Salpingites aiguës

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L’infection tubaire est un syndrome clinique lié à l’ascension d’agents infectieux du vagin et du col vers l’endomètre, les trompes et les structures voisines. La salpingite aiguë est une variété clinique bruyante mais les formes insidieuses sont fréquentes. Quel que soit le tableau clinique, l’évolution vers des séquelles tubaires est possible, responsables de stérilités et de grossesses extra-utérines. Il s’agit donc d’un problème socio-économique important. Le nombre d’infections utéro-annexielles (100.000 par an en France) semble en diminution actuellement car les campagnes de prévention et d’information sur le SIDA encouragent les jeunes partenaires à se protéger (préservatifs). Mais les salpingites aiguës frappent maintenant les jeunes filles de 15 à 19 ans dans plus de 30% des cas en raison de la précocité des rapports sexuels, de la multiplicité des partenaires et du non-respect des règles de prévention.

MODE DE TRANSMISSION :

Salpingites aiguës* Il s’agit de maladies sexuellement transmissibles (MST) qui franchissent la barrière cervicale pour atteindre l’utérus et les trompes. La glaire cervicale s’oppose habituellement à l’ascension de la flore vaginale qui est polymicrobienne et varie au cours de la vie génitale : en fonction de l’âge, du cycle, de l’existence d’une grossesse, de la contraception, de l’hygiène, des traitements (antibiotiques).

* Cette flore peut devenir pathogène du fait d’un déséquilibre hormonal, d’une immunodépression, ou encore en post-partum ou post-abortum.

* L’ascension des germes est facilitée par toutes les manœuvres endo-utérines (biopsie, hystéroscopie, curetage, pose de stérilet). On distingue donc les salpingites d’origine vénérienne (Chlamydia trachomatis, gonocoques), les salpingites iatrogènes (flore commensale), et les salpingites de contiguïté (appendicite, sigmoïdite, péritonite).

GERMES EN CAUSE :

* Chlamydia trachomatis : c’est l’agent infectieux le plus fréquemment retrouvé dans les salpingites aiguës et chroniques. C’est une bactérie à reproduction strictement intracellulaire, les corps élémentaires sont libérés et vont infecter les cellules voisines. Leur mise en évidence est parfois difficile ; la PCR semble prometteuse tant au niveau des prélèvements internes (col, trompes, urètre) que dans les urines.

* Neisseria gonorrhoeae : autrefois l’agent infectieux classique des infections uro-génitales. Actuellement, il est retrouvé dans moins de 20% des cas. Sa sensibilité au froid rend parfois sa mise en évidence difficile.

* Les bactéries opportunistes issues de la flore vaginale : streptocoques, staphylocoques, entérobactéries (Klebsiella, Escherichia coli, Proteus), entérocoques. Souvent, plusieurs types de bactéries peuvent être mises en évidence (notion d’étiologie polymicrobienne).

* Les Mycoplasma hominis et Ureaplasma urealyticum : leur responsabilité dans la survenue d’une salpingite est sujette à caution.

PHYSIOPATHOLOGIE :

Initiée par une MST, une inflammation tubaire monomicrobienne est ensuite envahie par des germes opportunistes. La destruction tissulaire favorise l’apparition des anaérobies.

L’ascension des germes (Chlamydia trachomatis, gonocoque) via la gouttière pariéto-colique droite jusqu’au foie est responsable de périhépatite caractéristique (aspect en corde de violon).

ANATOMOPATHOLOGIE :

* L’aspect tubaire macroscopique est composé d’inflammation, avec œdème (trompes rouges et brillantes). Il existe un écoulement purulent retrouvé également au niveau du cul-de-sac de Douglas.

* A un stade plus avancé, les trompes deviennent rigides, avec de nombreux dépôts de fibrine qui les unissent aux organes avoisinants (ovaires, péritoine, anses intestinales).

* Ultérieurement, les lésions sont telles qu’une nécrose tissulaire est responsable d’abcès tubaires (pyosalpinx) autour desquels l’épiploon et les anses digestives viennent s’agglutiner.

* Plus tard, séquelles adhérentielles, lésions intratubaires et hydrosalpinx sont irréversibles.

DIAGNOSTIC :

Le tableau typique de salpingite aiguë est celui d’une infection à localisation pelvienne. Les formes cliniques sont nombreuses, jusqu’aux formes asymptomatiques.

Le diagnostic est fondé sur la cœlioscopie, les prélèvements bactériologiques et les sérologies des MST.

* Cœlioscopie : certes invasive, elle conserve un triple intérêt diagnostique, pronostique et thérapeutique.

* Prélèvements bactériologiques, à effectuer soigneusement au niveau génital et oral, ils ont également un triple intérêt :

– diagnostique : identification du germe en cause.

– thérapeutique : antibiogramme.

– épidémiologique : recherche de MST (germes extracellulaires et intracellulaires).

Au chapitre des prélèvements bactériologiques, il ne faut jamais oublier de pratiquer des hémocultures en cas de fièvre.

* Enfin les sérologies de toutes les MST seront demandées. Pour les anticorps anti-chlamydiens, les IgM apparaissent en quelques jours ; leur disparition en moins de 3 mois serait un bon argument d’efficacité thérapeutique. Les IgG et les IgA augmentent vers la 2e ou 3e semaine et persistent quelques mois, voire des années, et un titrage supérieur à 1/64 d’IgG est habituel dans les atteintes tubaires.

* L’examen et les prélèvements du partenaire sont indispensables.

* En raison du risque de dissémination, hystérographie et hystéroscopie sont formellement contre-indiquées.

Diagnostic :

CLINIQUE :

La salpingite aiguë est une infection tubaire par infection ascendante d’une MST le plus souvent.

Tableau clinique :

Une jeune femme de moins de 25 ans consulte pour :

* une douleur hypogastrique :

– intense ou discrète.

– avec ou sans paroxysmes.

– uni- ou bilatérale.

– irradiant vers les cuisses, les organes génitaux externes, les lombes, l’articulation sacro-iliaque.

– de survenue récente (2 ou 3 jours).

* un syndrome infectieux sévère avec fièvre à 39°C-39,5°C (inconstante), pouls accéléré, parfois frissons ; l’état général est conservé au début.

* des leucorrhées parfois purulentes.

Interrogatoire :

* Il recherche des signes d’accompagnement :

– brûlures mictionnelles.

– nausées.

– vomissements.

– ténesme.

– épreintes.

* Il précise les antécédents gynéco-obstétricaux :

– parité.

– date et caractère des dernières règles.

– antécédents de salpingite.

– mode de contraception.

– explorations endo-utérines récentes.

– habitudes sexuelles.

– partenaires multiples.

– notion de contage (plaintes du ou des partenaires).

* Il recherche des antécédents chirurgicaux (appendicectomie, cœlioscopie).

Examen :

* L’inspection retrouve :

– une langue saburrale.

– une respiration thoracique et abdominale normale.

– parfois une cicatrice d’appendicectomie, de cœlioscopie.

* A la palpation :

– défense hypogastrique sans contracture.

– le reste de l’abdomen est souple (McBurney).

– les fosses lombaires sont libres.

* L’examen gynécologique :

– au niveau vulvaire : peut montrer un écoulement purulent, une rougeur, parfois une ulcération ou des condylomes.

– au niveau du méat urétral : recherche une inflammation.

– au niveau cervical, après mise en place délicate du spéculum, permet de noter l’aspect du col (cervicite) et de prélever la leucorrhée si elle est présente.

– le toucher vaginal sans savon, combiné au palper abdominal, est très douloureux, surtout à la mobilisation utérine ; les culs-de-sac et les annexes sont parfois empâtés, douloureux.

– le toucher rectal explore le cul-de-sac de Douglas, les paramètres.

– on complétera par l’examen de l’anus, des membres à la recherche de signes d’arthrite, de la bouche et des amygdales (gonocoque, VIH).

– si le partenaire est présent, l’interrogatoire et l’examen de celui-ci seront réalisés à la recherche de signes d’orchite, de prostatite ou de balanite.

– des prélèvements bactériologiques sont effectués.

EXAMENS COMPLEMENTAIRES :

Cœlioscopie :

* Rarement pratiquée dans les infections obstétricales, c’est l’examen clé dans les infections iatrogènes ou secondaires aux MST.

* L’indication est formelle chez les patientes nulligestes afin de préserver la fécondité ultérieure par un diagnostic bactériologique et un bilan des lésions.

* On recherchera :

– une inflammation tubaire : rougeur, œdème, épaississement.

– un exsudat séro-purulent qui peut sourdre du pavillon.

– un exsudat fibrineux, des fausses membranes qui recouvrent trompes, péritoine, ovaires.

– un liquide purulent au niveau du cul-de-sac de Douglas (prélèvement indispensable).

– des adhérences pelviennes surtout péri-tubo-ovariennes.

– des trompes bouchées, dilatées par le pus : pyosalpinx.

– de gros ovaires, inflammatoires, parfois avec abcès.

– un appendice sain.

– une périhépatite avec adhérences hépato-pariétales en corde de violon.

Prélèvements bactériologiques :

Les prélèvements bactériologiques réalisés avant tout traitement antibiotique ou anti-infectieux local ont un triple intérêt :

– diagnostique : mettre en évidence le ou les germes responsables de l’infection, mais les germes isolés ne sont pas obligatoirement ceux qui sont en cause dans l’infection génitale haute.

– thérapeutique en permettant de réaliser un antibiogramme.

– épidémiologique en cas de MST.

* Ils recherchent des germes extracellulaires parfois fragiles comme le gonocoque, nécessitant un transport rapide pour ensemencement immédiat, mais aussi des germes à développement intracellulaire (Chlamydia, mycoplasmes), qui nécessitent un recueil de cellules par brossage et milieu de transfert adapté. On effectue un ensemencement et une recherche directe d’AG bactérien.

* Les recherches sont effectuées au niveau :

– de l’urètre.

– de l’endocol.

– de l’endomètre et de l’anus.

– du péritoine pelvien, des trompes, du cul-de-sac de Douglas (lors de la cœlioscopie).

* Les prélèvements sont complétés par un ECBU et par une biopsie d’endomètre à la canule de Novak, parfois la seule à prouver l’infection génitale haute.

* En cas d’infection iatrogène, de post-partum ou de post-abortum, les prélèvements seront guidés par l’étiologie.

* Si une fièvre est présente ou s’il existe des frissons, des hémocultures seront demandées.

* Les sérologies des MST sont systématiques (syphilis, hépatite B, VIH). La sérologie des Chlamydia peut orienter le diagnostic si elle est nettement positive.

* Les prélèvements chez le ou les partenaires sont systématiques.

Autres examens complémentaires :

* Hyperleucocytose et augmentation de la vitesse de sédimentation sont inconstantes mais leur prescription est systématique.

* Le dosage plasmatique des bêta-HCG est systématique devant un  » cafouillage des règles  » afin d’écarter le diagnostic de grossesse extra-utérine.

* L’échographie pelvienne est rarement une aide au diagnostic ; elle retrouve parfois une image liquidienne para-utérine ou un épanchement dans le cul-de-sac de Douglas.

* La culdocentèse, à l’aiguille, n’est pas de réalisation aisée chez une patiente très algique. De plus, la contamination du prélèvement par la flore vaginale réduit son intérêt.

* Hystérographie et hystéroscopie sont formellement contre-indiquées.

Diagnostic différentiel :

Il s’agit d’éliminer toutes les causes d’algie pelvienne aiguë d’apparition rapide.

* Appendicite aiguë dont le polymorphisme clinique peut s’imposer pour une salpingite. De plus, une inflammation de contact peut provoquer des douleurs à la mobilisation utérine.

* Une infection urinaire basse, rapidement éliminée sur l’examen des fosses lombaires et sur l’analyse d’urine par bandelette urinaire.

* Une grossesse extra-utérine peut être évoquée devant des métrorragies, associée à des algies brutales. Une fièvre et une hyperleucocytose sont donc trompeuses. C’est le dosage systématique des bêta-HCG qui tranchera.

* Les ruptures de kystes, les hémorragies d’origine ovarienne, les péritonites justifient l’exploration chirurgicale.

Formes cliniques et évolution :

FORMES CLINIQUES :

* Les salpingites sans fièvre et pauci-symptomatiques sont l’apanage des lésions à Chlamydia.

* Les salpingites unilatérales posent surtout un problème diagnostique (appendicite, infection urinaire haute).

* Les formes avec métrorragies au premier plan : il faut systématiquement évoquer une étiologie infectieuse devant des métrorragies traînantes ; des prélèvements bactériens sont toujours effectués dans le bilan étiologique des métrorragies.

* Les formes chroniques après traitement antibiotique à l’aveugle.

ÉVOLUTION :

Évolution spontanée :

* Non ou insuffisamment traitée, la salpingite aiguë évolue vers un tableau d’abdomen chirurgical avec syndrome infectieux sévère.

* Un traitement chirurgical urgent s’impose par cœlioscopie, parfois la laparotomie est nécessaire, et retrouve des lésions étendues : pelvi-péritonite, pyosalpinx, abcès ovarien, appendicite de contact.

* En cas d’évolution silencieuse, les séquelles à long terme se font vers :

– la stérilité (dont la grossesse extra-utérine).

* les algies pelviennes chroniques.

Ces deux complications peuvent survenir même si l’épisode initial a été bien traité.

Évolution sous traitement :

L’évolution est rapidement favorable avec apyrexie et cédation des algies en 2 à 3 jours. La surveillance repose également sur les signes biologiques (NFS, VS) et sur le caractère indolore des touchers pelviens.

Le suivi clinique et bactériologique sera prolongé afin de dépister un passage à la chronicité.

Traitement :

Il est urgent et nécessite une hospitalisation.

TRAITEMENT MÉDICAL :

Antibiothérapie :

Par voie parentérale pendant quelques jours puis relais per os, en utilisant des associations qui seront adaptées aux résultats de l’antibiogramme.

La crainte d’infection à Chlamydia ou mycoplasme conduit à prolonger le traitement pendant 3 semaines au total avec des médicaments possédant une bonne pénétration tissulaire (tétracycline, macrolides, fluoroquinolones).

Autres mesures thérapeutiques :

– Anti-inflammatoires (non stéroïdiens ou corticoïdes).

– Repos.

– Glace sur le pelvis.

– Traitement contemporain du partenaire.

– Rapports sexuels retardés ou protégés.

– Retrait d’un dispositif intra-utérin.

COELIOSCOPIE :

* La cœlioscopie réalise des prélèvements bactériologiques, permet le bilan lésionnel et une adhésiolyse atraumatique.

* La cœlioscopie de contrôle permet de vérifier la guérison et traite les séquelles adhérentielles.

* Elle n’est pas systématique, réservée aux femmes désireuses de grossesse.

PRÉVENTION :

La prévention nécessite :

– l’information sur les MST et sur la contraception.

– le dépistage précoce chez l’adolescente.

– le dépistage et le traitement du ou des partenaires.

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