Hypercalcémies

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L’hypercalcémie est définie par une calcémie ionisée > 1,3 mmol/L (calcémie totale > 2,55 mmol/L).

L’hypercalcémie aiguë > 3,5 mmol/L (calcémie totale) met en jeu le pronostic vital.

L’hypercalcémie chronique modérée est souvent asymptomatique.

L’homéostasie du calcium est assurée par la régulation des 3 facteurs qui interviennent dans le bilan du calcium : l’entrée digestive, l’échange avec le pool osseux et l’excrétion rénale.

Ces trois facteurs sont régulés par deux hormones prépondérantes : la vitamine D et la PTH.

Causes :

Deux grands types de maladies sont responsables de 90 % des hypercalcémies : les maladies parathyroïdiennes (45 %) et les cancers (45 %). Les autres causes sont responsables de 10 % des cas d’hypercalcémie.

A – Pathologies parathyroïdiennes :

Une hypersécrétion de parathormone, non adaptée à la calcémie, est la caractéristique des pathologies parathyroïdiennes.

Les désordres du métabolisme de calcium qu’elle entraîne résultent de l’action propre de la parathormone (augmentation du turn-over osseux, augmentation de la réabsorption rénale de calcium et diminution de celle du phosphate) et de la stimulation par la parathormone de la synthèse de vitamine D (elle-même responsable d’une augmentation de l’absorption digestive de calcium et du turn-over osseux).

Devant un tableau clinique et biologique évoquant une pathologie parathyroïdienne, il faut rechercher une hyperparathyroïdie primaire, une pathologie héréditaire des parathyroïdes ou une hyperparathyroïdie tertiaire faisant suite à une insuffisance rénale chronique.

1- Hyperparathyroïdie primaire :

C’est une affection fréquente (incidence de 38 pour 100 000 habitants) qui touche plus souvent les femmes et dont l’incidence augmente à partir de 60 ans.

Hypercalcémies

Elle est secondaire à un adénome unique d’une des glandes dans 85 % des cas, à une hyperplasie des quatre glandes dans 15 % des cas et à un cancer parathyroïdien dans moins de 1 % des cas.

L’hypercalcémie est le plus souvent inférieure à 3 mmol/L et d’augmentation lentement progressive.

L’élévation de la PTH peut être modérée, mais elle est toujours inappropriée aux valeurs de la calcémie.

Dans la majorité des cas, cette pathologie est diagnostiquée devant une hypercalcémie de découverte fortuite ou devant une lithiase rénale calcique, éventuellement récidivante.

2- Hyperparathyroïdies héréditaires :

Les affections héréditaires des parathyroïdes sont rares et responsables de moins de 20 % des pathologies des parathyroïdes.

Trois syndromes doivent être plus particulièrement recherchés.

  • Le syndrome d’hypercalcémie-hypocalciurie familiale est une affection autosomique dominante qui est secondaire à une mutation du gène du récepteur calcique.

La protéine mutée a une sensibilité beaucoup plus faible pour le calcium et entraîne une stimulation de la synthèse de parathormone.

Il existe aussi une diminution de la sensibilité de la protéine rénale ce qui explique l’absence d’hypercalciurie.

  • Le syndrome de Wermer (néoplasie endocrinienne multiple de type 1) dont l’anomalie génétique (chromosome 11) est une mutation du gène de la menine (protéine suppressive de tumeur), associe une hyperplasie des parathyroïdes à des adénomes pancréatiques et (ou) hypophysaires.

Ce syndrome doit particulièrement être recherché devant une hypercalcémie associée à des ulcères gastriques récidivants avec sécrétion inappropriée de gastrine par un adénome pancréatique (syndrome de Zollinger-Ellison).

  • Le syndrome de Sipple (néoplasie endocrinienne multiple de type 2) est secondaire à une mutation du protooncogène Ret (chromosome 10).

Il associe une hyperplasie parathyroïdienne, un carcinome médullaire de la thyroïde et un phéochromocytome.

3- Hyperparathyroïdie tertiaire :

L’hyperparathyroïdie tertiaire correspond à l’autonomisation d’une hypersécrétion de parathormone secondaire à une hypocalcémie chronique due à une insuffisance rénale chronique ou, plus rarement, à une malabsorption digestive.

Elle est souvent latente chez les patients ayant une insuffisance rénale chronique stable ou de progression lente.

Elle peut devenir patente lors de l’institution d’un traitement par le carbonate de calcium, la vitamine D ou l’hémodialyse.

Une sécrétion anormale de parathormone et une hypercalcémie modérée peuvent aussi exister après une transplantation rénale, du fait de l’involution lente des glandes parathyroïdes hyperplasiques.

B – Pathologies extraparathyroïdiennes :

Ces pathologies ont toutes en commun d’associer une hypercalcémie et une concentration basse, normalement adaptée, de parathormone.

Les mécanismes qui conduisent à l’hypercalcémie sont divers mais les causes les plus fréquentes sont soit une sécrétion anormale, par des cellules cancéreuses ou non, de peptide (PTH related peptide) ou d’hormone (vitamine D) qui régulent le métabolisme calcique, soit l’existence de métastases ostéolytiques.

La principale cause des hypercalcémies extraparathyroïdiennes est le cancer.

1- Cancer :

L’hypercalcémie des cancers résulte d’une ostéolyse majeure secondaire à la sécrétion d’un facteur stimulant les ostéoclastes (PTH-rp) (syndrome paranéoplasique) ou à la présence de nombreuses métastases ostéolytiques. Une sécrétion de PTH-rp est le plus souvent associée aux carcinomes épidermoïdes (poumon, oesophage, col utérin).

En plus de l’ostéolyse majeure, le PTH-rp stimule la réabsorption rénale de calcium, augmente l’AMPc néphrogénique et la phosphaturie.

Les cancers responsables d’hypercalcémie par métastases multiples sont essentiellement le myélome et les cancers du sein.

La lyse osseuse résulte directement des métastases et de l’action de cytokines, sécrétées par les cellules tumorales, qui activent les ostéoclastes.

Quel qu’en soit le mécanisme, l’hypercalcémie des cancers est rapidement évolutive et associée à une sécrétion effondrée de parathormone.

2- Hypervitaminose D :

L’hypervitaminose D stimule directement l’absorption digestive de calcium.

C’est la cause la plus fréquente d’hypercalcémie par augmentation des entrées de calcium.

Elle peut résulter d’un apport excessif ou d’une sécrétion inappropriée, non régulée, par des cellules anormales.

  • Apports excessifs : une intoxication iatrogénique à la vitamine D peut survenir lors de traitements par doses élevées de vitamine D (hypoparathyroïdies, rachitismes résistants à la vitamine D, ostéomalacies ou ostéoporoses).

Elle résulte le plus souvent d’une prise cachée de vitamine D.

L’hypercalcémie peut persister plusieurs semaines après l’arrêt de l’intoxication.

  • Sécrétions inappropriées : la présence anormale d’une 1 a-hydroxylase non régulable dans les cellules de granulome (sarcoïdose, tuberculose, etc.) ou lymphomateuses, entraîne une synthèse accrue de vitamine D (1-25 (OH)2 vitamine D3) par hydroxylation excessive du 25 (OH) vitamine D3.

Cette sécrétion anormale a un retentissement fréquent chez les patients atteints de sarcoïdose : il existe une hypercalciurie chez 20 % des patients et une hypercalcémie chez 10 % des patients.

3- Hyperthyroïdie :

Une hypercalcémie modérée due à l’augmentation du turn-over osseux induit par les hormones thyroïdiennes est observées dans 10 à 50 % des cas d’hyperthyroïdie.

4- Causes rares :

  • L’hypervitaminose A et l’immobilisation prolongée sont responsables d’hypercalcémie par augmentation de la résorption osseuse et diminution de l’accrétion osseuse (immobilisation).
  • Les apports élevés en calcium lors de la prise, en quantité importante, de pansements gastriques alcalins riches en carbonate de calcium ou de produits laitiers (syndrome des buveurs de lait ou syndrome de Burnett) peuvent provoquer une hypercalcémie, une alcalose et une insuffisance rénale du fait de l’hyperabsorption digestive du calcium.

Diagnostic :

Les signes cliniques peuvent être regroupés selon 3 mécanismes physiopathologiques.

1- Atteinte des cellules excitables :

L’atteinte des cellules excitables touche le système nerveux et les cellules musculaires ; l’atteinte du muscle cardiaque est un facteur de gravité

  • Système nerveux : l’hypercalcémie peut être responsable d’une fatigabilité, d’un état dépressif ou d’une symptomatologie plus importante, allant de la léthargie à la confusion et au coma ; l’atteinte du système nerveux périphérique conduit à une hyporéflexie.
  • Cellules musculaires : la faiblesse musculaire touche les muscles squelettiques et les muscles lisses ; elle est responsable de signes digestifs tels que : constipation, anorexie et vomissements.
  • Muscle cardiaque : l’hypercalcémie entraîne initialement un raccourcissement de l’espace QT.

Des hypercalcémies importantes aiguës peuvent provoquer des troubles du rythme ventriculaire (extrasystoles, tachycardie ventriculaire).

L’existence d’une hypokaliémie associée à l’hypercalcémie, ou l’utilisation de digitaliques peuvent favoriser la survenue de ces troubles du rythme ventriculaire.

2- Calcifications anormales :

L’hypercalcémie favorise des dépôts anormaux de calcium dans les articulations et les tissus mous.

  • Atteinte articulaire : l’hypercalcémie est responsable de crises de pseudo-goutte et de calcifications articulaires.
  • Atteinte des tissus mous : les organes les plus souvent touchés sont les reins (néphrocalcinose), les voies excrétrices urinaires (lithiase), le pancréas, les vaisseaux sanguins et la peau (prurit).

3- Atteinte des fonctions rénales :

Du fait de l’activation du récepteur calcique rénal, l’hypercalcémie entraîne des modifications de la réabsorption du sodium et de l’eau.

Il existe une natriurèse obligatoire (> 30 mmol/L) inadaptée au bilan du sodium et une polyurie hypotonique (osmolalité urinaire < 250 mOsm/kg) insensible à l’hormone antidiurétique (ADH).

L’hypercalcémie induit aussi une acidurie par augmentation de la réabsorption tubulaire des bicarbonates, de l’excrétion d’acide sous forme d’acidité titrable et de l’excrétion urinaire d’ammoniac.

La perte de sodium provoquée par l’hypercalcémie peut entraîner une contraction des volumes extracellulaires et une diminution de la filtration glomérulaire.

La perte rénale d’acide et la contraction des volumes extracellulaires sont responsables de l’alcalose métabolique qui est souvent associée aux hypercalcémies.

Lorsque l’hypercalcémie est due à une hyperparathyroïdie ou à une sécrétion de PTH-rp, il existe une phosphaturie et une élévation de l’AMPc néphrogénique.

Traitement :

Les hypercalcémies chroniques non symptomatiques et non évolutives ne nécessitent pas d’autres mesures que le traitement étiologique.

Les hypercalcémies rapidement évolutives, symptomatiques ou supérieures à 3,25 mmol/L nécessitent, en plus du traitement étiologique, un traitement symptomatique dont le but est de diminuer les échanges avec le pool osseux et d’augmenter l’excrétion rénale de calcium.

Les hypercalcémies graves doivent être hospitalisées en unité de soins intensifs.

1- Diminution des échanges avec le pool osseux :

Les médicaments utilisés ont tous pour action d’inhiber la résorption osseuse.

La calcitonine (inhibe les ostéoclastes) a une action rapide alors que les diphosphonates (inhibent les ostéoclastes et bloquent l’action des phosphatases) ne normalisent la calcémie qu’en plusieurs jours.

La mithramycine (antinéoplasique inhibant les ostéoclastes) n’est quasiment plus utilisée du fait de sa forte toxicité hématologique et de la disponibilité des diphosphonates.

2- Augmentation de l’excrétion urinaire de calcium :

La correction de la déshydratation toujours associée à l’hypercalcémie doit être une mesure systématique.

Elle est réalisée par perfusion de soluté salé isotonique ou hypotonique en cas de déshydratation intracellulaire associée.

L’utilisation de diurétique de l’anse ne doit être envisagée qu’après correction de la déshydratation.

3- Mesures associées :

En plus du traitement étiologique, le traitement de l’hypercalcémie comporte deux mesures supplémentaires : la limitation des apports alimentaires de calcium et l’interdiction des diurétiques thiazidiques.

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