Hémophilie

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Diagnostic :

1- Diagnostic clinique :

Le diagnostic clinique de l’hémophilie n’est fait que si l’on y pense, et cela devant des circonstances particulières de l’activité du sujet, et la gravité du déficit en cause.

  • L’interrogatoire peut retrouver soit des antécédents familiaux d’hémophilie chez un ou plusieurs garçons, soit simplement une tendance hémorragique anormale (saignement prolongé post-traumatique ou post-chirurgical).
  • L’examen clinique retrouve fréquemment des accidents hémorragiques survenant après un traumatisme qui passe inaperçu : hémarthroses (70 % des accidents hémorragiques) et hématomes sous-cutanés ou intramusculaires (10 à 20 %). Enfin, il peut s’agir d’une découverte biologique fortuite lors d’un bilan préopératoire.

2- Diagnostic biologique :

HémophilieLe diagnostic biologique repose sur quelques tests simples de coagulation montrant : un allongement isolé du temps de céphaline activée, corrigé après incubation avec un plasma témoin (ce qui élimine la présence d’un anticorps circulant) ; un temps de Quick, un temps de thrombine et un taux de fibrinogène plasmatique normaux ; un bilan d’hémostase primaire normal (temps de saignement, numération des plaquettes, dosage du facteur de von Willebrand et fonctions plaquettaires) ; un dosage spécifique du facteur VIII et du facteur IX permet le diagnostic du type d’hémophilie A ou B et en définit la sévérité : forme sévère si le facteur de coagulation est inférieur à 1 %, forme modérée entre 2 et 5 % et forme fruste entre 5 et 30 %.

3- Diagnostic différentiel :

Le diagnostic différentiel biologique doit reconnaître les autres déficits de la coagulation allongeant le temps de céphaline activée : maladie de von Willebrand où les facteurs von Willebrand et VIII sont généralement abaissés ; déficits en facteurs XI ou XII de la coagulation ; hémophilie acquise par auto-anticorps anti-facteur VIII ou autoanticorps anti-facteur IX ; anticorps de type lupique.

4- Diagnostic de gravité :

Le diagnostic de gravité est fait devant un syndrome hémorragique menaçant le pronostic vital, comme une hémorragie digestive ou du système nerveux central, ou le pronostic fonctionnel comme une hémorragie de l’orbite, de la loge antérieure de l’avant-bras ou du creux axillaire qui requièrent une administration d’urgence du produit antihémophilique adapté.

Génétique :

L’hémophilie est une maladie récessive liée au chromosome X (les gènes du facteur VIII et du facteur IX sont situés sur l’extrémité distale du bras long du chromosome X).

Donc seuls les hommes seront touchés.

Les femmes conductrices ont très rarement une expression clinique, du fait du phénomène de lyonisation de l’X.

1- Analyse médicale de la famille :

La première étape du conseil génétique est le recueil des données familiales et médicales, rassemblées dans une généalogie.

Lors de l’examen des critères de faisabilité de l’étude génétique demandée par la famille, deux situations se présentent :

  • Le garçon hémophile est le seul concerné dans une petite famille ou est indemne d’antécédent : devant cette forme sporadique, une recherche directe de la mutation est possible à partir du sujet malade et vivant.

Soit la mutation est caractérisée et elle peut être recherchée chez la mère, qui sera reconnue conductrice si elle porte cette mutation propre à la famille, mais l’absence d’identification de la mutation ne permettra pas d’être formel puisqu’une mutation en mosaïque germinale n’est pas dépistable sur l’ADN leucocytaire.

Soit la mutation n’est pas identifiée et il sera impossible de connaître le statut génotypique de la mère.

Ne sachant pas si elle est conductrice, et une étude indirecte par les haplotypes n’étant pas ici pertinente, le conseil génétique restera sur des notions de probabilités.

C’est le cas dans un tiers des nouveaux diagnostics.

  • Deux ou plusieurs garçons ou adultes sont hémophiles : sera reconnue d’emblée conductrice obligatoire toute fille née d’un père hémophile, toute mère d’un enfant hémophile ayant aussi un apparenté masculin atteint, et toute mère d’au moins deux garçons atteints.

Sera considérée conductrice potentielle (un risque de 50 %) toute descendance féminine issue d’une femme conductrice.

Ce risque diminue de moitié à chaque génération.

Sera non conductrice toute femme née d’un homme issu directement de la famille et non atteint, l’X paternel reçu étant sain.

Ainsi chaque sujet situé sur l’arbre généalogique voit son risque évalué et trouve là les motivations de participer à l’étude familiale selon les questions qu’il se pose.

Aucune contrainte ne peut peser et l’information doit être diffusée dans la famille par la branche demandeuse et non par le généticien.

L’analyse génotypique nécessite l’obtention d’un consentement éclairé individuel, prévu par la loi.

2- Étude génétique :

L’étude familiale peut être conduite selon deux approches :

  • Soit par l’étude du phénotype biologique basée sur des dosages comparatifs du facteur VIII et du facteur von Willebrand (rapport facteur VIII/facteur von Willebrand antigène) ou du facteur IX chez les femmes potentiellement conductrices.

Si le quotient facteur VIII/vWF-Ag est inférieur à 0,7, ou si le dosage du facteur IX est abaissé, le diagnostic de conductrice est probable.

Toutefois, ces valeurs ne sont pas systématiquement modifiées, et il existe une zone d’incertitude ne permettant pas de conclure formellement sur le statut de conductrice.

  • Soit par l’étude en génétique moléculaire : le clonage et le séquençage des gènes du facteur VIII ou du facteur IX permettent la détection de l’allèle morbide par l’analyse génétique selon deux procédés.

– L’analyse directe (chez le sujet malade) consiste à caractériser la mutation génétique responsable de la maladie, puis à la rechercher dans une famille donnée.

La grandeur du gène du facteur VIII (26 exons répartis sur 186 kbases) ne rend l’analyse directe accessible qu’à quelques laboratoires.

En revanche elle représente la méthode de choix pour l’analyse du gène du facteur IX qui est environ 6 fois plus petit (8 exons répartis sur 33 kilobases).

Si la recherche de mutation n’a pas été faite, ou si elle n’a pas abouti, l’analyse indirecte reste le seul espoir d’étayer le conseil génétique.

– L’analyse indirecte nécessite alors d’obtenir l’ADN de tous les sujets consentants de la famille qui contribueraient à apporter une information utile.

L’étude des garçons malades va permettre de définir, chez leur mère, l’haplotype de l’X porteur du gène muté et l’étude des garçons sains fournira l’haplotype sain.

Cette analyse utilise les polymorphismes existant dans les deux gènes et à leurs extrémités (acte coté en 1997 B500 par individu).

Une dizaine de polymorphismes connus permettent de repérer l’haplotype porteur de l’allèle atteint par rapport à l’autre dans environ 90 % des cas.

3- Conduite du conseil génétique :

L’étude génétique a pour objectif d’expliquer les modalités de la transmission génétique, les moyens de détection des conductrices et de présenter les possibilités diagnostiques, dont le diagnostic prénatal.

Ce dernier n’est envisagé que dans les cas d’hémophilie sévère, c’est-à-dire avec des dosages de facteur inférieur à 1 %, ou dans les familles de patients présentant un tableau clinique de déficit majeur.

En cas d’hémophilie B, on recherche directement l’anomalie génétique responsable, une mutation ponctuelle le plus souvent, chez le propositus, puis chez les autres membres de la famille, afin de dépister les conductrices qui veulent être informées.

En cas d’hémophilie A, la grande taille du gène ne permet pas encore d’effectuer le même type d’étude directe systématique. Néanmoins, un diagnostic direct est parfois possible car il existe à l’intérieur de l’intron 22 une inversion particulière et fréquente.

Un gène appelé F8A, localisé dans cet intron 22, a deux autres copies en sens inverse situées en position extragénique, de façon distale sur le télomère.

Il a été décrit un phénomène très particulier de recombinaison intrachromosomique entre le gène F8A situé dans l’intron 22 et l’une des copies extragéniques, produisant une inversion des séquences qui les séparent. Le gène du facteur VIII est alors coupé en deux morceaux, l’un contenant les exons 1 à 22 qui est alors transcrit dans le sens opposé, et l’autre contenant les exons 23 à 26 qui est orienté dans le sens classique de transcription.

La synthèse du facteur VIII devient impossible, produisant une hémophilie sévère.

Cette inversion est responsable d’environ 40 % des hémophilies

A sévères, et elle est actuellement détectable chez le garçon malade ou la femme conductrice par analyse directe.

Dans une famille où aucun hémophile n’est vivant, la recherche de cette inversion est la seule possibilité, si elle est positive, d’affirmer le statut de conductrice d’une femme.

La conduite à tenir est adaptée à chaque famille et à sa demande propre qui ne doit pas être confondue avec les craintes projetées de médecins.

Chez une femme qui envisage d’avoir recours au diagnostic prénatal pour éviter la naissance d’un enfant gravement atteint, l’étude familiale devra être terminée avant le début de la grossesse pour conclure sur la faisabilité du diagnostic prénatal. Une information complète sur ses modalités doit être présentée au couple.

Le sexe du foetus est le premier élément à déterminer (échographie dès la 14e semaine de grossesse, cytogénétique, et sonde spécifique du chromosome Y).

En cas de foetus masculin, le diagnostic d’hémophilie sera réalisé selon les données de l’étude familiale préalable.

La recherche de délétion ou de mutation par analyse directe est quasiment sans ambiguïté.

Les résultats obtenus par la technique indirecte des marqueurs intragéniques restent très fiables (99 %), et ceux à partir des marqueurs extragéniques présentent un risque d’erreur de 2 à 3 % dû aux possibilités de recombinaison naturelle entre les deux chromosomes X de la mère lors de la méiose. Ils seront expliqués au couple qui aura été prévenu de cette incertitude possible avant la pratique du diagnostic prénatal.

Dans ce cas comme dans celui où aucune étude génétique préalable n’a été faite ou n’est informative, seul un dosage biologique foetal de l’activité du facteur VIII ou du facteur IX est envisageable après la ponction de sang foetal, réalisable aux alentours de la 20e semaine de grossesse.

En cas de foetus atteint, le généticien recueillera la demande du couple d’interrompre la grossesse et cette décision devra être prise conformément à la loi avec le soutien de l’équipe qui s’est engagée.

Complications :

A – Complications hémorragiques :

Les manifestations hémorragiques constituent la première complication.

La plus fréquente est l’hémarthrose (70 % de l’ensemble des accidents).

Elle est souvent post-traumatique et récidivante, sans que la symptomatologie initiale soit bruyante (douleur, boiterie). Les conséquences sur les chevilles, genoux et coudes surtout sont l’hypertrophie synoviale entretenant le saignement et provoquant une destruction ostéochondrale progressive.

L’arthropathie hémophilique conduit à la limitation articulaire, aux attitudes vicieuses irréductibles, à l’amyotrophie et aux rétractions.

Les hématomes compressifs des nerfs et des vaisseaux pouvant conduire à un syndrome de Volkman, peuvent succéder à un traumatisme extérieur ou à un prélèvement sanguin.

Toute injection intramusculaire doit être formellement proscrite, de même que la prise d’aspirine.

Les hématomes musculaires diffus sont douloureux et entraînent une compression de voisinage puis une éventuelle rétraction tendineuse.

Les hématomes dangereux sont ceux menaçant un organe noble enfermé comme l’oeil ou le carrefour aérien (plancher de la bouche).

Les hémorragies aiguës ont une gravité qui dépend de leur siège et de leur extériorisation ; la rapidité d’intervention, sutures et traitement de substitution, permet de réduire la morbidité des plaies.

Les hémorragies internes sont graves mais rares.

Les formes sévères (moins de 1 % de facteur antihémophilique) assujettissent le patient à un traitement substitutif répété, voire programmé s’il veut réduire la perturbation sociale qui résulte de la répétition des accidents hémorragiques.

B – Complications thérapeutiques :

  • Elles sont hématologiques : il s’agit des anticorps inhibiteurs du facteur VIII ou du facteur IX qui apparaissent lors des traitements des accidents hémorragiques utilisant l’apport substitutif intraveineux de la molécule non ou mal fabriquée par l’organisme.

Ces anticorps surviennent en moyenne à la suite de 10 à 20 jours de traitement et peuvent compromettre sérieusement son efficacité.

Si leur titre est trop élevé, le traitement substitutif n’est plus actif et un autre type de produit doit être utilisé pour traiter les épisodes hémorragiques.

Cette complication se rencontre chez environ 20 % des hémophiles A et 4 % chez les hémophiles B.

  • Elles peuvent être virologiques : les produits dérivés du plasma à une époque où ils n’étaient pas encore viro-inactivés (en France avant fin 1985) ont transmis massivement les virus des hépatites B, C et le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

À l’heure actuelle, les traitements chimiques ou thermiques des dérivés du plasma détruisent les virus munis d’une enveloppe lipidique. En revanche, ceux dépourvus d’enveloppe lipidique (virus de l’hépatite A ou parvovirus B19) résistent à ces traitements et peuvent donc être transmis par les injections intraveineuses des dérivés du plasma.

Les vaccinations contre les hépatites A et B constituent une prévention nécessaire.

Il existe maintenant des produits de substitution recombinants fabriqués par génie génétique utilisant des cellules de mammifères (hamster) qui diminuent encore ce risque de transmission d’agents infectieux.

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