Prolapsus génitaux

0
2426

Le prolapsus génital est une entité anatomoclinique. L’issue des organes pelviens par l’orifice vulvaire s’accompagne de troubles fonctionnels qui sont habituellement le motif de consultation. Toutes les formes intermédiaires peuvent s’observer, depuis l’anomalie anatomique ovarienne peu gênante jusqu’au prolapsus total extériorisé, très invalidant.

PHYSIOPATHOLOGIE DES PROLAPSUS :

Éléments anatomiques :

Prolapsus génitauxLe diagnostic et le traitement des prolapsus génitaux reposent sur la connaissance des éléments anatomiques intervenant dans la statique et la dynamique des viscères pelviens.

* Ceux-ci sont maintenus par deux groupes de structures :

– le diaphragme pelvien et le périnée : le diaphragme pelvien est constitué de muscles élévateurs de l’anus et de muscles coccygiens. Il limite un point faible, la fente uro-génitale .

– les structures conjonctives pelviennes : paracervix, paramètres, lames recto-génito-vésicales. ainsi que les septum entre vessie, vagin, utérus et rectum. Ces derniers présentent des surfaces d’accolement de grande valeur mécanique : ils assurent une cohésion solide entre les organes et une élasticité qui permet une répartition des contraintes.

* Il existe deux types de contraintes de pression : le propre poids des viscères en orthostatisme et les pressions abdominales, surtout à l’effort.

– L’orientation des viscères pelviens en  » marche d’escalier  » leur permet de s’opposer aux contraintes. La vessie repose sur le vagin, le col utérin et le vagin s’appuient sur le noyau fibreux central du périnée, rectum et ligament ano-coccygien sont maintenus par les muscles élévateurs.

– Lorsque le plancher pelvien est de bonne qualité, la résultante des forces de pression se dirige en arrière vers le noyau fibreux. A la poussée, les viscères se déplacent vers l’arrière et non vers le bas, ainsi ils restent dans l’enceinte manométrique abdominale. Cette disposition permet d’absorber les à-coups de pression (toux, efforts, éternuements…).

– Un effort de retenue volontaire est possible par action synergique du muscle releveur et du sphincter externe de l’anus. Cette contraction est aussi réflexe (proprioceptive) et provoque la fermeture des angles viscéraux urétro-vésical, vaginal et ano-rectal et la clôture de la fente uro-génitaire.

* La statique pelvienne est donc sous la dépendance du système d’orientation de l’utérus (ligaments utéro-sacrés), de son système de suspension (paracervix) et du soutènement pelvien (muscle élévateur et noyau fibreux central).

* La continence d’urine à l’effort est assurée par la position anatomique de la jonction vésico-urétrale dans l’enceinte manométrique abdominale et par la transmission à l’urètre des augmentations de pression abdominale.

* Les prolapsus génitaux sont liés à la modification des contraintes et des structures de soutien des organes pelviens.

Contraintes :

– Le poids des viscères est augmenté lors de l’obésité et de la grossesse.

– La pression intra-abdomianle : en cas de faiblesse de la paroi abdominale, les pressions sont supportées passivement par les muscles élévateurs et le périnée qui s’affaissent.

– La direction de la résultante des pressions se dirige normalement vers le périnée postérieur. La ménopause, l’âge, l’obésité modifient les axes osseux et musculaires et les pressions se dirigent vers la fente vulvaire, ce qui favorise le prolapsus.

Le traitement chirurgical peut rétablir un point d’appui postérieur (myorraphie des releveurs) pour le vagin et par son intermédiaire pour la vessie et l’utérus.

Modifications des structures :

* Grossesse et accouchement provoquent une altération des ligaments génitaux, des muscles élévateurs, des septum, principalement par élongation et désinsertion.

– L’étirement des nerfs et des muscles aboutit à une dénervation.

– L’élongation de l’urètre et de son sphincter est responsable des incontinences urinaires d’effort du post-partum.

* Ménopause :

– la sclérose et l’infiltration adipeuse des muscles, des ligaments et des surfaces d’accolement diminuent leur valeur de soutènement et de suspension des organes pelviens .

– les contraintes sont donc assez mal réparties et les organes moins solidaires, favorisent le prolapsus d’un segment par rapport aux autres.

* Chirurgie :

– l’hystérectomie : l’utérus, par effet pelote, peut masquer un prolapsus ou une incontinence urinaire potentielle : soutènement d’un organe pelvien par un autre, ce dernier étant prolabé ou de volume anormal .

– la chirurgie des cancers pelviens (rectum, col de l’utérus) entraîne des altérations mécaniques et neurologiques (plexus hypogastrique).

* Etiologies congénitales par modification osseuse ou congénitale (spina bifida) : prolapsus chez les jeunes femmes multipares.

* Amaigrissement rapide et récent : comme pour les hernies de la paroi abdominale.

Conséquences fonctionnelles :

* Extériorisation d’un prolapsus à l’orifice vulvaire avec sensation de gêne, parfois douleurs.

* Difficultés à l’exonération, constipation chronique et nécessité de réintégration des prolapsus postérieurs pour émettre des selles.

* Incontinence d’urine par insuffisance sphinctérienne (chute de la pression de clôture) qui se manifeste par des urgences mictionnelles et des fuites non rythmées, parfois aux efforts.

* Incontinence par défaut de transmission (modification de la position du col vésical) caractérisée par des fuites peu importantes survenant au cours de l’a cmé d’un effort (toux).

* Incontinence par vessie instable (urgences mictionnelles avec fuites).

INCONTINENCE URINAIRE :

L’interrogatoire et l’examen clinique sont indispensables pour analyser ce type de fuites d’urine mais l’examen urodynamique est devenu presque systématique. Il permet de mettre en évidence :

– le mécanisme de l’incontinence urinaire : IUE ou instabilité vésicale .

– une IUE potentielle qui risquerait de se révéler après l’acte chirurgical.

* La cystomanométrie :

– mesure la pression intravésicale et urétrale lors du remplissage de la vessie .

– permet de diagnostiquer les instabilités vésicales (le premier besoin mictionnel est prématuré, et il existe des contractions vésicales involontaires) et les instabilités urétrales.

* La sphinctérométrie mesure les forces de clôture :

– le profil urétral mesure la pression tout au long de l’urètre. Une insuffisance sphinctérienne correspond à une baisse de la pression de clôture de plus de 20% .

– le profil dynamique se déroule de la même manière au cours d’effort de toux. Il étudie la transmission des pressions abdominales à l’urètre .

– un défaut de transmission correspond à l’effondrement de la pression de clôture lors des efforts de toux .

– l’incontinence potentielle correspond à un taux de transmission inférieur à 70%, compensé par une bonne pression de clôture.

* La débimétrie est toujours réalisée. Elle permet de dépister un obstacle urétral ou une vessie acontractile (hypotonique).

* Le  » patch test  » et le  » stop test  » sont des mesures de volume des urines émises dans des conditions normales et permettent d’évaluer l’efficacité d’une thérapeutique notamment chirurgicale.

Au total, l’examen urodynamique permet d’évaluer les différents facteurs de l’incontinence, mais la valeur du défaut de transmission ainsi évaluée n’est pas toujours corrélée avec la continence.

Le bilan urodynamique cherche essentiellement à mettre en évidence une éventuelle contre-indication à un geste de colposuspension (comme par exemple une insuffisance sphinctérienne importante ou une acontractilité vésicale).

Ce qu’il faut retenir :

Le prolapsus génital est un motif fréquent de consultation en gynécologie du fait du vieillissement de la population et d’une demande de prise en charge des symptômes qui étaient autrefois négligés.

L’incontinence urinaire d’effort est indissociable de l’approche du prolapsus et l’examen urodynamique a une part essentielle dans l’étape diagnostique.

Les indications thérapeutiques sont délicates. La chirurgie doit tenir compte de la plainte de la patiente, du désir éventuel de grossesse, de l’activité sexuelle et doit traiter chaque compartiement du prolapsus.

Définition :

Le prolapsus est l’issue anormale des viscères pelviens au niveau de l’orifice vulvo-vaginal.

* Les stades sont définis par rapport à l’orifice vulvaire :

– stade 1 : prolapsus ne dépassant pas la vulve .

– stade 2 : prolapsus à hauteur de la vulve .

– stade 3 : prolapsus extériorisé.

* Différents segments sont concernés, souvent associés entre eux :

– en avant : cystocèle, parfois urétrocèle, prolapsus de la vessie tapissée de la paroi vaginale antérieure .

– au milieu : hystérocèle (prolapsus de l’utérus), érytrocèle (prolapsus du cul-de-sac de Douglas) .

– en arrière : rectocèle (prolapsus du rectum tapissé de la paroi vaginale postérieure).

Diagnostic clinique :

CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE :

Les circonstances de découverte sont les suivantes.

– Douleurs pelviennes ou lombaires, rares . il s’agit le plus souvent d’une gêne ou d’une pesanteur pelvienne.

– Saillie anormale au niveau de la vulve.

– Incontinence urinaire d’effort.

– Dyspareunie.

– Métrorragie (rare), par ulcération du col.

ÉTIOLOGIE :

* Facteurs constitutionnels : l’anatomie du pelvis féminin fait que la fente uro-génitale est une zone de faiblesse potentielle. Des modifications congénitales osseuse ou musculaire peuvent l’accentuer.

* Facteurs acquis : ils restent néanmoins prépondérants. Dans ce domaine, les antécédents obstétricaux sont les plus significatifs (gros bébé, multiparité, manœuvre obstétricale, périnée cicatriciel).

EXAMEN PHYSIQUE :

La mise en évidence des différents éléments du prolapsus se fait en reproduisant les circonstances d’apparition :

– vessie pleine (sauf pour le toucher vaginal) .

– position gynécologique, debout et accroupie .

– effort de poussée, toux.

Inspection :

L’analyse du prolapsus comporte l’inspection, qui note les saillies anormales, puis l’examen au spéculum, qui révèle les prolapsus latents en refoulant les segments spontanément prolabés.

* Segment antérieur :

– saillie de la paroi vaginale antérieure d’abord striée (colpocèle du segment urétral) puis lisse (colpocèle du segment vésical ou cystocèle), aux efforts de poussée .

– la valve postérieure du spéculum appliquée sur la paroi postérieure du vagin révèle une colpocèle antérieure ou une incontinence urinaire masquée. Placée en avant du col utérin, elle met en tension la paroi antérieure du vagin et explore les connexions vésico-vaginales.

* Segment postérieur : colpocèle postérieure, patente ou révélée par la manœuvre de la valve antérieure, lors d’efforts de poussée.

* Segment utérin : hystérocèle, patente ou révélée aux efforts de poussée lors du retrait progressif du spéculum et à la traction sur le col par une pince de Pozzi.

Toucher vaginal :

Le toucher vaginal explore :

– l’utérus : mobilité, volume, longueur du col .

– les annexes .

– la musculature des releveurs.

Toucher rectal :

Le toucher rectal explore :

– le tonus du sphincter anal .

– une rectocèle et une érytrocèle .

– la cloison recto-vaginale s’il est combiné au toucher vaginal.

Incontinence urinaire :

L’incontinence urinaire est recherchée au cours de cet examen en demandant à la femme de tousser, vessie en réplétion.

Deux manœuvres complètent ce bilan :

* manœuvre de Bethoux : refoulement du col utérin par un clamp courbe en appui sur la fourchette vulvaire .

* manœuvre de Bonney :

– lors du TV, deux doigts sont placés de part et d’autre de l’urètre en les rapprochant du pubis .

– mais surtout en remontant le cul-de-sac vaginal antérieur vers la cavité abdominale (réintégration du col vésical et du sphincter dans l’enceinte abdominale) .

* les deux manœuvres sont dites positives si elles stoppent la fuite urinaire, et orientent vers une IUE par cervico-cystoptase.

On recherche également une fistule vésico-vaginale.

Diagnostic différentiel :

Le diagnostic différentiel ne concerne que le problème de l’incontinence.

* Instabilité vésicale :

– incontinence urinaire spontanée, à vessie pleine parfois déclenchée par une émotion, le froid… mais pas par un effort .

– précédée d’un besoin intense et douloureux .

– avec pollakyurie et nycturie .

– secondaire à une infection, un calcul, ou un polype vésical, ou à une épine irritative comme une cystocèle ou une hernie discale. Des troubles psychogènes peuvent induire une instabilité vésicale (absence d’inhibition du parasympathique par les centres supérieurs).

* Déperditions d’urine :

– fistule .

– méga-urètre .

– diverticule ou kyste urétral.

* Troubles mictionnels :

– énurésie, olyurie, miction par rengorgement .

– infection urinaire, urétro-trigonite .

– lithiase vésicale, tumeur urothéliale, endométriose vésicale.

Examens complémentaires :

Examen cytobactériologique de l’urine :

L’ECBU doit être systématique afin d’éliminer une origine infectieuse à d’éventuels troubles urinaires.

Frottis cervico-vaginaux :

Des frottis cervico-vaginaux doivent être pratiqués de façon systématique, surtout en cas de chirurgie.

Ils seront complétés en cas de point d’appel (frottis douteux, métrorragie, lésions cervicales…) par :

– une hystérosalpingographie et/ou curetage utérin biopsique et/ou hystéroscopie .

– une colposcopie.

Echographie :

L’échographie permet de dépister une tumeur annexielle.

Enfin, c’est une exploration non invasive qui peut être utilisée pour évaluer la position du sphincter urétral dans le cadre d’une incontinence associée.

Urographie intraveineuse :

Systématique pour certains, l’UIV n’est pas toujours pratiquée.

Elle permet de mettre en évidence :

– une dilatation des voies excrétrices .

– le trajet des uretères (surtout dans le cas de fibromes développés dans le ligament large ou à la face postérieure de l’isthme) .

– une fistule vésico-vaginale.

Colpocystogramme :

Le colpocystogramme est progressivement abandonné.

Examen urodynamique :

D’indications de plus en plus larges, l’examen urodynamique permet de mettre en évidence :

– le mécanisme de l’incontinence urinaire : IUE ou instabilité vésicale .

– une IUE potentielle qui risquerait de se révéler après la chirurgie d’un prolapsus .

– la cystomanométrie mesure les pressions vésicales, notamment au cours du remplissage. Elle dépiste les instabilités mictionelles (contractions non inhibées du détrusor) .

– le profil statique mesure les pressions de clôture urétrale au repos et surtout sa longueur. Il dépiste les insuffisances sphinctériennes et les instabilités urétrales .

– le profil dynamique mesure les variations de pressions urétrales au cours d’effort de toux et par conséquent la qualité de la transmission des pressions abdominales à l’urètre. Le défaut de transmission est caractéristique des IUE pures .

– la débitmétrie dépiste un obstacle urétral ou une vessie contractile.

Bien entendu les mécanismes étiologiques de l’incontinence sont souvents intriqués.

Conclusion :

C’est plus l’inconfort allégué par la patiente, souvent sans rapport avec le degré du prolapsus et de l’incontinence, qui détermine la conduite à tenir.

L’examen doit permettre d’évaluer le bénéfice attendu d’une thérapeutique par rapport à cet inconfort et aux lésions latentes qu’elle pourrait révéler.

Il faut également prendre en compte le désir de maintien d’une fécondité et d’une activité sexuelle.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.