Hémiplégies (Suite)

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Première partie

* Indice de Barthel :

Il reste un indice de référence pour l’hémiplégique vasculaire en médecine de rééducation.

Il est composé de dix variables relatives aux AVQ.

Le sujet est noté selon son niveau d’indépendance pour la réalisation de chacune d’entre elles.

Chaque item est coté 0, 5, 10 ou 15, le résultat étant donné sous la forme d’un score de 0 à 100 (100 correspondant à une indépendance complète).

De nombreuses études ont montré qu’il s’agit d’un outil sensible, fiable, reproductible, statistiquement facile à utiliser.

Hémiplégies (Suite)Granger et al ont montré qu’il possède de plus une valeur pronostique. Un indice initial supérieur à 20, chez des sujets de moins de 75 ans, est prédictif dans 92 % des cas d’un retour au domicile avec un score supérieur à 60.

Un indice initial supérieur à 40 est prédictif d’une hospitalisation de courte durée.

Un indice initial supérieur à 60 est de bon pronostic, le patient n’ayant le plus souvent pas besoin d’une hospitalisation en service de rééducation.

Cependant, cet indice ne tient pas compte des troubles associés à l’hémiplégie, en particulier les troubles cognitifs et des facteurs ayant une « dimension sociale ».

C’est pourquoi l’indice de Barthel est parfois couplé à d’autres outils, tels que le pulses profile ou l’escrow.

* « Pulses profile » :

Il s’agit d’un instrument d’information globale sur le profil fonctionnel d’un individu, mis au point en 1957 par Moskowitz et McCann sur une population de sujets victimes d’un accident vasculaire cérébral, et modifié par Granger et al ; il comprend six catégories :

– P: physical conditions (conditions physiques) ;

– U: upper limb function (capacité à utiliser le membre supérieur) ;

– L: lower limb function (mobilité) ;

– S: sensory components (communication et appareils sensoriels) ;

– E: excretory functions (contrôle sphinctérien) ;

– S: support factors (statut psychosocial).

Il y a quatre niveaux de dépendance pour chacune des six catégories, le score le meilleur étant le plus bas (6 sur 24).

Un score inférieur à 12 correspond à un handicap faible (comparable à un score de 60 à l’indice de Barthel), un score de plus de 16 correspond à un handicap sévère (moins de 40 au Barthel).

Cet indice possède également une bonne valeur prédictive de l’évolution.

* « Escrow » et « long range evaluation system » (LRES) :

L’escrow est un indice de mesure des éléments de l’environnement familial et social, de la façon dont le handicap est ressenti par le patient et de ses possibilités professionnelles.

Il a été proposé d’associer cet index à certains éléments de l’indice de Barthel et du pulses profile pour obtenir une évaluation globale pluridimensionnelle de l’individu (LRES).

* Indicateur de Katz :

Cet indicateur a été mis au point initialement sur une population de personnes âgées institutionnalisées dans le but de décrire leur degré de dépendance physique.

Katz retient six fonctions essentielles : se laver, s’habiller, se déplacer, se nourrir, aller aux toilettes, contrôler ses sphincters.

Il existe sept classes d’indépendance croissante (de A à G).

Donaldson et al ont cependant montré qu’il était moins sensible aux changements fonctionnels que l’indice de Barthel.

* Mesure de l’indépendance fonctionnelle (MIF) :

C’est la traduction française d’un outil de mesure et d’évaluation du handicap mis au point par Granger aux États-Unis (functional independence measure [FIM]).

Il associe 18 items fonctionnels (par exemple, contrôle sphinctérien, compréhension) ou situationnels (par exemple, utilisation des toilettes).

L’évaluation se fait selon sept niveaux de cotation, répartis en deux grandes catégories, dépendant ou non dépendant.

La catégorie « indépendant » (sans aide humaine) comprend deux niveaux : un score de 7 correspond à une indépendance complète, une score de 6 à une indépendance « modifiée », nécessitant un appareillage ou une aide technique, ou associée à une lenteur anormale.

La catégorie « dépendant » (nécessitant une aide humaine) comprend cinq niveaux : trois niveaux de « dépendance modifiée », où le sujet réalise plus de 50 % de l’effort, et deux niveaux de « dépendance complète », le sujet ne pouvant réaliser que moins de 50 % de l’effort.

Les niveaux de dépendance modifiée sont les suivants :

– niveau 5 : nécessité seulement d’une aide d’incitation, sans contact physique, sinon parfois la mise en place d’un appareillage ;

– niveau 4 : aide humaine purement tactile, le sujet réalisant au moins 75 % de l’effort ;

– niveau 3 : assistance plus importante, le sujet réalisant 50 à 75 % de l’effort.

Les niveaux de dépendance complète sont les suivants :

– niveau 2 : assistance maximale, le sujet développant entre 25 et 50 % de l’effort ;

– niveau 1 : assistance complète, le sujet développant moins de 25 % de l’effort.

La MIF est largement utilisée dans les services de rééducation. Elle a l’intérêt de permettre une évaluation prenant en compte les facteurs cognitifs.

2- Indices de qualité de vie :

Son évaluation est assez récente en France. La principale difficulté réside dans la complexité de sa définition même et donc dans la validation d’outils pertinents.

Il n’existe pas d’échelle de qualité de vie spécifique aux hémiplégiques.

La plupart des échelles utilisées sont génériques ; les plus utilisées sont le sickness impact profile (SIP) et la short-form 36 health survey (SF-36).

* « Sickness impact profile » :

C’est une échelle qui mesure l’état de santé. Initialement validée chez des populations atteintes de maladies chroniques ou aiguës, elle comporte 136 items, regroupés en 12 catégories : sommeil et repos ; alimentation ; travail ; tâches ménagères ; temps libre et loisirs ; déplacements à pied ; mobilité ; soins du corps et mouvement ; vie sociale ; comportement émotionnel ; vivacité ; communication.

Les catégories soins du corps et mouvement, déplacements à pied et mobilité peuvent être groupées pour donner un score de « dimension physique » et les catégories comportement émotionnel, vie sociale, vivacité et communication peuvent être groupées pour donner un score de « dimension psychosociale ».

Les catégories restantes ont un score individuel. Un score global peut être calculé pour le SIP et un score individuel peut être obtenu pour chaque dimension.

Sa durée d’administration est de 20 à 30 minutes. Le SIP a été traduit en français.

* « Short-form 36 health survey » :

Elle évalue l’état de santé dans la population générale.

Elle comporte 35 items qui représentent huit concepts : activité physique (dix items), limitations dues à l’état physique (quatre), douleur physique (deux), vie et relation avec les autres (deux), santé psychique (cinq), limitations dues à l’état psychique (trois), vitalité (quatre), santé perçue (cinq) ; et un item complémentaire (changement sur 1 an).

Les échelles de réponse sont soit une échelle de Likert à trois ou six niveaux, soit des réponses dichotomiques (oui/non).

Il n’y a pas de score global ; un score est calculé pour chaque concept.

Sa durée d’administration est de 5 à 10 minutes.

La SF-36 a été traduite en français.

C – PRONOSTIC :

Nous n’envisagerons pas ici le pronostic lié aux différentes étiologies, ni le pronostic vital à la phase aiguë d’un accident vasculaire cérébral, sujets traités ailleurs dans cet ouvrage.

Nous ne traiterons ici que du pronostic fonctionnel de l’hémiplégie vasculaire.

De nombreuses études ont essayé de dégager des facteurs pronostiques.

Cependant, les critères d’inclusion, les méthodes d’évaluation, les délais de suivi sont extrêmement variables d’une étude à l’autre, ce qui les rend difficilement comparables entre elles.

La qualité de la récupération peut être appréhendée de trois façons : retour au domicile ou non, durée du séjour à l’hôpital et mesure des possibilités fonctionnelles.

Les deux premiers points dépendent en fait de beaucoup de facteurs sociaux, si bien qu’il est difficile de leur accorder une valeur prédictive.

Ce sont donc surtout les indices fonctionnels qui sont utilisés actuellement.

Parmi les signes cliniques initiaux, plusieurs ont pu être associés à un mauvais devenir fonctionnel.

Allen a trouvé que les facteurs permettant de prédire une dépendance fonctionnelle ou la mort étaient : le grand âge, un déficit complet, des troubles de la vigilance et la combinaison hémiplégie, hémianopsie et troubles cognitifs.

Henley et al ont également trouvé comme élément initial de mauvais pronostic l’âge avancé et le coma, mais ils ont aussi étudié les signes dont la présence à 2 semaines était péjorative : les plus importants étaient la confusion mentale, l’incontinence, les troubles cognitifs (en particulier héminégligence et persévérations) et l’oedème de la main.

Wade et al ont constaté que l’incontinence, un déficit sévère au membre supérieur, une perte de l’équilibre assis, une hémianopsie ou une héminégligence et un âge avancé prédisaient une mauvaise récupération de l’autonomie pour les AVQ à 6 mois.

Lincoln et al ont étudié le devenir de 70 patients admis en service de rééducation et suivis jusqu’à 9 mois de l’accident vasculaire.

La fonction motrice était le plus important facteur pronostique permettant de prédire l’indépendance dans les AVQ à la sortie de l’hôpital.

En revanche, la prédiction de la durée de séjour en milieu hospitalier dépendait plus de la qualité de l’entourage familial et du statut marital.

Enfin, il ressortait de cette étude que les facteurs cognitifs et sociaux étaient déterminants dans la possibilité du retour au domicile. D’autres facteurs sont très discutés dans la littérature, ainsi le rôle de l’âge, du sexe, du côté de l’hémiplégie n’apparaît pas clairement.

Certaines études ont toutefois montré que l’hémiplégie gauche était associée à une moins bonne récupération de la locomotion, vraisemblablement du fait des troubles cognitifs (héminégligence) associés.

Black-Schaffer et Osberg ont étudié les facteurs pronostiques de la réinsertion professionnelle après un accident vasculaire cérébral : les facteurs de mauvais pronostic étaient un score de Barthel bas à l’entrée et à la sortie de l’unité de rééducation, l’existence d’une aphasie, la longueur de l’hospitalisation et un alcoolisme antérieur.

Globalement, 49 % des patients de cette étude (âgés de moins de 65 ans) ont repris leur travail, en moyenne 3,1 mois après la sortie du centre de rééducation.

Il apparaît donc de ces différentes études qu’il est difficile de dégager des facteurs ayant une valeur prédictive absolue, mais qu’il est possible de décrire un « profil » du patient à risque de mauvaise récupération fonctionnelle.

Le pronostic en termes de réinsertion familiale, sociale et professionnelle dépend quant à lui non seulement des indices neurologiques, mais également de facteurs sociaux, culturels et économiques individuels.

La prise en charge en milieu spécialisé au décours d’un accident vasculaire cérébral reste cependant un élément essentiel pour le devenir fonctionnel des patients.

Restauration fonctionnelle et rééducation de l’hémiplégie vasculaire :

A – BASES PHYSIOLOGIQUES DE LA RESTAURATION POSTLÉSIONNELLE :

1- Principes généraux :

Les processus qui sous-tendent la récupération fonctionnelle après un accident vasculaire cérébral, ainsi que l’impact de la rééducation sur cette récupération, restent en grande partie mal connus.

L’analyse clinique montre que la récupération neurologique se fait essentiellement dans les 8 à 12 premières semaines, délai au-delà duquel habituellement les progrès deviennent très limités.

Cependant, des progrès fonctionnels restent encore possibles ultérieurement, entre 6 mois et 1 an, parfois plus.

La récupération très précoce, dans les premiers jours après l’AVC, peut être attribuée à des facteurs tels que la résorption de l’oedème ou la revascularisation des territoires ischémiques aux confins de la zone nécrotique.

Cependant, de tels mécanismes ne peuvent plus être invoqués pour expliquer la récupération neurologique survenant après plusieurs semaines, voire 1 ou 2 mois après l’accident initial.

Différentes hypothèses théoriques ont été évoquées pour expliquer cette restauration secondaire (cf Waxman et Jeannerod et Hecaen).

Certains auteurs parlent de rétablissement fonctionnel : ceci suppose une organisation redondante d’une capacité fonctionnelle à l’intérieur d’une région cérébrale, de telle façon que les zones adjacentes à la zone détruite reprennent leur mode de fonctionnement normal après la phase d’inhibition postlésionnelle.

Ce principe suppose une redondance, non seulement des centres corticaux, mais également des voies de connexion.

D’autres auteurs évoquent plutôt un processus de réorganisation, qui postule l’existence de plusieurs centres contrôlant la même fonction, situés à des endroits différents dans le système nerveux central, dans le même hémisphère ou non.

Lorsque l’un des centres a été détruit, c’est un des autres qui reprend en charge sa fonction.

Ces processus de réorganisation peuvent cependant être envisagés de différentes façons : il peut s’agir du développement des capacités vicariantes de structures non lésées, qui participaient déjà, partiellement, à la fonction atteinte ; il peut également s’agir d’un ajustement substitutif, « comportemental », des mécanismes respectés et participant à la fonction, qui aboutit à un rétablissement fonctionnel par un mécanisme différent du mécanisme prélésionnel.

2- Données expérimentales sur la restauration de la motricité :

Après lésion ou ablation isolée de l’aire motrice primaire (aire 4) chez le singe, on observe un tableau très comparable à ce qui est observé chez l’homme hémiplégique : déficit flasque dont la récupération commence par la partie proximale.

La récupération de l’extrémité distale est plus tardive, et moins complète, en particulier la motricité est moins rapide, moins agile, et les mouvements fins et isolés de la main et surtout des doigts ne récupèrent pas.

Pour Denny-Brown, les mouvements le plus sévèrement touchés, et qui ne récupèrent pas, après lésion de l’aire 4, sont les mouvements permettant l’orientation dans l’espace de la main ou du pied au contact d’un stimulus.

Pour cet auteur, le rôle essentiel du système pyramidal serait donc l’ajustement spatial du mouvement aux caractéristiques spatiales du stimulus.

Si la lésion est limitée à l’aire 4, le déficit reste souvent flasque, mais si l’ablation touche également l’aire 6, la spasticité est plus précoce et plus sévère, et le déficit récupère plus lentement.

Des résultats comparables ont été observés après lésion des faisceaux pyramidaux au niveau des pyramides bulbaires.

La préservation d’un petit nombre de fibres pyramidales permet une récupération de meilleure qualité des mouvements isolés des doigts, quelle que soit la localisation des fibres respectées.

Si au contraire la lésion s’étend en arrière dans le tegmentum, on observe un déficit plus sévère, et qui touche également la motricité axiale et proximale.

Il existe en effet, à côté de la voie pyramidale, deux voies venant du tronc cérébral et cheminant dans le tegmentum : la voie rubrospinale, latérale, qui intervient sur les mouvements distaux, et la voie réticulo- et vestibulospinale, médioventrale, qui participe essentiellement à la commande des muscles axiaux et proximaux.

Ces études suggèrent le rôle de ces voies non pyramidales, sous-corticales, dans la récupération après pyramidotomie chez le singe.

3- Rôle de l’hémisphère ipsilatéral dans la récupération :

Il existe de nombreuses données expérimentales mettant en évidence le rôle de l’hémisphère sain, ipsilatéral au membre paralysé, dans la récupération motrice.

Black et al ont montré que si on procède chez le singe à une ablation bilatérale des aires motrices, la récupération est deux fois plus lente qu’en cas d’ablation unilatérale.

Selon Lawrence et Kuypers, la voie médioventrale médullaire, qui est responsable de la commande des muscles axiaux et proximaux, est sous la dépendance des deux hémisphères, alors que la voie dorsolatérale est contrôlée uniquement par l’hémisphère controlatéral.

Utilisant des singes commissurotomisés, Brinkman et Kuypers ont montré que chaque hémisphère contrôle les mouvements du bras, de la main et des doigts controlatéraux, mais seulement les mouvements du bras ipsilatéral.

Des données comparables sont observées chez l’homme après section du corps calleux.

Ces données expliquent bien la moins bonne récupération pour les mouvements fins distaux des doigts. Elles expliquent également l’existence d’un discret déficit moteur ipsilatéral à la lésion, à prédominance proximale.

On peut concevoir que les capacités de contrôle moteur ipsilatéral puissent intervenir dans la récupération fonctionnelle, par démasquage de possibilités préexistantes ou par création de nouvelles liaisons synaptiques.

Certaines études ont confirmé ce rôle de l’hémisphère ipsilatéral.

Les plus spectaculaires sont les observations de récupération importantes après hémisphérectomie chez le jeune enfant.

Chez l’adulte, Chollet et al ont étudié en tomographie à émission de positons, les variations de débit sanguin régional cérébral chez six patients ayant récupéré d’une hémiplégie vasculaire.

Ils ont observé, lors de mouvements des doigts de la main parétique, une augmentation du débit régional dans le cortex primaire sensorimoteur ipsi- et controlatéral, alors que les mouvements des doigts de la main saine n’entraînent une augmentation de débit que du côté controlatéral.

Ces résultats, confirmés par les études en IRM fonctionnelle, suggèrent une participation de l’hémisphère ipsilatéral dans la récupération.

Une étude longitudinale récente en IRM fonctionnelle a permis d’apporter quelques nuances.

Feydi et al ont ainsi démontré que le recrutement du cortex ipsilatéral après un accident vasculaire sylvien correspondait à un processus de compensation cortico-sous-cortical lié à une lésion directe de M1 (cortex moteur primaire) controlatérale, que ce recrutement « compensateur » était durable si M1 était lésé et transitoire si M1 était intact, et enfin que le processus de recrutement tendait à restaurer une voie efférente controlatérale maximale plutôt qu’une voie ipsilatérale nouvelle, l’efficience de cette voie dépendant de manière critique de la quantité des fibres restantes du faisceau corticospinal.

4- Mécanismes anatomiques et physiologiques sous-tendant la récupération :

Contrairement à ce qui se passe dans le système nerveux périphérique ou dans le système nerveux central (SNC) d’espèces inférieures (batraciens, poissons), il n’existe pas dans le SNC des mammifères de possibilités de régénérescence des axones détruits.

Néanmoins, plusieurs mécanismes physiologiques et anatomiques permettant le développement de nouvelles connexions et de nouvelles voies de transmission ont pu être mis en évidence.

Ils pourraient participer à des degrés divers aux processus de récupération et ils témoignent de la plasticité du SNC. Le sprouting synaptique en est un exemple.

Il est défini par la création de nouvelles synapses à partir des neurones restés intacts au voisinage de la lésion (bourgeonnement hétérotypique).

Par exemple, Raisman et Field ont montré que la destruction de l’une des deux principales afférences des noyaux du septum du rat entraîne une extension des connexions de la deuxième afférence pour remplacer les synapses laissées vacantes.

De tels phénomènes ont été décrits dans de nombreuses structures (noyau rouge, hippocampe, cervelet).

Certains auteurs ont suggéré que l’entraînement spécifique pouvait favoriser le développement de l’arborisation dendritique.

L’effet de l’entraînement serait d’autant plus net qu’il est débuté précocement, comme l’ont montré Black et al chez des singes après ablation corticale.

Le démasquage de voies préalablement existantes, mais latentes, est un deuxième mécanisme possible.

Il surviendrait grâce à la désinhibition de certaines voies ou par la survenue d’une hypersensibilité de dénervation qui en augmenterait l’activité.

L’hypersensibilité de dénervation est bien connue au niveau périphérique, mais elle a également été mise en évidence dans le SNC, en particulier les motoneurones spinaux : lorsque ceux-ci sont désafférentés par section des racines dorsales, leur activité spontanée augmente et ils deviennent plus sensibles aux stimulations électriques ou pharmacologiques.

De telles modifications ont aussi été mises en évidence au niveau cérébral (hypothalamus, hippoccampe, voie nigrostriée).

La deuxième possibilité est la mise en jeu de synapses latentes.

Un tel mécanisme est invoqué quand on observe l’apparition rapide d’un nouveau type de réponse, dans des délais incompatibles avec un processus de bourgeonnement collatéral, beaucoup plus lent.

Il suppose l’existence dans un organisme sain de voies « en excès », normalement inhibées.

La lésion cérébrale permettrait de lever cette inhibition et de dévoiler ces fonctions latentes.

Wall et Egger ont par exemple montré que des cellules thalamiques privées de leurs afférences habituelles pouvaient, après quelques jours, répondre à des stimuli auxquels elles ne répondent pas dans des conditions normales.

5- Rôle des facteurs neurotrophiques :

Ces dernières années, plusieurs facteurs de croissance polypeptidiques ont été isolés, à la suite du facteur de croissance nerveuse (nerve growth factor [NGF]).

Le NGF stimule la croissance nerveuse au niveau périphérique, mais il agit également dans le SNC.

Il pourrait être impliqué dans la protection neuronale lors d’une agression.

Par exemple, Tuszinski et al ont étudié la dégénérescence des neurones cholinergiques de la région septale chez le singe après section de la voie septohippocampique.

Chez les singes traités par administration intraventriculaire de NGF, la perte neuronale est diminuée de façon importante.

Leur effet sur la repousse axonale est moins bien connu. Néanmoins, Hagg et al ont montré que le NGF pouvait favoriser la repousse d’axones cholinergiques septohippocampiques vers l’hippocampe.

D’autres facteurs neurotrophiques ont été décrits, citons : le brain-derived neurotropic factor, dont les cellules cibles sont multiples (neurones sensoriels primaires, cellules ganglionnaires de la rétine, neurones cholinergiques du tronc, cellules dopaminergiques du locus niger), le fibroblast growth factor, le ciliary growth factor.

L’intérêt pratique de ces facteurs neurotrophiques chez l’homme reste encore cependant inconnu.

B – RÔLE DE LA RÉÉDUCATION :

Le rôle de la rééducation dans les processus de récupération est suggéré par les études réalisées chez l’animal mettant en évidence l’importance des facteurs environnementaux.

Il a ainsi été montré que l’enrichissement du milieu environnant pouvait modifier l’épaisseur du cortex ou l’activité acétylcholinestérasique chez l’animal.

D’autres auteurs ont montré qu’un programme de « rééducation » intensif pouvait modifier la récupération de la fonction visuelle chez des chats à qui a été appliquée une déprivation visuelle précoce.

Il est cependant très difficile de généraliser ces résultats à la pathologie humaine.

La question de l’efficacité de la rééducation sur le handicap neurologique reste débattue, d’autant que mesurer cette efficacité pose chez l’homme des problèmes méthodologiques importants.

Il existe néanmoins plusieurs études montrant l’intérêt d’une prise en charge intensive en rééducation, du moins pour certains groupes de patients.

Garraway et al, dans une étude randomisée, ainsi que des études plus récentes, ont montré que des patients hospitalisés dans des services spécialisés pour la prise en charge et la rééducation des accidents vasculaires cérébraux avaient une évolution meilleure que des patients pris en charge dans des services de médecine non spécialisés, et ce malgré un handicap neurologique similaire dans les deux groupes.

Les patients en service spécialisé avaient un meilleur degré d’autonomie, une durée d’hospitalisation plus courte et un taux de retour au domicile plus élevé.

Il semble que la rééducation ne modifie pas l’importance de la récupération neurologique mais améliore la récupération fonctionnelle, permettant une meilleure utilisation des fonctions restantes, et de plus la réalisation d’aides techniques (cannes, attelles etc), permettant d’améliorer l’autonomie du patient.

Elle permet aussi de prévenir les complications, en particulier cutanées et orthopédiques.

Le soutien éducatif et psychologique apporté à l’entourage et aux patients semble également jouer un rôle non négligeable.

Garraway et al ont également montré que l’effet de la rééducation varie avec la sévérité de l’accident : ainsi, l’efficacité est surtout nette chez les patients considérés comme de gravité « intermédiaire » ; elle est moins importante chez les patients les moins graves, qui vraisemblablement récupèrent de façon spontanée, et chez les patients le plus gravement atteints, qui probablement sont au-delà des possibilités thérapeutiques actuelles.

Il faut cependant noter qu’aucune de ces études n’a pu discerner le facteur principal permettant d’expliquer la différence entre les services spécialisés et les services de médecine.

Chez les patients « légers », Widen Holmqvist et al ont réalisé une étude contrôlée randomisée, comparant la prise en charge au domicile dans les 3 mois suivant l’accident vasculaire cérébral à la prise en charge en service de rééducation.

Malgré une absence de différence statistique dans le devenir des patients, une analyse multivariée suggérait un effet positif systématique chez les patients au domicile dans les activités sociales, les AVQ, les capacités motrices, la dextérité manuelle et la marche. Smith et al, dans une étude contrôlée de patients ambulatoires, ont montré l’influence de l’intensité de la rééducation sur le taux d’amélioration.

Mais ils précisaient également que seul un nombre limité de patients ayant fait un accident vasculaire cérébral (11 %) étaient susceptibles d’être pris en charge de façon intensive en rééducation externe.

Enfin, il semble que la rééducation est d’autant plus efficace qu’elle est débutée précocement, dans les quelques jours suivant l’accident vasculaire cérébral.

L’ensemble de ces résultats pose le problème de la sélection des patients susceptibles de bénéficier de la rééducation, celle-ci étant probablement inutile dans les cas les plus bénins comme dans les cas les plus sévères.

Cependant, aucun critère précoce ne permet actuellement de sélectionner de façon absolue les patients.

C – TECHNIQUES DE RÉÉDUCATION DE L’HÉMIPLÉGIE :

1- Principes généraux :

On peut distinguer les méthodes dites neuro-orthopédiques classiques et les méthodes neuromusculaires.

Les méthodes neuro-orthopédiques associant postures, mobilisations passives, travail actif sans résistance, restent les plus utilisées lorsque le déficit moteur est important.

Elles s’efforcent de limiter les complications orthopédiques et visent à améliorer la commande motrice par un travail analytique.

Les méthodes neuromusculaires ont pour but de faciliter la mise en jeu globale des mouvements perdus, par des techniques variées dérivant pour la plupart des idées de Bobath, Kabat et Brunnstrom.

La méthode de Bobath associe deux techniques : facilitation par les changements de position du corps (surtout tête et tronc), grâce à l’action des réflexes tonique labyrinthique et tonique du cou, et inhibition posturale pour prévenir la spasticité et les syncinésies.

Brunnstrom conçoit la récupération fonctionnelle comme un processus naturel, comprenant plusieurs étapes que la rééducation utilise : phase de déficit complet, apparition de syncinésies en flexion ou en extension, évolution vers des conduites motrices dissociées à partir de ces syncinésies de base.

Cette méthode utilise donc les syncinésies au lieu de chercher à les inhiber comme la méthode de Bobath.

La méthode de Kabat consiste également à utiliser les syncinésies dans des mouvements de chaînes musculaires contre résistance.

Plus récemment sont apparues d’autres techniques : biofeedback, surtout intéressant en cas de trouble proprioceptif ou d’héminégligence, et stimulation électrique fonctionnelle.

Ces techniques semblent intéressantes pour corriger un recurvatum du genou à la marche ou pallier un équin (spastique ou paralytique) du pied.

2- Efficacité comparée des différentes techniques :

Les comparaisons entre les différentes méthodes de rééducation sont de réalisation difficile. Wagenaar et al ont comparé dans une étude contrôlée une méthode inspirée de Bobath avec la méthode de Brunnstrom.

Chaque patient recevait en alternance et de façon randomisée deux sessions de 5 semaines de chacune des deux techniques selon un plan de type A-B-A-B.

La mesure des résultats grâce à l’index de Barthel, l’évaluation fonctionnelle du membre supérieur et l’analyse de la marche n’ont pas permis de mettre en évidence de différences significatives.

Chez un seul patient, la vitesse de marche progressait plus vite pendant les périodes utilisant la méthode de Brunnstrom.

Basmajian et al ont comparé l’efficacité sur la fonction du membre supérieur de la technique de Bobath et d’une technique comportementale utilisant notamment le biofeedback.

Ils n’ont pas trouvé de différence fonctionnelle, même si les techniques de biofeedback permettaient d’améliorer le degré de mobilisation et la force du membre supérieur hémiplégique.

Lord et Hall ont comparé l’efficacité à long terme d’un programme de réentraînement fonctionnel (visant à la reprise rapide de l’autonomie, en particulier de la marche) avec les techniques neuromusculaires (type Bobath).

Ils n’ont pas constaté, sur les indices fonctionnels, de différence significative entre les deux méthodes, mais la durée d’hospitalisation était significativement plus courte dans le groupe recevant un traitement fonctionnel.

Si actuellement l’efficacité de la rééducation sur le devenir fonctionnel est largement admise, l’intérêt respectif des différentes méthodes reste incertain.

D – DIFFÉRENTS STADES DE LA RÉÉDUCATION :

1- Phase initiale :

Il faut prévenir les complications orthopédiques grâce à des moyens simples :

– installation du malade en bonne position : tête, tronc et membre inférieur en rectitude, en luttant contre la tendance à la rotation externe de hanche, au flessum du genou et à l’équinisme du pied ; le membre supérieur est installé en abduction à 45°, coude fléchi à angle droit et avant-bras légèrement surélevé pour limiter l’oedème de la main et du poignet ;

– mobilisation passive de toutes les articulations dans toutes leurs amplitudes et mobilisation active aidée par le patient dès que sa participation le permet.

2- Phase de rééducation proprement dite :

* Passage à la station assise :

On essaie le plus tôt possible d’asseoir le patient au bord de son lit ou mieux au bord du cadre de travail.

L’obtention d’un bon équilibre du tronc assis est un préalable indispensable à la reprise de la marche.

* Passage à la station debout :

Il ne peut être entrepris que lorsque le malade a pris conscience d’un bon équilibre et d’une bonne répartition des charges sur les deux membres inférieurs.

L’utilisation d’une table de verticalisation peut être un préalable nécessaire dans plusieurs situations (malaises lors des tentatives de verticalisation, flaccidité persistante du quadriceps, spasticité importante des ischiojambiers).

Les exercices de remise en charge peuvent ensuite être réalisés.

Le rôle de réassurance du rééducateur est à cette étape fondamental.

Le passage de la position debout à la position assise est également un temps important et doit être travaillé.

* Marche :

La date de début de la marche varie beaucoup selon les malades et les techniques.

Quelle que soit la technique utilisée, le patient peut à nouveau marcher dans au moins 80 % des cas.

Il est possible d’améliorer la qualité de la marche en prévenant l’apparition des défauts classiques (fauchage, tendance au recurvatum du genou) ou en compensant les déficiences (orthèse releveurs).

Dans un second temps, on réapprend à l’hémiplégique les activités plus complexes : se lever seul de son siège, monter et descendre les escaliers, se relever du sol, marcher en terrain accidenté, voire entrer et sortir d’une voiture.

* Rééducation du membre supérieur :

Elle pose des problèmes beaucoup plus difficiles et souvent le résultat reste décevant.

La gravité de l’atteinte initiale et la qualité de la récupération motrice conditionnent les buts à se fixer.

Dans les atteintes sévères, le but de la rééducation est modeste, s’agissant essentiellement de la prévention de la spasticité et des complications orthopédiques douloureuses du côté atteint.

Dans les formes moins graves, le malade retrouve une motricité proximale assez satisfaisante, mais la commande motrice reste médiocre au-dessous du coude : le bras sert alors essentiellement d’appoint pour porter ou maintenir les objets (membre assistant).

La prise en charge en ergothérapie permet alors une relatéralisation du patient si le côté atteint était à l’origine son membre dominant.

Enfin, dans les cas les plus favorables, la rééducation a pour objectif la récupération totale de la fonction du membre supérieur.

3- Traitements d’appoint :

* Traitements de la spasticité :

L’utilisation de certaines techniques de rééducation (Bobath) semble pouvoir inhiber la spasticité.

Le traitement médical ou chirurgical de lésions cutanées, urinaires ou orthopédiques (ostéome, ongle incarné) est indispensable et efficace.

Un traitement symptomatique de la spasticité n’est prescrit que si elle est fonctionnellement gênante.

Les drogues sont utilisées si la spasticité est diffuse.

Trois traitements par voie orale, dont l’efficacité a été démontrée par des études en double aveugle, sont actuellement couramment prescrits : le diazépam, le dantrolène sodium et le baclofène.

Il n’a jamais été démontré que l’un d’entre eux avait une efficacité supérieure aux autres.

Le baclofène est un agoniste des récepteurs de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) B médullaires, qui inhibe les réflexes mono- et polysynaptiques.

Il représente l’antispastique le plus fréquemment utilisé en première intention : comme la majorité des antispastiques, il présente le risque de démasquer un déficit moteur lors de l’ascension de la posologie, qui peut être comprise entre 5 et 120 mg par jour.

Les benzodiazépines augmentent l’inhibition présynaptique médullaire en activant de façon non spécifique et non compétitive les récepteurs GABA A et ont des propriétés myorelaxantes.

Le dantrolène a une action musculaire directe : il réduit l’hypertonie en modifiant le relargage des ions calcium dans la fibre musculaire.

Il présente un risque de toxicité hépatique.

La tizanidine est un agoniste alpha-2 adrénergique et a une efficacité équivalente à celle du baclofène et du diazépam, mais elle n’est pas disponible en France à l’heure actuelle.

Divers antiépileptiques (carbamazépine, acide valproïque, phénytoïne, vigabatrine, gabapentine), la clonidine, la thréonine ont aussi démontré une efficacité modeste, seuls ou en association, sur la spasticité et/ou les spasmes musculaires.

Dans les cas de spasticité localisée à un groupe musculaire, on peut utiliser différentes techniques : l’injection de toxine botulique A ou B dans un muscle spastique permet un contrôle efficace de la spasticité pendant 3 à 6 mois ; elle a l’avantage d’être facile à réaliser en ambulatoire mais reste une technique coûteuse et encore hors autorisation de mise sur le marché dans cette indication.

Les neurotomies chirurgicales (en particulier du nerf tibial postérieur pour un pied spastique) sont efficaces sur le clonus, mais ont des actions parfois réversibles et doivent être réservées aux états neurologiques stabilisés.

Les injections d’alcool sont actuellement exceptionnelles et plutôt réservées à la spasticité des adducteurs (alcoolisation du nerf obturateur).

L’effet de cette dernière technique a toutefois l’inconvénient de n’être que transitoire (environ 6 mois).

* Aides techniques :

On peut s’aider de différents types d’orthèses : attelles permettant de lutter contre le steppage (releveur), contre le recurvatum, attelles de maintien du poignet en cas de main spastique.

* Interventions de correction d’une complication orthopédique :

Elles sont parfois nécessaires : la plus classique est la ténotomie d’allongement du tendon d’Achille et/ou du tibial postérieur en cas de varus équin spastique et rétracté du pied.

Citons également les possibilités d’arthrodèse sous-astragalienne et médiotarsienne, et le développement des transferts tendineux (transfert de l’hémitibial antérieur pour réaxation du pied, par exemple).

La stratégie chirurgicale est définie au mieux par la réalisation de blocs anesthésiques neuromoteurs en consultation multidisciplinaire, associant médecin de médecine physique et réadaptation, neurologue, chirurgien neuro-orthopédiste et neurochirurgien.

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