que ceux-ci se mobilisent afin, non seulement de maintenir l’acquis, mais aussi, si possible, de l’améliorer.

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