Hémiplégies

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Introduction :

L’hémiplégie, telle qu’elle a été définie par Déjerine, est la perte plus ou moins complète de la motricité volontaire dans une moitié du corps.

Elle est due à une lésion unilatérale de la voie motrice principale entre le neurone d’origine de la voie pyramidale et sa synapse avec le motoneurone alpha dans la corne antérieure de la moelle.

HémiplégiesUne lésion hémisphérique, du tronc cérébral ou médullaire peut entraîner une hémiplégie controlatérale ou, exceptionnellement (si la lésion siège en aval de la décussation du faisceau pyramidal), homolatérale à la lésion.

L’atteinte motrice est rarement isolée ; elle est fréquemment associée à d’autres troubles neurologiques (sensitifs, cérébelleux, neuropsychologiques).

Cette association permet cliniquement la localisation anatomique de la lésion et aggrave le déficit fonctionnel du patient.

Actuellement, la localisation clinique est largement aidée par les examens neuroradiologiques.

Les étiologies sont nombreuses, mais les causes vasculaires sont les plus fréquentes.

L’ hémiplégie sera envisagée sous deux aspects : d’une part le symptôme nécessitant un diagnostic topographique et étiologique, d’autre part le trouble fonctionnel dont l’analyse sémiologique permet de déterminer un pronostic et d’adapter une prise en charge rééducative.

Hémiplégie symptôme :

A – DIAGNOSTIC POSITIF :

Il est de difficulté variable en fonction du degré de l’atteinte et de l’état de conscience du sujet.

1- Hémiplégie franche chez un malade conscient :

On reconnaît l’hémiplégie par l’association de plusieurs signes du côté atteint.

* Abolition ou très nette diminution de la commande motrice :

La topographie est fonction du siège de la lésion.

L’atteinte faciale, lorsque la lésion est sus-jacente à la protubérance, est de type central, c’est-à-dire prédominant sur le facial inférieur, et s’accompagne souvent d’une dissociation automaticovolontaire.

Les muscles axiaux sont fréquemment atteints.

Aux membres, le déficit prédomine habituellement sur les extrémités distales.

Depuis la description de Wernicke en 1889, il est classique d’admettre que les différents groupes musculaires ne sont pas également déficitaires : en général, les extenseurs du membre supérieur et les fléchisseurs du membre inférieur sont plus atteints que leurs antagonistes.

Néanmoins, Colebatch et Gandevia ont récemment constaté que chez des sujets sains les extenseurs sont plus faibles que les fléchisseurs correspondants pour une articulation donnée ; cette différence physiologique fausse peut-être les résultats chez l’hémiplégique.

* Trouble du tonus musculaire :

Lorsque le début est brutal, au stade initial, il existe souvent une hypotonie musculaire associée à une abolition ou à une diminution des réflexes ostéotendineux de l’hémicorps atteint.

Dans les autres cas, on observe une hypertonie spastique avec réflexes ostéotendineux vifs, polycinétiques.

Parfois, l’hypertonie spastique est moins importante, mais l’asymétrie des réflexes est constante et a la même valeur diagnostique.

* Abolition des réflexes à point de départ cutané (cutanés abdominaux, crémastérien et cutané anal) :

Le réflexe cutané plantaire est inversé : il s’agit du signe de Babinski.

2- Hémiplégie chez un malade dans le coma :

En cas de coma très profond, le diagnostic peut être difficile : la commande motrice est inexplorable, l’hypotonie est aussi marquée des deux côtés, tous les réflexes sont abolis et le sujet ne répond à aucune stimulation nociceptive.

Souvent, seule la manoeuvre de Pierre Marie et Foix (compression des nerfs faciaux derrière la branche montante du maxillaire entraînant un rictus douloureux visible seulement du côté sain) permet de mettre en évidence une asymétrie faciale, témoignant de l’hémiplégie.

Lorsque les troubles de la vigilance sont moins importants, il faut s’attacher à mettre en évidence une asymétrie entre les deux hémicorps : soit diminution unilatérale de la motilité spontanée ou en réponse à une stimulation douloureuse, soit hypotonie unilatérale, soit asymétrie des réflexes ostéotendineux.

3- Hémiplégies frustes :

Elles peuvent être difficiles à reconnaître et, à l’examen clinique, on doit objectiver une discrète asymétrie de la commande motrice, du tonus ou des réflexes cutanés.

* Asymétrie de la commande motrice :

À la face, une asymétrie des traits du visage doit être interprétée avec précaution, en sachant qu’il existe des asymétries physiologiques.

Il faut rechercher, du côté atteint, un effacement du pli nasogénien, un retard du mouvement de la commissure labiale lors de la mimique, un signe du peaucier du cou (lorsque l’on demande au sujet d’attirer fortement les commissures labiales en dehors, le relief du peaucier du cou est moins visible du côté atteint).

Au membre supérieur, une atteinte fruste va se traduire par une diminution de la dextérité manuelle.

Lors de l’examen, on recherche un déficit moteur par la manoeuvre de Barré en demandant au sujet de tendre ses membres supérieurs devant lui, yeux ouverts : lorsqu’il existe un déficit, on observe une chute progressive du membre de l’extrémité vers la racine.

On peut parfois noter un signe de la main creuse : on demande au patient de se tenir les avant-bras fléchis, verticalement devant lui, les paumes en avant, mains et doigts en extension dans l’axe de l’avant-bras, doigts fortement écartés ; on voit la paume se creuser du côté déficitaire.

Au membre inférieur, on peut également objectiver le déficit moteur par des manoeuvres classiques.

Lors de la manoeuvre de Barré, le malade est placé en décubitus ventral, jambes relevées à angle droit ; s’il existe un déficit, il ne peut tenir cette position du côté atteint et la jambe retombe lentement par secousses successives.

Lors de la manoeuvre de Mingazzini, le malade est placé en décubitus dorsal, les yeux fermés, cuisses à angle droit sur le bassin, jambes à angle droit sur les cuisses ; le maintien de cette position est impossible du côté déficitaire.

Cependant, dans les formes les plus frustes, le déficit peut parfois n’être affirmé que par un testing musculaire détaillé effectué comparativement au côté sain.

* Troubles du tonus :

Il faut objectiver une hypertonie unilatérale qui peut à elle seule être responsable d’une maladresse du membre supérieur ou d’un trouble de la marche.

L’asymétrie des réflexes ostéotendineux est un des signes les plus constants, de même que l’existence d’un signe de Rossolimo (flexion des orteils en réponse à la percussion de la face plantaire de leur deuxième phalange) ou de Hoffmann (flexion des doigts et du pouce induite par le relâchement brusque d’une flexion forcée de l’index) unilatéral.

On peut aussi objectiver l’hypertonie spastique par le signe de la pronation automatique décrit par Babinski : on fait sauter dans ses mains les mains du sujet placées face à face, pouce en haut : du côté sain, la main maintient cette position ; du côté atteint, elle se met en pronation.

* Anomalies des réflexes à point de départ cutané :

L’abolition unilatérale des réflexes cutanés abdominaux et/ou d’un crémastérien, et surtout l’existence d’un signe de Babinski unilatéral, ont une valeur diagnostique importante.

B – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

Une hémiplégie ne peut que très rarement être confondue avec un autre symptôme.

Dans les cas où le déficit prédomine en distal, il peut en imposer pour une paralysie périphérique radiculaire ou tronculaire, mais la mise en évidence d’autres éléments du syndrome pyramidal permet le diagnostic d’hémiplégie.

L’existence d’une hémiplégie d’origine hystérique doit être évoquée lorsque, chez un malade se plaignant d’un déficit unilatéral, on ne met pas en évidence d’asymétrie des réflexes ostéotendineux ou cutanés.

D’autre part, la topographie du déficit n’est pas dans ces cas celle du déficit pyramidal.

C’est en fait l’existence d’une négligence motrice d’un hémicorps qui peut poser le plus de difficulté.

Spontanément, le malade n’utilise pas un membre ou un hémicorps et l’oublie dans des positions inconfortables, mais des mouvements sont possibles sur incitation vigoureuse.

Cependant, une hémiparésie est souvent associée à l’héminégligence motrice.

C – DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE :

Un examen clinique neurologique et général oriente souvent vers un diagnostic étiologique qui peut être confirmé par les examens complémentaires. Le traitement et le pronostic dépendent largement de ce diagnostic.

1- Orientation clinique :

* Interrogatoire :

C’est une étape fondamentale.

Une histoire chronologique précise recueillie auprès du patient ou de son entourage est le facteur le plus important. Quatre éléments sont déterminants.

Le premier concerne le mode d’installation et le profil évolutif. Le début peut être brutal d’une seconde à l’autre, ou au contraire plus progressif (sur plusieurs heures, voire jours).

Puis, l’hémiplégie peut soit rester stable, soit régresser spontanément, soit s’aggraver, d’une seule tenue ou en marches d’escalier.

Le deuxième élément à préciser concerne les symptômes associés à l’hémiplégie.

Leur importance est double : ils ont une valeur localisatrice et ils peuvent orienter vers certaines étiologies.

Il faut en particulier rechercher l’existence de céphalées, de vertiges, de douleurs cervicales, de troubles visuels (diplopie, épisode d’amaurose transitoire), d’une crise comitiale et d’autres symptômes à valeur localisatrice (troubles sensitifs, troubles du langage).

Leur chronologie par rapport au début de l’hémiplégie doit être spécifiée.

Le troisième facteur à préciser est celui de circonstances déclenchantes particulières : traumatisme cervical ou crânien, effort, troubles cardiaques d’apparition récente. Enfin, le dernier point est celui des antécédents.

Il faut rechercher des antécédents neurologiques : maladie neurologique connue, épisodes neurologiques antérieurs, dont le type peut orienter vers l’étiologie (poussée de sclérose en plaques, accident ischémique transitoire).

Mais il faut aussi rechercher des antécédents cardiovasculaires (valvulopathie, insuffisance coronarienne, trouble du rythme, artérite, hypertension artérielle [HTA]).

Il est nécessaire de connaître les thérapeutiques suivies par le patient, en particulier la prise d’anticoagulants, de médicaments vasoconstricteurs.

Il est enfin bien sûr essentiel de connaître les antécédents médicaux généraux (facteurs de risque vasculaire tels que diabète, dyslipidémie, tabagisme, mais aussi pathologie néoplasique antérieure, alcoolisme, toxicomanie) et familiaux (thrombose veineuse, embolie pulmonaire, accident vasculaire cérébral).

* Examen clinique :

L’examen neurologique permet de déterminer le siège et l’étendue de la lésion.

La sémiologie peut fournir un argument étiologique : déficit systématisé dans les accidents vasculaires cérébraux ou non systématisé en cas de lésion expansive.

Elle oriente la stratégie dans le déroulement des examens complémentaires.

L’examen doit également rechercher des signes témoignant de la bilatéralité des lésions (abolition du réflexe du voile, du réflexe nauséeux, existence d’un syndrome pyramidal bilatéral, troubles sphinctériens) ou des signes évoquant une hypertension intracrânienne.

Cet examen doit être complété par un examen somatique à la recherche surtout d’une est systématique, en particulier palpation et auscultation des vaisseaux du cou et des autres trajets vasculaires.

2- Apports des examens complémentaires :

Les données cliniques, en particulier l’anamnèse, ont une valeur d’orientation essentielle, mais ce sont les examens complémentaires qui permettent d’affirmer le diagnostic étiologique.

Il est bien sûr nécessaire de faire un bilan sanguin classique (numération formule sanguine avec hématocrite et nombre des plaquettes, bilan de la coagulation, vitesse de sédimentation, glycémie, triglycérides, cholestérol, éventuellement Treponema pallidum haemagglutination assay, Venereal Disease Research Laboratory reaction, sérologie pour le virus de l’immunodéficience humaine), un électrocardiogramme à la recherche d’un trouble du rythme, une radiographie du thorax pour évaluer la silhouette cardiaque et rechercher une image pulmonaire suspecte.

Mais ce sont les examens neuroradiologiques, scanner cérébral et imagerie par résonance magnétique (IRM) qui sont les plus importants pour affirmer la nature et le siège de la pathologie causale.

* Scanner :

Le scanner reste un examen essentiel en cas de lésion sus-tentorielle.

* Imagerie par résonance magnétique :

L’IRM permet d’apprécier plus précisément des lésions de la fosse postérieure ou de la moelle.

D’autre part, certaines lésions, non visibles sur le scanner, peuvent être objectivées par l’IRM, telles les plaques de démyélinisation observées dans la sclérose en plaques, des accidents vasculaires ischémiques ou hémorragiques de petite taille, certaines tumeurs (cavernomes).

L’angio-IRM ou angiographie par résonance magnétique permet en outre de visualiser des images anormales sur le trajet des artères ou des veines intra- ou extracrâniennes (interruption du flux sanguin signant une obstruction artérielle ou veineuse, dissection artérielle).

* Autres :

D’autres examens complémentaires sont prescrits en fonction des données cliniques et des résultats des examens complémentaires systématiques.

Si l’on suspecte une origine ischémique, un doppler des vaisseaux du cou et parfois intracrânien, couplé à une échotomographie des artères à destinée cérébrale, une échographie cardiaque classique et transoesophagienne ainsi qu’un enregistrement Holter sont pratiqués.

Les indications de l’artériographie se sont aujourd’hui réduites.

Elle reste indispensable en cas de suspicion de malformation vasculaire ou, parfois, dans le cadre du bilan d’un processus expansif.

Mais elle peut aussi être nécessaire dans la recherche de l’étiologie d’un infarctus cérébral, en particulier pour dépister des affections qui peuvent échapper aux examens ultrasoniques (dissection artérielle, thrombophlébite cérébrale, artérite).

La ponction lombaire est systématique et urgente quand une hémiplégie apparaît dans un contexte infectieux ; seul l’examen du liquide céphalorachidien permet le diagnostic de méningite associée à l’hémiplégie.

Dans d’autres cas, la ponction lombaire reste indispensable pour mettre en évidence une méningite carcinomateuse, une méningite chronique ou une inflammation du système nerveux central.

3- Étiologies :

* Contexte clinique évocateur :

Après un traumatisme crânien, le scanner et l’IRM permettent de reconnaître le mécanisme en cause (hématome extradural ou intracérébral, contusion).

Après un traumatisme rachidien, une lésion médullaire responsable d’un syndrome de Brown-Séquard doit être évoquée cliniquement et confirmée par l’IRM.

Lorsque l’hémiplégie survient dans un contexte fébrile avec une confusion mentale et souvent des convulsions, la clinique, les examens neuroradiologiques et biologiques vont permettre de reconnaître une encéphalite ou méningoencéphalite (virale, bactérienne ou parasitaire), un abcès cérébral ou un empyème sousdural, mais aussi une thrombophlébite cérébrale, une endocardite d’Osler avec rupture de microanévrismes ou emboles septiques.

Après une intervention chirurgicale, une embolie gazeuse ou graisseuse doit être évoquée.

Au décours d’une crise comitiale, on peut observer une hémiplégie persistante (classique hémiplégie de Todd), en général motrice pure, d’importance très variable, habituellement régressive en moins de 36 heures.

Elle semble survenir plus fréquemment s’il existe une lésion rolandique.

Sa survenue ne semble pas avoir de signification péjorative quant à l’évolution de la comitialité.

* Contexte non évocateur :

Dans l’immense majorité des cas, le diagnostic n’est pas évident de prime abord.

Le diagnostic étiologique est alors guidé par le mode d’installation et l’évolution immédiate de l’hémiplégie.

+ Accident vasculaire cérébral :

C’est l’étiologie la plus fréquente des hémiplégies, caractérisée par une installation habituellement rapide.

On distingue selon l’évolution immédiate :

– l’accident ischémique transitoire ; les manifestations déficitaires focales sont entièrement réversibles en moins de 24 heures ; au décours, l’examen neurologique est strictement normal ; le diagnostic en est essentiel, car le risque est la survenue ultérieure d’un accident constitué (précédé dans 30 % des cas par un accident ischémique transitoire) ; même si l’accident transitoire est généralement ischémique, il existe des accidents hémorragiques transitoires, minimes, qu’il convient de détecter par la réalisation d’un scanner sans injection ;

– l’accident vasculaire constitué ; le déficit neurologique persiste audelà de 24 heures ; la distinction entre un accident ischémique ou hémorragique est parfois suspectée cliniquement, mais en fait la certitude ne repose que sur l’examen tomodensitométrique.

Cliniquement, sont en faveur d’un accident ischémique l’existence d’antécédents athéromateux ou cardiaques, d’accidents ischémiques cérébraux transitoires, une installation par à-coups ou à l’inverse un déficit instantané d’emblée maximal, un déficit neurologique massif contrastant avec l’absence de trouble de la vigilance et, à l’examen cardiovasculaire, l’existence d’un souffle cervical, d’une cardiopathie emboligène.

En faveur d’un accident hémorragique, on retient des antécédents d’HTA, une installation rapidement progressive du déficit neurologique en moins de 2 heures, une céphalée brutale, des vomissements importants et immédiats, le contraste entre un déficit neurologique modéré et la présence de troubles de la vigilance.

L’examen tomodensitométrique sans injection en urgence permet de faire le diagnostic : en cas d’accident ischémique, le scanner reste souvent normal dans les 24 à 72 premières heures, puis une hypodensité apparaît, avec la topographie d’un territoire artériel.

En cas d’accident hémorragique, il existe une hyperdensité spontanée tout à fait caractéristique.

Depuis peu, la réalisation d’IRM en séquences fluid-attenuated inversion recovery permet une visualisation précoce des accidents ischémiques sous forme d’un hypersignal dès les premières heures.

Deux étiologies rendent compte de la majorité des accidents ischémiques : la pathologie athéroscléreuse des artères à destinée cérébrale (de 60 à 80 % des cas), première cause chez les sujets de plus de 60 ans, et les embolies d’origine cardiaque (de 8 à 30% des cas).

Chez les sujets de moins de 45 ans, la cause la plus fréquente est la dissection carotidienne.

Plus rarement, on met en évidence une affection hématologique (polyglobulie, thrombocytémie, drépanocytose, syndrome d’hyperviscosité), un déficit en facteur de la coagulation (antithrombine III, mutation du facteur V Leyden, protéine C, protéine S), une anomalie génétique (cerebral autosomal dominant arteriopathy with subcortical infarcts and leukoencephalopathy), une anomalie artérielle à type de dysplasie fibromusculaire ou d’artérite inflammatoire, une dissection des artères extracrâniennes.

La prise de substances illicites peut également être à l’origine d’accidents ischémiques constitués, en particulier la cocaïne, puis l’héroïne, les amphétamines, le crack et la marijuana.

Enfin, aucune étiologie n’est retrouvée chez environ 30 % des sujets.

Les étiologies des accidents hémorragiques sont dominées par l’HTA chronique ; mais il ne faut pas méconnaître une malformation vasculaire, particulièrement chez un sujet jeune et s’il existe des antécédents évocateurs (absence d’HTA, antécédents de céphalées, de comitialité).

En cas de doute, l’artériographie est indispensable et il faut parfois refaire cet examen à distance de l’épisode aigu pour pouvoir dépister la malformation.

Une IRM doit également être réalisée à distance (4 à 6 mois) en cas de normalité artériographique, à la recherche d’un éventuel cavernome.

La prise de plus de deux verres d’alcool par jour, l’abus de cocaïne, les traitements anticoagulants sont également à l’origine d’accidents hémorragiques cérébraux cortico-sous-corticaux.

Il a été décrit des cas d’accidents vasculaires ischémiques et hémorragiques reliés à la prise de décongestionnants sympathicomimétiques, de substances anorexigènes (phénylpropanolamine), d’éphédrine et de pseudoéphédrine. Cette relation n’a jamais été confirmée par des études contrôlées.

En faveur d’un accident ischémique de type lacunaire, on retient : des antécédents de diabète, et surtout d’HTA, un début brutal ou graduel en marches d’escalier sur 3 à 72 heures, l’absence de signes d’accompagnement (céphalées, vomissements ou troubles de la conscience), le caractère très limité du déficit réalisant un tableau clinique stéréotypé (hémiplégie motrice pure, hémiparésie ataxique, dysarthrie ou main malhabile), l’absence de cardiopathie emboligène, un âge supérieur à 60 ans. Sur le scanner ou même l’IRM, la lacune peut être difficile à visualiser.

La réalisation d’un scanner cérébral est indispensable pour reconnaître deux causes d’erreur : une petite hémorragie intraparenchymateuse profonde ou surtout un infarctus cortico-sous-cortical peu étendu, qui nécessite un bilan étiologique bien différent.

Une thrombose veineuse cérébrale peut être responsable d’une hémiplégie, beaucoup plus rarement que la pathologie artérielle.

Ces thromboses peuvent être septiques (infections de voisinage ou générales) ou aseptiques (post-partum, traumatisme crânien, maladies systémiques, anomalies de la coagulation).

Lorsqu’elles atteignent le sinus longitudinal supérieur, classiquement le déficit moteur touche alternativement ou simultanément un hémicorps puis l’autre.

+ Hémiplégie avec un processus expansif intracrânien :

Un processus expansif intracrânien peut se révéler par une hémiplégie dont le mode d’installation est le plus souvent progressif.

Plus rarement, une affection tumorale peut se révéler par un déficit d’apparition brutale par saignement intra- ou péritumoral, ou par un déficit transitoire.

Le scanner et/ou l’IRM permettent le plus souvent d’évoquer un diagnostic de nature de cette lésion, processus tumoral bénin, malin primitif ou secondaire, mais aussi abcès cérébral.

Il peut cependant parfois être difficile d’éliminer un processus vasculaire dont l’évolution peut être pseudotumorale.

L’évolution clinique et neuroradiologique permet de trancher en cas de doute.

+ Hémiplégie et migraine :

Un déficit moteur survient parfois en tant qu’aura migraineuse et disparaît à l’avènement de la céphalée.

Une forme particulière, la migraine hémiplégique familiale à transmission autosomique dominante, est caractérisée par des crises identiques chez les membres d’une même famille, la durée du déficit étant souvent plus prolongée.

La migraine est un facteur de risque reconnu d’accidents ischémiques constitués, surtout lorsqu’elle est associée à une HTA ou à la prise d’oestroprogestatifs.

L’existence d’infarctus migraineux est plus discutée, ce diagnostic nécessitant l’élimination formelle d’une autre cause d’infarctus cérébral.

+ Hypoglycémie :

Elle peut être une cause curable d’hémiplégie.

La plupart des patients sont des diabétiques utilisant un traitement hypoglycémiant, mais elle peut être révélatrice d’un insulinome. Le déficit peut s’observer dès que la glycémie descend en dessous de 3,3 mmol/L (0,6 g/L).

+ Hémiplégie en rapport avec une autre cause :

On peut enfin signaler la possibilité d’une hémiplégie dans la sclérose en plaques ou diverses encéphalopathies (métaboliques, leucoencéphalopathie multifocale progressive, mitochondriales [MELAS]).

D – DIAGNOSTIC TOPOGRAPHIQUE :

1- Hémiplégie par lésion hémisphérique :

Le déficit moteur est controlatéral à la lésion, sauf en cas d’exceptionnelle absence de décussation pyramidale.

On retient en faveur d’une lésion corticale le caractère parcellaire du déficit et la notion (inconstante) de crises d’épilepsie motrices partielles. Habituellement, les lésions sont cortico-sous-corticales, avec une systématisation du déficit nette en cas de lésion vasculaire ischémique artérielle.

Le déficit prédomine au membre inférieur et à la racine du membre supérieur en cas d’ischémie dans le territoire de l’artère cérébrale antérieure.

En cas d’infarctus sylvien superficiel, le déficit est à prédominance brachiofacial.

Le déficit moteur est rarement isolé.

En cas d’infarctus cérébral antérieur, il existe souvent des troubles sensitifs de même topographie que le déficit moteur et un syndrome frontal.

En cas d’infarctus sylvien, il existe habituellement des troubles sensitifs, un déficit du champ visuel, des troubles neuropsychologiques (troubles du langage en cas de lésion de l’hémisphère dominant ou syndrome d’Anton-Babinski en cas de lésion de l’hémisphère droit).

En cas de lésion sous-corticale, l’hémiplégie peut être globale, proportionnelle et pure (infarctus sylvien profond ou lacune capsulaire ou protubérantielle).

2- Hémiplégie par lésion du tronc cérébral :

Le diagnostic en est facilité par l’atteinte associée d’un ou de plusieurs nerfs crâniens controlatéraux à l’hémiplégie, réalisant un syndrome alterne souvent incomplet.

* Atteinte pédonculaire :

Le syndrome de Weber est réalisé par l’association d’une hémiplégie croisée touchant la face et d’une paralysie directe du nerf oculomoteur.

Il est dû à une atteinte du pied du pédoncule cérébral.

L’association du syndrome de Weber à un syndrome cérébelleux, croisé ou direct, traduit l’extension de la lésion vers la calotte pédonculaire.

L’association du syndrome de Weber à des mouvements anormaux choréoathétosiques croisés traduit l’extension de la lésion aux structures sous-thalamiques (syndrome de Benedikt).

* Atteinte protubérantielle :

En cas de lésion protubérantielle paramédiane (syndrome de Foville), on observe une hémiplégie controlatérale et, du côté de la lésion, une atteinte du nerf abducens et une paralysie de la latéralité.

Un locked-in syndrome peut être réalisé en cas d’atteinte bilatérale de ce territoire, souvent par infarctus sur occlusion du tronc basilaire.

Le syndrome de Millard-Gubler, traduisant une lésion de la partie inférieure du pied de la protubérance, associe une hémiplégie souvent incomplète à une paralysie périphérique du nerf facial.

* Atteinte bulbaire :

L’hémiplégie est globale et, du fait de la proximité des deux pyramides, elle est souvent bilatérale.

La face est respectée. Le syndrome d’Avellis est constitué par l’association d’une hémiplégie à une paralysie directe de l’hémivoile et de la corde vocale.

Le syndrome de Schmidt est réalisé par l’association d’un syndrome d’Avellis à une atteinte directe des muscles trapèze et sterno-cléidomastoïdien par lésion de la branche externe du nerf accessoire.

Le syndrome de Jackson est réalisé par l’association d’un syndrome de Schmidt à une hémiatrophie linguale directe par atteinte du noyau du nerf hypoglosse.

Le syndrome de Babinski-Nageotte associe : du côté de la lésion, un syndrome cérébelleux, une paralysie de l’hémivoile, un signe de Claude Bernard-Horner ; du côté opposé, une hémiplégie avec hémianesthésie spinothalamique.

3- Hémiplégie spinale :

Elle est observée dans les lésions unilatérales de la moelle cervicale haute.

La face est respectée.

On observe un syndrome de Brown-Séquard avec, du côté de la lésion, une hémiplégie et des troubles de la sensibilité lemniscale, et, du côté opposé, des troubles de la sensibilité thermoalgique.

Hémiplégie trouble fonctionnel :

L’examen de l’hémiplégique à ce stade doit apprécier non seulement la sévérité des troubles moteurs, mais aussi des troubles orthopédiques et des signes neurologiques associés.

L’évaluation clinique de ces troubles permet de dégager des facteurs pronostiques de récupération et de choisir les techniques de rééducation les plus appropriées à chaque patient.

Des échelles d’évaluation tentent actuellement de quantifier les déficiences, les incapacités, et de mesurer le handicap des patients.

A – ÉVALUATION DES DÉFICIENCES :

1- Évaluation des troubles moteurs :

Les troubles moteurs de l’hémiplégie associent un déficit de la commande motrice volontaire, des syncinésies et une hypertonie spastique.

* Trouble de la commande volontaire :

Après une période initiale où le déficit est souvent total, la commande motrice réapparaît progressivement.

Dans certaines positions, dites de facilitation, surtout en décubitus, on peut obtenir une contraction volontaire qui peut paraître absente au cours d’un examen rapide.

Au membre inférieur, la contraction des ischiojambiers est mieux perçue en décubitus ventral, celle des releveurs du pied est mieux perçue cuisse et jambe fléchies.

Au membre supérieur, la contraction du grand pectoral et des fléchisseurs de l’avant-bras est favorisée par l’abduction du bras ; de même, l’extension des doigts est facilitée par l’abduction du pouce.

Le déficit régresse dans un ordre assez précis.

La commande motrice des muscles axiaux et proximaux récupère habituellement en premier.

L’atteinte faciale reste habituellement peu marquée, visible uniquement lors de la mimique émotionnelle.

Au membre supérieur, la récupération commence par les adducteurs de l’épaule (en particulier le grand pectoral), puis apparaît sur le biceps et ultérieurement sur les fléchisseurs des doigts.

Au membre inférieur, des possibilités de commande apparaissent d’abord sur les adducteurs, puis sur le quadriceps et le grand fessier.

Le déficit prédomine sur les groupes musculaires dits « à activité volitionnelle prépondérante ».

Au membre supérieur, les muscles les plus touchés sont ainsi les extenseurs (triceps, radiaux, extenseurs des doigts) et les muscles intrinsèques de la main.

Au membre inférieur, le déficit prédomine sur les raccourcisseurs (psoas, ischiojambiers, releveurs du pied).

Dans l’ensemble, les performances des muscles proximaux sont meilleures que celles des muscles distaux.

* Syncinésies :

L’existence de syncinésies est spécifique d’un trouble de la commande centrale et peut constituer une gêne motrice majeure.

Ce sont des mouvements involontaires, souvent inconscients, survenant à l’occasion d’un mouvement volontaire.

On en distingue plusieurs types.

Les syncinésies globales apparaissent lors d’un mouvement volontaire du côté sain, les membres du côté hémiplégique prenant alors l’attitude habituelle qu’entraîne l’hypertonie (flexion du membre supérieur, extension du membre inférieur).

Les syncinésies d’imitation sont caractérisées par une contraction musculaire involontaire du côté hémiplégique reproduisant un mouvement volontaire réalisé du côté sain.

Enfin, les syncinésies de coordination correspondent à des mouvements survenant dans un territoire hémiplégique à l’occasion de mouvements volontaires exécutés du même côté.

Lorsque apparaît la récupération motrice, le déroulement gestuel est ainsi perturbé par ces syncinésies de coordination qui déclenchent des schémas moteurs stéréotypés.

Au membre supérieur, il s’agit d’un schéma en flexion (associant élévation du bras, abduction-rétropulsion de l’épaule, flexionsupination de l’avant-bras, et flexion des doigts et du poignet) ou d’un schéma en extension (associant abaissement, adduction et rotation interne de l’épaule, extension avec pronation de l’avantbras, flexion du poignet et des doigts).

Au membre inférieur, il peut également s’agir d’un schéma en flexion associant la flexion dorsale du pied, du genou et flexion-abduction de la hanche ou d’un schéma en extension.

* Hypertonie spastique :

Apparaissant après une phase flasque initiale, la spasticité est « un désordre moteur caractérisé par une augmentation du réflexe d’étirement dans sa composante statique ou dynamique accompagnée d’une hyperréflexie, l’ensemble résultant d’une hyperexcitabilité de l’arc réflexe myotatique ».

Elle apparaît lors d’un étirement passif du muscle comme une contraction réflexe qui s’oppose à l’étirement.

Elle est toujours fonction de l’importance et de la vitesse de l’étirement du muscle.

Elle s’accompagne parfois du phénomène de la « lame de canif » : la contraction réflexe cède brusquement lorsque l’on tente de la vaincre.

L’hypertonie spastique se renforce lors du passage du décubitus à la position assise et plus encore lors de la mise debout, de la marche ou du mouvement volontaire.

Elle peut aussi se modifier en fonction de stimulations nociceptives (lésions cutanées, infections urinaires, complications orthopédiques).

Son apparition est souvent précoce dans l’évolution de l’hémiplégie, marquée tout d’abord par la réapparition des réflexes tendineux.

Le plus souvent, elle s’accentue progressivement et régresse secondairement dans les cas favorables, parallèlement au déficit moteur.

Sa topographie est schématiquement inverse de celle du déficit : elle prédomine sur les extenseurs au membre inférieur et les fléchisseurs au membre supérieur.

La spasticité est responsable de l’aspect de l’hémiplégique, membre inférieur en extension, pied en varus équin, orteils fléchis, membre supérieur collé au corps, avant-bras et poignet fléchis, doigts fermés en griffe sur le pouce.

Plusieurs échelles permettent d’évaluer l’importance de la spasticité, la plus utilisée étant l’échelle d’Ashworth modifiée.

L’analyse électrophysiologique du réflexe monosynaptique (réflexe tendineux ou réflexe H) permet de mesurer le pourcentage de motoneurones du soléaire recrutables par voie réflexe (rapport Hmax/Mmax), ou la sensibilité du réflexe monosynaptique à différents conditionnements (vibrations, stimulations cutanées etc).

Cette analyse a montré qu’il existait chez les patients spastiques un défaut d’inhibition présynaptique sur la voie afférente du réflexe monosynaptique (fibres la).

L’enregistrement unitaire de fibres la chez les patients hémiplégiques spastiques a permis de démontrer l’absence d’augmentation de la décharge des motoneurones gamma au repos.

L’utilisation d’échelles de mesure ou de tests électrophysiologiques n’est pas utile pour le diagnostic de spasticité, mais est indispensable pour la quantifier lorsque l’on veut apprécier les variations de la spasticité spontanément ou sous l’effet d’un traitement.

* Exagération des réflexes de défense :

Habituellement au second plan du syndrome pyramidal de l’hémiplégique, les réflexes de défense peuvent, chez certains patients, être particulièrement exagérés.

Un stimulus nociceptif ou non entraîne un triple retrait du membre inférieur.

Il faut alors chercher, et traiter, une cause favorisante, infection urinaire, lésion cutanée ou orthopédique.

Ces réflexes de défense sont souvent associés à une spasticité des ischiojambiers et à une hypotonie du quadriceps, favorisant l’apparition d’un flessum de genou rendant difficile la mise debout du patient.

* Amyotrophie :

Elle est fréquente chez l’hémiplégique, chez qui elle s’observe à la ceinture scapulaire et la main ; elle est plus rarement étendue à l’ensemble d’un membre ou d’un hémicorps.

Sa pathogénie est discutée : on incrimine l’absence d’utilisation, l’amyotrophie d’origine centrale (lésion pariétale), la coexistence d’une lésion nerveuse périphérique (neuropathie secondaire à l’immobilisation).

* Autres troubles moteurs :

Des mouvements anormaux peuvent être constatés chez un patient hémiplégique ayant récupéré une commande volontaire satisfaisante.

Ce sont parfois des mouvements choréoathétosiques, plus souvent une attitude anormale « dystonique » apparaissant spontanément ou plus souvent à l’occasion de certains mouvements volontaires.

On peut observer au membre inférieur une griffe des orteils sans hypertonie spastique du fléchisseur des orteils (signe de Rossolimo) et/ou une hyperextension du gros orteil survenant à la marche, et parfois un varus du pied.

Au membre supérieur, habituellement à la marche, on constate une rotation interne et une rétropulsion du bras, une flexion de l’avant-bras, une extensionabduction des doigts.

2- Évaluation des troubles orthopédiques :

L’évaluation des troubles orthopédiques de l’hémiplégique doit toujours être soigneuse du fait de leur fréquence, de leur retentissement fonctionnel et des possibilités thérapeutiques.

Chaque articulation doit être examinée, les amplitudes doivent être notées comparativement au côté sain.

* Rétractions musculotendineuses :

Elles siègent avec prédilection sur les muscles les plus affectés par la spasticité (grand pectoral, fléchisseurs du coude et fléchisseurs des doigts au membre supérieur, triceps sural au membre inférieur), bien qu’aucun lien de cause à effet n’ait été démontré à ce jour.

Elles sont favorisées par l’insuffisance de mobilisation passive à la phase aiguë.

Le traitement en est chirurgical (allongements tendineux).

* Paraostéoarthropathies neurogènes :

Leur fréquence de survenue varie en fonction de la cause de l’hémiplégie.

Exceptionnelles en cas d’hémiplégie vasculaire ischémique ou tumorale, elles ne sont pas rares dans les hémiplégies vasculaires hémorragiques et sont dix fois plus fréquentes en cas de lésion traumatique.

Ce sont des calcifications périarticulaires se développant du côté de l’hémiplégie, plus rarement de l’autre côté et ceci au cours des 2 à 6 premiers mois d’évolution.

Elles prennent l’aspect d’une arthropathie ankylosante plus ou moins inflammatoire, d’évolution progressive, touchant par ordre de fréquence décroissante la hanche, le coude, le genou, l’épaule.

Le diagnostic suspecté cliniquement est confirmé par une radiographie au stade constitué ou par une échographie des parties molles au stade précoce.

Ces paraostéoarthropathies peuvent entraîner une gêne fonctionnelle si elles limitent le jeu articulaire chez des patients ayant récupéré une commande motrice satisfaisante. Au stade constitué, le seul traitement efficace est chirurgical.

La principale complication du traitement est le risque de récidive.

* Algoneurodystrophie :

Elle est fréquente chez l’hémiplégique, de 22 à 70 % des cas selon les auteurs.

Elle débute souvent rapidement après l’accident vasculaire, dans les 15 premiers jours dans 86 % des cas.

Dans plus de la moitié des cas, il s’agit d’un classique syndrome épaulemain du côté hémiplégique, associant des douleurs d’intensité variable, souvent spontanées à l’épaule, majorées lors de la mobilisation ou de l’appui, des troubles vasomoteurs et des troubles trophiques affectant principalement les capsules articulaires qui se rétractent.

Le diagnostic de l’algodystrophie est clinique.

Des échelles de gravité sont actuellement utilisées, qui permettent de coter l’évolution naturelle ou sous traitement des symptômes.

Le score de Perrigot, qui est établi au cours de la troisième semaine suivant l’ictus, permet de classer les hémiplégiques en cinq groupes de risque croissant : plus le score est élevé, plus l’algoneurodystrophie est fréquente et sévère, et moins bonne est la réponse thérapeutique.

L’association du score de Perrigot et de la gravité de l’algoneurodystrophie à l’entrée a une valeur pronostique, car elle permet de prévoir la gravité de l’algoneurodystrophie à 3 mois.

On constate tardivement sur les radiographies une déminéralisation osseuse mouchetée classique, mais moins fréquente qu’en cas d’algodystrophie post-traumatique.

La scintigraphie osseuse peut apporter une confirmation diagnostique plus précoce.

On retrouve plusieurs facteurs de risque de la survenue d’une algodystrophie chez l’hémiplégique : l’importance du déficit moteur, de la spasticité, de l’atteinte sensitive et des troubles neuropsychologiques associés, témoignant de l’étendue de la lésion responsable de l’hémiplégie, mais aussi la présence d’un syndrome dépressif ; l’existence d’une subluxation inférieure de la tête humérale est, pour certains, un facteur essentiel ; citons enfin le rôle favorisant de la présence d’un ostéome à l’épaule ou au coude, et de la prise de phénobarbital.

L’évolution se fait souvent vers l’ankylose articulaire par rétraction de la capsule.

Le rôle préventif et curatif de la rééducation tient là une large place.

3- Troubles de l’humeur :

L’anxiété est très fréquente à la phase initiale d’un accident vasculaire cérébral.

La fréquence des authentiques dépressions est plus diversement appréciée, d’autant que le diagnostic peut ne pas en être facile, en particulier en cas d’aphasie associée.

Pour Robinson et al, une dépression sévère (selon les critères du Diagnostic and Statistical Manual of mental disorders, third edition) serait observée dans 27 % des cas.

Elle apparaît de 6 mois à 2 ans après l’accident vasculaire et dure de 8 à 9 mois en l’absence de traitement.

D’autres troubles de l’humeur sont plus rarement observés (apathie ou euphorie) ; Robinson et al ont montré que la sévérité du handicap, aussi bien cognitif que pour les activités de la vie quotidienne, était corrélée à la sévérité de la dépression.

Pour Kauhanen et al, la prévalence est encore plus importante et avoisinne 50 % à 3 mois. Ces auteurs ont montré des corrélations entre la dépression sévère et l’existence d’une aphasie.

Cependant, la topographie de la lésion cérébrale (appréciée par la tomodensitométrie) joue un rôle prédominant.

Les dépressions les plus sévères sont observées en cas de lésion antérieure de l’hémisphère gauche et sont alors d’autant plus sévères que la lésion est antérieure et volumineuse.

Chez les patients cérébrolésés droits, les lésions postérieures sont responsables de dépressions plus sévères que les lésions antérieures.

La physiopathologie de ces états dépressifs n’est pas clairement élucidée.

Deux mécanismes sont invoqués : d’une part l’existence d’une réaction psychologique au handicap physique et/ou cognitif, le déficit particulier (aphasie) entraîné par les lésions antérieures gauches pouvant être plus « générateur » de dépression ; dans l’autre hypothèse évoquée, la dépression serait directement secondaire à une lésion cérébrale interrompant des voies, probablement noradrénergiques, provenant du cortex frontal antérieur.

4- Troubles sphinctériens et génitosexuels :

Les troubles vésicosphinctériens sont très fréquents à la phase aiguë d’un accident vasculaire.

Il s’agit le plus souvent d’une incontinence, mais parfois de mictions impérieuses, d’une urination ou d’une dysurie, voire d’une rétention complète. L’évolution est le plus souvent favorable, mais étroitement corrélée à la gravité de l’hémiplégie et à l’existence de troubles neuropsychologiques associés.

Pour certains auteurs, la persistance d’une incontinence urinaire au-delà du septième jour serait le facteur pronostique le plus péjoratif tant pour la survie que pour la récupération fonctionnelle.

Si les troubles persistent, l’exploration urodynamique est indispensable à la caractérisation du dysfonctionnement et à sa prise en charge thérapeutique.

La fréquence et le type de troubles génitosexuels ont été étudiés chez les hémiplégiques vasculaires par Korpelainen et al.

Ils ont ainsi montré une diminution de la libido, des troubles de l’érection ou de l’éjaculation, de la lubrification vaginale et des capacités orgasmiques chez la femme.

Les dysfonctionnements et l’insatisfaction sexuels se retrouvent chez plus de la moitié des hommes et des femmes victimes d’accidents vasculaires cérébraux, et chez leurs conjoints.

Les facteurs sociaux et psychologiques ont un impact majeur dans ces troubles.

5- Manifestations associées :

Les douleurs sont particulièrement fréquentes chez l’hémiplégique.

Elles peuvent être dues à une complication orthopédique (algodystrophie, ostéomes).

Mais il peut également s’agir de douleurs neurologiques (thalamiques surtout, plus rarement pariétales), dont le traitement est beaucoup plus difficile.

Compte tenu de la topographie de la lésion responsable de l’hémiplégie, le trouble de la commande volontaire est habituellement associé à d’autres signes (déficit sensitif, visuel, troubles des fonctions supérieures, syndrome cérébelleux etc).

L’analyse de ces troubles associés permet la localisation clinique de la lésion et le pronostic fonctionnel de ces patients est souvent conditionné plus par l’existence de ces troubles associés, en particulier les troubles du langage, que par le trouble moteur.

B – ÉVALUATION FONCTIONNELLE :

À côté de l’examen clinique traditionnel du malade hémiplégique, il est apparu nécessaire pour la prise en charge en rééducation d’étudier les possibilités fonctionnelles des patients.

Pour cela ont été développées depuis plusieurs années de nombreuses grilles d’évaluation dont le but est d’obtenir une quantification objective des incapacités et du handicap.

La finalité principale de ces index d’évaluation est la recherche de facteurs prédictifs quant à la qualité de la récupération et à la valeur de l’autonomie à la sortie de l’unité spécialisée de rééducation.

Ces outils doivent donc être de mesure simple, reproductibles, permettant de suivre les progrès et d’apprécier l’efficacité des thérapeutiques.

Parmi les nombreuses grilles proposées, nous décrirons ici celles qui sont le plus utilisées chez l’hémiplégique.

1- Indices de motricité :

Un testing musculaire muscle par muscle tel qu’il est réalisé dans la pathologie périphérique n’aurait guère de sens chez l’hémiplégique.

Certains auteurs ont donc développé des indices de cotation motrice analysant de façon plus globale la fonction de certains groupes musculaires.

* « Canadian score » :

Il étudie le déficit moteur, mais également les fonctions supérieures.

Échelle validée chez les patients victimes d’accidents vasculaires cérébraux, elle est rapide de passation et prend en compte l’existence de troubles phasiques associés.

Le subscore « fonctions supérieures » est coté sur 5, le subscore « déficit moteur » est coté sur 5 ou sur 3,5 selon l’existence de troubles de compréhension.

* « Motricity index » et « trunk control test » (TCT) :

Le motricity index étudie la force développée dans un mouvement pour une articulation.

Les fonctions testées sont : au membre supérieur, la pince pouce/index, la flexion du coude, l’abduction de l’épaule ; au membre inférieur, la dorsiflexion de la cheville, l’extension du genou, la flexion de la hanche.

Le score total est la somme des deux scores divisée par deux (score total de 100).

Le TCT étudie quatre mouvements du tronc.

On demande à un patient couché sur le dos de se mettre sur le côté malade, puis sur le côté sain, puis de s’asseoir en partant de la position couchée, enfin de tenir assis en position d’équilibre au bord du lit les pieds dans le vide pendant au moins 30 secondes.

Chaque mouvement est coté 0, 12 ou 25, donnant un score total de 100.

Collin et Wade ont montré que le TCT était le meilleur indice pronostique. Ainsi, un score supérieur à 50 au TCT à 6 semaines était prédictif de la reprise de la marche avant 18 semaines.

* « Frenchay arm test » :

Il teste les possibilités du membre supérieur dans sept activités simples, avec un score de 0 à 7.

Cependant, la sensibilité de ce test est faible, en particulier pour les scores les plus élevés.

Il nécessite en effet une récupération satisfaisante à la main.

Une amélioration significative ne se voit que dans les 3 premiers mois ; au-delà, ce test ne permet pas de mettre en évidence une amélioration fonctionnelle.

2- Indices d’incapacité :

Ces indices visent à apprécier l’autonomie du patient dans les activités de la vie quotidienne (AVQ).

Plusieurs indices ont été proposés, le plus connu étant l’indice de Barthel, qui prend essentiellement en compte les facteurs liés à la motricité et au contrôle sphinctérien.

Plus récemment, d’autres indices ont été proposés, essayant de prendre en compte d’autres facteurs, en particulier les troubles cognitifs et les facteurs psychosociaux, dont on sait qu’ils influent de façon importante sur le pronostic fonctionnel.

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