Hyperlipidémie des diabétiques

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Introduction :

L’augmentation du risque cardiovasculaire, chez le patient diabétique, est unanimement reconnue.

Cela est particulièrement vrai chez les diabétiques de type 2 dont le risque cardiovasculaire est trois à cinq fois supérieur à celui de la population non diabétique.

Parmi les facteurs en cause dans la plus grande fréquence et la plus grande gravité des accidents cardiovasculaires au cours du diabète, les anomalies lipidiques paraissent jouer un rôle primordial.

Le terme d’hyperlipidémie du diabète regroupe plusieurs anomalies quantitatives et qualitatives des lipoprotéines, qui ont chacune un caractère particulièrement athérogène.

Hyperlipidémie des diabétiquesOn distingue le diabète de type 2, au cours duquel sont observées des anomalies quantitatives et qualitatives des lipoprotéines, du diabète de type 1 bien (ou modérément bien) contrôlé, au cours duquel ne sont rencontrées que des anomalies qualitatives des lipoprotéines.

Si, comme nous le verrons, le lien entre les anomalies lipidiques et le risque cardiovasculaire est nettement établi chez le patient diabétique de type 2, il n’a, en revanche, pas été clairement démontré dans le diabète de type 1.

Nous insisterons donc surtout sur l’hyperlipidémie du diabète de type 2, qui, en raison de sa grande fréquence et de son implication directe dans l’augmentation du risque cardiovasculaire, représente un enjeu majeur dans la prise en charge du patient diabétique de type 2.

Hyperlipidémie du diabète de type 2 :

A – PRÉSENTATION ET FRÉQUENCE DES ANOMALIES LIPIDIQUES DANS LE DIABÈTE DE TYPE 2 :

L’hyperlipidémie du diabète de type 2 est caractérisée par des anomalies quantitatives et qualitatives des lipoprotéines.

Les principales anomalies quantitatives, observées au cours du diabète de type 2, sont l’augmentation des triglycérides plasmatiques et la diminution du high density lipoprotein (HDL)-cholestérol.

Le taux plasmatique du low density lipoprotein (LDL)-cholestérol est, chez les diabétiques de type 2, le plus souvent normal ou légèrement augmenté.

Les anomalies qualitatives, observées au cours du diabète de type 2, sont susceptibles de favoriser la survenue d’accidents cardiovasculaires, en raison de leur caractère particulièrement athérogène.

Parmi ces anomalies, on note principalement :

– des very low density lipoproteins (VLDL) de grande taille, enrichies en triglycérides (VLDL1) ;

– des LDL denses, de petite taille, enrichies en triglycérides ;

– une augmentation de l’oxydation des LDL ;

– un enrichissement des HDL en triglycérides ;

– une augmentation de la glycation des apolipoprotéines (en particulier A-I et B).

La fréquence des anomalies lipidiques, au cours du diabète de type 2, est particulièrement élevée.

En effet, les anomalies quantitatives des lipoprotéines sont retrouvées chez 65 à 80 % des patients diabétiques de type 2.

À titre d’exemple, plus de 66 % des patients diabétiques de l’étude United Kingdom Prospective Diabetes Study (UKPDS) présentaient un HDL-cholestérol diminué.

La fréquence des anomalies qualitatives des lipoprotéines apparaît encore plus élevée.

B – HYPERLIPIDÉMIE DU DIABÈTE ET RISQUE CARDIOVASCULAIRE :

La relation entre les anomalies lipidiques et le risque cardiovasculaire, chez les diabétiques de type 2, apparaît claire au vu des grandes études épidémiologiques.

Ainsi dans l’étude l’UKPDS et la Strong Heart Study, le risque cardiovasculaire est, en analyse multivariée, associé positivement au niveau de LDLcholestérol et négativement au taux de HDL-cholestérol.

L’hypertriglycéridémie est un facteur indépendant de risque cardiovasculaire, chez les patients diabétiques de type 2, dans l’étude de l’organisation mondiale de la santé (OMS) et dans l’étude prospective parisienne.

C – PHYSIOPATHOLOGIE DE L’HYPERLIPIDÉMIE DU DIABÈTE DE TYPE 2 :

La physiopathologie des anomalies lipidiques observées, au cours du diabète de type 2, n’est pas encore complètement connue.

Cependant, certains facteurs tels que l’insulinorésistance et la carence « relative » en insuline jouent un rôle majeur.

À un moindre niveau, l’hyperglycémie chronique semble aussi intervenir dans la modification du métabolisme lipidique au cours du diabète.

Enfin, il n’est pas exclu que certaines protéines d’origine adipocytaire (adiponectine, par exemple) puissent être en cause, tout en sachant que les données dans ce domaine restent encore peu nombreuses.

Après un bref rappel sur le métabolisme des lipoprotéines puis sur sa régulation par l’insuline seront abordés les principaux mécanismes physiopathologiques en cause sans l’hyperlipidémie du diabétique de type 2.

1- Rappel général sur le métabolisme des lipoprotéines :

Les lipoprotéines, en charge du transport des lipides insolubles le plasma, sont des particules sphériques dont le coeur hydrophobe est composé d’esters de cholestérol et de triglycérides et dont la surface est constituée de phospholipides, de cholestérol libre et d’apolipoprotéines.

* Chylomicrons :

Ce sont les lipoprotéines les plus larges, en charge du transport des triglycérides et du cholestérol d’origine alimentaire. Ils sont produits par l’entérocyte et sécrétés dans la lymphe d’où ils rejoignent la circulation sanguine.

Dans le plasma, les triglycérides des chylomicrons sont rapidement hydrolysés sous l’effet d’une enzyme, la lipoprotéine lipase, donnant naissance à des particules résiduelles appauvries en triglycérides, appelées chylomicrons-remnants.

Ces dernières sont captées par le foie principalement à l’aide du récepteur LDL-receptor-related protein (LRP).

* « Very low density lipoproteins » et « intermediate density lipoproteins » :

Ce sont des lipoprotéines riches en triglycérides. Les VLDL, sécrétées par le foie, sont composées majoritairement de triglycérides (55 à 65 %).

Elles contiennent aussi du cholestérol, des phospholipides et des apolipoprotéines (B-100, C-III, C-II, E…).

Les triglycérides des VLDL sont hydrolysés sous l’action de la lipoprotéine lipase.

Au cours de cette hydrolyse, une partie de la surface des VLDL, comprenant des phospholipides et des apolipoprotéines C et E, est transférée aux HDL.

Cette cascade métabolique donne naissance aux IDL, lipoprotéines de plus petite taille et moins riches en triglycérides.

Ces dernières vont soit être captées par le foie, par l’intermédiaire des récepteurs B/E, voire des récepteurs LRP, soit subir la poursuite de l’hydrolyse des triglycérides, aboutissant ainsi à la formation des LDL.

* « Low density lipoproteins » :

Elles représentent le produit final de la cascade métabolique VLDLIDL- LDL.

Elles sont responsables du transport de 65 à 70 % du cholestérol.

Chaque particule LDL comprend une molécule d’apolipoprotéine B-100.

Cette dernière joue un rôle essentiel dans la clairance des LDL permettant, par son intermédiaire, leur fixation sur des récepteurs B/E spécifiques dont 70 % sont localisés sur les hépatocytes et 30 % sur les autres cellules de l’organisme.

* High density lipoproteins :

Elles sont sécrétées par le foie sous forme de particules discoïdales (HDL naissantes) pauvres en cholestérol.

Dans la circulation, les HDL reçoivent des apolipoprotéines (A, C et E) et des phospholipides issus de l’hydrolyse des chylomicrons et des VLDL. Les HDL vont capter du cholestérol libre au niveau des différentes cellules de l’organisme.

Le transfert du cholestérol intracellulaire vers les particules HDL fait intervenir un transporteur spécifique ATP binding cassette transporter A1 (ABCA1).

Les particules HDL, en se chargeant en cholestérol, vont progressivement augmenter de taille, donnant naissance aux HDL3, puis aux HDL2 (HDL de grande taille).

Au sein des HDL, la lecithin cholesterol acyl transferase (LCAT) transforme le cholestérol libre en cholestérol estérifié, qui migre au centre de la lipoprotéine.

Les HDL2 chargées en cholestérol estérifié vont être captées, au niveau du foie, par l’intermédiaire d’un récepteur spécifique scavenger receptor Class B type 1 (SR-B1).

* Protéines de transfert des lipides :

Le métabolisme des lipoprotéines est sous l’influence de protéines de transfert des lipides.

Parmi celles-ci, la cholesteryl ester transfer protein (CETP) et la phospholipid transfer protein (PLTP) jouent un rôle important.

La CETP facilite le transfert des triglycérides des VLDL vers les LDL et les HDL et celui du cholestérol estérifié des HDL et IDL vers les VLDL.

La PLTP favorise le transfert de phospholipides mais aussi de cholestérol libre et d’alphatocophérol entre les lipoprotéines.

La PLTP intervient également dans la détermination de la taille des particules HDL.

2- Rôle de l’insuline dans le métabolisme des lipoprotéines :

L’insuline joue un rôle essentiel dans la régulation du métabolisme lipidique.

Dans le tissu adipeux, l’insuline inhibe la lipase hormonosensible.

Elle a ainsi un effet antilipolytique, favorisant le stockage des triglycérides dans l’adipocyte et réduisant le déversement d’acides gras libres dans la circulation.

Au niveau hépatique, l’insuline a un effet inhibiteur sur la production des VLDL, qui a clairement été mis en évidence in vivo.

L’insuline paraît réduire la production de VLDL non seulement en diminuant le taux des acides gras libres dans la circulation (limitant ainsi des substrats nécessaires à la formation des VLDL), mais aussi par un effet inhibiteur direct dans l’hépatocyte.

En outre, l’insuline stimule directement l’activité de la lipoprotéine lipase, favorisant ainsi le catabolisme des lipoprotéines riches en triglycérides (chylomicrons, chylomicrons-remnants, VLDL et IDL).

Il est observé, sous l’effet de l’insuline, une augmentation de l’acide ribonucléique (ARN) messager de la lipoprotéine lipase dans le tissu adipeux, témoignant d’un effet positif direct de l’insuline sur sa synthèse.

Par ailleurs, l’insuline favorise le catabolisme des LDL. En effet, il est observé, sous insuline, une augmentation de l’expression des LDL récepteurs à la surface des cellules.

L’insuline active la LCAT responsable de l’estérification du cholestérol au sein des particules HDL.

En outre, elle paraît moduler l’activité de la lipase hépatique, enzyme en cause dans le catabolisme des HDL.

L’insuline semble influencer l’activité des protéines de transfert des lipides.

Des études in vivo, réalisées chez des sujets sains et des patients diabétiques de type 2, attestent d’un effet inhibiteur de l’insuline sur la PLTP. En outre, l’insuline réduit l’activité plasmatique de la CETP.

Mais cette action passerait essentiellement par la réduction des acides gras libres plutôt que par un effet direct de l’insuline sur la CETP.

3- Mécanismes des anomalies lipidiques chez le patient diabétique de type 2 :

* Lipoprotéines riches en triglycérides :

L’hypertriglycéridémie, particulièrement fréquente chez le diabétique de type 2, est essentiellement due à une augmentation des VLDL et, à un moindre degré, des IDL.

Soixante-dix pour cent de l’augmentation des triglycérides est liée à une augmentation du nombre de lipoprotéines riches en triglycérides.

Par ailleurs, il est observé une augmentation de la taille des VLDL avec une prédominance des sous-fractions VLDL1, riches en triglycérides.

Un des mécanismes en cause dans l’hypertriglycéridémie du diabétique de type 2 est une augmentation de la production hépatique des VLDL, et plus particulièrement des VLDL1.

Celle-ci apparaît liée à plusieurs facteurs dont une augmentation des substrats de la biosynthèse des triglycérides (acides gras libres), à une résistance de l’effet inhibiteur de l’insuline sur la production et la sécrétion des VLDL et éventuellement à une augmentation de la lipogenèse de novo dans l’hépatocyte.

L’effet inhibiteur direct de l’insuline sur la production des VLDL est actuellement bien documenté.

Il a été montré que l’insuline diminuait le taux de traduction de l’ARN messager de l’apo-B.

Via l’activation de la phospho-inositide-3-kinase, l’insuline inhibe la sécrétion de l’apo-B et la transformation, dans l’hépatocyte, des pré- VLDL en VLDL.

Par ailleurs, l’insuline réduit au sein de l’hépatocyte la microsomal triglycéride transfer protein (MTP) intervenant dans l’assemblage des VLDL, et une augmentation de la MTP est observée chez les hamsters insulinorésistants.

Ainsi l’augmentation de la production des VLDL, au cours du diabète de type 2, pourrait, en partie, s’expliquer par une résistance à l’effet inhibiteur de l’insuline sur la production hépatique des VLDL.

Ce mécanisme semble intervenir relativement précocement dans la mesure où une résistance à l’effet inhibiteur de l’insuline sur la production des VLDL est déjà observée chez le patient obèse non diabétique.

Il est aussi suggéré qu’une augmentation de la lipogenèse de novo dans l’hépatocyte puisse se produire chez les diabétiques de type 2.

Celle-ci serait liée à une augmentation de l’expression de la sterol regulatory element binding protein-1c (SREBP- 1c), qui active les enzymes de la lipogenèse. Associée à l’augmentation de la production hépatique de VLDL, il est observé, au cours du diabète de type 2, une diminution du catabolisme des VLDL, authentifiée in vivo par des études à l’aide de radio-isotopes et d’isotopes stables.

Cette réduction du catabolisme des VLDL est le reflet de la diminution d’activité de la lipoprotéine lipase, qui a été mise en évidence dans le diabète de type 2.

Le ralentissement de la clairance des lipoprotéines riches en triglycérides ne se limite pas seulement aux VLDL, mais est aussi observé pour les intermediary density lipoprotein (IDL) et les chylomicrons.

La diminution de clairance des lipoprotéines riches en triglycérides au cours du diabète de type 2 paraît largement attribuable à la réduction d’activité de la lipoprotéine lipase, même si la modification de composition des différentes lipoprotéines, observée au cours du diabète, pourrait être également en cause dans le ralentissement du catabolisme, comme le suggèrent certains travaux chez l’animal.

À côté de l’hypertriglycéridémie à jeun, il est aussi observé, dans le diabète de type 2, une hypertriglycéridémie postprandiale marquée, liée à un retard d’épuration des chylomicrons et à une freination incomplète de la production des VLDL (et plus particulièrement des VLDL1) en période postprandiale.

Enfin, l’hyperglycémie chronique, par le biais de la glycation des apolipoprotéines pourrait aussi intervenir dans les modifications du métabolisme des lipoprotéines riches en triglycérides.

En effet, la glycation de l’apo-B apparaît susceptible de réduire la liaison des lipoprotéines au récepteur B/E.

La glycation de l’apo-C II, cofacteur de la lipoprotéine lipase, pourrait aussi être en cause dans la réduction de son activité.

Par ailleurs, signalons que les VLDL1, riches en triglycérides, s’accumulent préférentiellement dans les macrophages, favorisant la promotion de cellules spumeuses.

* « Low density lipoproteins » :

Si le taux plasmatique de LDL-cholestérol est le plus souvent normal au cours du diabète de type 2, il est observé en revanche des modifications importantes de son métabolisme.

En effet, il a été montré in vivo, chez les patients diabétiques de type 2 ayant un taux de LDL-cholestérol identique à celui d’une population normale, une diminution de 28 % du catabolisme des LDL compensée par une réduction de leur production.

C’est ainsi que, malgré un taux plasmatique normal, les LDL des patients diabétiques présentent un ralentissement de leur catabolisme, c’est-à-dire une augmentation de leur temps de résidence plasmatique, susceptible de les rendre plus athérogènes.

Ce ralentissement du catabolisme des LDL semble en partie lié à une réduction du nombre des récepteurs LDL, comme cela a été montré in vivo.

Cette diminution du nombre des récepteurs LDL apparaît secondaire à la carence « relative » en insuline.

En effet, l’insuline est un facteur induisant l’expression des récepteurs LDL et le traitement par insuline, chez les diabétiques de type 2, restaure un nombre normal de récepteurs LDL.

Par ailleurs, il n’est pas exclu que les modifications qualitatives des LDL (telle la glycation de l’apo-B) puissent réduire leur affinité pour leur récepteur.

Les particules LDL du patient diabétique de type 2 présentent des anomalies qualitatives susceptibles de jouer un rôle important dans le développement de l’athérosclérose.

Il est retrouvé une prédominance de particules LDL de petite taille, enrichies en triglycérides (LDL de classe B), dont le taux apparaît relié à l’hypertriglycéridémie et plus particulièrement à l’augmentation des VLDL1.

Il est très vraisemblable que l’augmentation du pool des lipoprotéines riches en triglycérides (telles les VLDL1), observée dans le diabète de type 2, stimule l’activité de la CETP, favorisant ainsi le transfert des triglycérides des lipoprotéines riches en triglycérides vers les LDL, donnant ainsi naissance à ces LDL petites et denses enrichies en triglycérides.

De nombreux travaux ont clairement montré que les LDL de petites tailles étaient particulièrement athérogènes et présentaient un risque accru de survenue d’accidents coronaires.

En effet, les LDL petites et denses s’accumulent préférentiellement dans les macrophages, favorisant la promotion de cellules spumeuses, présentent une oxydabilité accrue et une plus grande affinité pour les protéoglycanes de l’intima facilitant ainsi leur rétention de la paroi artérielle.

En outre, ils réduisent la vasodilatation endothéliale induite par l’acétylcholine.

Une autre modification qualitative importante observée chez le patient diabétique de type 2 est l’augmentation des LDL oxydées.

Ces dernières ont un caractère particulièrement athérogène puisqu’elles favorisent le chimiotactisme vis-à-vis des monocytes, la production par l’endothélium de molécules d’adhésion telles inter cellular adhesion molecule I (ICAM-1), le relargage par les macrophages de cytokines (tumour necrosis factor [TNF]alpha, interleukine (IL)-1, etc.), alimentant la réaction inflammatoire propice au développement de l’athérosclérose.

En outre, les LDL oxydées sont captées préférentiellement par les macrophages, donnant ainsi naissance aux cellules spumeuses.

Parmi les autres modifications qualitatives, mentionnons la glycation de l’apo-B susceptible de réduire sa liaison aux récepteurs B/E et de favoriser la captation des LDL par les récepteurs scavenger des macrophages.

De plus, les LDL glyquées seraient oxydées plus facilement.

* « High density lipoproteins » :

Le diabète de type 2 est associé à une diminution du taux plasmatique d’HDL-cholestérol, prédominant sur la sous-fraction HDL2, qui apparaît étroitement corrélée à l’hypertriglycéridémie d’une part, et à l’obésité d’autre part.

La réduction du HDLcholestérol est liée à l’accroissement de son catabolisme en partie favorisé par une augmentation de l’activité de la lipase hépatique, enzyme en cause dans le catabolisme des HDL.

L’augmentation des lipoprotéines riches en triglycérides, observée au cours du diabète de type 2, favorise, via la CETP, le transfert des triglycérides vers les HDL et les particules HDL, ainsi enrichies en triglycérides, deviennent d’excellents substrats pour la lipase hépatique avec pour conséquence un accroissement de leur catabolisme.

Il est, par ailleurs, observé des modifications qualitatives des particules HDL tel leur enrichissement en triglycérides et la glycation de l’apoA-I, susceptibles de réduire l’efficacité de la voie de retour du cholestérol, dans le diabète de type 2.

* Protéines de transfert :

L’enrichissement en triglycérides des LDL et des HDL témoigne d’un transfert lipidique accru entre les différentes lipoprotéines, très vraisemblablement via la CETP, dont l’activité a été retrouvée augmentée dans plusieurs études.

Les données sur la PLTP, au cours du diabète, sont encore peu nombreuses, mais une hausse de son activité et de sa masse a été rapportée chez les patients diabétiques de type 2.

Nous ne connaissons pas encore les conséquences de cette augmentation de PLTP.

4- Facteurs en cause dans la dyslipidémie du patient diabétique :

Les désordres de l’insuline (insulinorésistance et déficit « relatif » en insuline) apparaissent jouer un rôle majeur dans les modifications du métabolisme lipidique, observées dans le diabète de type 2.

Cela explique qu’une partie des anomalies lipidiques du diabétique de type 2 est déjà présente chez les patients obèses insulinorésistants avant même l’existence d’un diabète. L’hyperglycémie chronique peut être retenue comme un facteur potentiel d’aggravation de ces anomalies, en particulier en favorisant la glycation et l’oxydation des lipoprotéines.

Enfin, il n’est pas exclu que certaines protéines issues du tissu adipeux telle l’adiponectine ou l’acylation stimulating protein (ASP) puissent intervenir dans les modifications du métabolisme lipidique observées dans le diabète de type 2, dans la mesure où ces protéines ont une action sur le métabolisme des acides gras.

Cependant, les données sur ce sujet restent encore peu nombreuses.

D – DIAGNOSTIC D’UNE ANOMALIE LIPIDIQUE AU COURS DU DIABÈTE :

Le dépistage d’anomalies lipidiques, au cours du diabète, est essentiel et s’inscrit dans la prise en charge globale du patient diabétique qui doit être considéré comme un sujet « athéromateux, polyvasculaire potentiel ».

Il est recommandé de réaliser annuellement, chez tous les patients diabétiques, un dosage des lipides après 12 heures de jeûne, comprenant le cholestérol total, les triglycérides et le HDL-cholestérol.

Il sera possible à partir de ces données de calculer le LDL-cholestérol à l’aide de la formule de Friedewald (LDL-cholestérol = cholestérol total – HDL-cholestérol

– triglycérides/5 pour une valeur exprimée en g l–1 ou LDLcholestérol = cholestérol total – HDL cholestérol

– triglycérides/2,2 pour une valeur exprimée en mmol l–1 ; utilisable seulement si les triglycérides sont inférieurs à 3,5 g l–1 ou à 4 mmol l–1).

Devant la mise en évidence d’une anomalie lipidique chez un patient diabétique, il sera indispensable, dans un premier temps, de préciser s’il s’agit d’une hyperlipidémie familiale associée au diabète, d’une hyperlipidémie secondaire ou d’une hyperlipidémie s’inscrivant dans le cadre de la maladie diabétique.

Le diagnostic d’une hyperlipidémie familiale associée au diabète (le plus souvent hypercholestérolémie familiale ou hyperlipidémie familiale combinée) repose, entre autres, sur l’enquête familiale et sur l’analyse précise du bilan lipidique.

À ce titre, il faut savoir qu’une élévation franche du LDL-cholestérol, chez un diabétique de type 2, est très évocatrice d’une hypercholestérolémie familiale associée au diabète.

De principe, il sera nécessaire, sur des données cliniques et éventuellement biologiques, d’éliminer une hyperlipidémie secondaire à une hypothyroïdie, à une insuffisance rénale, à un syndrome néphrotique, à une cholestase ou à la prise de certains médicaments.

Le plus souvent, il s’agit d’une hyperlipidémie s’inscrivant dans le cadre du diabète, caractérisée par une augmentation des triglycérides et une baisse du HDL-cholestérol.

E – PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE :

1- Cibles et objectifs thérapeutiques :

Les cibles principales dans l’hyperlipidémie du diabète de type 2 sont les lipoprotéines riches en triglycérides, le HDL-cholestérol dont le taux est abaissé, les anomalies qualitatives et cinétiques des LDL (LDL petites et denses, turn-over ralenti).

L’American Diabetes Association (ADA) recommande d’obtenir, chez un sujet diabétique, un LDL-cholestérol inférieur à 1 g l–1 (2,6 mmol l–1), un HDL-cholestérol supérieur à 0,4 g l–1 (1,02 mmol/ l–1) et des triglycérides inférieurs à 1,5 g l–1 (1,7 mmol l–1).

En France, les recommandations de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) et de l’Association de langue française pour l’étude du diabète et des maladies métaboliques (ALFEDIAM) préconisent, en prévention secondaire et en prévention primaire chez les patients diabétiques ayant deux autres facteurs de risque (âge supérieur à 45 ans pour l’homme et supérieur à 55 ans pour la femme, antécédents familiaux de maladie coronaire précoce, tabagisme, hypertension artérielle, HDL-cholestérol inférieur à 0,35 g l–1), une valeur de LDL-cholestérol inférieure à 1,30 g l–1.

En outre, il est recommandé d’obtenir des triglycérides inférieurs à 1,5 g l–1 en prévention secondaire ou en présence d’un facteur de risque cardiovasculaire, et inférieurs à 2 g l–1 dans les autres cas.

2- Leçons des études d’intervention avec les hypolipidémiants chez les diabétiques :

Plusieurs études de prévention secondaire avec les statines telle l’étude 4S, l’étude Care et une large étude de prévention primo-secondaire, l’étude HPS, ont fait la preuve de l’efficacité du traitement par statines pour réduire le risque cardiovasculaire chez les patients diabétiques, dans des proportions comparables à ce qui est observé chez les sujets non diabétiques.

En revanche, les statines n’ont pas entraîné de réduction significative du risque cardiovasculaire chez les diabétiques dans d’autres études comme l’étude LIPID, l’étude ASCOT-LLA et l’étude ALLHAT-LLT.

On remarquera que, dans les études publiées, le bénéfice en termes de réduction du risque cardiovasculaire chez les patients diabétiques de type 2 est nul ou faible chez les patients ayant des valeurs de triglycérides augmentées.

En outre, chez les patients diabétiques traités par statines, le nombre d’événements cardiovasculaires demeure significativement élevé (étude HPS par exemple), ce qui suggère que les statines n’ont, chez les diabétiques de type 2, qu’un effet partiel sur les anomalies du métabolisme lipidique et la prévention de la maladie coronaire.

Les études avec les fibrates, au cours du diabète, sont encore peu nombreuses.

Dans l’étude VAHIT, le traitement par gemfibrozil a permis, chez les patients diabétiques, une réduction significative de la morbimortalité cardiovasculaire.

L’étude angiographique DAIS (Diabetes Arterosclerosis Intervention Study) a mis en évidence le bénéfice du fénofibrate sur la réduction de la sténose des artères coronaires.

Une large étude d’intervention en cours, avec le fénofibrate chez des patients diabétiques (FIELD : Fenofibrate Intervention and Event Lowering in Diabetes) devrait permettre de préciser la place des fibrates dans la prévention du risque cardiovasculaire des sujets diabétiques de type 2.

3- Prise en charge pratique de l’hyperlipidémie du patient diabétique :

* Mesures diététiques :

La fraction lipidique recommandée est de 30 à 35 % de l’apport calorique total, réparti en 10 % maximum de graisses saturées, 10 % de graisses poly-insaturées, de 10 à 15 % de graisses monoinsaturées.

La fraction glucidique recommandée est de 50 à 55 % de l’apport calorique total.

D’une façon générale, on recommande une « balance » glucides-acides gras mono-insaturés.

Par exemple, chez un patient hypertriglycéridémique, il sera conseillé d’avoir une fraction glucidique à 50 % en augmentant à 15 % les acides gras mono-insaturés.

* Exercice physique :

L’exercice physique fait intégralement partie du traitement du diabète et présente des effets favorables non seulement sur le métabolisme glucidique, mais aussi sur le métabolisme lipidique.

En effet, il est observé, lors d’une activité physique régulière chez le patient diabétique, une diminution des triglycérides.

Il est aussi noté une augmentation du HDL-cholestérol, qui cependant n’est pas constante et demeure toujours modérée.

* Correction de l’hyperglycémie :

L’amélioration du contrôle glycémique s’accompagne d’un effet bénéfique sur le profil lipidique avec, en particulier, une réduction de l’hypertriglycéridémie.

Cependant, si la correction de l’hyperglycémie est indispensable, elle ne permet pas de normaliser complètement le bilan lipidique.

* Traitement médicamenteux :

– Médicaments hypolipidémiants. Si le résultat de l’adaptation du régime, de la reprise de l’activité physique et de l’amélioration de l’équilibre glycémique reste insuffisant après un délai minimum de 3 mois, il sera utile de recourir aux médicaments hypolipidémiants.

Comme nous l’avons vu ci-dessus (leçons tirées des études d’intervention), le problème du choix entre statines ou fibrates n’est pas encore résolu.

D’un point de vue pratique, la décision du traitement dépendra plutôt de l’anomalie lipidique observée :

– en cas d’hypertriglycéridémie pure ou d’hyperlipidémie mixte avec hypertriglycéridémie prédominante, on a plutôt recours aux fibrates, en première intention ;

– en cas d’hypercholestérolémie pure ou d’hyperlipidémie mixte avec hypercholestérolémie prédominante, on utilise de préférence les statines, en première intention ;

– dans tous les cas, les résines (cholestyramine ou Questrant) sont déconseillées, chez le patient diabétique de type 2, en raison de leur effet hypertriglycéridémiant.

– Nouvelles perspectives thérapeutiques. Association statines plus fibrates.

Comme nous l’avons vu ci-dessus, les cibles principales de l’hyperlipidémie du diabète de type 2 sont l’augmentation des lipoprotéines riches en triglycérides, la baisse du HDL-cholestérol et les anomalies du LDL-cholestérol (LDL petite et dense, turn-over ralenti), ce qui rend logique d’envisager un traitement par une association fibrates (à action prédominante sur les triglycérides et le HDL-cholestérol) plus statines (à action prédominante sur le LDLcholestérol).

Une large étude d’intervention en cours : Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes (ACCORD) s’est fixé pour but d’analyser l’effet de l’association fibrates plus statines sur le risque cardiovasculaire, chez les patients diabétiques de type 2.

Agonistes PPAR. Les peroxisome proliferator activated receptor (PPAR) sont des récepteurs nucléaires qui interviennent, entre autres, dans la régulation du métabolisme lipidique.

Plusieurs sous-types de PPAR sont actuellement connus : alpha, bêta, et gamma.

Les fibrates sont des agents agonistes des PPARalpha, ce qui explique leur action marquée sur le métabolisme lipidique.

Les glitazones, nouvelle classe d’agents antidiabétiques, sont des agonistes des PPARc.

Ces derniers ont, outre leur action hypoglycémiante, un effet marqué sur les lipides.

C’est ainsi qu’il est observé sous pioglitazone (Actost) et rosiglitazone (Avandiat) une diminution significative des acides gras libres, une augmentation du HDL-cholestérol et une réduction des LDL petites et denses.

Par ailleurs, il est noté sous pioglitazone une diminution significative des triglycérides.

Les glitazones représentent ainsi une classe thérapeutique intéressante pouvant prendre une place dans le traitement des anomalies lipidiques du diabète de type 2.

Enfin, le développement de molécules agonistes PPAR alpha et c apparaît prometteur pour la prise en charge thérapeutique des anomalies lipidiques du patient diabétique de type 2.

Hyperlipidémie du diabète de type 1 :

A – PRÉSENTATION DES ANOMALIES LIPIDIQUES DANS LE DIABÈTE DE TYPE 1 :

Au cours du diabète de type 1, non traité ou très mal contrôlé, il est observé des anomalies lipidiques quantitatives en rapport avec le déficit en insuline.

Celles-ci comportent une augmentation des lipoprotéines riches en triglycérides (VLDL et chylomicrons), secondaire à la baisse d’activité de la lipoprotéine lipase, une hausse du LDL-cholestérol en rapport avec une réduction du catabolisme des LDL, et une diminution du HDL-cholestérol.

En revanche, chez le patient diabétique de type 1, relativement bien traité (c’est-à-dire sans carence importante en insuline), les concentrations de VLDL et LDL sont normales et le taux de HDLcholestérol est souvent trouvé augmenté.

L’augmentation du HDLcholestérol, qui porte essentiellement sur les particules HDL2, apparaît secondaire à l’administration sous-cutanée d’insuline qui a pour conséquence une activité réduite de la lipase hépatique par rapport à la lipoprotéine lipase périphérique.

En revanche, l’administration intrapéritonéale d’insuline, qui reproduit la sécrétion physiologique de l’insuline par voie portale, ne s’accompagne pas d’augmentation du HDL-cholestérol.

Les principales anomalies lipidiques observées, dans le diabète de type 1, sont essentiellement qualitatives.

C’est ainsi qu’il est parfois observé un enrichissement en cholestérol estérifié des VLDL et une augmentation des triglycérides au sein des LDL qui pourraient être secondaires à une augmentation d’activité de la CETP.

De la même façon que dans le diabète de type 2, en cas d’hyperglycémie chronique, une glycation des apolipoprotéines est observée avec les mêmes effets délétères, en particulier celui de favoriser l’oxydation des LDL.

Actuellement, le lien précis entre les anomalies qualitatives des lipoprotéines chez le patient diabétique de type 1 et le risque cardiovasculaire n’est pas établi.

B – DIAGNOSTIC ET THÉRAPEUTIQUE :

Comme nous l’avons vu chez le patient diabétique de type 1 relativement bien traité, aucune anomalie quantitative des lipoprotéines n’est observée.

C’est ainsi que la mise en évidence d’une hyperlipidémie, chez un tel patient, devra évoquer a priori une hyperlipidémie associée au diabète (hypercholestérolémie familiale, hyperlipidémie familiale combinée…).

La mise en évidence d’une telle hyperlipidémie, associée au diabète de type 1, nécessite une prise en charge thérapeutique spécifique.

En revanche, nous ne disposons pas actuellement de données sur la prise en charge thérapeutique des anomalies lipidiques qualitatives du diabète de type 1 en dehors du contrôle optimum de la glycémie.

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