Hématurie

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Examens :

Trois examens permettent de confirmer le diagnostic d’hématurie.

  • Il s’agit d’abord de la bandelette urinaire.

Cet examen, d’une très grande simplicité, peut être réalisé au cours de la consultation.

Il permet en outre de rechercher d’autres paramètres : sucre, pH, leucocytes, nitrites, protéines.

  • L’examen cytobactériologique des urines permet d’observer au microscope la quantité et la morphologie des hématies et aussi de rechercher une bactériurie pathologique qui peut avoir une grande valeur d’orientation dans la recherche de la cause de l’hématurie.
  • Le compte d’Addis permet de mesurer, dans l’urine, le débit des hématies par minute.

Diagnostic différentiel :

HématurieIl s’agit de différencier les urines rouges qui ne sont pas hématuriques.

  • Les urines colorées peuvent ne pas contenir de sang.

Certaines pathologies peuvent entraîner une coloration rouge : la myoglobinurie, l’hémoglobinurie, une uraturie importante ou une porphyrie.

Certains médicaments peuvent colorer l’urine (laxatifs, phénothiazine, rifampicine), ainsi que certains aliments (betteraves, rhubarbe).

  • La présence de sang dans l’urine n’est pas synonyme d’hématurie.

L’urétrorragie est en rapport avec une hémorragie d’origine urétrale dont le sang se mêle à des urines vésicales normales.

La menstruation peut poser un problème en début ou en fin de règles.

Interrogatoire et examen clinique :

Ils revêtent une importance particulière dans la recherche étiologique des hématuries d’origine urologique.

Ils permettent d’une part de localiser avec précision le point de départ du saignement dans l’appareil urinaire, d’autre part de suspecter la cause.

A – Localisation du saignement macroscopique :

Il est facile de demander au patient à quel moment de la miction le jet d’urine est coloré (ce renseignement est plus facile à obtenir chez l’homme que chez la femme).

  • Hématurie initiale : lorsque le sang est présent en début de miction, elle traduit une lésion située dans l’urètre antérieur, postérieur ou prostatique.

Le jet d’urine fait saigner la lésion en l’atteignant.

  • Hématurie terminale : lorsque le sang est présent en fin de miction, l’origine du saignement est vésical, la contraction vésicale en fin de miction « traumatisant » la lésion qui alors saigne. Lorsque l’hématurie est importante, elle peut être à renforcement terminal.
  • Hématurie totale : lorsque tout le jet mictionnel contient du sang, elle traduit classiquement une lésion du haut appareil urinaire.

Néanmoins, toute hématurie abondante quelle que soit son origine peut être totale.

B – Toutes les hématuries ne teintent pas les urines en rouge :

En effet, la durée du séjour du sang dans les voies urinaires modifie sa couleur qui devient marron foncé.

Lorsque l’hématurie est peu abondante, les urines peuvent être rosées.

Enfin, l’urine peut contenir des caillots sanguins.

C – Signes associés :

  • L’interrogatoire permet de préciser d’autres symptômes associés : l’hématurie peut être totalement asymptomatique ; des douleurs lombaires ou vésicales peuvent exister ; des troubles mictionnels peuvent s’associer ; de la fièvre avec ou sans frissons peut accompagner l’hématurie.

La connaissance de ces symptômes a une grande valeur d’orientation dans la recherche étiologique.

  • L’examen physique est de toute façon systématique et doit comporter en particulier des touchers pelviens avec examen de la prostate.

Il permet parfois de trouver l’étiologie de l’hématurie.

Examens paracliniques :

Le but de ces examens est de rechercher la cause de l’hématurie en sachant que l’objectif principal est d’éliminer une tumeur de l’appareil urinaire.

Ils sont réalisés en fonction de l’orientation étiologique suggérée par les antécédents du patient et son examen clinique.

A – Examens de « base » :

Ils sont demandés à tous les patients et permettent souvent d’avoir une bonne orientation diagnostique et de sélectionner d’autres examens éventuellement nécessaires.

  • Le dosage de la créatininémie et de la protéinurie des 24 h est réalisé afin de rechercher une insuffisance rénale et une néphropathie organique, le plus souvent de type glomérulaire.
  • L’examen cytobactériologique des urines est systématique.

Il élimine une infection urinaire responsable de l’hématurie. Naturellement, comme l’hématurie, l’infection doit être considérée comme un symptôme dont il faut rechercher la cause.

Il permet en outre de préparer le patient à une éventuelle cystoscopie.

  • Une radiographie de l’abdomen sans préparation peut mettre en évidence une opacité en rapport avec un calcul urinaire.
  • L’échographie rénale et pelvienne permet de rechercher une pathologie du parenchyme rénal (tumeur), de la voie excrétrice (mais une tumeur urothéliale échappe à cet examen), de la vessie et de la prostate.

Les autres examens seront demandés en fonction des premiers résultats.

B – Examens de référence :

  • Un bilan immunologique est nécessaire quand le diagnostic de néphropathie glomérulaire est suspecté : dosage du complément sérique, des facteurs antinucléaires, des anticorps anti-ADN, des anticorps anticytoplasmes des polynucléaires (ANCA), des anticorps anti-membrane basale glomérulaire, recherche de cryoglobulinémie.
  • La ponction-biopsie rénale est l’examen permettant de déterminer le type histologique de la néphropathie, cause de l’hématurie. Un examen complet du fragment biopsique en microscopie optique, en immunofluorescence indirecte et si besoin en microscopie électronique est nécessaire par un anatomopathologiste spécialisé.
  • L’urétrocystoscopie est l’examen de référence dès qu’une pathologie du bas appareil urinaire est suspectée.

Elle permet d’éliminer avec certitude une tumeur de vessie et de faire le diagnostic de toute autre pathologie vésico-prostato-urétrale.

  • L’urographie intraveineuse est l’examen radiologique de référence lorsque l’hématurie semble provoquée par une pathologie du haut appareil urinaire atteignant la voie excrétrice (tumeur ou calcul).
  • La tomodensitométrie abdomino-pelvienne est l’examen radiologique de référence lorsque l’échographie rénale met en évidence une pathologie du parenchyme rénal telle qu’une tumeur du rein.

Ces examens suffisent, dans la grande majorité des cas, à résoudre le problème du diagnostic étiologique.

C – Autres examens :

Ces examens, plus spécifiques, ne sont utilisés qu’en cas de difficultés diagnostiques ou lors de la recherche d’une pathologie rare.

  • La cytologie urinaire n’a qu’une valeur d’orientation pour dépister une tumeur vésicale.
  • La résection-biopsie vésicale ou prostatique est indiquée dès qu’une anomalie est mise en évidence à l’urétrocystoscopie.

Cet examen permet de réaliser une analyse anatomopathologique de lésions suspectes.

  • Une urétéropyélographie rétrograde (UPR) permet de préciser si nécessaire une anomalie de la voie excrétrice difficilement analysable à l’urographie intraveineuse.
  • Une imagerie par résonance magnétique (IRM) peut compléter le bilan lorsqu’un examen tomodensitométrique est insuffisant pour préciser le diagnostic.
  • Une artériographie et (ou) une phlébographie rénale peuvent mettre en évidence une anomalie artérielle et (ou) veineuse.
  • D’autres examens encore plus spécifiques peuvent être nécessaires, ils sont choisis en fonction des orientations diagnostiques.

Étiologie :

Au terme de ce bilan, le diagnostic étiologique est le plus souvent possible.

A – Anomalies du haut appareil urinaire :

1- Calculs des voies urinaires :

Tous les calculs urinaires peuvent entraîner une hématurie par l’infection ou par l’irritation mécanique de la voie excrétrice qu’ils provoquent.

Dans la plupart des cas, le saignement se produit lorsque le calcul se mobilise, donnant des douleurs associées, ou lorsqu’il se complique.

Une hématurie survenant alors qu’un calcul connu ne s’est pas modifié est suspecte et doit faire rechercher une autre cause.

2- Infections urinaires et parasitoses :

Elles sont très fréquemment associées à une hématurie.

En fait, l’infection n’est qu’un symptôme qui doit faire rechercher systématiquement sa cause.

Il peut s’agir d’infections à germes banals, de bilharziose voire de tuberculose urinaire.

3- Tumeurs du parenchyme rénal :

Elles sont révélées par une hématurie dans environ 30% des cas.

Le saignement est provoqué par un envahissement de la voie excrétrice par la tumeur, ce qui indique le plus souvent que la tumeur est évoluée.

La circonstance de découverte la plus fréquente n’est plus actuellement l’hématurie, mais l’examen du contenu abdominal par échographie qui permet un diagnostic précoce des tumeurs du rein.

4- Tumeurs de la voie excrétrice :

L’hématurie révèle les tumeurs de la voie excrétrice dans 85% des cas.

L’urographie intraveineuse permet d’en faire le diagnostic.

5- Malformations vasculaires rénales :

Elles sont exceptionnelles, mais peuvent entraîner des saignements de grande abondance qui nécessitent parfois un traitement en urgence.

Il peut s’agir d’angiomes artériels situés au niveau d’une papille, d’anévrisme artériel fissuré dans la voie excrétrice ou de fistules artérioveineuses plus ou moins complexes.

Ces anomalies peuvent parfois être difficiles à mettre en évidence, et justifient l’utilisation de techniques d’imagerie spécifiques comme l’artériographie et (ou) la phlébographie rénales.

6- Traumatismes accidentels ou iatrogéniques du haut appareil urinaire :

Ils ne posent pas de problèmes diagnostiques.

Néanmoins, une fistule artérioveineuse ou un faux anévrisme provoqués par une ponction-biopsie rénale peuvent se révéler par une hématurie abondante, plusieurs semaines après le geste responsable.

C – Anomalies du bas appareil urinaire :

1- Infection et calculs urinaires :

Ils sont, comme pour le haut appareil, responsables de la majorité des hématuries.

Il s’agit des cystites et des calculs de vessie.

Il convient d’en rapprocher les corps étrangers vésicaux, la bilharziose et la tuberculose urinaire.

2- Tumeurs de la vessie :

Elles sont bénignes ou malignes, révélées dans plus de 85 % des cas par une hématurie volontiers terminale.

La cystoscopie est l’examen indispensable qui permet de confirmer le diagnostic.

3- Hypertrophie bénigne de la prostate :

Elle peut entraîner une hématurie surtout terminale.

Elle survient lors d’une inflammation de la muqueuse ou de la rupture d’un capillaire sanguin sous-muqueux prostatique.

Néanmoins, cette étiologie n’est confirmée qu’après avoir éliminé une autre cause en particulier tumorale.

4- Cancer de la prostate :

Il peut entraîner tardivement une hématurie.

En effet, la tumeur provoque un saignement lorsqu’elle envahit l’urètre prostatique.

5- Cancer urétral :

L’urètre est plus rarement en cause. Il peut s’agir d’urétrite ou de tumeur.

D – Néphropathies organiques :

Elles peuvent être responsables d’hématuries microscopique ou macroscopique.

Il s’agit alors d’hématurie totale, émises sans caillot.

La présence de cylindres hématiques signe le passage des hématies dans les tubules rénaux.

L’association à une protéinurie pathologique (> 0,5 g/24 h) est un bon élément d’orientation pour une néphropathie.

1- Néphropathies glomérulaires :

Elles sont les causes les plus fréquentes d’hématurie parmi les néphropathies organiques.

Des signes extrarénaux, tels que le purpura cutané, les arthralgies ou arthrites, la neuropathie périphérique, les douleurs abdominales orientent vers une maladie générale de type lupus érythémateux disséminé ou angéite nécrosante.

2- Glomérulonéphrites aiguës, subaiguës ou chroniques :

Elles peuvent s’accompagner d’hématurie microscopique permanente associée à une protéinurie, parfois très abondante.

L’hématurie est très évocatrice de lésions de nécrose du capillaire glomérulaire ou de lésions prolifératives glomérulaires endo- et (ou) extracapillaires.

L’association d’hématurie, de protéinurie, d’hypertension artérielle, d’un oedème et d’une insuffisance rénale représente le syndrome néphritique, caractéristique de la glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique mais il peut aussi s’observer dans d’autres types de glomérulopathies comme les glomérulonéphrites membrano-prolifératives.

La ponction-biopsie rénale permet de préciser les formes histologiques de ces glomérulonéphrites.

3- Maladie de Berger ou maladie à dépôts mésangiaux d’IgA :

Elle est la 1re cause de néphropathie glomérulaire chronique en France.

Le tableau typique mais inconstant est constitué par des hématuries macroscopiques récidivantes survenant 24 à 48 h après le début d’épisodes infectieux de la sphère rhinopharyngée.

Entre ces épisodes, une hématurie microscopique permanente, associée ou non à une protéinurie, est observée.

4- Syndrome d’Alport :

Il est également associé à des hématuries macroscopiques à répétition.

Ce syndrome est une néphropathie héréditaire, associée à une surdité de perception, de transmission, le plus souvent dominante liée à l’X mais il existe aussi des formes autosomiques, récessives ou dominantes.

Des antécédents familiaux sont fréquemment retrouvés.

5- Glomérulonéphrites extracapillaires :

Dites subaiguës malignes, elles peuvent se manifester par une hématurie macroscopique suivie d’une insuffisance rénale aiguë oligo-anurique sans hypertension artérielle.

6- Autres néphropathies :

  • Les néphrites interstitielles immuno-allergiques surviennent après une prise médicamenteuse (pénicillines, sulfamides, rifampicine…), et sont associées à une fièvre, une éruption urticarienne, une hyperéosinophilie ou une cytolyse hépatique.

L’hématurie macroscopique fait découvrir l’insuffisance rénale aiguë associée.

  • La polykystose rénale est une maladie héréditaire autosomique dominante, responsable d’hématuries macroscopiques à répétition.

Le diagnostic est fait par la palpation des 2 gros reins et confirmé par l’échographie montrant des gros reins comportant de très nombreux kystes liquidiens. Une polykystose hépatique est souvent associée.

  • La nécrose papillaire est aussi une cause d’hématurie, habituellement macroscopique.

Elle complique les néphrites interstitielles chroniques secondaires aux analgésiques, la néphropathie diabétique et la drépanocytose.

L’hématurie peut s’accompagner de douleurs lombaires et d’une aggravation de l’insuffisance rénale.

L’échographie peut montrer l’absence de papilles dans un fond caliciel et une dilatation des cavités pyélocalicielles quand la papille détachée obstrue la voie excrétrice.

  • Une atteinte vasculaire est plus rarement à l’origine de l’hématurie soit par atteinte des gros vaisseaux (infarctus rénal par embolie dans l’artère rénale sur cardiopathie emboligène ou par thrombose athéromateuse, thrombose des veines rénales compliquant un syndrome néphrotique), soit par atteinte des petits vaisseaux (angéites nécrosantes, et plus rarement microangiopathie thrombotique).

E – Hématurie « idiopathique » :

Environ 10 % des hématuries macroscopiques, même en cas d’exploration complète, restent sans diagnostic étiologique précis.

Il est alors nécessaire de surveiller le patient et de ne pas hésiter à faire un nouveau bilan en cas de récidive du saignement avec, si possible, une cystoscopie en période hématurique.

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