Hypothyroïdie acquise de l’adulte (Suite)

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Première partie

Formes particulières d’hypothyroïdies :

A – HYPOTHYROÏDIE DU SUJET ÂGÉ :

Considérée comme la plus fréquente des endocrinopathies des sujets âgés, l’hypothyroïdie secondaire à une fibrose et à une atrophie thyroïdienne d’installation lente est de diagnostic plus difficile en raison de la fréquence des formes paucisymptomatiques, de la similitude de certaines des manifestations du vieillissement avec celles de l’hypothyroïdie et des polypathologies.

Ralentissement psychique, diminution de l’activité et de la mobilité, troubles mnésiques et de l’équilibre, aggravation ou apparition d’une hypoacousie, tendance à la frilosité sont autant de signes d’appels qui pourraient s’expliquer par la sénescence… pan>

Hypothyroïdie acquise de l’adulte (Suite)Le problème ici est de savoir s’il faut privilégier le dépistage systématique ou se fonder sur une symptomatologie volontiers distractive. pan>

Les répercussions biologiques de l’âge sur la fonction thyroïdienne portent sur une réduction de la conversion périphérique de la T4 en T3 favorisée par la malnutrition, les pathologies associées et la prise de certains médicaments.

Il en résulte une fréquente diminution de la T3 alors que la TSH n’est pas affectée.

En pratique, seule l’élévation de la TSH doit être prise en compte pour affirmer l’hypothyroïdie primaire.

B – HYPOTHYROÏDIE FRUSTE OU INFRACLINIQUE :

Elle est définie par une élévation de la TSH sans diminution de la T4L.

Le qualificatif de fruste est réservé aux valeurs de TSH comprises entre 4,5 et 10 ou 20 mU/L.

Des valeurs supérieures correspondent à une hypothyroïdie patente, même si la T4L est encore dans les limites de la normale.

Une tentative de classification a été proposée par Weetman selon le taux de TSH.

Cette forme d’hypothyroïdie est fréquente.

Dans la Whickham Study, 7,5 % des femmes et 2,8 % des hommes ont une hypothyroïdie.

Dans l’étude de Framingham, 13,6 % des femmes et 5,0 % des hommes ont une élévation isolée de la TSH. Les causes sont les mêmes que celles de l’hypothyroïdie patente.

Un déficit d’apport iodé favorise la survenue de cette affection.

L’expression clinique est paucisymptomatique ou non spécifique.

Les manifestations cliniques et biologiques sont souvent rattachées à l’hypothyroïdie a posteriori lorsque le diagnostic est établi par le dosage de la TSH et qu’un traitement substitutif a été instauré.

Les signes fonctionnels et physiques empruntent aux signes de l’hypothyroïdie avérée mais ils sont souvent dissociés et discrets.

Parmi les plus fréquents, notons les troubles psychologiques et intellectuels, la baisse générale des performances, l’irrégularité menstruelle, l’hypofertilité, l’asthénie, la prise de poids, la sécheresse cutanée, les crampes musculaires et les paresthésies.

Bien plus souvent, il s’agit de troubles atypiques.

Les manifestations biologiques sont dominées par les anomalies lipidiques avec augmentation de la concentration de cholestérol-LDL et diminution du cholestérol HDL, même si la cholestérolémie totale semble normale pour l’âge et si le cholestérol HDL est peu influencé par la substitution hormonale.

D’autres anomalies plus subtiles rendent compte des effets tissulaires et accréditent le concept d’hypothyroïdie fruste dont la réalité a longtemps été discutée sous prétexte que l’élévation modérée de la TSH traduisait un état « compensé » avec maintien d’une T4L normale et euthyroïdie et n’augurait pas d’une évolution certaine vers une hypothyroïdie patente.

Au cours de l’hypothyroïdie fruste ont été décrites des perturbations de la vasodilatation endothélium-dépendante, du temps d’intervalle systolique, de la contractilité myocardique et de la variabilité cardiaque, l’ensemble concourant à un risque cardiovasculaire plus élevé.

L’hypothyroïdie fruste s’accompagne encore d’une prévalence accrue d’anémie sidéropénique, de dysfonction musculaire.

Le réflexe stapédial (réflexe musculaire de l’oreille moyenne) est anormal.

Enfin, une relation entre les troubles thymiques et l’hypothyroïdie fruste a été rapportée.

L’anxiété, la dépression et les traits hystériques sont plus fréquents et régressent partiellement sous traitement substitutif.

C – COMA MYXOEDÉMATEUX :

Rare, d’évolution parfois fatale, le coma myxoedémateux est l’aboutissement d’une hypothyroïdie profonde non traitée.

Survenant dans moins d’un cas pour 1 000, atteignant surtout la femme âgée, il est grevé d’une mortalité conséquente (de l’ordre de 50 %).

Divers facteurs déclenchants ont été recensés : interruption d’un traitement, exposition au froid, polypathologie nécessitant une hospitalisation, intervention chirurgicale, traitements psychotropes, isolement social. Hormis la connaissance d’une hypothyroïdie, le diagnostic est évoqué sur un ensemble de signes et d’indices.

Faciès bouffi, infiltration des téguments, pâleur cireuse, dépilation, sécheresse cutanée, cicatrice de cervicotomie peuvent orienter chez un sujet présentant une altération de la conscience de degré variable, allant de la somnolence au coma profond.

Dans sa phase accomplie, il s’agit d’un coma profond, calme, parfois aréflexique. Bradycardie, bradypnée, hypotension artérielle et surtout hypothermie entre 30 et 36 °C ou température normale en dépit d’un état infectieux sont d’autres éléments importants du diagnostic.

L’exploration du coma apporte peu d’éléments spécifiques : hyperprotéinorachie et pression augmentée du liquide céphalorachidien (LCR), activité électroencéphalographique peu ample, pauvre en ondes alpha et sans réponse à la stimulation lumineuse.

Le diagnostic est confirmé par le bilan thyroïdien qui comporte un taux de TSH très élevé et des valeurs effondrées de T4.

D’autres altérations biologiques sont remarquables.

L’hyponatrémie fréquente et parfois sévère (< 110 mmol/L) relève d’un mécanisme complexe par dilution avec hypervasopressinisme secondaire à une hypovolémie efficace et troubles de la dilution des urines.

L’osmolalité urinaire est augmentée.

D’autres anomalies biologiques sont plus inconstantes : anémie normochrome normocytaire, thrombopénie et leucopénie par séquestration hépatosplénique favorisée par l’hypothermie, élévation des CPK et des lacticodéshydrogénases (LDH), hypoglycémie surtout dans l’exceptionnelle forme centrale où la TSH est normale ou basse.

Il n’existe pas d’hypocortisolisme significatif dans la forme périphérique.

Les gaz du sang sont perturbés une fois sur deux, témoins d’une hypoventilation avec hypoxie et hypercapnie et acidose respiratoire.

Le pronostic est dominé par la surinfection, par les troubles ventilatoires avec risque d’insuffisance respiratoire aiguë et par les complications cardiovasculaires telles qu’ischémie myocardique aiguë ou troubles du rythme révélés par l’hormonothérapie.

Les convulsions notées dans 20 % des cas sont avant tout liées à l’hyponatrémie.

D – HYPOTHYROÏDIE D’ORIGINE CENTRALE :

L’hypothyroïdie centrale comporte une insuffisance de sécrétion des hormones thyroïdiennes secondaire à un déficit thyréotrope (TSH). Elle représente moins de 1 % des hypothyroïdies.

Elle participe dans l’immense majorité des cas à une insuffisance plurihormonale hypophysaire souvent globale.

D’origine hypothalamique, elle est la conséquence, soit d’une lésion anatomique : dysplasie congénitale, néoplasique, vasculaire, traumatique, infiltrative (sarcoïdose), postirradiation ou postchirurgicale, soit d’une atteinte fonctionnelle ou psychogène.

Elle est alors réversible comme dans les formes idiopathiques.

L’insuffisance d’origine hypophysaire acquise de l’adulte est presque toujours d’origine lésionnelle.

Les mutations des gènes Pit1 et PROP codant les facteurs de transcription assurant la différenciation de la cellule thyréotrope sont à l’origine d’hypothyroïdies centrales pures congénitales (prévalence de l’ordre de 1/100 000 naissances) habituellement diagnostiquées avant l’âge adulte.

Les signes cliniques sont plus modérés que dans l’hypothyroïdie primaire dite « périphérique », surtout en cas de déficit plurihormonal.

Fatigue physique et psychique, frilosité, sécheresse, pâleur et finesse de la peau, dépilation et lenteur de décontraction des réflexes sont évocateurs.

En revanche, il n’y a ni goitre ni infiltration myxoedémateuse ni macroglossie.

L’association à des modifications du morphotype, des troubles de la croissance ou de la fonction génitale est possible et dépend de l’étiologie.

Les particularités biologiques sont dominées par la diminution constante de la thyroxine libre qui contraste avec un taux de TSH normal ou abaissé.

La diminution attendue de la TSH n’est observée que dans un peu plus de la moitié des cas. Dans quelques cas, le taux de TSH est même excessif.

Ce paradoxe témoigne, soit du fait d’une insuffisance hypophysaire partielle avec persistance d’un rétrocontrôle, soit d’une sécrétion de TSH biologiquement inactive par glycosylation aberrante ou sialilation.

Le test de stimulation par la TRH a pour intérêt théorique de distinguer l’hypothyroïdie centrale d’origine hypophysaire où la réponse de TSH est supprimée et l’hypothyroïdie hypothalamique où la réponse persiste.

L’hypothyroïdie centrale de l’adulte est quasi définitive.

En l’absence de traitement, elle peut évoluer vers un coma myxoedémateux avec hypoglycémies fréquentes.

E – HYPOTHYROÏDIE ET GROSSESSE :

L’hypothyroïdie maternelle est une circonstance non exceptionnelle pouvant avoir des répercussions sur la fécondité, le déroulement de la grossesse et sur le développement foetal.

Connue et précédant la grossesse, elle nécessite une adaptation du traitement substitutif.

La subcarence iodée favorise l’installation d’une hypothyroïdie fruste durant la grossesse.

La grossesse constitue une situation éprouvante pour la thyroïde de la mère, à même de démasquer une hypothyroïdie latente en raison de l’augmentation des besoins hormonaux et d’une moindre disponibilité en iode.

Au second trimestre de la grossesse, la TSH est supérieure à 6 mU/L dans 2,5 % des cas mais la coexistence d’une TSH élevée et d’une thyroxine libre basse n’est que de 3 ‰.

La prévalence de l’hypothyroïdie au cours de la grossesse est estimée à 0,3-0,7 % pour la forme avérée et à 2,2-2,5 % pour la forme fruste.

Le diagnostic de l’hypothyroïdie maternelle repose sur le dosage de la TSH qui est peu affecté par la grossesse alors que la concentration de T4L diminue franchement au cours des deuxième et troisième trimestres.

La confirmation biologique de l’hypothyroïdie suspectée cliniquement est d’autant plus indispensable que la sémiologie de l’hypothyroïdie peut être modifiée par la grossesse.

Certains symptômes communs au cours de la grossesse pourraient en imposer pour une hypothyroïdie : fatigue, rétention hydrique, crampes musculaires, constipation, sécheresse de la peau, modification des phanères.

L’hypothyroïdie avérée non traitée peut être à l’origine de complications maternofoetales : anémie, décollement prématuré du placenta, prééclampsie, hémorragie du post-partum sont les principales complications gravidiques.

Les complications foetales sont une plus grande fréquence de mort in utero (12 %) et de retard de croissance intra-utérin (31 %) et un taux plus élevé de malformations congénitales (11 %).

Les conséquences de l’hypothyroïdie maternelle ont été reconsidérées récemment.

Longtemps il était admis que du fait d’un faible passage transplacentaire des hormones thyroïdiennes, les répercussions de l’hypothyroïdie maternelle sur le développement foetal étaient mineures ou nulles.

En fait, le passage transplacentaire des hormones thyroïdiennes est loin d’être négligeable.

Il expliquerait en particulier que la plupart des enfants athyréotiques ont une concentration en thyroxine qui n’est réduite que de moitié et ont un développement proche de la normale à la naissance.

En revanche, la concomitance d’une hypothyroïdie foetale et maternelle d’origine auto-immune se traduit par une altération du développement du cerveau foetal.

Dans les régions de subcarence iodée, la mère et le foetus ont une fonction thyroïdienne déficiente avec, pour ce dernier, des répercussions à type de retard mental et de troubles neurologiques : spasticité, ataxie, surdité, mutité, dans les formes les plus sévères.

Plus récemment, il a pu être démontré que les enfants de mère ayant une augmentation de la TSH durant la grossesse ont une diminution modérée mais significative des performances intellectuelles lors de tests portant sur l’intelligence, le langage, l’attention et les capacités scolaires par rapport à d’autres enfants témoins de même âge (8 ans).

Le quotient intellectuel (QI) a un score inférieur à 85 chez 15 % d’entre eux contre 5 % chez les témoins.

L’étiologie de l’hypothyroïdie maternelle interviendrait sur la nature des répercussions foetales.

Le passage transplacentaire des anticorps anti-TPO à un titre élevé aggrave les répercussions foetales de l’hypothyroïdie, mais ces travaux sont débattus.

En fait, ces anti- TPO suspects d’accroître le risque d’avortement précoce sont sans conséquence sur la fonction thyroïdienne foetale.

L’hypothyroïdie maternelle secondaire à une carence en iode prédispose à une hypothyroxinémie par insuffisance de transfert hormonal en début de grossesse puis par insuffisance de production hormonale foetale.

Ses répercussions sont donc potentiellement plus graves.

Certaines anomalies congénitales de l’hormonogenèse pourraient être à l’origine d’une hypothyroïdie chez la mère et l’enfant.

Ces considérations qui mettent en exergue l’importance du transfert des hormones thyroïdiennes de la mère vers l’enfant et insistent sur les conséquences à long terme d’une hypothyroïdie maternelle au premier trimestre de la grossesse ne peuvent qu’inciter à optimiser le dépistage de l’hypothyroïdie et son traitement.

L’enjeu est de reconnaître précocement l’hypothyroïdie maternelle. Un bilan thyroïdien devrait être effectué dès le début de la grossesse chez toutes les femmes ayant des antécédents thyroïdiens personnels ou familiaux.

F – HYPOTHYROÏDIE DU POST-PARTUM :

Cette hypothyroïdie d’origine auto-immune survient au décours de l’accouchement chez des femmes ayant un titre élevé d’anticorps anti-TPO au premier trimestre qui s’élève dans la période du postpartum.

Elle est plus fréquente dans les populations HLA DR3, DR4 et DR5 et survient dans environ 5 % des grossesses.

Il s’agit d’une hypothyroïdie, ressemblant par bien des points à une « thyroïdite silencieuse ».

Dans la forme typique, l’hypothyroïdie est précédée d’une phase d’hyperthyroïdie plus ou moins symptomatique, relativement brève, passant souvent inaperçue.

L’hypothyroïdie dure quelques mois (médiane de 19 semaines) et est le plus souvent spontanément régressive.

En fait, elle peut être définitive dans plus de 20 % des cas.

Son expression symptomatique est volontiers pauvre ou atypique.

Au goitre, avec frilosité, fatigue, crampes musculaires et prise de poids, peuvent être associés un retour de couches différé, une galactorrhée persistante, des troubles des règles ou un syndrome anxiodépressif.

Le diagnostic, confirmé par l’élévation de la TSH et des anticorps antithyroïdiens, doit être particulièrement évoqué en cas d’antécédents familiaux de dysthyroïdie auto-immune ou si la mère a déjà présenté un épisode comparable à l’occasion d’une précédente grossesse, le risque de récidive aux grossesses suivantes étant de 30 à 40 %.

Traitement de l’hypothyroïdie :

Codifié par une conférence de consensus et diverses recommandations, le traitement de l’hypothyroïdie est simple, performant et peu coûteux.

Pourtant, près d’un tiers des sujets en hypothyroïdie sont traités de façon insuffisante ou abusive.

Une compliance imparfaite, la variation des besoins hormonaux liée à l’état physiologique, la prise d’autres médicaments, d’éventuels troubles de l’absorption intestinale, l’existence d’une affection intercurrente, le caractère transitoire d’une hypothyroïdie et l’exceptionnel problème d’interférences avec le dosage de la TSH sont les principales causes de difficultés thérapeutiques.

La décision de traiter est prise après confirmation du diagnostic par un nouveau dosage de TSH et après une évaluation de la gravité de l’hypothyroïdie (répercussions cliniques, électrocardiographiques et degré de diminution de T4L).

L’appréciation du risque coronarien est essentielle, notamment chez le sujet âgé où la coronaropathie peut être masquée par l’hypométabolisme et la sédentarité.

En cas de doute, l’épreuve d’effort, quand elle est possible, ou la scintigraphie myocardique fournissent de précieuses indications pour les modalités de la mise en oeuvre du traitement substitutif.

A – MOYENS :

Parmi les divers moyens thérapeutiques disponibles, la L-thyroxine ou lévothyroxine est à privilégier pour le traitement à long terme du fait de sa demi-vie d’environ 8 jours et de son absorption satisfaisante lorsqu’elle est administrée à jeun.

Une prise quotidienne, de préférence sous la forme de comprimés plutôt que sous la forme de gouttes, assure une imprégnation hormonale stable.

Les besoins hormonaux théoriques moyens sont estimés à 1,7 ± 0,4 µg/kg/j de lévothyroxine.

Le recours à la L-tri-iodo-thyronine (Cynomelt) se justifie théoriquement par le fait que c’est l’hormone « biologiquement » active sur les récepteurs nucléaires.

On peut aussi avoir pour objectif de mimer la thyroïde qui sécrète simultanément de la T4 et de la T3 dans la proportion d’environ 80 % et 20 %.

En fait, le médicament commercialisé (Euthyralt), dont chaque comprimé contient 100 µg de LT4 et 20 µg de LT3, s’avère de maniement difficile, exposant à des pics de T3 excessifs. Il ne présente pas d’avantages par rapport à la lévothyroxine.

Toutefois, une étude récente effectuée sur une petite série de malades a montré que l’association de T3 et de T4 était plus performante que la LT4 seule sur un certain nombre de paramètres cognitifs évalués par une batterie de tests et d’échelles psychométriques. Ces résultats ont été depuis contestés.

B – MODALITÉS :

Les modalités d’installation du traitement dépendent du contexte.

Le principe d’une montée en charge progressive de la posologie est généralement admis, encore que certains préconisent l’administration d’emblée de la dose pleine et entière chez les sujets jeunes sans risque cardiovasculaire ou au décours d’une thyroïdectomie.

Chez le sujet âgé, il est indispensable d’utiliser des doses initiales faibles (12,5 ou 25 µg), de respecter des paliers plus ou moins longs de 2 à 4 semaines afin de ne pas déstabiliser une cardiopathie sous-jacente marquée par l’hypothyroïdie.

La dose moyenne nécessaire diminue avec l’âge et est globalement estimée à 100 ± 8 µg/j contre 130 ± 6 µg/j chez les sujets jeunes.

Chez un sujet porteur connu d’une coronaropathie, plusieurs attitudes sont à envisager.

La première consiste à traiter très précautionneusement avec une dose initiale de l’ordre de 6,25 ou 12,5 µg et des paliers de progression du même ordre à intervalle de 15 jours ou plus.

La vigilance clinique et électrocardiographique doit être constante afin de prévenir une ischémie aiguë ou une mort subite.

Une prescription adjuvante de dérivés nitrés doit être prudente en raison du risque d’hypovolémie.

Le recours aux bêtabloqueurs cardiosélectifs avec activité sympathomimétique intrinsèque en cas de bradycardie est utile mais non anodin dans la mesure où le rendement cardiaque peut diminuer.

Une autre attitude consiste à attendre le bénéfice d’une chirurgie de revascularisation ou d’une angioplastie avant de rechercher la normalisation de la TSH ou même de débuter le traitement substitutif.

Il existe autant d’arguments pour la chirurgie première que pour l’hormonothérapie première.

L’absence de substitution augmenterait le risque de complications chirurgicales avec des troubles du rythme et de la conduction dus à une mauvaise réactivité du myocarde.

Chez la femme enceinte, les besoins hormonaux augmentent au fur et à mesure du déroulement de la grossesse d’environ 20 à 45 %.

Il n’existe aucune réserve quant à l’utilisation de lévothyroxine au cours de la grossesse ou de l’allaitement.

La possibilité d’une hypothyroïdie transitoire est à envisager lorsque l’hypothyroïdie est secondaire à une thyroïdite silencieuse, aiguë ou du post-partum.

Dans bien des cas, il est possible de se dispenser d’un traitement substitutif lorsque l’hypothyroïdie est fruste et asymptomatique.

En cas de substitution, une tentative d’arrêt du traitement est à tenter de principe après quelques mois, seule façon de confirmer le caractère définitif de l’hypothyroïdie.

L’hypothyroïdie iatrogénique médicamenteuse est l’occasion de s’interroger sur le bien-fondé du traitement causal.

Au cours d’un traitement justifié par amiodarone, lithium ou cytokine, il est admis de poursuivre le traitement sous couvert d’une substitution hormonale dont le but est de corriger la TSH.

Dans le cas de l’hypothyroïdie fruste, le vrai débat concerne les modalités de traitement de l’hypothyroïdie fruste par manque d’essais thérapeutiques comparatifs concluants.

L’abstention peut se justifier par le caractère asymptomatique et par l’incertitude quant à l’évolution spontanée vers une hypothyroïdie franche.

En l’état de la question et bien qu’une étude d’intervention prospective randomisée manque encore pour convaincre totalement, les arguments indirects en faveur de la mise en route d’un traitement précoce ne manquent pas.

D’un point de vue épidémiologique, l’hypothyroïdie infraclinique constitue bien un facteur de risque indépendant de l’infarctus du myocarde et de l’athérosclérose chez la femme ménopausée et ce, même en l’absence d’anticorps antithyroïdiens.

D’un point de vue clinique, l’amélioration de la sensation de bien-être sous traitement a été bien documentée. Enfin, l’amélioration du profil lipidique est un autre argument en faveur du traitement.

Des arguments anamnestiques chirurgie thyroïdienne, irradiation métabolique ou externe sont également à prendre en compte.

En revanche, la décision peut être plus difficile à prendre en cas d’affection associée ou de coronaropathie.

Si le traitement peut accentuer l’expression de l’atteinte coronarienne, l’abstention peut favoriser l’athérogenèse.

Une appréciation régulière du statut thyroïdien par des dosages répétés de TSH est alors nécessaire.

Dans le cas de l’insuffisance thyroïdienne d’origine centrale, il est recommandé de corriger une éventuelle insuffisance corticotrope avant de débuter la substitution hormonale thyroïdienne sous peine de provoquer une insuffisance surrénale aiguë.

Après une première phase d’administration de 50 µg/j de lévothyroxine, la dose est adaptée par rapport à l’objectif qui est de normaliser la concentration de T4L sans tenir compte de la TSH qui n’a, ici, aucune utilité dans l’évaluation du statut thyroïdien.

C – TRAITEMENT DU COMA MYXOEDÉMATEUX :

L’administration de lévothyroxine se fait par voie veineuse, lente ou en bolus, à la dose de 300 à 500 µg le premier jour puis de 25 à 100 µg/j.

L’amélioration clinique survient en quelques heures.

Certains préfèrent l’administration de T3 par sonde nasogastrique à la dose de 2,5 à 25 µg pour contourner la conversion périphérique de T4 en T3.

Des doses fortes favoriseraient la survenue d’un infarctus du myocarde et de troubles du rythme.

Une corticothérapie adjuvante est souvent préconisée. D’intérêt discuté, son utilisation est cependant sans risque sous la forme d’injection intraveineuse d’hémisuccinate d’hydrocortisone à la dose de 50 à 100 mg toutes les 8 heures pendant 1 ou 2 jours.

Un réchauffement passif par des couvertures suffit à contrôler l’hypothermie, le réchauffement actif qui favorise la survenue d’un choc devant être réservé aux hypothermies extrêmes, inférieures à 30 °C.

L’assistance respiratoire doit être envisagée précocement et il est recommandé d’éviter les dépresseurs respiratoires, même en cas de convulsions.

Dans ce cas, mieux vaut traiter l’hyponatrémie par restriction hydrique et contrôler l’hypoxie ou l’hypoglycémie.

La prise en charge cardiovasculaire doit être prudente. Digitaliques et diurétiques sont à utiliser avec circonspection.

Le choc est une indication de transfusion de sang complet.

Le traitement d’une éventuelle cause déclenchante infectieuse doit être entrepris au moindre doute chez ces patients exprimant peu les signes généraux de l’infection.

En dépit de ces moyens, le pronostic du coma myxoedémateux demeure grevé d’une mortalité de l’ordre de 20 %.

Le grand âge, la bradycardie et l’hypothermie majeures, le retard apporté à l’assistance respiratoire et la polypathologie sont des facteurs de mauvais pronostic.

Surveillance du traitement :

Clinique, elle vise à s’assurer de la disparition des signes d’hypothyroïdie et à rechercher des signes d’intolérance (trémulations, tachycardie).

La surveillance biologique est complémentaire et obligatoire.

Elle est fondée sur la TSH.

La variation de ce paramètre, qui est un excellent marqueur de l’état d’imprégnation hormonale tissulaire, peut être lente.

Il convient en conséquence d’attendre quelques semaines de traitement avant de porter un jugement sur le caractère adéquat d’une substitution.

La normalisation de la TSH est souvent obtenue moyennant une valeur de T4L à la limite supérieure de la normale et, à l’inverse, une valeur de T3L à la limite inférieure de la normale.

En dépit de ces dissociations entre les valeurs de TSH et des hormones thyroïdiennes non liées, il semble que la TSH soit suffisante pour optimaliser le traitement de l’hypothyroïdie primaire.

En pratique, une surveillance de la valeur de TSH plasmatique tous les 6 mois ou tous les ans est suffisante chez les sujets compliants.

En effet, la variation des besoins en hormone thyroïdienne est assez faible chez un même individu. Les besoins augmentent avec le poids et l’activité physique et diminuent très lentement avec l’âge.

L’objectif du traitement peut se contenter d’une normalisation de la TSH, sauf dans l’hypothyroïdie centrale où le suivi se fait sur la concentration de T4L lorsque le patient est traité par lévothyroxine.

Ce n’est qu’en cas de coronaropathie active qu’il peut être sage de se contenter d’une diminution sans correction de la TSH.

Inversement, dans le cancer thyroïdien différencié traité, c’est une dose suprasubstitutive avec TSH abaissée qui est souhaitée.

Dans le cas général, le maintien à la stricte normale des valeurs de TSH corrige une athéromatose accélérée ou prévient les conséquences cardiaques et osseuses d’un surdosage, même lorsque celui-ci est asymptomatique.

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