Hydrocéphalie chronique de l’adulte (hydrocéphalie à pression normale)

0
2696

Introduction :

Bien que divers travaux antérieurs aient déjà mentionné l’association paradoxale d’une hydrocéphalie et d’une pression normale du liquide céphalorachidien (LCR), l’appellation « hydrocéphalie à pression normale » a été proposée en 1965 par Hakim et Adams à l’occasion de trois observations associant une triade clinique caractéristique et une dilatation ventriculaire illustrée par l’encéphalographie gazeuse, les patients ayant bénéficié d’une amélioration spectaculaire après dérivation du LCR, malgré une pression de celui-ci jugée normale à la ponction lombaire.

À l’enthousiasme initial suscité par la possibilité d’améliorer de tels patients par la dérivation du LCR a succédé rapidement une phase de désillusion justifiée par de nombreux échecs thérapeutiques, expliquant la somme colossale de travaux consacrés à l’identification de facteurs prédictifs de l’efficacité de la dérivation.

Nous avons rapporté l’expérience de deux équipes neurochirurgicales françaises dans un travail récent, fondé sur 243 observations, dans lequel le lecteur trouvera une bibliographie exhaustive.

Hydrocéphalie chronique de l’adulte (hydrocéphalie à pression normale)À cette occasion, nous avons proposé de substituer à l’appellation « hydrocéphalie à pression normale » celle d’« hydrocéphalie chronique de l’adulte » (HCA) plus adaptée aux réalités cliniques.

De nos jours, la « normalité » de la pression du LCR, critère d’ailleurs mal défini, n’est plus exigée pour porter le diagnostic, cette « normalité » étant loin d’être confirmée par les nombreux travaux portant sur les régimes de pressions intracrâniennes observés chez ces patients.

Nous distinguerons d’emblée deux variétés étiopathogéniques d’HCA différentes par leurs aspects cliniques, radiologiques et surtout pronostiques, à tel point que certains auteurs ont admis qu’elles traduisaient des entités nosologiques distinctes.

Il s’agit de l’hydrocéphalie secondaire relevant d’une étiologie clairement identifiée par des antécédents et/ou l’imagerie, et de l’hydrocéphalie idiopathique, apparemment primitive.

Ces deux types étiopathogéniques sont cependant envisagés ici conjointement, en raison notamment d’un mécanisme physiopathologique commun, au moins en partie : la dilatation des cavités ventriculaires par trouble de la circulation/résorption du LCR.

Enfin, nous avons écarté de notre propos les concepts d’hydrocéphalies non communicantes et communicantes, datant de l’ère historique des explorations gazeuses et inadaptés aux données contemporaines de l’imagerie et de la physiopathologie.

Étiologie :

Deux cadres étiopathogéniques méritent d’être opposés en raison d’implications thérapeutiques et pronostiques distinctes.

A – HCA SECONDAIRE :

Secondaire à une cause connue ou mise en évidence en imagerie, sa fréquence est diversement appréciée : 39 % des patients dans notre expérience.

La plupart des processus retentissant sur l’hydrodynamique du LCR ont pu être incriminés : hémorragies méningées, méningites, séquelles d’interventions intracrâniennes ou de traumatismes crâniens, tumeurs intracrâniennes (notamment du IIIe ventricule et de la fosse cérébrale postérieure), tumeurs intrarachidiennes, sténoses de l’aqueduc de Sylvius et autres malformations névraxiques.

Il est prouvé que l’HCA secondaire comporte une signification pronostique très favorable, avec de bons résultats après dérivation chez plus de 65 % des patients, taux très supérieur à celui obtenu dans l’HCA idiopathique (moins de 45 %).

La différence entre les deux populations est telle que l’identification d’une étiologie précise est reconnue comme un paramètre prédictif suffisamment favorable pour justifier à elle seule la dérivation dans la plupart des cas.

B – HCA IDIOPATHIQUE :

Elle diffère à de nombreux égards de la précédente.

Certains auteurs, en limitant leurs travaux à une population dépourvue d’étiologie évidente, ont d’ailleurs admis plus ou moins explicitement qu’il pourrait s’agir d’une entité différente.

L’âge moyen des patients est ici plus élevé (71 ans contre 59 ans dans la forme secondaire), la notion de terrain « vasculaire » est retrouvée avec une fréquence significative (hypertension artérielle ou accidents ischémiques antérieurs), les données de l’imagerie et occasionnellement des biopsies cérébrales évoquent des altérations du parenchyme sans relation avec la dilatation ventriculaire ; enfin et surtout, comme signalé plus haut, l’espérance d’amélioration après dérivation du LCR est ici significativement plus faible sans que l’on puisse faire cependant du paramètre « étiologie absente » un critère d’exclusion.

Physiopathologie :

A – DÉVELOPPEMENT D’UNE HYDROCÉPHALIE SECONDAIRE :

À l’état normal, il existe un équilibre des pressions et des volumes intracrâniens, une pression identique régnant aux interfaces ventricules – parenchyme – espaces sous-arachnoïdiens – veines, à une faible différence près au profit des veines corticales traversant l’espace sous-arachnoïdien pour se jeter dans les sinus veineux de la dure-mère.

Ces différents secteurs conservent leurs rapports volumétriques constants tant que cette pression commune, quel que soit son niveau, reste également répartie entre eux.

L’apparition d’un obstacle sur les voies d’écoulement du LCR perturbe cet équilibre.

Le liquide continuant de se former (0,35 mL/min) dans les ventricules élève la pression en amont de l’obstacle, et une différence ou gradient de pression s’établit des ventricules vers le parenchyme et l’espace sous-arachnoïdien.

Ce gradient engendre une force radiale qui dilate les ventricules aux dépens de volumes mobilisables que sont le sang veineux (phénomène rapide) et les liquides interstitiels (phénomène lent).

Le parenchyme subit des contraintes mécaniques avec des niveaux de pression de plus en plus élevés jusqu’à l’hypertension intracrânienne terminale.

En fait, la plupart des hydrocéphalies expérimentales et humaines évoluent vers une situation chronique, apparemment paradoxale, où la pression redevient « normale » alors que les ventricules restent volumineux ou même continuent à se dilater lentement.

Le mécanisme de ce passage à la chronicité, imparfaitement compris, implique l’évolution simultanée des pressions et celle des volumes.

B – DIMINUTION DES PRESSIONS ET MÉCANISMES COMPENSATEURS :

1- Diminution de la sécrétion du LCR :

Vraisemblable dans l’hydrocéphalie chronique, elle ne peut à elle seule expliquer la « normalisation » de la pression intracrânienne.

2- Augmentation progressive des capacités de résorption du LCR :

Ces capacités étant très diminuées à la phase aiguë, leur augmentation est considérée comme l’agent principal de ce rééquilibrage.

En même temps que sont probablement réutilisées les voies naturelles (espaces sous-arachnoïdiens de la convexité et villosités arachnoïdiennes), des voies de résorption nouvelles apparaissent, la mieux documentée aujourd’hui étant la voie transépendymaire.

Sous l’effet de la distension ventriculaire, l’épendyme s’aplatit, les cellules se disjoignent et le liquide, poussé par la pression, pénètre dans la substance blanche périépendymaire.

L’absorption du LCR se fait alors, au moins en partie, dans le parenchyme cérébral.

Il est possible qu’il soit ensuite absorbé par les capillaires du manteau cérébral, ou par les gaines des gros vaisseaux, et conduit par ces derniers vers les lymphatiques cervicaux.

On ne possède en fait aucune certitude à ce sujet.

D’autres voies vicariantes ont été également proposées, comme le plexus choroïde ou le canal de l’épendyme, mais sans preuve indiscutable.

3- Problème du gradient résiduel :

Si ces mécanismes tendent à ramener la pression du LCR vers un niveau « normal », le gradient transépendymaire ne peut que s’atténuer ou même s’annuler.

Le tableau est alors celui de l’hydrocéphalie arrêtée, avec dilatation ventriculaire persistante, fixée, et surtout asymptomatique.

Dans les cas symptomatiques et qui continuent à s’aggraver, la pression n’est redevenue normale qu’en apparence, sa valeur moyenne est normale ou basse, mais un enregistrement continu montre la présence d’ondes anormales, entretenant le gradient transépendymaire.

C – ÉVOLUTION DES VOLUMES :

La persistance ou l’aggravation de la dilatation ventriculaire en situation chronique, avec une pression « normale en apparence », semble relever de trois phénomènes :

– la persistance d’un gradient atténué, indispensable, auquel s’ajoutent les deux autres phénomènes :

– l’un biologique, consistant en des modifications biochimiques, structurales (diminution des protides, des lipides, désintégration des gaines de myéline) et finalement mécaniques, du manteau cérébral dont la compliance diminue ;

– l’autre physique, faisant intervenir la formule de Laplace et les propriétés d’une enceinte à paroi élastique à l’intérieur de laquelle on introduit des volumes croissants de liquide.

Selon cette formule,

P (pression) = 2T (tension pariétale) / R (rayon)

en tenant compte de ce que T varie avec R, la pression peut augmenter, diminuer ou rester stable, alors que la cavité se dilate et la tension de la paroi augmente.

D – PROBLÈME DE L’HYDROCÉPHALIE IDIOPATHIQUE :

La constitution d’une dilatation ventriculaire sans cause patente, c’est-à-dire sans obstacle sur les voies d’écoulement du LCR, renvoie à un mécanisme passif, c’est-à-dire une atrophie parenchymateuse.

Il devient alors difficile de comprendre les améliorations obtenues par une dérivation permanente du LCR.

En clinique humaine, divers mécanismes, passés inaperçus ou difficiles à prouver, ont été invoqués pour expliquer une gêne à la circulation-résorption du LCR, condition indispensable à la constitution d’une dilatation ventriculaire active.

Il s’agirait d’épisodes méningés infectieux et hémorragiques, ou plus vraisemblablement d’une altération par le vieillissement des leptoméninges et du système villositaire.

Il est probable également que l’HCA idiopathique fait intervenir des altérations du parenchyme cérébral, engendrées par divers processus acquis (hypertension artérielle [HTA], encéphalopathies dégénératives, maladie d’Alzheimer…) et susceptibles de modifier ses propriétés viscoélastiques et son comportement face à une gêne présumée à la circulation/résorption du LCR.

Il semble ainsi que l’on puisse admettre qu’une hydrocéphalie idiopathique n’est primitive qu’en apparence.

E – CLASSIFICATION SELON L’EFFICACITÉ DES MÉCANISMES COMPENSATEURS :

De manière un peu arbitraire, il semble que l’on puisse isoler trois types anatomocliniques et physiopathologiques d’hydrocéphalies :

– l’hydrocéphalie hypertensive, typiquement par blocage tumoral de la filière du LCR, au cours de laquelle les mécanismes compensateurs sont rapidement débordés ;

– l’hydrocéphalie chronique, au cours de laquelle l’efficacité partielle des mécanismes compensateurs rend compte du caractère progressif et insidieux de la symptomatologie, mais avec une pression du LCR non strictement normale, comme en témoignent les nombreux travaux manométriques comportant des explorations de la pression intracrânienne et de ses variations lors des tests de résistance à l’écoulement ;

– l’hydrocéphalie totalement compensée, désignée tour à tour comme « hydrocéphalie asymptomatique » ou « hydrocéphalie arrêtée », seule forme méritant l’appellation d’hydrocéphalie à « pression normale ».

Anatomie pathologique :

D’après les travaux, peu nombreux, consacrés à l’étude des pièces nécropsiques ou à l’examen des prélèvements biopsiques, on doit distinguer différentes sortes de lésions.

A – LÉSIONS HISTOLOGIQUES EN RAPPORT AVEC LA DILATATION VENTRICULAIRE :

Celles-ci posent le problème de leur relation (cause ou conséquence ?) avec l’hydrocéphalie.

À côté des lésions touchant irrégulièrement les leptoméninges et les villosités arachnoïdiennes, on a souvent rapporté des altérations de l’épithélium épendymaire avec prolifération gliale sous-épendymaire.

La substance blanche périventriculaire est le siège d’un éclaircissement par élargissement des espaces intercellulaires, enrichi dans les cas évolués d’une gliose et d’une raréfaction du lit vasculaire.

En microscopie électronique, les gaines de myéline apparaissent dissociées par des espaces liquidiens contenant par endroits des gliofilaments.

B – LÉSIONS « SPÉCIFIQUES » D’AFFECTIONS DÉGÉNÉRATIVES ASSOCIÉES :

Leur constatation est fréquente chez les sujets présumés porteurs d’une HCA idiopathique.

Il peut s’agir de lésions corticales de la démence sénile de type Alzheimer (plaques séniles en grand nombre, dégénérescence granulovacuolaire), ou plus souvent, d’altérations vasculaires de la substance blanche (angiopathie de type sclérohyalin ou congophile, infarctus ou lacunes multiples).

La fréquence de ces altérations, qui existeraient chez plus de 50 % des sujets ayant fait l’objet de biopsies, amène à s’interroger sur leur rôle dans la pathogénie du syndrome d’HCA, rôle qui pourrait s’exercer par le biais de modifications des propriétés viscoélastiques du parenchyme.

Étude clinique :

A – GÉNÉRALITÉS :

Estimée indirectement d’après la prévalence globale des états démentiels, la prévalence de l’HCA idiopathique pourrait être comprise entre 0,5 et 1 % de la population âgée de plus de 65 ans, avec une légère prédominance masculine (58,5 %), laquelle illustre simplement le rôle joué chez l’homme par le contexte socioprofessionnel dans la révélation de l’affection.

L’âge moyen est de 66 ans (± 13 ans) avec un écart significatif déjà mentionné entre l’âge moyen des formes idiopathiques et celui des formes secondaires.

Le syndrome d’HCA n’est donc pas l’apanage exclusif de l’adulte âgé.

Il est même prouvé que des états authentiques d’hydrocéphalie chronique existent chez l’enfant et le nourrisson.

B – DURÉE D’ÉVOLUTION DES SYMPTÔMES. MODE DE DÉBUT :

Classiquement, le début est insidieux et la durée de la phase prédiagnostique difficile à estimer, plus courte dans les formes secondaires que dans les formes idiopathiques (12 et 24 mois respectivement).

Une évolution par poussées entrecoupées de phases de stabilisation est fréquente, bien que rarement signalée, de même que la révélation possible du syndrome à l’occasion d’un épisode intercurrent (fracture du col du fémur, anesthésie générale…).

Dans les deux tiers des cas, le tableau clinique inaugural est de type monosymptomatique, dominé par les troubles de la marche.

Plus rarement, deux éléments de la triade d’Adams et Hakim sont simultanément révélateurs de l’affection, voire même la triade au complet.

C – TRIADE :

La description historique d’Adams et Hakim reste d’actualité.

L’association de troubles de marche, de troubles sphinctériens et de troubles psycho-intellectuels est encore de nos jours l’élément diagnostique de base qui a permis au syndrome de sauvegarder son unité nosologique avec le temps.

Cependant, chacune de ses composantes est loin d’admettre une égale valeur et leur signification respective mérite à l’évidence d’être réévaluée.

Les données de la ponction lombaire (PL) soustractive, indissociables de la triade clinique, sont étudiées dans ce paragraphe.

1- Troubles du mouvement :

Leur existence est une condition nécessaire en pratique et parfois suffisante au diagnostic, les autres éléments de la triade pouvant faire défaut, même aux stades évolués de l’affection.

Les descriptions cliniques se limitent habituellement aux troubles de la marche.

Ceux-ci constituent en effet l’élément le plus spectaculaire d’un tableau caractérisé par une sidération globale des activités motrices.

Parmi les différentes étiquettes proposées, celle d’apraxie de la marche paraît la plus adaptée : la simple station debout est difficile, instable, avec rétropulsion.

Le déclenchement de la marche est laborieux.

Celle-ci se fait à petits pas, pieds collés au sol.

Le demitour sur ordre est décomposé par à-coups successifs.

La marche est globalement ralentie, voire impossible, et un état grabataire peut s’installer.

L’examen clinique contraste par sa pauvreté avec le handicap fonctionnel.

Les troubles de marche peuvent prendre le masque d’une claudication intermittente ou se manifester par des chutes isolées.

Ils s’associent à une réduction générale du mouvement expliquant l’aspect figé, akinétique du sujet, la possibilité d’authentiques syndromes parkinsoniens au cours de l’HCA ayant été débattue.

Les membres supérieurs sont concernés, comme en témoignent les troubles de l’écriture ou l’abandon des travaux manuels.

Classiquement, les troubles de la marche, ou plus globalement les troubles du mouvement, admettent, lorsqu’ils sont isolés ou prédominants, une signification pronostique favorable.

2- Troubles intellectuels et psychiques :

Leur association aux troubles de l’activité physique est à l’origine d’un certain nombre de dénominations comme l’aboulie, l’apathie, le désintérêt, l’isolement, l’indifférence, l’inertie, le ralentissement, définissant la présentation du patient telle qu’elle apparaît à l’examinateur et dans la description donnée par la famille.

Considérée par certains auteurs comme le signe majeur de l’HCA, la détérioration intellectuelle est volontiers qualifiée de démence, l’adjectif curable étant rajouté pour préciser que cet état, même durable, n’est pas forcément irréversible comme la plupart des états démentiels de type Alzheimer ou artériopathique.

Cependant, l’HCA n’est pas une démence, et le terme inopportun de « démence curable » a été à l’origine de dérives.

Ces indications abusives peuvent expliquer certains résultats décevants.

La psychométrie nécessitant le recours à des tests précis et standardisés poursuit plusieurs buts : dépister un trouble mental passé inaperçu, mesurer quantitativement les troubles pré-et postthérapeutiques, établir un profil neuropsychologique de la maladie et rechercher dans celui-ci des facteurs de prédictibilité d’un bon résultat.

Souvent complexes, les tests requièrent une attention prolongée que la plupart des patients atteints d’HCA ne peuvent soutenir.

La démarche peut être simplifiée par l’utilisation de subtests ou d’un questionnaire détaillé dont l’exemple le plus connu est le minimental state de Folstein.

L’orientation temporelle et spatiale, les potentiels mnésiques, et parmi eux la rétention à distance, et les capacités de rétentionapprentissage sont altérés de façon quasi systématique.

Le taux de leur amélioration par le traitement est décevant, particulièrement pour les possibilités de rétention à distance.

Contrairement aux conclusions énoncées dans un précédent travail, il nous semble aujourd’hui que la fatigabilité mentale caractérisée par une lenteur idéationnelle ou un épuisement à l’effort intellectuel est très significative de l’affection avec une récupération post-thérapeutique de très bonne qualité.

La dépression fait partie de la symptomatologie dans certains cas ; vraisemblablement réactionnelle à la dégradation débutante, elle peut masquer l’évolution de la maladie.

La détérioration intellectuelle globale est de mauvais pronostic et doit faire douter du diagnostic quand elle est prédominante ou inaugurale. En pratique, l’existence d’une démence authentique doit faire récuser l’indication de dérivation .

3- Troubles sphinctériens :

Essentiellement de type mictionnel, les troubles sphinctériens sont plus fréquents et plus précoces qu’il n’est classique de le dire.

Ils sont présents en effet chez 75 % des patients au stade du diagnostic et signalés dans le tableau inaugural chez plus de 20 % d’entre eux, sous des formes incomplètes telles la pollakiurie nocturne ou l’urgence mictionnelle, précédant de longue date l’installation d’une incontinence véritable.

Il est même prouvé que certaines HCA peuvent évoluer sous la forme de troubles mictionnels isolés, éventualité peu connue donnant invariablement lieu à des errements diagnostiques (adénome prostatique).

Typiquement, la vessie neurologique de l’HCA est une petite vessie désinhibée par perte du contrôle supraspinal inhibiteur de la contraction du détrusor.

L’étude urodynamique du trouble sphinctérien par cystomanométrie confirme la réduction parfois considérable du volume vésical de base (moins de 100 mL) et son incapacité à augmenter lors du remplissage, anomalies susceptibles de se corriger après PL évacuatrice et après dérivation, comme nous avons pu le vérifier dans notre expérience.

En cas de démence majeure, il est difficile de faire la part d’un mécanisme de désinhibition centrale et d’un trouble sphinctérien par « anosognosie » mictionnelle.

4- Ponction lombaire soustractive :

L’intérêt de l’épreuve de soustraction liquidienne, réalisant une simulation de dérivation, est actuellement admis par la plupart des équipes.

Rarement indiquée dans l’HCA secondaire où le tableau clinicotomodensitométrique suffit la plupart du temps au diagnostic, elle a été créditée d’un intérêt prédictif certain dans la forme idiopathique, lorsque persiste un doute diagnostique.

En effet, la survenue d’une amélioration clinique spectaculaire et rapide de la symptomatologie (notamment des troubles de la marche) après retrait d’un volume de LCR au moins égal à 30 mL, a été corrélée avec un bon résultat ultérieur de la dérivation permanente, à tel point que certains ont vu dans le résultat de la PL un critère prédictif d’importance primordiale, voire même un moyen thérapeutique à lui seul suffisant en cas d’amélioration prolongée.

L’efficacité de la PL pourrait être un argument prédictif en faveur d’une dérivation lombopéritonéale.

La valeur de cette épreuve mérite cependant d’être nuancée.

Au-delà des artefacts méthodologiques possibles, il est prouvé qu’une importante proportion (40 % environ) de sujets non améliorés par la PL peut tirer bénéfice de la dérivation. De ce fait, l’échec de la PL ne constitue pas à lui seul un critère d’exclusion.

D – MANIFESTATIONS ATYPIQUES :

Certains modes de révélation s’écartent du schéma classique de la triade.

C’est ainsi que l’on peut observer des troubles habituellement rapportés aux « hydrocéphalies à haute pression » : céphalées, macrocéphalie, épilepsie, troubles endocriniens, rhinorrhées de LCR…

Bien que rares, ces observations pourraient confirmer que l’HCA ne constitue qu’un stade évolutif intermédiaire entre l’hydrocéphalie avec hypertension intracrânienne et l’hydrocéphalie asymptomatique.

E – HYDROCÉPHALIE CHRONIQUE CHEZ L’ENFANT :

Une hydrocéphalie progressivement symptomatique sans hypertension intracrânienne peut être retrouvée chez l’enfant comme l’ont montré plusieurs études, bien que les chiffres normaux de la pression intracrânienne chez l’enfant restent controversés.

Une triade symptomatique, peu différente de celle rencontrée chez l’adulte, peut être individualisée, comportant :

– un retard psychomoteur modéré pouvant se traduire par une baisse des performances scolaires ;

– des troubles de la marche avec retard à l’acquisition de la marche ou chutes à répétition ;

– des troubles mictionnels avec retard à l’acquisition de la continence urinaire, fréquemment confondue avec une énurésie.

Explorations paracliniques :

Laissant de côté la PL soustractive, la psychométrie et l’exploration urodynamique analysées au chapitre clinique, nous évoquerons successivement :

– les explorations à visée morphologique : tomodensitométrie (TDM) et imagerie en résonance magnétique (IRM) ;

– les explorations à visée dynamique : manométrie, cisternographie, IRM « de flux » ;

– les explorations à visée « parenchymateuse » : mesure des débits sanguins cérébraux (DSC), doppler transcrânien, dosage de divers métabolites dans le LCR, potentiels évoqués, biopsies cérébrales.

Certaines de ces explorations sont systématiques et intégrées aux données cliniques de base.

Les autres répondent à des indications occasionnelles, voire exceptionnelles, visant à éclaircir certains aspects physiopathologiques de l’affection.

A – EXPLORATIONS MORPHOLOGIQUES :

Les méthodes d’imagerie modernes (TDM et IRM) ont définitivement supplanté l’encéphalographie gazeuse et la ventriculographie iodée dans l’illustration de la dilatation ventriculaire et des anomalies touchant les espaces sous-arachnoïdiens.

1- Tomodensitométrie :

Celle-ci fait actuellement figure d’exploration paraclinique de base, dont la contribution au diagnostic et au choix thérapeutique n’est plus à souligner. Bien souvent, en effet, la décision de dérivation peut être prise d’après la simple analyse du tableau clinico-TDM.

Une étude détaillée des données TDM de 230 patients figure dans le rapport rédigé par les auteurs.

Les principales conclusions en sont brièvement rappelées ici.

* Dilatation ventriculaire :

Elle concerne essentiellement les ventricules latéraux et le IIIe ventricule, le IVe ventricule étant inconstamment affecté par la dilatation (hydrocéphalie « tétraventriculaire » : 54 %).

Après mesure de la dilatation par l’index bifrontal ([IBF] : envergure maximale des cornes frontales rapportée au diamètre endocrânien correspondant sur une coupe axiale, valeur normale inférieure ou égale à 0,30), il a été possible d’établir une relation significative entre l’importance de la dilatation et la qualité du résultat clinique après dérivation (65 % de bons résultats pour un IBF supérieur ou égal à 0,55, 42 % pour un IBF inférieur ou égal à 0,45, p = 0,05) et de dégager ainsi d’après la seule analyse TDM un facteur prédictif favorable de premier ordre.

* Dilatation associée des espaces sous-arachnoïdiens :

Qu’il s’agisse des vallées sylviennes ou des sillons corticaux, elle justifie souvent l’étiquette péjorative d’« atrophie corticale ».

La population concernée par un tel aspect paraît effectivement pénalisée par une moindre espérance d’un bon résultat après dérivation (33 à 40 % contre plus de 60 % dans la population non concernée).

Il est cependant probable que certaines dilatations « kystiques » des sillons corticaux ne correspondent pas à des atrophies authentiques, mais traduisent plutôt une gêne distale à la circulation du LCR, comme tend à le prouver la non-visibilité des sillons corticaux sur les coupes TDM les plus hautes, et la normalisation de ces images parfois notée après dérivation.

Nous avons proposé de qualifier d’«hydrocéphalie externe » ce profil TDM, distinct de l’atrophie, mais distinct aussi des formes où la dilatation ventriculaire s’accompagne d’un effacement des espaces sous-arachnoïdiens (hydrocéphalie « interne »).

* Anomalies du parenchyme cérébral :

Depuis leur description initiale, les hypodensités périventriculaires ont suscité de nombreuses interrogations : mécanisme compensateur ou phénomène pathologique traduisant la rupture de la barrière épendymaire ?

Elles réalisent des images en éventail prolongeant l’hypodensité du ventricule en regard immédiat de ses deux pôles, cornes frontales surtout.

Elles existent chez plus de 50 % des patients (sans aucune valeur prédictive favorable) et peuvent disparaître après dérivation.

À l’opposé, les autres anomalies de la substance blanche traduisent des altérations primitives sans rapport avec l’hydrocéphalie, dont la présence assombrit le pronostic.

Leur analyse, comme celle des hypodensités périventriculaires, est aujourd’hui facilitée par l’utilisation de l’IRM.

Les leucoaraïoses réalisent des hypodensités extensives à distance de la paroi épendymaire.

Elles restent inchangées, voire s’aggravent après dérivation.

Les lacunes sont significativement associées à la présence d’un terrain vasculaire.

Des cas exceptionnels de lacunes expansives, probablement par dilatation des espaces de Virchow-Robin, en aval des espaces sous-arachnoïdiens également dilatés, ont été rapportés.

* TDM et évolution postdérivation :

Il est superflu de souligner l’intérêt de la TDM dans la surveillance des patients dérivés, tant pour apprécier le devenir de la dilatation ventriculaire et des autres anomalies TDM que pour le dépistage des complications (hématome sous-dural, syndrome des ventricules-fentes…).

2- Imagerie par résonance magnétique :

L’IRM, loin de faire double emploi avec la TDM, apporte un complément d’informations dans plusieurs domaines.

Sa réalisation à large échelle, sinon systématique, est désormais souhaitable.

L’IRM « de flux » est traitée au paragraphe « explorations dynamiques ».

* Morphologie des espaces liquidiens :

Les coupes sagittales et coronales permettent de mieux visualiser les cavités axiales, particulièrement l’aqueduc de Sylvius.

* Illustration des anomalies parenchymateuses :

On retrouve ici l’opposition entre les hypersignaux périventriculaires et ceux envahissant profondément la substance blanche, souvent plus sévères en IRM qu’en TDM.

* Identification d’une étiologie :

L’IRM apparaît nettement plus performante que la TDM dans le dépistage (souvent fortuit) de processus tumoraux intracrâniens (kystes colloïdes et autres tumeurs intraventriculaires, tumeurs de la région pinéale, tumeurs du cervelet, neurinomes de l’acoustique, kystes épidermoïdes).

Plus encore, les malformations névraxiques trouvent en l’IRM une méthode de dépistage idéale : sténoses de l’aqueduc de tous types, malformations de Chiari, kystes de la grande citerne.

Enfin, la mise en cause de tumeurs intrarachidiennes n’est pas exceptionnelle et rend souhaitable dans certains cas la réalisation conjointe d’une IRM rachidienne avec injection de gadolinium, surtout chez le sujet jeune lorsque aucune cause n’est mise en évidence sur l’IRM cérébrale.

B – EXPLORATIONS DYNAMIQUES :

1- Manométrie :

Les mesures de la pression et de la dynamique du LCR font appel à des méthodes invasives ne pouvant intervenir qu’en complément des données cliniques et radiologiques.

Utilisées comme moyen diagnostique, elles présentent également l’intérêt de faciliter la compréhension des phénomènes physiopathologiques.

Ainsi, les enregistrements de longue durée (24 heures) avec analyse informatique du signal ont permis de montrer la présence d’ondes pathologiques A et/ou B au-dessus d’une pression du LCR basale normale ou basse.

Ce fait étant établi depuis plusieurs années, ces enregistrements réalisés surtout par voie ventriculaire deviennent difficiles à légitimer.

Les mesures de la résistance à l’écoulement (Re) du LCR et de l’élastance (index pression-volume [PVI]) de l’enceinte ventriculosous-arachnoïdienne ne doivent être pratiquées que chez des patients indemnes, au moins en apparence, de blocage patent des voies d’écoulement du LCR.

Réalisées par voie lombaire, elles ne sont correctement interprétables que lorsqu’elles sont mises en oeuvre régulièrement et par des équipes entraînées.

Seules des valeurs franchement pathologiques permettent d’espérer un succès thérapeutique.

La valeur normale de la Re est estimée inférieure ou égale à 10 mmHg/mL/min (sujets volontaires sains), celle du PVI supérieure ou égale à 22 mL.

Il est cependant important de remarquer que ces mesures ne tiennent pas compte des lésions parenchymateuses irréversibles difficiles à prouver, pouvant expliquer certains échecs thérapeutiques malgré une Re et un PVI anormaux.

Inversement, certains patients avec une Re normale ou basse ont bénéficié d’un résultat favorable après dérivation.

Il pourrait s’agir d’hydrocéphalies très évoluées dans le temps, la dérivation se révélant suffisante pour annuler le flux et/ou le gradient très faible, mais tout de même anormal, existant entre les ventricules et le parenchyme.

2- Cisternographies :

* Cisternographie isotopique :

À l’iode 131 ou à l’indium 111, injecté par voie lombaire ou plus rarement par voie ventriculaire, très en vogue autrefois, elle n’offre plus de nos jours qu’un intérêt historique, la méthode ne survivant plus que de ses indications postopératoires (test de fonctionnement d’un shunt).

* Cisternographie computérisée :

À la métrizamide ou au iopamidol intrathécal, elle illustre avec plus de finesse les anomalies notées précédemment avec les isotopes : reflux ventriculaire persistant au-delà de la 24e heure, rehaussement massif et persistant des espaces sous-arachnoïdiens.

En revanche, le rehaussement des régions sous-épendymaires est minime, suggérant que les hypodensités périventriculaires ne se résument pas à la résorption transépendymaire, mécanisme compensateur connu de l’hydrocéphalie.

Malgré sa supériorité sur la méthode isotopique, la cisternographie computérisée reste d’indication marginale, en raison de sa lourdeur technique.

3- IRM de flux :

L’IRM de flux est une séquence IRM particulière qui permet de mettre en évidence et de mesurer les vitesses de circulation du LCR.

Pour enregistrer le flux pulsatile, les mesures sont synchronisées avec l’électrocardiogramme du patient (onde R).

La mise en évidence d’une hyperpulsatilité et de vitesses de LCR élevées au niveau de l’aqueduc est un argument en faveur d’une hydrocéphalie chronique active et permettrait de préciser les indications de dérivation et pour certains une éventuelle indication de ventriculocisternostomie même si l’aqueduc est perméable.

Cependant, il n’existe pas de limite vélocimétrique précise permettant de différencier de façon fiable une HCA d’une atrophie cérébrale.

L’intérêt pratique de cet examen reste à valider.

C – EXPLORATIONS DU PARENCHYME :

Celles-ci sont motivées par le souci d’apprécier le caractère réversible ou non des altérations parenchymateuses éventuellement illustrées par l’imagerie TDM et surtout par l’IRM.

On conçoit l’intérêt primordial que revêt cette démarche dans l’indication thérapeutique.

Malheureusement, aucune exploration ne s’est imposée à ce jour, tant en termes de fiabilité que d’innocuité.

1- Débits sanguins cérébraux :

Une abondante littérature a été consacrée au versant hémodynamique de l’HCA.

La plupart des méthodes de mesure du débit sanguin cérébral (DSC) ont en effet été employées avec des résultats divers :

– méthodes isotopiques : au xénon 133 inhalé tomographie par émission de simple photons (SPECT) ou par émission de positons (PET) ;

– méthodes non isotopiques par exploitation de la clairance en TDM d’un contraste intraveineux ou de xénon stable non isotopique.

Il ressort de ces travaux que :

– les DSC seraient significativement abaissés au cours de l’HCA, surtout dans le cortex frontal et précentral (moins de 40 mL/min/100 g) ;

– l’augmentation des DSC après PL constituerait un critère prédictif favorable, écartant l’hypothèse d’une démence d’autre cause ;

– les DSC seraient inconstamment augmentés par la dérivation du LCR ; l’évolution débitmétrique n’admet par ailleurs aucun parallélisme strict avec l’évolution clinique. Notre expérience (25 patients explorés par la méthode du xénon 133 inhalé, trois par SPECT) a abouti à des conclusions contradictoires.

L’exploration par le PET-scan de l’imagerie fonctionnelle du métabolisme des régions altérées en imagerie classique pourrait constituer dans ce domaine une perspective d’avenir.

2- Doppler transcrânien :

Le doppler transcrânien permet de mesurer la vitesse du flux sanguin des principales artères du polygone de Willis et notamment de l’artère sylvienne.

Une corrélation entre la mesure des vitesses de flux sanguin de l’artère sylvienne et les oscillations spontanées de pression du LCR (surtout des ondes pathologiques B) a été mise en évidence.

Cet examen pourrait ainsi permettre d’éviter la mesure invasive de la pression intracrânienne et de sélectionner certains patients en cas de doute diagnostique.

3- Dosage dans le LCR des métabolites des monoamines centrales :

Différents travaux ont montré des anomalies des taux rachidiens des dérivés de la dopamine (acide homovanillique [HVA]), de la noradrénaline (méthoxy-hydroxy-phénylglycol [MHPG]) et de la sérotonine (acide 5-hydroxy-indol-acétique [5-HIAA]) chez le sujet hydrocéphale, pouvant refléter un dysfonctionnement des neurones centraux monoaminergiques.

Dans notre expérience, nous n’avons mis en évidence aucune modification significative de la concentration en HVA et en 5-HIAA dans le LCR lombaire initial de 17 patients explorés.

En revanche, après dérivation, nous avons relevé une élévation significative des taux lombaires d’HVA et de 5-HIAA qui pourrait illustrer une « reprise » du métabolisme aminergique à la faveur du shunt.

4- Potentiels évoqués :

Les potentiels évoqués auditifs et somesthésiques ne paraissent pas modifiés dans l’HCA. Plus intéressant serait l’enregistrement des potentiels visuels.

Les potentiels cognitifs (P 300) ont été enregistrés jusqu’ici au cours de démences « non curables ».

Ceux-ci ont été retrouvés d’amplitude faible et de latence allongée ou absents chez 19 des 24 patients explorés dans notre série. De plus, les dix patients cliniquement déments de ce groupe présentaient tous un P 300 anormal ou absent.

La normalisation après PL ou après dérivation est loin d’être la règle.

5- Biopsie cérébrale :

Pour d’évidentes raisons de sécurité, la biopsie cérébrale doit rester d’indication exceptionnelle (discordance manifeste entre le tableau clinique et les données de l’imagerie ou de la manométrie, certains échecs inattendus de la dérivation en dépit d’un bon fonctionnement de celle-ci).

Nous rappellerons la fréquence au cours de l’HCA idiopathique des altérations dégénératives de « type Alzheimer » et de type encéphalopathie ischémique.

Diagnostic :

La démarche diagnostique se confond en pratique avec la démarche thérapeutique.

A – DIAGNOSTIC POSITIF :

Seule la forme idiopathique pose un réel problème.

Le diagnostic repose sur l’analyse du tableau clinico-TDM.

L’HCA est probable si la triade est au complet et si l’anamnèse révèle que les troubles de la marche ou sphinctériens ont été inauguraux et restent au premier plan alors que la « démence » a été de déclenchement tardif et reste incomplète.

Le critère d’une pression « basse ou normale » du LCR n’est plus exigé de nos jours, et d’ailleurs la plupart du temps non exploré.

B – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

Rappelons pour mémoire qu’avant l’ère de la TDM, la distinction avec divers processus intracrâniens pouvait s’avérer délicate (tumeurs frontales et hématomes sous-duraux).

1- Formes à début monosymptomatique :

Elles peuvent faire évoquer initialement les diagnostics les plus variés : adénome prostatique dans les formes mictionnelles, maladie de Parkinson, sténose canalaire lombaire dans les formes dominées par un trouble de la marche, états dépressifs (parfois authentiquement présents), voire psychotiques dans les formes à début psychiatrique.

2- Stade évolué de l’affection :

Il convient alors d’écarter les démences dégénératives, de type Alzheimer surtout, bien que les frontières nosologiques HCA/démences ne soient pas toujours tranchées.

Fondamentalement, la distinction est d’ordre clinique : l’anamnèse précise, l’examen clinique et psychométrique de base permettent de trancher dans la plupart des cas sans que s’impose le recours à d’autres explorations.

En faveur d’une démence dégénérative, rappelons : l’altération globale, irréversible et massive de toutes les fonctions supérieures, des troubles de marche absents ou d’apparition tardive, des troubles sphinctériens également tardifs, relevant classiquement d’une indifférence mictionnelle mais parfois aussi d’un mécanisme de désinhibition.

Thérapeutique :

L’étape thérapeutique est dominée par le problème de l’indication, incomplètement résolu à ce jour, comme le prouve la persistance d’une proportion importante d’échecs, en dépit des progrès effectués en matière d’imagerie et de technologie des shunts.

A – MÉTHODES THÉRAPEUTIQUES :

Les moyens employés diffèrent peu de ceux proposés face à d’autres types d’hydrocéphalies.

1- Dérivation extrathécale par valve :

Les dérivations extrathécales restent de loin les méthodes les plus utilisées, qu’elles soient à point de départ ventriculaire (ventriculoatriale [DVA] et ventriculopéritonéale [DVP]) ou sousarachnoïdien (lombopéritonéale [DLP]).

2- Méthodes alternatives à la dérivation extrathécale :

* Traitement médical :

Distinct de l’abstention (qui peut se justifier devant certaines formes fixées), le traitement médical, associant PL soustractives répétées et divers agents de déflation liquidienne, tel l’acétazolamide, est souvent proposé en première intention, permettant de différer dans quelques cas la décision de dérivation.

Rappelons l’intérêt des thérapeutiques adjuvantes (antidépresseurs, dopathérapie ou bromocriptine) et des mesures thérapeutiques de fond (diabète, hypertension artérielle…).

* Traitement étiologique :

Nous laisserons de côté les méthodes purement historiques comme la plexectomie et le cathétérisme de l’aqueduc de Sylvius.

Le traitement étiologique ne peut s’appliquer que lorsqu’une cause chirurgicalement accessible a été clairement identifiée en imagerie.

C’est ainsi que l’exérèse d’une tumeur intracrânienne (voire intrarachidienne), la décompression d’une malformation de Chiari, peuvent permettre d’éviter la dérivation chez quelques patients privilégiés.

* Ventriculocisternostomie endoscopique :

Sa mise en oeuvre suppose une parfaite liberté des espaces sousarachnoïdiens et des villosités de la convexité crânienne, l’obstacle se situant dans le système ventriculaire ou la fosse postérieure.

C’est dire qu’en pratique, elle n’est indiquée que chez les patients porteurs d’une sténose de l’aqueduc ou d’une tumeur de la fosse cérébrale postérieure inopérable.

Cependant, elle a été récemment proposée au cours d’HCA idiopathiques, sans obstacle démontré en imagerie, dans une courte série avec des résultats qui paraissent intéressants mais qui nécessitent une validation ultérieure.

Actuellement, la ventriculocisternostomie endoscopique ne saurait être considérée raisonnablement comme une alternative régulière à la dérivation extrathécale.

B – INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES :

En pratique, trois questions se posent au clinicien confronté à l’association : triade plus ou moins complète et dilatation ventriculaire.

1- Faut-il dériver ?

Ce choix est fondamental.

Il n’est pas question de légitimer des indications « larges » de dérivation par l’argument (inexact) de la bénignité du geste, ou par le souci de « faire quelque chose » au cours d’une démence dégénérative.

– Chez deux patients sur trois, il est possible de prendre une décision dès la première consultation.

La majorité des critères prédictifs admettant une valeur pronostique décisive peuvent en effet être extraits du seul tableau clinico-TDM initial.

C’est ainsi que l’on considère comme « bons candidats » à la dérivation ceux présentant un ou plusieurs des critères suivants : étiologie précise, aucun trouble psychique dans le tableau initial, dilatation ventriculaire majeure (IBF supérieur à 0,55), effacement des vallées sylviennes et/ou des sillons corticaux en TDM.

Sont récusés d’emblée les patients ne bénéficiant d’aucun des critères favorables ci-dessus édictés ou des critères inverses, et dont le tableau est par conséquent proche de celui d’une maladie d’Alzheimer.

– Chez un tiers des patients, un doute persiste après analyse du tableau clinico-TDM initial, l’observateur redoutant l’échec en cas de dérivation autant que de priver le patient d’une chance en cas d’abstention.

C’est à l’évidence dans cette population « difficile » que les investigations complémentaires sont justifiées, en sachant cependant que la plupart d’entre elles n’ont qu’une valeur relative en regard du tableau clinique, à l’exception peut-être d’une Re et d’une élastance augmentées à l’épreuve manométrique, d’une amélioration clinique spectaculaire après PL ou de l’illustration d’une cause en IRM.

Au-delà de cette étape « instrumentale », un doute peut persister sur l’opportunité de la dérivation.

L’abstention, assortie d’un traitement médical, paraît dans ces cas l’attitude la plus raisonnable.

2- À quel type de dérivation faut-il recourir ?

Ici interviennent les habitudes et l’expérience des équipes.

Aucun des trois types de dérivations les plus couramment utilisés n’est indemne de complications.

La DLP, créditée d’une morbidité réduite, serait plus indiquée chez le sujet très âgé, amélioré par la PL et à l’IBF peu élevé.

Une incidence insoupçonnée de prolapsus amygdaliens compliquant la DLP l’a fait rejeter au profit de la DVP qui est devenue le traitement standard, la DVA étant indiquée en cas de laparotomies multiples ou de résorption péritonéale défectueuse.

Dans notre expérience (225 sujets dérivés : 137 DVA, 60 DVP, 28 DLP), aucun des trois types de montage n’a clairement fait preuve d’une efficacité thérapeutique supérieure.

3- Quel type de valve choisir ?

Aucun dispositif actuellement disponible ne répond aux paramètres de la valve « idéale », rétablissant des gradients physiologiques de pression entre secteurs liquidien, parenchymateux et vasculaire, et s’opposant efficacement aux effets iatrogènes de la dérivation (hyperdrainage notamment).

La disponibilité actuelle de valves à pression modulable par voie percutanée, de valves à résistance variable et de dispositifs antisiphon paraît constituer une avancée notable, bien qu’imparfaite, dans la mise au point d’un système autorisant un débit adapté aux besoins du patient.

C – RÉSULTATS :

1- Résultats globaux :

La comparaison des résultats de la littérature souffre du manque d’homogénéité des séries.

En regroupant 43 séries de plus de 20 cas, la proportion de succès s’établit entre 24 et 90 %.

Utilisant la cotation simplifiée de Stein chez 243 patients dont 225 opérés, nous avons obtenu avec un recul moyen de 31 mois (± 28) :

– 52,6 % de bons résultats : retour à l’état antérieur ou réacquisition d’une autonomie pour les actes de la vie quotidienne ;

– 21,3 % de résultats moyens : bénéfice réel mais incomplet n’autorisant pas une vie autonome ; – 20 % d’échecs ou aggravations ;

– 5,7 % de décès précoces.

2- Succès :

La dérivation apporte un bénéfice réel chez plus de sept malades sur dix.

Encore faut-il distinguer les guérisons spectaculaires, véritable bouleversement dans la vie sociale, familiale et professionnelle des patients dont l’entourage souligne le caractère quasi miraculeux, des améliorations plus modestes mais réelles, tel le retour à une ambulation, même imparfaite, chez le sujet grabataire.

3- Échecs :

À l’opposé, force est de constater que persiste de nos jours une population de patients non améliorés ou améliorés brièvement par la dérivation.

Face à un échec de dérivation, surtout s’il est inattendu, il convient d’envisager l’hypothèse d’un dysfonctionnement du shunt, en sachant cependant que l’amélioration postvalve peut être retardée et que les révisions précoces de shunts sont grevées d’une morbidité élevée.

Si la dérivation est mise hors de cause, d’autres processus peuvent être évoqués, dont l’identification peut faire discuter la biopsie cérébrale dans les cas extrêmes.

4- Mortalité et morbidité :

La mortalité opératoire n’est pas négligeable, surtout dans cette population généralement âgée (7 à 15 % selon les séries).

La morbidité liée à la dérivation du LCR ne diffère en rien de celle rapportée dans les hydrocéphalies d’autre cause : épanchements sous-duraux (15 %) ; épilepsie (2 à 10 %) ; dysfonctionnements mécaniques suivis de reprise chirurgicale (20 à 30 %) ; infection, principale cause de mortalité liée directement à la dérivation (2 à 5 %).

Conclusion :

L’originalité clinique et physiopathologique de l’hydrocéphalie chronique est d’ordre évolutif.

C’est une dilatation ventriculaire symptomatique, passée à la chronicité du fait de son équilibration manométrique spontanée.

En pratique, la forme secondaire, ne pose guère de problème, aussi bien dans son diagnostic que dans l’indication d’une dérivation du LCR.

Les succès sont le plus souvent nombreux et de bonne qualité.

Dans les formes idiopathiques, sans cause « apparente », les indications d’une dérivation demeurent délicates et le taux des succès thérapeutiques est décevant.

Malgré les explorations complémentaires nombreuses, il n’est pas toujours facile d’établir un diagnostic de certitude, particulièrement chez le sujet âgé, et de prévoir les conséquences des lésions parenchymateuses associées à la dilatation des ventricules.

On ne peut qu’insister sur la nécessité d’une parfaite analyse clinique et neuroradiologique avec éventuellement, en dernier recours, une étude manométrique.

Sur le plan nosographique, le concept d’hydrocéphalie à « pression normale » paraît aujourd’hui inadapté tant aux réalités cliniques du syndrome qu’au profil manométrique réel de tels patients, au demeurant très rarement exploré dans la pratique courante.

Pour ces diverses raisons, nous avons proposé de substituer l’appellation plus pragmatique d’hydrocéphalie chronique de l’adulte à celle d’hydrocéphalie à pression normale.

De même, les termes malencontreux de « démence hydrocéphalique » ou de « démence curable » doivent être exclus des descriptions cliniques du syndrome.

Il a été en effet amplement démontré que la mise en place d’une dérivation chez des patients authentiquement déments n’avait aucune chance d’aboutir à une amélioration durable même si la présence d’une dilatation ventriculaire peut parfois faire discuter l’opportunité du geste.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.