Hypertension artérielle pulmonaire primitive

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Introduction :

L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est initialement une notion morphologique.

Au siècle précédent, les anatomopathologistes décrivent une sclérose des vaisseaux pulmonaires chez les patients décédés d’affections cardiaques, pulmonaires et pleurales.

En 1891, Romberg publie un cas de sclérose artérielle pulmonaire dont l’autopsie approfondie ne permet pas de découvrir la cause.

En 1936, Brenner développe et codifie l’anatomopathologie de la circulation pulmonaire, et fixe les critères morphologiques du diagnostic d’HTAPP : exclusion de toute cause connue d’HTAP et hypertrophie ventriculaire droite.

Hypertension artérielle pulmonaire primitiveLa technique du cathétérisme cardiaque, introduite en clinique par Cournand et al dans les années 1940, permet les premières mesures de la pression artérielle pulmonaire chez des patients atteints d’HTAPP au début des années 1950.

Vers la fin des années 1960, l’HTAPP attire l’attention du corps médical par une épidémie survenue peu après la mise sur le marché, en Suisse, enAutriche et en Allemagne, du fumarate d’aminorex, un anorexigène dérivé de l’amphétamine.

L’émotion suscitée par cette épidémie est à l’origine, en 1973, de la réunion d’un groupe de travail de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui aboutit à un consensus sur la définition clinique et histopathologique de l’affection.

Au début des années 1980, le National Institute of Health américain prend l’initiative d’une étude multicentrique prospective qui aboutit à la constitution d’un registre de 191 malades.

Le début des années 1990 voit l’émergence, en France et en Belgique, d’une nouvelle épidémie d’HTAPP liée à la prise d’anorexigènes.

Des études cliniques rigoureuses valident des traitements médicaux à base d’anticoagulants, de bloquants calciques à hautes doses et de prostacycline en perfusion continue.

Ces traitements ne restent malheureusement que palliatifs.

Un dernier recours est offert par une greffe pulmonaire ou cardiopulmonaire, mais cette procédure reste grevée d’une importante morbidité et d’une survie qui ne dépasse pas 50 % à 5 ans.

Définition :

1- Définition clinique :

La définition clinique de l’HTAPP repose sur la mesure d’une pression artérielle pulmonaire moyenne supérieure à 25 mmHg au repos et 30 mmHg à l’effort, et sur l’exclusion de l’hypertension pulmonaire secondaire à des affections cardiaques ou pulmonaires, à une maladie thromboembolique, à une collagénose avec atteinte systémique, à des parasitoses pulmonaires et la sténose artérielle pulmonaire.

Le diagnostic n’est cependant pas complètement exclusif.

On reconnaît à l’HTAPP un certain nombre de conditions favorisantes mais, isolément, non responsables : l’hypertension portale, l’infection chronique par le virus d’immunodéficience humaine (VIH), le syndrome de Raynaud primaire isolé, des anomalies auto-immunes sans atteinte systémique décelable et divers médicaments ou toxiques, dont la cocaïne et les anorexigènes.

2- Définition morphologique :

La définition morphologique proposée par l’OMS se base sur la reconnaissance de trois types histologiques distincts.

– L’artériopathie plexogénique (28 à 71 % des cas).

Ce type histologique associe, au niveau des artérioles, une hypertrophie de la média, une prolifération cellulaire et/ou une fibrose intimale concentrique (aspect en « bulbe d’oignon ») ou excentrique, des plages de nécrose fibrinoïde et des lésions plexiformes.

Ces dernières traduisent un stade avancé de la maladie et correspondraient à une prolifération cicatricielle et recanalisation partielle de lésions de nécrose fibrinoïde associées à des dilatations anévrismales.

L’artériopathie plexogénique n’est pas spécifique de l’HTAPP.

Elle se retrouve notamment dans les hypertensions pulmonaires secondaires aux cardiopathies congénitales.

– L’artériopathie microthrombotique (20 à 56 % des cas).

Dans ce type histologique, les lésions endothéliales sont prédominantes, sous la forme d’une fibrose intimale concentrique couplée à des microthromboses organisées et recanalisées.

Une hypertrophie de la média peut s’y associer, mais les lésions plexiformes sont typiquement absentes.

– La maladie veino-occlusive (< 10 % des cas). Les lésions intéressent essentiellement les veines et les veinules, avec une prolifération et une fibrose intimale.

Aux stades plus évolués s’y associe une hypertrophie médiale des artérioles d’amont. Initialement, on pensait que l’artériopathie plexogénique était la lésion spécifique de l’HTAPP.

L’artériopathie microthrombotique était attribuée à une maladie thromboembolique silencieuse et la maladie veinoocclusive était considérée comme une entité différente.

On sait actuellement que les trois types de lésions peuvent coexister chez un même patient ou au sein d’une même famille, et constituent probablement les extrêmes d’un spectre de manifestations d’un processus physiopathologique unique.

On peut d’ailleurs ajouter aux types histologiques susmentionnés l’hémangiomatose capillaire pulmonaire.

Celle-ci, extrêmement rare, se caractérise par une prolifération de microvaisseaux à paroi mince infiltrant l’interstitium péribronchique et périvasculaire, le parenchyme pulmonaire et les plèvres.

Au niveau des veines pulmonaires, l’affection rappelle la maladie veino-occlusive, à cause de l’obstruction des veines par du tissu fibreux contenant de petits espaces vasculaires.

Ces lésions s’accompagnent d’anomalies artériolaires, avec hypertrophie médiale et intimale.

Cliniquement, l’affection se présente comme une HTAPP.

La prolifération de microvaisseaux à paroi mince saigne aisément, provoquant l’accumulation de macrophages chargés d’hémosidérine dans les espaces alvéolaires et, cliniquement, des hémoptysies.

Épidémiologie :

A – Incidence :

L’incidence de l’HTAPP est difficile à établir, du fait de l’absence de spécificité des symptômes et d’un test diagnostique de l’affection à un stade précoce.

Elle s’établit à deux cas par million d’habitants par an, pour les formes symptomatiques de l’affection.

B – Age, sexe et race :

L’HTAPP se rencontre le plus souvent chez l’adulte jeune, entre 30 et 50 ans, mais peut survenir à tout âge.

L’âge moyen dans le Registre américain, dont les patients de moins de 1 an étaient exclus, était de 37 ans, avec des extrêmes de 1 et de 81 ans.

La plupart des séries rapportent une fréquence plus élevée de l’HTAPP chez la femme, indépendamment de l’âge, avec, en moyenne, deux femmes pour un homme.

Ce rapport s’élève, en moyenne, à quatre femmes pour un homme dans des populations à haute prévalence de prise d’anorexigènes, et aussi chez les patients de race noire.

La grossesse ou la prise de contraceptifs hormonaux ne sont pas plus fréquentes chez les patientes atteintes d’HTAPP que dans une population contrôle.

C – Formes infantiles :

L’HTAPP infantile se caractérise par une plus grande fréquence de syncope comme symptôme initial et une survie médiane plus courte que chez l’adulte en l’absence de traitement par vasodilatateurs.

Les lésions histologiques sont les mêmes que chez l’adulte, avec toutefois une hypertrophie plus importante de la média, qui constitue plus souvent la seule lésion identifiable.

Le pronostic sous traitement vasodilatateur paraît meilleur que chez l’adulte.

D – Formes familiales :

La première description de plusieurs cas d’HTAPP au sein d’une même famille date de 1954.

La fréquence de formes familiales de l’affection était de 6,4 % dans le Registre américain.

Les aspects cliniques et histopathologiques des formes familiales ne diffèrent pas de ceux des formes sporadiques, mais le diagnostic des formes familiales est généralement plus précoce.

Le gène de l’HTAPP semble se transmettre sur un mode autosomique dominant à pénétration variable.

La forme familiale de l’HTAPP se caractérise par un phénomène d’anticipation génétique par lequel les générations successives connaissent des formes de plus en plus précoces et graves de la maladie.

L’anticipation génétique est décrite dans d’autres affections, par exemple le syndrome du chromosome X fragile, dans lesquelles on distingue une répétition anormalement élevée du trinucléotide CGC (cytosine-guanosine-cytosine.

E – Anorexigènes :

Le rôle de facteurs médicamenteux a été évoqué pour la première fois lors d’une augmentation brutale de l’incidence de l’HTAPP en Suisse, en Allemagne et en Autriche, en 1967, et surtout 1968 et 1969, en relation avec la mise sur le marché, en 1965, d’un anorexigène dérivé de l’amphétamine, le fumarate d’aminorex.

L’aminorex fut retiré en 1969 et l’incidence de l’HTAPP dans les pays concernés revint, en 1970, à son taux d’avant 1967.

Durant l’épidémie, 62 %des nouveaux cas d’HTAPP se présentaient avec une histoire de prise d’aminorex.

La relation étroite entre les chiffres de vente du médicament et l’incidence de la maladie furent très suggestives de causalité.

Toutefois, seulement un patient sur 1 000 traités par de l’aminorex développa une HTAPP et il fut impossible de reproduire l’affection en expérimentation animale.

L’histoire se répète au début des années 1990, lorsque des médecins français de l’hôpital Béclère à Paris attirent l’attention sur une augmentation anormale de cas paraissant liés à la prise de fenfluramines.

Les fenfluramines sont également dérivées de l’amphétamine mais agissent surtout par un largage et une inhibition de recapture de la sérotonine au niveau des terminaisons nerveuses.

Une étude multicentrique cas-contrôle, l’International Primary Pulmonary Hypertension Study (IPPHS), permet effectivement d’établir un risque augmenté d’HTAPP chez les patients traités par fenfluramines, seules ou en association avec des dérivés d’amphétamines, avec un risque multiplié par 23 lors d’une exposition de plus de 3 mois.

En Belgique, de 1992 à 1994, la proportion de patients qui présentent une histoire d’exposition aux anorexigènes (généralement des fenfluramines) atteint 66 %, un chiffre remarquablement similaire aux 62 % d’exposition à l’aminorex au cours de l’épidémie d’HTAPP de la fin des années 1960 en Europe centrale.

F – Autres facteurs toxiques ou médicamenteux :

Des hypertensions pulmonaires sur vasculite artérielle et veineuse ont été observées en relation avec deux épidémies.

La première concernait un syndrome myalgie-éosinophilie sur prise d’une préparation impure de L-tryptophane (vendue librement comme traitement de l’insomnie, de la dépression et des douleurs menstruelles aux États-Unis, en 1989).

La deuxième concernait une affection systémique, avec fièvre, myalgies, polyneuropathie et pneumopathie, liée à l’ingestion d’huile frelatée en Espagne, en 1981.

Une HTAPP a été décrite en relation avec la prise de cocaïne.

Plusieurs cas de maladie veino-occlusive ont été rapportés dans le cours de chimiothérapies à base de carmustine, de bléomycine, de cyclophosphamide, d’étoposide et de mitomycine C.

L’ingestion d’alcaloïdes de pyrrozilidines tels que la monocrotaline, la fulvine et la sénécionine, extraites de Crotalaria spectabilis, de Crotalaria fulva, de Senecio jacobaea ou de Crotalaria laburnoides, provoquent une hypertension pulmonaire chez l’animal.

Toutefois, hormis un cas douteux, aucune HTAPP liée à l’ingestion de remèdes ou d’infusions contenant ces herbes n’a été décrite jusqu’à présent chez l’homme.

G – Hypertension portale :

L’association entre l’hypertension pulmonaire primitive et l’hypertension portale a été décrite pour la première fois en 1951.

L’incidence de l’HTAPP dans l’hypertension portale est de l’ordre de 0,7 à 2 %.

L’incidence de l’hypertension portale dans l’HTAPP est de l’ordre de 8 à 12 %.

H – Virus d’immunodéficience humaine :

L’incidence de l’HTAPP chez les patients infectés par le VIH atteint 2 %.

I – Parasitoses :

Des études relativement anciennes ont suggéré une augmentation de l’incidence de l’HTAPP en relation avec des endémies de filariose.

Des hypertensions pulmonaires liées à des infestations par des filaires et par des nématodes ont été décrites chez l’animal.

J – Affections auto-immunitaires :

Un phénomène de Raynaud isolé se retrouve chez 10 % de patients atteints d’HTAPP, pour 6 % dans une population contrôle.

Près de 29 % des patients présentent des facteurs antinucléaires circulants.

L’hypertension pulmonaire sans fibrose pulmonaire identifiable est une complication classiquement décrite de diverses connectivites, dont surtout la sclérodermie systémique.

K – Facteurs hormonaux :

L’incidence plus élevée de l’HTAPP chez la femme et la description de plusieurs cas paraissant liés à la grossesse ou la prise de contraceptifs hormonaux a fait suspecter un rôle favorisant joué par les hormones femelles.

Des études rigoureuses ont permis toutefois d’établir que l’incidence de grossesses ou de prise de contraceptifs hormonaux oraux n’est pas plus élevée dans l’HTAPP que dans la population générale.

Pathogénie :

L’augmentation de la résistance vasculaire pulmonaire dans l’HTAPP résulte des effets combinés d’une vasoconstriction, d’un remodelage de la paroi vasculaire et d’une thrombose in situ.

Dresdale et Wood ont été les premiers à montrer l’importance d’un « facteur vasoconstrictif » par l’administration de tolazaline ou d’acétylcholine dans l’artère pulmonaire.

Wagenvoort a pu montrer que la lésion la plus précoce est une hypertrophie de la média.

Plus récemment, Palevsky a pu montrer une corrélation entre la réponse aux vasodilatateurs et l’épaisseur cumulée de la média.

Ces observations supportent l’idée qu’une vasoréactivité pulmonaire anormalement élevée initie et perpétue l’HTAPP.

Les causes les plus probables de vasoconstriction dans l’HTAPP sont :

– une augmentation de médiateurs vasoconstricteurs circulants ;

– une altération de la fonction endothéliale menant à une surproduction relative de médiateurs vasoconstricteurs ;

– une anomalie intrinsèque de la fibre musculaire lisse, caractérisée par une accumulation excessive de calcium cytosolique en relation avec une dépolarisation membranaire due à l’inhibition d’un courant potassium.

La concentration plasmatique de sérotonine, un puissant vasoconstricteur pulmonaire, est augmentée dans l’HTAPP.

Cette anomalie, qui s’accompagne d’une diminution de la sérotonine plaquettaire et persiste après transplantation pulmonaire, se retrouve dans des maladies de stockage plaquettaire.

Elle existe aussi chez les rats fawn-hooded atteints d’une forme congénitale de maladie de stockage plaquettaire, et, dans une moindre mesure, chez des patients traités par fenfluramines.

La maladie de stockage plaquettaire pourrait prédisposer à l’HTAPP.

Les rats fawnhooded développent une hypertension pulmonaire lorsqu’ils sont élevés dans un environnement modérément hypoxique.

L’administration aiguë de dexfenfluramine ou de sérotonine, à une dose reproduisant les taux plasmatiques retrouvés après administration de fenfluramines, augmente la vasoréactivité pulmonaire à l’hypoxie.

Une augmentation de la sérotonine circulante pourrait donc sensibiliser le muscle vasculaire lisse pulmonaire à d’autres stimuli vasoconstricteurs.

L’altération de la fonction endothéliale dans l’HTAPP est montrée essentiellement par trois observations :

– une diminution du rapport des concentrations urinaires des métabolites de la prostacycline, qui est vasorelaxante et antiagrégante plaquettaire, et du thromboxane A2, dont les propriétés sont inverses ;

– une diminution de la synthèse endothéliale pulmonaire d’oxyde nitrique, qui est puissamment vasorelaxante ;

– une augmentation de la synthèse endothéliale pulmonaire d’endothéline, qui est puissamment vasoconstrictrice.

Des travaux sur les mécanismes de la vasoconstriction pulmonaire hypoxique ont montré qu’un abaissement de la pression partielle en oxygène (PO2) dépolarise la membrane des fibres musculaires lisses par l’inhibition d’un courant potassium, provoquant secondairement une entrée de calcium et une contraction.

Cet effet s’observe sur des cellules musculaires lisses d’artérioles pulmonaires et sur des cellules de type I de corpuscules carotidiens, mais pas sur des cellules musculaires lisses provenant d’artères systémiques.

Une étude récente a montré que l’aminorex et la fenfluramine dépolarisent, comme l’hypoxie, la membrane des cellules musculaires lisses artériolaires pulmonaires par l’inhibition d’un courant potassium. Le canal ionique en cause est un canal voltage dépendant.

Ces résultats pourraient expliquer le rôle déclenchant ou aggravant joué par l’hypoxie dans certains cas d’HTAPP.

Les mécanismes menant de l’hyperréactivité vasculaire à la prolifération intimale et adventitielle, puis au remodelage de l’entièreté de la paroi vasculaire pulmonaire, restent non élucidés.

Plusieurs médiateurs vasoconstricteurs susmentionnés sont mitogènes.

Une variété de facteurs de croissance, incluant des cytokines, peuvent être libérés à partir de macrophages, lymphocytes ou plaquettes se trouvant dans des infiltrats inflammatoires ou des microthromboses contiguës aux fibres musculaires lisses hypertrophiées.

La thrombose in situ peut résulter de divers mécanismes, incluant lésion endothéliale, anomalie de la fibrinolyse, augmentation de l’activité procoagulante et perturbation de la fonction plaquettaire.

Un élément d’inflammation était déjà noté dans les études histologiques de Wagenvoort.

Plus récemment, des infiltrats inflammatoires riches en macrophages et en lymphocytes T et B ont été décrits au voisinage des lésions plexiformes. Une augmentation des cytokines pro-inflammatoires, interleukine 1bêta (IL 1bêta et interleukine 6 (IL 6), dont on connaît les effets mitogènes et thrombogènes, a été observée dans le sérum de patients atteints d’HTAPP grave.

Il est tentant d’attribuer un rôle central à une hyperréactivité intrinsèque des fibres musculaires lisses des vaisseaux pulmonaires résistifs, soit primaire, soit secondaire à une altération de la fonction endothéliale.

Celle-ci est responsable d’un excès de médiateurs constricteurs, mitogènes et thrombogènes, induisant une hypertrophie de la média, un remodelage de la paroi vasculaire et des thromboses in situ.

Les formations thrombotiques libèrent à leur tour des facteurs vasoconstricteurs et des facteurs de croissance.

La résistance vasculaire augmente, exposant les artérioles pulmonaires à des lésions mécaniques, qui entraînent à leur tour des réactions inflammatoires, avec processus de réparation et d’angiogenèse, et libération secondaire de médiateurs thrombogènes, mitogènes et inflammatoires, perpétuant les perturbations initiales.

Physiopathologie :

A – Hémodynamique pulmonaire :

Dans l’HTAPP, le processus morbide concerne essentiellement les vaisseaux résistifs, c’est-à-dire les artérioles d’un diamètre inférieur à 1 000 µm.

En conséquence, l’exploration hémodynamique met en évidence des relations entre la pression artérielle et le débit sanguin pulmonaires à pente faible, suggérant une pression d’occlusion des vaisseaux résistifs supérieure à la pression auriculaire gauche et une augmentation de la pression d’occlusion déterminée par l’analyse du transitoire de pression, après gonflement du ballonnet d’un cathéter placé dans l’artère pulmonaire.

La localisation essentiellement périphérique de l’augmentation de la résistance vasculaire pulmonaire rend compte d’une onde de pouls artériel pulmonaire d’amplitude moindre que celle généralement observée dans l’hypertension pulmonaire thromboembolique.

Dans cette dernière affection, l’obstruction artérielle pulmonaire est proximale, ce qui provoque un retour précoce de l’onde réfléchie sur l’onde incidente, rendant compte d’une onde de pression artérielle pulmonaire ample, sans incisure dicrote visible (« ventricularisée ») et à pic télésystolique, et d’une onde de flux sanguin pulmonaire à décélération télé- ou misystolique.

L’analyse de la morphologie des ondes de pression et de débit artériels pulmonaires peut donc aider au diagnostic différentiel de l’HTAPP.

Notons toutefois qu’à des stades avancés de l’évolution de l’HTAPP, l’augmentation de l’élastance artérielle pulmonaire s’accompagne d’une accélération des ondes au point que, ultimement, les ondes réfléchies participent à l’interaction dynamique de la résistance et de l’élastance qui détermine l’impédance vasculaire (ou postcharge ventriculaire droite).

B – Fonction ventriculaire droite :

Le ventricule droit est une structure compliante, à paroi mince, qui se dilate rapidement en réponse à toute augmentation de postcharge.

Aux stades précoces de l’évolution de l’HTAPP, le débit cardiaque est maintenu au repos, avec des pressions de remplissage ventriculaire normales, mais déjà une dilatation des cavités cardiaques droites visible à l’échocardiographie.

Le débit cardiaque est initialement limité à l’effort, avec impossibilité d’augmenter le volume d’éjection systolique en raison d’une augmentation excessive de l’impédance vasculaire pulmonaire, liée à l’absence de réduction normale de la résistance vasculaire pulmonaire avec l’augmentation du débit cardiaque et une vasoconstriction pulmonaire.

À des stades plus avancés de l’affection, l’augmentation du débit cardiaque à l’effort est de plus en plus limitée et il apparaît même une diminution du débit cardiaque au repos.

Cette limitation du débit cardiaque est due à une postcharge ventriculaire droite devenue excessive, malgré une hypertrophie compensatrice.

La réduction du débit cardiaque est aggravée par une altération du remplissage ventriculaire gauche dont la compliance diastolique est réduite, par compression, par un ventricule droit distendu au sein d’un péricarde non distensible (interaction ventriculaire diastolique).

Elle est aggravée davantage par une altération de la contractilité ventriculaire droite résultant d’une diminution de la pression systolique ventriculaire gauche, provenant elle-même d’une chute de la tension artérielle (interaction ventriculaire systolique) et d’une réduction de la perfusion coronaire.

L’interaction diastolique explique l’augmentation de la pression auriculaire gauche objectivée chez certains patients.

L’hypoperfusion relative du myocarde ventriculaire droit et l’altération de sa contractilité expliquent les douleurs thoraciques angineuses et/ou les syncopes à l’effort, voire la mort subite, dans l’HTAPP.

C – Échanges gazeux pulmonaires :

Les patients atteints d’HTAPPsont hypoxémiques et hypocapniques.

La méthode des gaz inertes multiples a permis de quantifier la contribution de divers mécanismes pulmonaires et extrapulmonaires qui déterminent la composition des gaz du sang dans l’HTAPP.

L’hypocapnie est due à la réduction du rapport ventilation/perfusion de zones pulmonaires à vascularisation partiellement oblitérée et à une augmentation de la ventilation, elle-même de cause inconnue.

L’hypoxémie résulte de la combinaison d’un abaissement de la pression partielle en oxygène (PO2) du sang veineux mêlé et d’une augmentation (généralement peu importante) de la perfusion d’unités pulmonaires à bas rapport ventilation/perfusion.

Il n’y a pas de limitation de diffusion. Le shunt, s’il existe, est le plus souvent cardiaque, par ouverture en seconde intention d’un foramen ovale perméable.

Diagnostic :

Le diagnostic de l’HTAPP est un diagnostic d’exclusion.

Les principaux obstacles au diagnostic de l’HTAPP sont le caractère non spécifique et tardif des symptômes et la discrétion des signes cliniques à des stades avancés de la maladie.

L’expérience de grandes séries a permis de définir l’HTAPP en tant qu’entité nosologique et d’établir une démarche diagnostique rigoureuse.

A – Symptômes :

Le délai moyen entre le début des symptômes et le diagnostic est de 2 ans, mais il atteint parfois plusieurs années, avec un extrême connu de 20 ans. Ce délai ne dépend pas du sexe.

La plainte la plus habituelle est la dyspnée d’effort, qui existe chez 98 % des patients au moment du diagnostic et qui constitue le premier symptôme chez 60 % des patients.

Au moment du diagnostic, 70 % des patients se retrouvent dans les classes III et IV de la classification de dyspnée de la New York Heart Association (NYHA).

Les autres symptômes sont de la fatigue (73 %), des douleurs thoraciques angineuses (46 %), des lipothymies ou des syncopes (41 %), des oedèmes des chevilles (36 %), des palpitations (33 %), des hémoptysies (13 %) et une dysphonie (3 %).

Les hémoptysies sont le plus souvent mineures.

La dysphonie, ou syndrome d’Ortner, décrite en 1891 par Ortner dans l’hypertension pulmonaire secondaire à la valvulopathie mitrale, est attribuée à une compression du récurrent gauche par l’artère pulmonaire dilatée.

Quatorze pour cent des patients présentent un phénomène de Raynaud.

B – Examen clinique :

L’examen clinique révèle souvent une tachypnée (fréquence respiratoire supérieure à 20/min), qui persiste durant le sommeil, un pouls faible, une cyanose périphérique (témoignant d’un bas débit cardiaque) et parfois une cyanose centrale.

La présence d’un hippocratisme digital doit faire penser à une autre cause d’hypertension pulmonaire. L’auscultation pulmonaire est normale.

L’auscultation cardiaque permet d’identifier un éclat du deuxième bruit au foyer pulmonaire (90 %), un souffle d’insuffisance tricuspide (60 %) et, plus rarement, un souffle d’insuffisance pulmonaire (15 %).

Aux stades avancés de l’affection, on note des oedèmes, une hépatomégalie sensible et parfois pulsatile, un reflux hépatojugulaire positif, des jugulaires dilatées, de l’ascite, des oedèmes et éventuellement une anasarque.

C – Électrocardiogramme :

Des signes de déviation axiale droite, d’hypertrophie auriculaire et d’hypertrophie ventriculaire, avec altération secondaire de la repolarisation, sont retrouvés dans près de 90 % des cas.

L’arythmie auriculaire est rare et mal tolérée, à cause de la diminution de la compliance diastolique ventriculaire qui rend le remplissage dépendant de la contraction auriculaire.

Les modifications électrocardiographiques ne sont pas corrélées à l’élévation de la pression artérielle pulmonaire. Un électrocardiogramme normal n’exclut pas l’affection.

D – Radiographie thoracique :

La radiographie thoracique est anormale dans 90 % des cas.

Les anomalies les plus fréquentes sont une cardiomégalie, une dilatation des artères pulmonaires, une dilatation des hiles et une raréfaction vasculaire périphérique.

La présence d’infiltrats peut témoigner d’une maladie veino-occlusive, mais peut aussi refléter une augmentation excessive de la pression diastolique ventriculaire gauche due à l’interaction ventriculaire diastolique.

Une radiographie thoracique normale n’exclut pas l’affection.

Six pour cent des patients du Registre américain avaient une radiographie thoracique normale.

E – Épreuves fonctionnelles pulmonaires :

Les volumes pulmonaires sont discrètement réduits, avec une capacité vitale en moyenne à 86 % des valeurs théoriques, sans syndrome obstructif.

La capacité de diffusion du monoxyde de carbone est légèrement à modérément abaissée, typiquement à 60-80 % des valeurs théoriques.

L’analyse des gaz du sang artériel montre une hypoxémie légère à modérée, avec une alcalose respiratoire.

Les épreuves fonctionnelles pulmonaires, complétées éventuellement d’une polysomnographie, permettent d’exclure des causes pulmonaires ou ventilatoires d’hypertension pulmonaire cliniquement muettes.

F – Épreuve d’effort :

L’épreuve d’effort montre une réduction de la consommation d’oxygène maximale et du seuil anaérobie, une augmentation de la réponse ventilatoire et induit fréquemment une réduction de l’oxémie.

La dyspnée est importante à tous les niveaux de l’effort.

Il peut apparaître des tendances syncopales.

La sensibilité et la spécificité de l’épreuve d’effort pour le diagnostic de l’HTAPP ne sont pas connues et l’examen n’est généralement pas considéré comme indispensable.

En revanche, le test de marche de 6 minutes est d’usage plus courant.

La distance parcourue est corrélée à la gravité de l’affection et donc utile pour évaluer l’effet du traitement.

Les patients en classe III de la NYHA parcourent typiquement entre 200 et 400 mètres.

Il n’y a pas d’étude corrélant l’épreuve d’effort à la distance parcourue lors du test de marche de 6 minutes.

G – Échocardiographie :

L’échocardiographie permet d’exclure des causes cardiaques d’hypertension pulmonaire, telles que l’altération de la fonction ventriculaire gauche, la valvulopathie mitrale, le myxome de l’oreillette gauche ou encore le shunt sur cardiopathie congénitale.

En outre, cet examen est particulièrement utile pour le diagnostic de l’hypertension pulmonaire.

Les signes typiques d’une hypertension pulmonaire sont une dilatation des cavités cardiaques droites, un mouvement anormal de la valve pulmonaire et une inversion de la courbure septale, avec réduction des dimensions des cavités cardiaques gauches.

L’étude doppler du flux transmitral peut montrer une redistribution du remplissage du premier au dernier tiers de la diastole, indiquant une altération de la compliance diastolique du ventricule gauche.

L’étude doppler des jets d’insuffisance tricuspide permet de calculer un gradient de pression transtricuspide et, ainsi, d’estimer la pression artérielle pulmonaire systolique.

L’étude doppler du flux artériel pulmonaire permet d’estimer la gravité de l’hypertension en fonction du degré de raccourcissement du temps d’accélération et de la présence éventuelle d’une décélération mi-systolique.

L’échocardiographie transoesophagienne paraît utile, surtout pour la détection d’un foramen ovale perméable, et aide au diagnostic différentiel.

H – Scintigraphie pulmonaire de perfusion :

La scintigraphie de perfusion est indispensable pour exclure un diagnostic d’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique, dont la présentation clinique, en dehors d’une histoire non équivoque de thrombose veineuse profonde ou d’embolie pulmonaire, évocable dans moins de 50 % des cas, est indiscernable de celle de l’HTAPP.

Dans l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique, la scintigraphie de perfusion montre presque toujours plusieurs amputations au moins segmentaires.

Dans l’HTAPP, la perfusion est le plus souvent normale ou légèrement hétérogène, mais des amputations mal systématisées suspectes peuvent apparaître chez 10 % des patients.

Ces derniers présentent souvent une maladie veino-occlusive.

I – Angiopneumographie :

Cet examen sert uniquement au diagnostic d’une hypertension pulmonaire thromboembolique chronique lorsque celle-ci est suspectée cliniquement et/ou sur base d’une scintigraphie de perfusion.

J – Résonance magnétique nucléaire et CT scan thoracique :

La résonance magnétique nucléaire donne des informations sur la fonction ventriculaire droite et le flux artériel pulmonaire, et aide au diagnostic de l’embolie pulmonaire ou de l’hypertension pulmonaire thromboembolique.

Le CT scan thoracique sert à l’exclusion de pneumopathies interstitielles et à l’identification de caillots ou de formations thrombotiques dans la partie proximale du réseau artériel pulmonaire.

La sensibilité et la spécificité de ces examens pour le diagnostic de l’HTAPP ne sont pas encore établies.

K – Scintigraphie myocardique :

Diverses techniques scintigraphiques permettent l’obtention de mesures de volumes et de fractions d’éjection des ventricules droit et gauche.

Ces mesures sont peu précises en cas de grandes dilatations ventriculaires droites.

La fraction d’éjection ventriculaire droite diminue en proportion de l’augmentation des pressions artérielles pulmonaires, mais la relation est peu étroite et ne permet pas une prédiction valable de la pression artérielle pulmonaire.

La fraction d’éjection ventriculaire droite n’augmente pas à l’effort en cas d’hypertension pulmonaire.

La scintigraphie myocardique paraît généralement peu utile au diagnostic de l’HTAPP.

L – Tests sanguins :

Quinze à 30 %des patients atteints d’HTAPP, le plus souvent de sexe féminin, présentent une élévation modérée du titre des anticorps antinucléaires.

Ceux-ci sont généralement de fluorescence homogène.

M – Biopsie pulmonaire :

La biopsie pulmonaire n’est pas indispensable au diagnostic d’HTAPP.

Elle peut toutefois se discuter dans de rares cas de diagnostic différentiel difficile ou lors d’une suspicion de maladie veino-occlusive.

La technique transbronchique ne permet pas d’obtenir des échantillons d’une taille suffisante et peut être associée à des hémorragies graves par l’effraction de vaisseaux pulmonaires à haute pression.

Une approche à ciel ouvert, ou par thoracoscopie, est indispensable.

L’échantillon prélevé doit être examiné par un pathologiste expérimenté.

N – Cathétérisme cardiaque droit :

Cet examen est indispensable au diagnostic et au suivi thérapeutique de l’HTAPP.

Il est généralement pratiqué à l’aide d’un cathéter pulmonaire de type Swan-Ganz, permettant la mesure de la pression artérielle pulmonaire (Pap), de la Pap occluse (par gonflement d’un ballonnet dans l’artère pulmonaire), de la Pap bloquée (en bloquant l’extrémité du cathéter dans une ramification artérielle pulmonaire périphérique), de la pression auriculaire droite (Pra), du débit sanguin pulmonaire (Q) par thermodilution, et de l’analyse des gaz du sang veineux mêlé.

Les mesures de la Pap, de la Pra, de Q et de la saturation en oxygène du sang veineux mêlé (SvO2) sont utiles à l’établissement d’un pronostic.

La mesure du débit sanguin pulmonaire par thermodilution est généralement valable, sauf chez les patients à très bas débit cardiaque pour lesquels la méthode de Fick, basée sur les mesures de la consommation d’O2 et des contenus artériels et veineux mêlés enO2, peut être préférable.

L’estimation de la pression auriculaire gauche par la mesure d’une Pap occluse est indispensable à l’exclusion de causes postcapillaires d’hypertension pulmonaire.

Par ailleurs, l’obtention d’une Pap bloquée élevée dans certains territoires pulmonaires et une Pap occluse normale permet de suspecter une maladie veino-occlusive.

Cette observation s’explique par le caractère hétérogène de l’obstruction veineuse.

Des mobilisations du cathéter pulmonaire peuvent mettre en évidence une sténose pulmonaire.

Des mesures étagées de saturations en O2 peuvent permettre la détection et la quantification d’un shunt gauche-droite.

Le profil hémodynamique moyen de l’HTAPP se caractérise par une Pap dépassant, en moyenne, le triple de la limite supérieure de la normale, avec bas débit cardiaque, pression auriculaire gauche normale et pression auriculaire droite à la limite supérieure de la normale.

La similitude des chiffres rapportés par des études différentes supporte l’idée d’une évolution stéréotypée de l’affection avec, initialement, une montée progressive de la Pap et, secondairement, un abaissement du débit cardiaque avec augmentation de la pression auriculaire droite alors que la Pap plafonne.

L’hémodynamique dans l’HTAPP n’est pas affectée par l’âge, le sexe ou l’existence d’un phénomène de Raynaud.

Les HTAPP associées à une hypertension portale ou une infection à VIH sont, en moyenne, moins sévères avec une Pap moyenne de l’ordre de 50 mmHg et un Q s’approchant de 3 L/min/m2.

Le cathétérisme cardiaque droit, dans l’HTAPP, n’est pas sans danger.

Certains auteurs rapportent des mortalités de 5 à 10 %, avec des décès survenus le plus souvent au cours ou au décours d’explorations hémodynamiques prolongées, de plus de 36 heures, pour essai de médicaments vasodilatateurs.

Traitement médical :

L’HTAPP est une affection évolutive qui reste actuellement incurable. Des rémissions spontanées ont été exceptionnellement rapportées dans la littérature, mais sans preuve de leur caractère définitif.

Par exemple, le cas rapporté par Bourdillon et Oakley est en réalité décédé quelques années plus tard, en défaillance cardiaque droite terminale (Oakley, communication personnelle).

D’importants progrès thérapeutiques ont cependant été accomplis durant la dernière décennie, permettant prolongation de la survie médiane et amélioration de la qualité de vie des patients.

A – Mesures générales :

Il convient, avant tout, d’éviter des agressions susceptibles d’aggraver l’HTAPP.

L’effort peut être cause de mort subite.

Il doit être pratiqué avec modération et limité par les symptômes d’alerte tels que la douleur thoracique ou la syncope.

Toute manoeuvre invasive, anesthésie générale, cathétérisme, angiopneumographie ou biopsie pulmonaire peut être mortelle dans les mains les plus expertes et doit être évitée dans la mesure du possible.

La grossesse et l’accouchement sont susceptibles de conduire au décès de la mère et de l’enfant. Bien que des patientes atteintes d’HTAPP aient pu mener des grossesses à terme sans complication, il paraît donc préférable de prescrire une contraception hormonale ou mécanique.

La crainte persistante qu’une contraception hormonale n’aggrave l’HTAPP repose sur des études anciennes, réalisées lorsque les préparations étaient plus dosées qu’actuellement.

Des études plus récentes sur de grandes séries de patientes ne mettent pas en évidence d’effet aggravant ou favorisant de la contraception hormonale.

L’altitude peut décompenser une HTAPP à cause d’une vasoconstriction pulmonaire hypoxique surajoutée ou provoquer un oedème pulmonaire.

Les vols commerciaux sont pressurisés à des altitudes équivalentes à 1 500-2 500 m et doivent être abordés avec prudence, de préférence sous administration d’un supplément d’oxygène en cas d’hypoxémie préalable.

B – Anticoagulation :

Thrombose in situ, défaillance cardiaque droite et sédentarité sont autant d’éléments justifiant la prescription d’une anticoagulation dans l’HTAPP.

Une étude rétrospective réalisée à la Mayo Clinic a comparé 78 patients anticoagulés à 37 patients ne recevant pas d’anticoagulants.

Les deux groupes étaient de gravité clinique et hémodynamique comparable.

L’anticoagulation était associée à une augmentation de survie à 3 ans, de 21 % à 49 %.

Une petite étude prospective a montré que, chez des patients ne répondant pas à l’administration de bloquants calciques, l’administration d’anticoagulants améliore la survie à 1 an de 62 % à 91%, et la survie à 3 ans de 31 % à 47 %.

Ces données sont suffisantes pour recommander la prescription de coumariniques, de manière à amener l’international normalized ratio (INR) entre 2 et 3, malgré le risque d’hémoptysie chez certains patients.

L’ajustement de la dose peut être difficile en cas d’altération de la fonction hépatique sur défaillance cardiaque droite majeure.

Dans ce cas, il peut être préférable de recourir à une héparinothérapie.

L’administration d’une héparine à bas poids moléculaire paraît une option raisonnable, mais n’a pas encore été évaluée.

C – Oxygénothérapie :

L’oxygénothérapie, contrôlée à bas débit, améliore la qualité de vie et réduit la mortalité dans l’hypertension pulmonaire associée à une insuffisance respiratoire chronique.

L’administration d’oxygène au patient atteint d’HTAPP peut corriger une hypoxémie si celle-ci est due à un abaissement de la PO2 du sang veineux mêlé ou à un abaissement du rapport ventilation/perfusion, mais est inefficace en cas d’hypoxémie sur shunt.

L’administration d’oxygène peut diminuer la pression artérielle pulmonaire chez certains patients. Il n’y a pas d’étude démontrant une amélioration clinique et/ou hémodynamique sous oxygénothérapie au long cours dans l’HTAPP.

D – Digitalisation et diurétiques :

De petites doses de diurétiques peuvent réduire la dyspnée, la congestion hépatique et les oedèmes en cas de défaillance cardiaque droite.

Le contrôle de la rétention de sel et d’eau peut nécessiter des doses élevées de diurétiques chez certains patients.

Les diurétiques sont presque toujours nécessaires pour traiter les oedèmes qui compliquent l’administration au long cours de bloquants calciques.

La digitalisation est d’efficacité non établie. Elle est parfois utilisée dans le but d’antagoniser les effets inotropes négatifs des bloquants calciques.

E – Vasodilatateurs :

Depuis les premières descriptions de l’HTAPP, des vasodilatateurs ont été administrés dans le but de contrôler la composante vasoconstrictrice du processus morbide.

Aucune caractéristique clinique ou hémodynamique ne permet de prédire la réponse hémodynamique aiguë à l’administration d’un vasodilatateur.

La réponse à un test de vasodilatation aiguë permet d’identifier les patients susceptibles de bénéficier d’un traitement vasodilatateur oral par bloquants calciques.

Les vasodilatateurs utilisés pour ce test doivent être puissants, spécifiques et de courte durée d’action.

L’oxyde nitrique inhalé, la prostacycline intraveineuse et l’adénosine intraveineuse répondent à ces critères.

L’oxyde nitrique inhalé est le vasodilatateur pulmonaire le plus spécifique, puisqu’il se lie à l’hémoglobine en franchissant la membrane alvéolocapillaire.

La dose de 10 ppm est bien tolérée et d’efficacité maximale. Les réponses vasculaires pulmonaires à l’administration de prostacycline et d’oxyde nitrique sont similaires.

Il n’y a pas de critère uniformément admis de réponse positive à un test de vasodilatation aiguë.

Le critère généralement retenu est une diminution de la pression artérielle pulmonaire et de la résistance vasculaire pulmonaire de 20 %.

L’interprétation d’une mesure hémodynamique doit tenir compte d’une variabilité hémodynamique spontanée importante, de l’ordre de 20-25 %, pour la pression artérielle pulmonaire et pour la résistance vasculaire pulmonaire.

Les patients qui présentent une diminution de la pression artérielle pulmonaire et une augmentation du débit cardiaque ont un meilleur pronostic que les autres.

L’administration de vasodilatateurs à un patient présentant une maladie veino-occlusive peut précipiter un oedème pulmonaire aigu.

Les patients qui présentent une diminution importante de la pression artérielle pulmonaire et de la résistance vasculaire pulmonaire lors du test de vasodilatation aiguë (10 à 30 % des cas) peuvent bénéficier d’un traitement au long cours par des bloquants calciques, la nifédipine ou le diltiazem, administrés oralement.

Le diltiazem est préféré à la nifédipine en cas de tachycardie (> 120 battements/min).

Les doses utilisées sont généralement plus élevées que pour le traitement de l’hypertension systémique, de 30 à 240 mg par jour pour la nifédipine, de 120 à 900 mg par jour pour le diltiazem.

Ces doses sont ajustées en fonction de la réponse aiguë monitorée au cours du cathétérisme cardiaque droit, puis en fonction de la réponse clinique et échocardiographique.

L’administration de bloquants calciques à des patients dont l’hypertension pulmonaire n’est pas réversible lors du test de vasodilatation aiguë est formellement contre-indiquée, à cause d’un risque d’hypotension systémique potentiellement fatale.

Les effets secondaires des bloquants calciques au long cours dans l’HTAPP sont des oedèmes, une hypotension et une hypoxémie.

L’observation que la prostacycline est un vasodilatateur pulmonaire efficace chez la majorité des patients atteints d’HTAPP est à la base d’un traitement au long cours par perfusion continue, administrée à l’aide d’une pompe ou d’un pousse-seringue portables.

Plusieurs études ont permis d’établir que ce traitement améliore l’hémodynamique pulmonaire, la qualité de vie, la tolérance à l’effort et la survie chez des patients en classe III ou IV.

Les effets cliniques et hémodynamiques favorables à long terme ne sont pas dépendants de la réponse aiguë à l’oxyde nitrique ou à la prostacycline elle même.

Les effets secondaires de la prostacycline intraveineuse continue sont généralement mineurs et réversibles après réduction de la dose : éruptions cutanées, douleurs à la mâchoire, douleurs articulaires, nausées et diarrhée.

Des complications plus sérieuses sont liées au système d’administration : septicémies sur infection de cathéter et dysfonctionnement de la pompe menant à des surdosages ou des sous-dosages en prostacycline.

Un sous-dosage brutal en prostacycline peut provoquer une aggravation rapide de l’HTAPP.

Le traitement est débuté sous contrôle hémodynamique, à raison de 2 ng/kg/min, augmentés par paliers de 2 ng/kg/min toutes les 15 minutes jusqu’à intolérance, marquée généralement par une érubescence cutanée et une chute de la tension artérielle.

Partant de la moitié de la dose maximale tolérée, la dose est ensuite généralement augmentée de 2 ng/kg/min toutes les 2-4 semaines.

Le traitement est coûteux, de l’ordre de 150 000 à 300 000 francs français/an.

Il permet toutefois généralement de surseoir à l’indication de la transplantation pulmonaire ou cardiopulmonaire.

Certains patients ont déjà été traités par prostacycline intraveineuse continue depuis 10 ans, avec une amélioration clinique et hémodynamique persistante.

Des analogues de prostacycline à durée d’action prolongée, administrables par voie sous-cutanée ou par inhalation, sont en cours d’évaluation.

Des résultats préliminaires prometteurs ont été décrits après inhalation d’iloprost.

La prostacycline est actuellement prescrite aux patients en classe III ou IV de la NYHA, soit comme traitement de support en attendant une transplantation, soit comme un traitement primaire.

F – Septostomie auriculaire :

La défaillance ventriculaire droite réfractaire peut être soulagée par la création d’un shunt auriculaire, par une septostomie réalisée à l’aide d’une sonde à ballon.

Le but de la manoeuvre est d’obtenir une augmentation du débit cardiaque suffisant à améliorer le transport de l’oxygène malgré la chute de l’oxémie artérielle secondaire au shunt droite-gauche créé.

Des effets favorables, au moins transitoirement, ont été décrits chez un petit nombre de patients.

Transplantation pulmonaire et cardiopulmonaire :

L’HTAPP peut être traitée par une transplantation pulmonaire ou cardiopulmonaire.

Le taux de survie après les deux techniques est similaire, de l’ordre de 45 %à5ans.

La limitation des dons d’organes et la longueur d’inscription sur une liste d’attente rendent la transplantation pulmonaire plus attractive.

En effet, il y a aumoins deux fois plus de poumons que de blocs coeur-poumons disponibles.

Il est intéressant de noter que l’altération même la plus extrême de la fonction ventriculaire droite est réversible après transplantation pulmonaire non compliquée.

La mortalité après transplantation pulmonaire est plus élevée dans l’HTAPP que dans d’autres indications.

La bronchiolite oblitérante reste une complication redoutable dans 35 à 50 % des ca.

Aucune récidive d’HTAPP après transplantation n’a été décrite.

La décision de l’inscription sur une liste d’attente est difficile.

Elle doit se baser sur une indication indiscutable, basée sur un pronostic naturel ou sous traitement médical moins bon que celui de la greffe.

L’option la plus raisonnable est d’envisager une greffe seulement dans l’HTAPP d’aggravation rapide, avec des signes de défaillance ventriculaire droite, des syncopes d’effort et des douleurs thoraciques angineuses, une combinaison de critères hémodynamiques de pronostic rapidement défavorable et échappement au traitement vasodilatateur chronique.

Pronostic et survie :

La survie médiane de l’HTAPP, après le diagnostic, rapportée dans le Registre américain, est de 2,5 années, mais certains patients survivent plus de 10 ans.

La survie actuarielle de patients non transplantés, rapportée dans des séries constituées avant les progrès thérapeutiques les plus récents, est de 68-77 % à 1 an, 40-56 % à 3 ans et 22-38 % à 5 ans. Les causes les plus fréquentes de décès sont la décompensation cardiaque droite (63 %), la pneumonie (7 %), la mort subite (7 %).

La gravité de l’hypertension pulmonaire est inversement corrélée à la survie : la survie médiane est de 48 mois pour une pression artérielle pulmonaire moyenne inférieure à 55 mmHg, de 12 mois pour une pression artérielle pulmonaire moyenne supérieure à 85 mmHg.

Une réponse favorable au test de vasodilatation aiguë est associée à une meilleure survie à 2 ans : 62 % pour une diminution de résistance vasculaire pulmonaire de plus de 50 %, 38 % pour une diminution de résistance vasculaire de moins de 20 %.

La survie médiane est inversement corrélée à l’importance du handicap fonctionnel quantifié par la classification de la NYHA : 59 mois pour les patients en classes I et II, 32 mois pour les patients en classe III et 6 mois pour les patients en classe IV.

La survie est également corrélée directement à la pression auriculaire droite et, inversement, au débit cardiaque et à la SvO2.

L’anticoagulation double la survie à 3 ans.

La survie des patients qui répondent favorablement à un traitement par bloquants calciques est de 95 % à 5 ans.

La survie à 5 ans de patients dans les classes III et IV de la NYHA traités par perfusion continue de prostacycline est de 54 %, pour 27 % chez des contrôles historiques de même gravité.

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