Maladie de Horton

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La maladie de Horton est une artérite inflammatoire touchant avec prédilection les personnes âgées.

Le risque principal est l’atteinte oculaire, entraînant une cécité irréversible.

Le traitement essentiel est la corticothérapie, extrêmement efficace sur cette affection, mais dont l’utilisation au long cours pose des problèmes.

Définition :

Maladie de HortonMême si cette affection est probablement connue depuis longtemps, c’est en 1932 qu’elle a été décrite de manière magistrale par Bayard T Horton.

Il s’agit d’une artérite inflammatoire subaiguë du sujet âgé, à cellules géantes, de topographie segmentaire et plurifocale, prédominant dans le territoire céphalique (essentiellement aux branches de la carotide externe et particulièrement de l’artère temporale superficielle), mais capable de diffuser à tous les gros troncs artériels.

Cette possibilité d’extension explique les nombreuses formes cliniques de la maladie, qui peuvent parfois être déroutantes.

La maladie de Horton est également appelée artérite temporale des sujets âgés ou artérite à cellules géantes, et dans la littérature anglo-saxonne, temporal arteritis ou giant cell arteritis.

Nosologie :

Le problème nosologique n’est pas tant celui des autres vascularites que celui posé par la pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) ou polymyalgia rheumatica dans la littérature anglo-saxonne.

La maladie de Horton et la PPR sont deux affections différentes ayant une intersection commune.

La PPR peut rester un simple syndrome clinicobiologique sans jamais se compliquer d’accidents artériels.

La maladie de Horton, elle, est fréquemment associée à une PPR comme syndrome clinique.

Il faut reconnaître que certaines PPR, apparemment isolées, peuvent se compliquer secondairement de maladie de Horton avec le même risque vasculaire, notamment oculaire.

Épidémiologie :

Les prévalences de maladie de Horton et de PPR isolées les plus élevées ont été notées dans les populations blanches de l’Europe du Nord et dans le nord des États-Unis. Dans l’ouest de la France, l’incidence annuelle moyenne de la maladie de Horton est de 9,4 maladies de Horton pour 100 000 habitants de plus de 55 ans.

Tableaux cliniques :

Le début peut être aigu (fièvre, céphalées intenses) ou bien progressif, avec les mêmes symptômes associés à une altération de l’état général, des manifestations rhumatologiques à type d’arthralgies ou un tableau de PPR.

Dans ce cas, le retard diagnostique est relativement important : de 2 à 4 mois.

Il faut signaler la fréquence des signes pulmonaires au début de l’affection.

Le diagnostic clinique peut être aisé dans les formes typiques, sinon difficile dans les formes atypiques (dont l’existence s’explique par la diffusion de l’atteinte histologique).

Les critères de l’ACR (American College of Rhumatology) ont surtout un intérêt pour les études épidémiologiques.

A – Forme typique :

La maladie de Horton survient essentiellement chez les personnes âgées, au-delà de 60 ans, en moyenne vers 70 ans.

Elle est exceptionnelle dans la race noire. Les cas survenant chez le sujet jeune ont été décrits mais sont rares.

Il y aurait une légère prédominance féminine.

1- Syndrome céphalique :

Les céphalées (60 % des cas) sont souvent révélatrices, lancinantes, parfois pulsatiles, permanentes (quelquefois avec des accalmies assez longues) pouvant entraîner une insomnie.

Elles sont typiquement temporales ou frontotemporales, parfois diffuses.

Il s’y associe de manière caractéristique une hypersensibilité douloureuse du cuir chevelu au toucher (signe de l’oreiller).

L’artère temporale peut former un cordon saillant inflammatoire avec un pouls soit hyperpulsatile, soit aboli.

La douleur peut être cervico-occipitale (possibilité de pseudotorticolis) ou bien apparaître à la mastication sous forme d’une faiblesse douloureuse des muscles masticateurs, réalisant la claudication intermittente de la mâchoire.

À ce syndrome céphalique, on peut adjoindre les manifestations ophtalmologiques que nous détaillerons dans les formes cliniques.

2- Syndrome rhumatismal :

La PPR est la plus fréquente (50% des cas) les douleurs touchent les ceintures d’une part scapulaire, avec des cervicalgies et des douleurs irradiant jusqu’aux bras, d’autre part pelvienne, irradiant jusqu’aux cuisses.

Les douleurs sont de rythme inflammatoire, avec une impotence fonctionnelle maximale au réveil et un dérouillage long le matin.

De manière plus rare, on peut voir une monoarthrite, une oligoarthrite, voire une polyarthrite touchant préférentiellement les grosses articulations, notamment les genoux.

3- Syndrome général :

Il peut être très intense et parfois au premier plan et comprendre :

– une fièvre qui se voit dans 50% des cas, elle peut prendre tous les aspects. Cependant l’aspect en plateau est classiquement observé ;

– un amaigrissement, extrêmement fréquent, parfois intense, faisant craindre une néoplasie sous-jacente ;

– une asthénie.

B – Formes cliniques :

1- Formes ophtalmologiques :

Elles sont d’origine ischémique et s’observent chez un malade sur cinq environ.

Ces complications oculaires sont imprévisibles, peuvent survenir de manière inopinée, parfois révélatrice, et justifient souvent la mise en route rapide d’un traitement.

L’amaurose (15% des cas) survient souvent de façon rapidement progressive.

L’atteinte oculaire peut être initiale, ce qui est rare.

La bilatéralisation rapide de l’amaurose avec cécité est redoutée.

La pathologie ischémique peut prendre trois aspects :

– neuropathie optique ischémique antérieure aiguë ;

– neuropathie optique rétrobulbaire aiguë qui associe une cécité et un fond d’oeil d’aspect normal ;

– occlusion de l’artère centrale de la rétine ou d’une des branches, plus rare. Nous signalons enfin la possibilité de diplopie transitoire, de ptosis, de paralysies oculomotrices, qui doivent être aussi des signes d’alerte.

2- Atteinte des gros troncs artériels :

Cette éventualité est évoquée cliniquement chez plus d’un malade sur dix.

La difficulté principale étant le diagnostic différentiel avec l’athérome.

L’atteinte aortique est considérée comme exceptionnelle (moins de 1% des cas), mais est probablement sous-estimée.

Elle peut réaliser une insuffisance aortique, une dilatation fusiforme ou anévrysmale, voire une dissection ou même une rupture. En fait on observe plus fréquemment le syndrome de l’arc aortique (atteinte des artères sous-clavière et axillaire).

Les atteintes des artères des membres inférieurs sont plus rares.

Elles réalisent un aspect angiographique différent de ceux de l’athérome.

Il s’agit fréquemment de longs segments de sténose artérielle effilée, alternant avec des zones de calibre normal ou parfois augmenté.

Il a également été décrit des thromboses coronariennes liées à une artérite à cellules géantes.

3- Formes paucisymptomatiques :

Par définition, il s’agit des patients ayant peu, voire un seul symptôme de la maladie de Horton : fièvre isolée, altération de l’état général isolée, syndrome inflammatoire biologique isolé.

Le diagnostic en est difficile.

On évoque le diagnostic de maladie de Horton car ce symptôme survient chez les personnes âgées.

Dans ce cas, la biopsie de l’artère temporale est très utile (quand elle est positive), permettant un diagnostic de certitude.

4- Formes hépatiques :

Il faut signaler la fréquence biologique de la cholestase anictérique dans la maladie de Horton.

Des formes à type de cholécystite ont été décrites mais sont exceptionnelles.

5- Formes neurologiques :

Elles sont également décrites, à type d’atteintes des nerfs crâniens, neuropathies périphériques, voire d’accidents vasculaires cérébraux prédominants dans le territoire vertébral (posant le problème comme pour l’atteinte des gros troncs artériels de l’athérome).

6- Manifestations psychiatriques :

Elles sont possibles en dehors de la corticothérapie, à type de dépressions, confusions, délires.

7- Formes respiratoires :

Elles sont à connaître car elles peuvent être révélatrices, à type de toux non productive, de pleurésies récidivantes, d’opacités pulmonaires radiologiques réticulonodulaires des bases et des sommets, d’atteintes spécifiques des artères pulmonaires obstructives ou anévrysmales.

8- Formes exceptionnelles :

Des formes exceptionnelles multiples ont été décrites : dermatologiques (nécroses du scalp, de la langue et du voile du palais), mammaires, mésentériques, ovariennes, tubaires, etc.

Examens complémentaires :

Ils sont dominés par la recherche d’un syndrome inflammatoire et la pratique d’une biopsie d’artère temporale.

A – Biologie :

Le syndrome inflammatoire est un élément majeur du diagnostic de maladie de Horton.

Des maladies de Horton sans syndrome inflammatoire ont certes été décrites, mais cela est tout à fait exceptionnel, et il faut considérer que l’absence de syndrome inflammatoire doit faire remettre en cause le diagnostic de cette affection.

La VS (vitesse de sédimentation) est accélérée, supérieure à 50, valeur qui a été retenue comme critère par l’ACR, voire même souvent supérieure à 100.

Les autres protéines inflammatoires, CRP (protéine C réactive), haptoglobine, orosomucoïde, sont élevées également.

Il existe une anémie inflammatoire, une hyperplaquettose.

La cholestase biologique comme on l’a vu est très fréquente (augmentation des gamma GT, des phosphatases alcalines) et est utile à rechercher comme apport diagnostique.

B – Biopsie de l’artère temporale :

La biopsie de l’artère temporale est un geste qui peut être fait simplement sous anesthésie locale, en consultation externe, ou en hôpital de jour idéalement par le clinicien lui-même qui guide son geste en fonction de la palpation et de la symptomatologie.

Dans notre expérience, la bilatéralisation améliore le rendement.

Le doppler n’améliore pas la sensibilité.

L’histologie apporte des arguments de certitude au diagnostic, avec un infiltrat inflammatoire des tuniques artérielles prédominant au niveau de la média et composé de cellules polymorphes (lymphocytes, histiocytes, polynucléaires, plasmocytes), une destruction de la limitante élastique interne avec une réaction inflammatoire histiocytaire à son contact, avec une présence inconstante de cellules géantes.

Un thrombus peut être associé, les vasa vasorum sont souvent le siège de réactions inflammatoires.

Cette histologie positive apporte des arguments de certitude au diagnostic.

C – Autres examens complémentaires :

L’artériographie et la scintigraphie au gallium peuvent être intéressants, mais ne sont faits qu’exceptionnellement dans des centres spécialisés.

Test thérapeutique ou biopsie de l’artère temporale ?

Il s’agit d’une question non résolue, chacun en fonction de ses expériences étant relativement partial.

L’atteinte histologique de la maladie de Horton est segmentaire, la biopsie peut « passer à côté » de l’atteinte histologique.

Comme nous l’avons démontré, la bilatéralisation de l’artère améliore le rendement mais pas de manière absolue.

À ce titre on peut penser que la réalisation de la biopsie d’artère temporale est inutile, puisque parfois, effectivement, on porte le diagnostic de maladie de Horton malgré l’histologie négative.

Certains proposent donc de remplacer la biopsie par un test thérapeutique, c’est-à-dire l’administration pour un temps bref (24 à 48 heures) d’une dose de corticothérapie.

En effet, la maladie de Horton réagit de manière extrêmement spectaculaire et rapide à la corticothérapie, et les symptômes disparaissent en quelques heures.

Si devant un patient suspect de maladie de Horton, un traitement d’épreuve transforme l’état de ce patient, effectivement, peu de maladies, hormis la maladie de Horton, peuvent donner une telle situation.

Le test thérapeutique est d’autant plus probant que la forme de la maladie de Horton est typique : céphalées, altération de l’état général, douleurs rhumatismales, etc.

En effet, devant une forme paucisymptomatique, les critères de jugement seront en fait trop pauvres pour juger de l’efficacité.

Dans de nombreuses situations pathologiques (même infectieuses comme une endocardite), la corticothérapie améliore de manière imparfaite et transitoire la symptomatologie, pouvant faire croire à un faux test thérapeutique positif.

Lorsque l’erreur est réalisée, souvent l’adjonction de la corticothérapie a aggravé considérablement la maladie initiale, surtout si celle-ci était infectieuse.

Avant d’engager le malade dans une corticothérapie prolongée, et donc l’exposant à toutes les complications de celle-ci, il est d’autant plus légitime de chercher une preuve absolue par une biopsie d’artère temporale positive.

Évolution :

L’évolution de la maladie de Horton traitée est bonne.

La survie d’un patient ayant une maladie de Horton n’est pas différente d’un patient indemne de cette affection.

L’évolution est marquée par des reprises évolutives (de 20 à 80% des patients), soit au cours de traitement d’entretien, soit après l’arrêt de la corticothérapie, avec des délais extrêmement variables.

Traitement :

A – Corticothérapie :

Le traitement principal est la corticothérapie qui a un effet rapide, spectaculaire, et qui transforme la vie d’une personne âgée souffrant d’une maladie de Horton.

Comme on l’a vu, l’efficacité est telle qu’elle peut servir de test diagnostique.

Le problème de la corticothérapie est de trouver la dose idéale entre l’efficacité thérapeutique et les complications iatrogènes inéluctables.

1- Traitement d’attaque :

Il est nécessaire, entre une dose variant de 0,5 à 1 mg/kg/j de prednisone (Cortancylt) ou de prednisolone (Solupredt).

La dose de 0,7 mg/kg/j est un compromis, pour une forme non compliquée de maladie de Horton, entre les complications inéluctables de la corticothérapie et l’efficacité.

En revanche, dans une forme sévère, c’est-à-dire avec atteinte oculaire ou atteinte d’un gros tronc, une posologie plus élevée est recommandée : 1 mg/kg/j. Dans ces formes, l’utilisation de bolus IV de méthylprednisolone (Solu-Médrolt) peut se faire.

Ce traitement d’attaque a une durée moyenne de 4 à 6 semaines.

Il doit entraîner une disparition des signes cliniques et une normalisation du syndrome inflammatoire.

2- Traitement d’entretien :

À l’issue du traitement d’attaque, il est souhaitable de diminuer progressivement la posologie (diminution de la moitié de la dose en 4 semaines environ).

Ensuite la décroissance peut être plus progressive, de 1 mg/semaine pour atteindre le traitement d’entretien idéal, c’est-à-dire entre 7 et 10 mg de prednisone (Cortancyl) ou de prednisolone (Solupred) quotidiennement.

En effet, ce traitement d’entretien a une durée prolongée de 12 à 18 mois et il expose à plusieurs complications, notamment osseuses, atténuées à cette posologie.

B – Traitements associés :

Du fait d’une activation possible de la coagulation au début de la maladie et du traitement, certains recommandent un traitement anticoagulant.

Pendant la durée de ce traitement, il est indispensable de faire un traitement préventif de l’ostéoporose par des apports calciques, en vitamines D, éventuellement des spécialités associant les deux (Cacitt Vitamine D3, Idéos, Orocal Vitamine D3).

L’utilisation de diphosphonate est discutée. À l’issue de ce traitement d’entretien, il est possible de sevrer complètement les patients en évitant bien sûr le risque d’insuffisance surrénale lorsqu’on diminue en dessous de 7 mg de prednisone (Cortancylt) ou de prednisolone (Solupredt) quotidiennement.

C – Autres possibilités thérapeutiques :

Celles-ci se discutent en cas de corticodépendance ou de résistance.

* La dapsone (Disulonet : 50 à 100 mg) est souvent efficace.

Elle a hélas des effets secondaires : hémolyse quasi constante dose-dépendante, toxidermie, neuropathie, atteintes hépatiques, agranulocytose en début de traitement.

* Les antipaludéens de synthèse (hydroxychloroquine : Plaquenilt) ont été proposés mais sont peu efficaces.

* Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont inefficaces en cas de maladie de Horton.

* Le méthotrexate semble avoir une efficacité à faible dose et pourrait être une bonne indication pour les formes corticorésistantes.

* L’azathioprine (ImurelTM) a été utilisé avec succès dans la maladie de Horton.

Conclusion :

Il faut savoir évoquer une maladie de Horton chez une personne âgée présentant des céphalées, une altération de l’état général, des signes rhumatologiques atypiques.

L’existence d’un syndrome inflammatoire est quasi constante.

La biopsie d’artère temporale apporte un diagnostic de certitude.

L’intérêt d’un diagnostic de maladie de Horton est l’existence d’un traitement efficace.

Il s’agit d’une affection réagissant rapidement et de manière remarquable à la corticothérapie.

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