Hypokaliémie

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Étiologie :

On distingue, selon les mécanismes physiopathologiques en jeu, trois causes principales d’hypokaliémie (kaliémie < 3,5 mmol/L) : les hypokaliémies par transfert du potassium vers le secteur intracellulaire, les hypokaliémies par déplétion potassique d’origine rénale et les hypokaliémies par déplétion potassique d’origine digestive.

Des pertes sudorales au cours d’un exercice physique prolongé en atmosphère chaude peuvent également entraîner une hypokaliémie par déplétion en potassium.

La carence d’apport en potassium est exceptionnellement responsable d’une déplétion en potassium, du fait de l’abondance de cet électrolyte dans l’alimentation; une telle cause se rencontre toutefois en cas de vomissements associés ou dans le cas d’une alimentation parentérale mal conduite.

HypokaliémieLa démarche étiologique repose en priorité sur l’anamnèse (notions de prises de médicaments au premier rang desquels les diurétiques et les laxatifs, existence de diarrhée ou de vomissements, antécédents familiaux), sur l’examen clinique (signes d’hypovolémie, présence d’une hypertension artérielle), sur des examens biologiques simples (kaliurèse; bicarbonates plasmatique et urinaire; magnésémie; pH, chlore et sodium urinaires).

Dans un second temps, des dosages spécialisés d’hormones ou de médicaments, une étude radiologique des surrénales et endoscopique du rectum pourront être nécessaires.

Généralement, l’interrogatoire, l’examen et (ou) le contexte cliniques suffiront à évoquer une hypokaliémie par transfert cellulaire.

Si l’hypothèse initiale est celle d’une hypokaliémie par déplétion, la mesure du potassium urinaire oriente le diagnostic.

Inférieure à 20 mmol/L ou par 24 h, la kaliurèse fait envisager des pertes sudorales, une fuite digestive (diarrhée, laxatifs) ou exceptionnellement des apports insuffisants.

Supérieure à 25 mmol/L ou par 24h, la kaliurèse est en faveur d’une perte rénale de potassium dont l’origine sera recherchée en tenant compte des signes biologiques associés et du contexte clinique.

Physiopathologie :

La répartition du potassium dans les compartiments de l’organisme est très inégale; 90 % du potassium échangeable est contenu dans les cellules (3 000 mmol en moyenne), 8 % dans le tissu osseux et seulement 2 % dans le compartiment extracellulaire (60 mmol en moyenne).

Le gradient entre la concentration de potassium intracellulaire (~ 130 mmol/L) et la kaliémie (3,5 à 4,5 mmol/L) est la conséquence de l’activité de la pompe Na-K-ATPase. La grandeur régulée est la kaliémie.

Tant la diminution que l’augmentation de la kaliémie sont délétères car elles modifient le potentiel de repos transmembranaire, donc le fonctionnement des cellules excitables et tout particulièrement celui des cellules cardiaques.

La kaliémie du sujet normal est maintenue constante bien que la charge quotidienne en potassium (avoisinant habituellement 80 mmol/24 h) excède le contenu total de potassium du compartiment extracellulaire.

Deux mécanismes assurent cet équilibre: immédiatement, le transfert de potassium dans les cellules, secondairement, une élimination complète de la charge en potassium.

Cette régulation du bilan potassique est assurée exclusivement par le canal collecteur du rein où la sécrétion de potassium, contrôlée par l’aldostérone, s’adapte aux besoins de l’organisme.

L’élévation de la kaliémie augmente la sécrétion d’aldostérone qui, en retour, stimule la sécrétion tubulaire de potassium.

La kaliurèse représente 90 à 95 % des apports alimentaires soit, dans l’exemple choisi, 70 à 75 mmol/24h.

L’hypokaliémie peut être la conséquence d’un excès de transfert cellulaire du potassium ou d’un bilan négatif entre les entrées et les sorties, c’est-à-dire, dans la très grande majorité des cas, des pertes digestives ou rénales excédant les entrées alimentaires.

A – Causes rénales d’hypokaliémie :

Elles ont en commun l’association d’une hypokaliémie et d’une kaliurèse non appropriée, supérieure à 25 mmol/L ou par 24 h.

1- Hypokaliémie et hypertension artérielle par hyperminéralo-corticisme :

L’existence d’une hypokaliémie associée à l’hypertension artérielle est systématiquement recherchée car sa valeur étiologique est primordiale.

L’adénome de Conn (tumeur bénigne de la zone glomérulée de la corticosurrénale) ou l’hyperplasie bilatérale des surrénales, bien que rares, doivent être reconnus car un traitement adapté (chirurgical pour l’adénome ou par diurétique anti-aldostérone pour l’hyperplasie) sera mis en place.

L’hyperaldostéronisme primaire est responsable d’une sécrétion tubulaire accrue de potassium, inadaptée à la kaliémie.

Malgré l’hyperaldostéronisme primaire, l’hypervolémie reste modérée et ne s’accompagne pas d’oedèmes (classique phénomène d’échappement rénal à l’action antinatriurétique de l’aldostérone expliqué par une moindre réabsorption de sodium par le tubule proximal et par l’élévation des concentrations plasmatiques du peptide auriculaire natriurétique dont l’action sur le tubule collecteur vient contrebalancer celle de l’aldostérone).

L’hypokaliémie s’accompagne d’une alcalose métabolique par sécrétion de protons dans le tubule concomitamment de celle de potassium et d’une hypernatrémie modérée.

Si le patient est soumis à un régime pauvre en sodium, les signes biologiques (hypokaliémie, kaliurèse élevée) se minorent parce que la perte rénale de potassium est fonction du débit de sodium dans le tubule collecteur.

Le diagnostic repose sur les dosages plasmatiques de la rénine active, basse du fait de l’hypervolémie et de l’aldostérone, élevée, peu ou pas modifiée à l’orthostatisme.

La tomodensitométrie identifie les adénomes supérieurs à 4 mm de diamètre.

L’imagerie en résonance magnétique, la phlébographie surrénale et la scintigraphie à l’iodocholestérol sont utiles pour faire la distinction entre adénome de Conn (60 % des hyperaldostéronismes primaires) et hyperplasie bilatérale des surrénales.

Le syndrome de Cushing peut s’accompagner d’une hypokaliémie par effet minéralocorticoïde du cortisol ou de ses précurseurs comme la désoxycorticostérone ou la corticostérone, surtout dans les corticosurrénalomes avec sécrétion hormonale très élevée, ou lors des sécrétions ectopiques d’ACTH des syndromes paranéoplasiques.

Le diagnostic repose sur le tableau clinique et biologique d’hypercorticisme.

L’intoxication à la glycyrrhizine, présente dans la réglisse et le pastis sans alcool, est à l’origine d’un tableau d’hyperminéralocorticisme mais sans élévation de l’aldostérone plasmatique.

Cette substance inhibe la 11 bêta-hydroxystéroïde déshydrogénase rénale.

Cette enzyme, en dégradant le cortisol actif en cortisone inactive, empêche le cortisol, dont la concentration est largement supérieure à celle d’aldostérone, de se fixer au récepteur minéralocorticoïde pour lequel il possède une bonne affinité.

En cas d’inhibition de la 11 bêtahydroxystéroïde déshydrogénase rénale, le cortisol a une activité minéralocorticoïde non régulée par liaison au récepteur tubulaire de l’aldostérone.

L’hyperplasie congénitale des surrénales par déficit enzymatique en 11 bêta-hydroxylase et 17 alpha-hydroxylase s’accompagne d’une hypokaliémie et d’une hypertension artérielle par production accrue de désoxycorticostérone à effet minéralocorticoïde.

En l’absence de production de cortisol, la synthèse d’ACTH est stimulée expliquant l’hyperplasie des surrénales.

Le déficit en 11 bêta-hydroxylase s’accompagne de signes de virilisation précoce.

Le syndrome de Liddle réalise aussi un tableau clinique et biologique d’hyperminéralocorticisme avec des concentrations plasmatiques de rénine et d’aldostérone basses.

Il s’agit d’une des rares formes monogéniques d’hypertension artérielle génétique.

Dans les hypertensions artérielles avec sécrétion accrue de rénine et hyperaldostéronisme secondaire à la stimulation surrénale par l’angiotensine II, l’hypokaliémie est généralement moindre que dans les hyperaldostéronismes primaires et les syndromes apparentés précédemment décrits.

Les hypertensions artérielles à rénine élevée responsables d’hypokaliémie sont celles qui sont provoquées par une sténose unilatérale d’une artère rénale (hypertension artérielle rénovasculaire), les exceptionnelles tumeurs juxtaglomérulaires, les hypertensions artérielles “malignes”, les ischémies rénales par vascularite.

2- Hypokaliémie par hyperaldostéronisme sans hypertension artérielle :

L’hypokaliémie est la conséquence d’un débit élevé de sodium dans le tubule collecteur et d’un hyperaldostéronisme simultané, secondaire à un hyperréninisme, luimême lié à une diminution du volume sanguin artériel efficace.

Cette situation clinique se rencontre avec une grande fréquence lors des traitements d’une hypertension artérielle ou d’une insuffisance cardiaque par les diurétiques thiazidiques ou les diurétiques de l’anse (furosémide, bumétanide).

Les diurétiques de l’anse inhibent la réabsorption de sodium dans l’anse de Henle et les thiazidiques dans le segment cortical de dilution, l’un et l’autre de ces deux segments du tubule rénal se situant en amont du site d’action de l’aldostérone.

L’hypokaliémie est associée à une alcalose métabolique favorisée par la contraction du volume extracellulaire et l’hyperaldostéronisme.

La natriurèse est variable, augmentée à l’installation du traitement, normale à la phase d’entretien, diminuée à l’arrêt du traitement car l’action de l’aldostérone n’est plus alors contrecarrée par celle du diurétique.

L’hypokaliémie induite par les thiazidiques utilisés dans le traitement de l’hypertension artérielle est moins fréquente depuis l’utilisation de posologie faible et lors de l’association avec des diurétiques épargneurs de potassium ou avec des inhibiteurs de l’enzyme de conversion.

Parfois niée, la prise abusive de diurétiques est d’autant plus difficile à diagnostiquer qu’intermittente, elle peut ne pas s’accompagner au moment de l’examen d’une kaliurèse élevée.

Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique inhibent la réabsorption de sodium dans le tubule proximal et peuvent donc être à l’origine d’une hypokaliémie mais les indications de cette classe diurétique sont rares (traitement du glaucome).

Les diurèses osmotiques par utilisation de mannitol ou dans le diabète mal équilibré favorisent également l’hypokaliémie.

C’est ainsi que s’explique pour partie la déplétion potassique au cours de l’acidocétose qui ne s’accompagne pas nécessairement d’hypokaliémie car la carence en insuline limite le transfert physiologique de potassium dans les cellules de l’organisme.

L’insulinothérapie démasque la déplétion en potassium, imposant de prévenir le risque d’hypokaliémie par des apports de potassium simultanés.

L’acidose tubulaire proximale (type I) est à l’origine d’une hypokaliémie parce que le défaut de réabsorption du bicarbonate et du sodium, à l’origine de l’acidose, favorise l’hyperaldostéronisme et l’afflux de sodium dans le tubule collecteur.

L’hypokaliémie de l’acidose tubulaire distale de type 2 s’explique en partie par une augmentation de la sécrétion de potassium venant compenser le défaut de sécrétion distale de protons.

Le syndrome de Bartter et le syndrome de Gitelman sont deux causes rares d’hypokaliémie, d’origine génétique, de type autosomique récessif ; ils sont généralement observés chez l’enfant pour le premier, et l’adulte jeune pour le second.

Ils associent une hypokaliémie, une alcalose métabolique, une hypomagnésémie et une hypovolémie responsable d’un hyperréninisme et d’un hyperaldostéronisme.

Un tel tableau biologique qui s’explique par une augmentation du débit de sodium dans le tubule collecteur et une tendance à l’hypovolémie, fera également envisager chez l’adulte une possible prise abusive et niée de diurétiques.

3- Autres mécanismes :

L’alcalose aiguë, métabolique ou respiratoire, est une cause d’hypokaliémie par transfert intracellulaire de potassium.

L’alcalose métabolique prolongée est responsable d’une hypokaliémie par perte rénale de potassium qui s’explique de la façon suivante : la charge de bicarbonates filtrés augmentant, la fraction de bicarbonates réabsorbés dans le tubule proximal diminue et la réabsorption proximale de sodium, liée à celle des bicarbonates, s’abaisse également.

Alors que l’alcalose elle-même favorise la sécrétion de potassium, le débit élevé de bicarbonate de sodium dans le tubule collecteur stimule l’échange entre sodium et potassium, à l’origine de la déplétion marquée en potassium et de l’hypokaliémie.

Le pH urinaire est alcalin, la natriurèse n’est pas abaissée mais la concentration urinaire de chlore est basse (<10 mmol/L) parce que la réabsorption proximale de cet anion augmente dans le tubule proximal pour compenser la diminution de celle de bicarbonate.

Ce tableau est typiquement celui observé au cours des vomissements ou de l’aspiration gastrique prolongée, qui diminuent le stock de l’organisme en acide chlorhydrique et conduisent à un excès net en ions bicarbonates.

L’hypokaliémie observée au cours des vomissements s’explique donc plus par une fuite rénale de potassium que par une perte digestive parce que le contenu en potassium du liquide gastrique est faible (5 à 10 mmol/L).

Lorsque des vomissements abondants sont à l’origine d’une contraction du volume extracellulaire, la réabsorption de sodium augmente dans le tubule proximal mais l’hyperaldostéronisme vient à son tour favoriser la sécrétion de potassium. Dans cette situation, la concentration urinaire en potassium reste élevée et celle de chlore et de sodium est basse.

L’hypomagnésémie et la déplétion en magnésium favorisent l’hypokaliémie.

L’hypomagnésémie stimulerait l’excrétion rénale de potassium en augmentant la perméabilité membranaire au potassium des cellules tubulaires et la synthèse de rénine et d’aldostérone.

La fuite rénale de potassium est associée à celle de magnésium au cours des traitements par les diurétiques kaliuriques, parfois par le cisplatine ou les aminosides.

La perte de potassium d’origine digestive peut également être associée à un déficit en magnésium.

Dans ces situations, la correction de l’hypokaliémie nécessitera celle simultanée de la déplétion en magnésium.

La physiopathologie des autres causes de déplétion en potassium d’origine rénale est souvent mal connue.

La pénicilline et ses dérivés, excrétés dans l’urine, en se comportant comme des anions non réabsorbables, favoriseraient l’échange entre sodium et potassium dans le tubule collecteur.

B – Hypokaliémies d’origine digestive :

Vomissements : l’hypokaliémie est fréquente mais s’explique essentiellement par des pertes rénales car le liquide gastrique est pauvre en potassium.

Devant une hypokaliémie inexpliquée, il faut envisager la possibilité de vomissements volontaires et niés.

Pertes intestinales: dans les diarrhées aiguës, la déplétion en potassium est rapide car la concentration de potassium avoisine 80 à 90 mmol/L.

La perte de bicarbonates explique que l’hypokaliémie soit associée à une acidose métabolique.

La kaliurèse est basse, appropriée à l’hypokaliémie.

Lorsque ces pertes sont chroniques, comme lors de l’abus de laxatifs, l’acidose métabolique est inconstante, parfois remplacée par une alcalose métabolique, conséquence de la déplétion profonde en potassium.

Cet abus de laxatifs, souvent nié peut être à l’origine de lésions de mélanose de la paroi anorectale mises en évidence par endoscopie.

C – Hypokaliémie par augmentation du transfert de potassium vers les cellules :

L’hypokaliémie apparaît en l’absence de déplétion en potassium.

Le transfert de potassium au cours des alcaloses respiratoires et métaboliques aiguës a déjà été évoqué.

Les hypokaliémies qui en résultent sont peu marquées et transitoires, en particulier au cours des alcaloses respiratoires sauf s’il existe une cause surajoutée d’hypokaliémie (prise de diurétiques…).

L’insuline favorise le transfert de potassium à l’intérieur des cellules, vraisemblablement par activation de la pompe Na-K-ATPase.

L’insuline exogène peut être à l’origine d’une hypokaliémie au cours du traitement de l’acidocétose diabétique.

Chez le sujet dénutri, l’apport de glucides, en stimulant la libération d’insuline par le pancréas peut provoquer la survenue d’une hypokaliémie.

Les agents sympathomimétiques favorisent le transfert de potassium dans la cellule par activation de récepteurs b2 adrénergiques.

Il s’agit d’une cause d’hypokaliémie dans les situations de stress (cardiopathie ischémique, delirium tremens) ou lors des traitements mal adaptés par le salbutamol (dans l’asthme et en obstétrique).

Les intoxications par la théophylline induisent également des hypokaliémies par transfert de potassium dans les cellules.

La paralysie périodique familiale est une maladie génétique rare de transmission autosomique dominante.

Elle est caractérisée par des épisodes de paralysies flasques des membres inférieurs ou du tronc, d’apparition brutale, favorisés par un repas riche en glucides ou l’exercice musculaire, et s’accompagnant d’hypokaliémies sévères et transitoires, par transfert intracellulaire de potassium.

L’intoxication par le toluène ou le baryum peut provoquer l’apparition de tableaux cliniques et biologiques similaires.

Les leucémies d’évolution rapide entraînent parfois une hypokaliémie par transfert cellulaire de potassium, secondaire à la prolifération cellulaire.

Les traitements par facteurs de croissance au cours des maladies hématologiques peuvent induire une hypokaliémie par un mécanisme identique.

Diagnostic :

A – Diagnostic biologique :

La concentration normale de potassium plasmatique à jeun dans les conditions basales est comprise entre 3,5 et 4,5 mmol/L dans l’intervalle de confiance de 95 %.

On portera le diagnostic d’hypokaliémie pour une valeur de cette concentration plasmatique inférieure à 3,5 mmol/L, une fois éliminées les pseudo-hypokaliémies par captation in vitro du potassium par des leucocytes en excès (>50 000/mm3) lorsque le prélèvement sanguin est conservé de façon prolongée à température ambiante.

Le diagnostic d’hypokaliémie peut être porté dans des circonstances très différentes.

Il peut s’agir d’une découverte fortuite chez un patient asymptomatique, en particulier au cours de la surveillance d’un traitement diurétique.

Ailleurs, le dosage de potassium plasmatique sera réalisé devant des symptômes cardiaques ou musculaires évocateurs.

Dans tous les cas, au diagnostic positif seront associés une enquête étiologique et un bilan du retentissement de l’anomalie électrolytique.

B – Retentissement clinique :

Les conséquences de l’hypokaliémie seront d’autant plus graves que l’hypokaliémie sera sévère (< 2,5 mmol/L), qu’elle aura été d’installation rapide et que le sujet est âgé et présente un terrain fragile.

1- Conséquences cardiaques :

Les troubles du rythme supraventriculaires et ventriculaires sont les principales complications cardiaques.

Ils s’expliquent par le rôle du gradient transmembranaire de potassium dans l’établissement du potentiel de membrane.

Ils peuvent engager le pronostic vital lorsqu’il s’agit de tachycardie ventriculaire, de torsades de pointes ou, à l’extrême, de fibrillation ventriculaire.

Ces arythmies sont précédées d’anomalies à l’électrocardiogramme : apparition d’une onde U, abaissement ou inversion de l’onde T, dépression du segment ST, élargissement du complexe QRS.

L’hypokaliémie prédispose à l’intoxication digitalique.

Pour cette raison, elle sera soigneusement corrigée en même temps que l’hypomagnésémie lors des traitements par la digitaline et ses dérivés.

L’hypokaliémie majore également le risque de torsades de pointe avec certains médicaments tels que l’amiodarone et les quinidiniques.

L’hypokaliémie associée à une déplétion potassique favoriserait la survenue d’une hypertension artérielle chez l’homme.

Différents arguments épidémiologiques et thérapeutiques, la correction de l’hypokaliémie renforçant le pouvoir antihypertenseur des thiazidiques, sont en faveur de cette assertion même si le mécanisme physiopathologique reste discuté.

2- Conséquences musculaires :

Parce que l’hypokaliémie favorise l’hyperpolarisation de la membrane de la cellule musculaire, le fonctionnement du muscle squelettique et du muscle lisse est altéré.

Il existe, dans les formes graves d’hypokaliémie, une asthénie et une faiblesse musculaire qui peuvent aboutir à une paralysie flasque prédominant aux membres inférieurs.

La diminution du débit sanguin dans les muscles squelettiques entraîne parfois une rhabdomyolyse (ou, a minima, une élévation de l’activité sérique créatine kinase).

L’hypotonie des muscles lisses diminue la motilité gastro-intestinale, ce qui, parfois, provoque un iléus paralytique.

3- Conséquences rénales :

Une polyurie par défaut de concentration des urines peut s’observer en cas d’hypokaliémie ou plus vraisemblablement de déplétion en potassium qui inhibe l’action rénale de l’hormone antidiurétique.

Intrinsèquement, la déplétion en potassium induit des désordres hydro-électrolytiques qui auront une traduction biologique ou non selon l’étiologie de l’hypokaliémie.

Il s’agit d’abord d’une alcalose métabolique modérée qui s’explique par un transfert de protons dans les cellules et par une sécrétion accrue de protons par le tubule rénal.

On notera à ce propos que l’alcalose métabolique peut être cause ou conséquence de la déplétion en potassium.

Par ailleurs, la déplétion en potassium sélective est responsable d’une rétention d’eau et de sodium qui ne se traduit par des oedèmes que dans les cas sévères (perte de potassium échangeable supérieure à 500 mmol) et qui serait due à une augmentation de la réabsorption de sodium par le tubule proximal.

L’hypervolémie qui résulte de cette rétention hydrosodée pourrait expliquer en partie comment la déplétion en potassium favorise l’hypertension artérielle.

Chez l’animal, une néphropathie tubulo-interstitielle par hypokaliémie a été décrite.

Elle s’explique vraisemblablement par les effets toxiques de la production rénale d’ammoniac secondaire à l’hypokaliémie.

La synthèse accrue d’ammoniac explique également pourquoi l’hypokaliémie favorise la survenue d’un coma hépatique chez les patients ayant une insuffisance hépatocellulaire.

Chez l’homme, des lésions tubulaires et interstitielles ont également été observées au cours d’hypokaliémies prolongées.

4- Conséquences sur le métabolisme glucidique :

La déplétion en potassium diminue la libération d’insuline par le pancréas et entraîne une résistance aux effets périphériques de cette hormone.

De ce fait, elle augmente l’intolérance au glucose et favorise la survenue d’une hyperglycémie.

Traitement :

Le traitement de l’hypokaliémie nécessite de connaître et de traiter si possible sa cause.

En dehors des cas de transferts cellulaires de potassium, l’hypokaliémie s’accompagne d’une déplétion en potassium intracellulaire qu’il faut également corriger progressivement.

Bien qu’il n’existe pas de relation linéaire exacte entre les deux grandeurs, la diminution de 1 mmol/L de la kaliémie correspond habituellement à une déplétion intracellulaire de potassium de 300 mmol/L.

Il est aussi nécessaire de connaître le retentissement de la déplétion en potassium (évaluation de la force musculaire) et le risque cardiaque potentiel encouru par le patient (électrocardiogramme).

Généralement, il n’est pas utile

– et il peut être dangereux

–de corriger dans l’urgence une hypokaliémie même sévère (< 2,5 mmol/L) parce que l’apport rapide de potassium peut dépasser le but désigné de normokaliémie et que l’hyperkaliémie fait courir également le risque de troubles du rythme ventriculaires graves (y compris la mort subite).

C’est pour cette raison que l’injection en bolus de sels de potassium est proscrite.

L’hypokaliémie sévère sera rapidement corrigée en cas de signes de gravité, cliniques ou à l’électrocardiogramme, ou lorsque le patient présente des signes d’insuffisance cardiaque, est dans les suites immédiates d’un infarctus du myocarde ou est traité par digitaliques.

Dans ces situations, on perfusera le potassium sous forme de chlorure de potassium à un débit compris entre 10 et 20 mmol/h, au mieux à la seringue électrique, dans une veine de gros calibre (en évitant pour certains un cathéter central du fait du danger d’augmenter la concentration locale de potassium à proximité du coeur).

Dans des situations exceptionnelles, des débits de 40 à 100 mmol/h de potassium ont été utilisés.

On gardera également en tête que la correction de l’hypokaliémie peut n’être que transitoire car le potassium pénètre dans les cellules (même si l’utilisation de chlorures limite ce transfert cellulaire car cet anion est peu échangé entre les deux secteurs).

Dans tous les cas d’apports rapides de potassium, une surveillance régulière de l’électrocardiogramme et de la kaliémie sont indispensables.

Lors du traitement d’une hypokaliémie modérée, le but est d’obtenir en quelques jours, d’abord une kaliémie normale puis de restaurer le contenu en potassium des cellules.

Le choix entre un apport par voie intraveineuse et par voix orale dépend de l’état clinique du patient (des vomissements, des troubles de conscience contre-indiquent la voie orale).

Par voie intraveineuse, le chlorure de potassium sera dilué de préférence dans du soluté salé iso-osmotique (NaCl 0,9 %).

Par voie orale, les comprimés de chlorure de potassium seront préférés au citrate, au gluconate ou au bicarbonate de potassium afin de corriger l’alcalose habituellement associée et de limiter l’entrée immédiate de potassium dans la cellule.

Le bicarbonate de potassium sera utilisé uniquement en cas d’acidose métabolique associée à l’hypokaliémie. Un éventuel déficit en magnésium devra être corrigé simultanément à celui en potassium.

L’hypomagnésémie peut rendre illusoire le traitement de l’hypokaliémie par le seul apport de chlorure de potassium.

Enfin, bien que les patients en acidocétose puissent se présenter avec une kaliémie normale ou élevée, il faudra prévenir la survenue d’une hypokaliémie en cours d’insulinothérapie.

L’insuline, en effet, va avoir pour effet d’entraîner un transfert non seulement de glucose mais aussi de potassium à l’intérieur de la cellule, démasquant ainsi la déplétion en potassium qu’il faut corriger.

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