Ostéoporose

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L’ostéoporose est une affection diffuse du squelette, caractérisée par une diminution de la masse osseuse et par des modifications micro-architecturales du tissu osseux, conduisant à une augmentation de la fragilité osseuse et de la susceptibilité aux fractures. On étudiera ici l’ostéoporose commune à l’exclusion des autres causes d’ostéopathies raréfiantes qui ne seront abordées que dans le diagnostic différentiel. Jusqu’à ces dernières années le diagnostic d’ostéoporose était porté devant la survenue d’un tassement vertébral, d’une fracture du col fémoral ou du poignet. Il est maintenant possible de faire le diagnostic avant la survenue d’une fracture, grâce à la mesure de la densité osseuse par absorptiométrie biphotonique à rayons X.

PHYSIOPATHOLOGIE :

OstéoporoseLe vieillissement osseux, lent et régulier, débute vers l’âge de 30 ans, âge auquel est atteint le pic de masse osseuse de l’adulte : une baisse lente de l’ordre de 0,5% par an de la densité calcique survient au niveau de l’os trabéculaire, alors qu’aucune diminution n’est notée dans l’os cortical.

A la ménopause, une perte rapide de l’os trabéculaire et cortical survient pendant près de 10 ans, pouvant atteindre 2% par an.

Après cette période, à nouveau survient une perte lente de l’ordre de 0,5% par an. Ainsi, à 80 ans la femme a perdu, en moyenne, 50% de son pic de masse osseuse.

Chez l’homme, ou il n’y a pas de perte rapide, la diminution n’est que de 10 à 15%.

Deux mécanismes essentiels :

Deux mécanismes interviennent dans l’ostéoporose primitive : les carences en estrogènes et en calcium.

Carence en estrogènes

La perte osseuse aigu‘ observée chez la femme après la ménopause est liée à la carence en estrogène responsable d’une hyperrésorption osseuse.

Celle-ci aboutit à des perforations des travées osseuses, voire à des disparitions complètes de travées, dont le résultat est l’apparition de troubles architecturaux qui viennent s’ajouter à la diminution de la masse osseuse.

Carence calcique

La carence calcique est pratiquement constante chez le sujet âgé.

Elle est due à un déficit de l’alimentation et à une diminution de l’absorption digestive calcique.

– En effet, l’apport calcique est très fréquemment insuffisant chez les sujets âgés, de l’ordre de 500 à 700mg/j alors qu’il devrait se situer autour de 1.500mg.

– Ce déficit est aggravé par une détérioration de la fonction rénale, une carence protidique surajoutée et parfois une fuite calcique en cas d’hypercalciurie.

– Cette carence calcique relative est responsable d’un hyperparathyroïdisme secondaire qui va entraîner une stimulation de l’activité ostéoclastique responsable de perforations des travées osseuses engendrant des troubles architecturaux.

Autres facteurs :

D’autres facteurs peuvent intervenir.

Pic de masse osseuse

Le pic de masse osseuse noté à la fin de la période de croissance osseuse conditionne ce qui se passera 20 à 50 ans plus tard.

– Si ce pic est élevé, il faut une perte très importante de la masse osseuse pour descendre sous le seuil de fracture spontanée des os.

– Si ce pic est peu élevé, la perte physiologique de la ménopause suffit au franchissement du seuil de fracture.

Ainsi, certains auteurs insistent sur ce qui se passe avant 30 ans (régime alimentaire, exposition solaire, activité physique) et considèrent que l’ostéoporose est une maladie  » pédiatrique « .

Facteurs mécaniques

Les facteurs mécaniques ne sont pas négligeables.

* La sédentarité aggrave la perte osseuse.

– Toute diminution d’activité physique favorise la perte osseuse.

– A l’inverse, une activité physique soutenue mais non exagérée est bénéfique pour le capital osseux et la masse osseuse après la ménopause.

– Toutefois, l’ostéoporose des marathoniennes et autres sportives de très haut niveau est aussi bien connue et liée à une aménorrhée secondaire par troubles endocriniens dus à l’exercice lui-même.

* Après 70 ans le rôle des chutes est extrêmement important dans le déterminisme des fractures du col du fémur : les facteurs liés à l’environnement (lumière, tapis), médicamenteux (antihypertenseurs, antidiabétiques) et médicaux (baisse de la vision, épilepsie) sont à considérer.

Facteurs génétiques

Les facteurs génétiques sont importants à prendre en compte.

– Les Blancs ou les Asiatiques sont beaucoup plus touchés par l’ostéoporose que les Noirs.

– L’existence d’une ostéoporose chez la mère ou une soeur d’une patiente constitue un facteur de risque.

– Récemment, on a mis en évidence chez des Australiens que la masse osseuse était liée au génotype du récepteur de la vitamine D. Néanmoins, cette relation n’existe pas dans toutes les populations.

Morphotype

Le morphotype joue également un rôle : les sujets minces sont plus exposés que les sujets de forte corpulence, peut-être par un mécanisme hormonal intriqué (synthèse d’estrogène dans le tissu adipeux).

Toxiques

Les toxiques (tabac, alcool, café) ont un rôle encore discuté mais probablement néfaste.

Épidémiologie :

L’augmentation rapide et permanente de la durée de vie, surtout chez la femme, accro”t la prévalence de l’ostéoporose. Quelques chiffres peuvent en donner une idée :

– chaque année, 400.000 femmes atteignent la ménopause .

– sur 100 femmes à l’âge de la ménopause, 17 présenteront un tassement vertébral, 18 une fracture du col du fémur au cours des 34 ans de vie restants.

Tassements vertébraux :

L’épidémiologie des tassements vertébraux n’est pas parfaitement précisée.

Leur incidence annuelle se situerait autour de 50.000 à 75.000 nouveaux tassements par an mais il est possible que ce chiffre soit sous-estimé en raison du caractère fréquemment asymptomatique.

On admet actuellement qu’une femme sur quatre de plus de 70 ans présente au moins un tassement vertébral.

Fracture du col fémoral :

L’épidémiologie de la fracture du col fémoral a été mieux étudiée : on dénombre environ 45.000 à 60.000 fractures du col fémoral par an en France.

On admet que, à 90 ans, une femme sur trois et un homme sur six présentent une telle fracture.

La fracture du col fémoral est grave car elle a une mortalité élevée (25%) et dans un cas sur deux entraîne une perte d’autonomie.

Le coût total de la prise en charge, chirurgie et rééducation, était évalué à 5 milliards de francs en France à la fin des années 1980.

Formes cliniques :

Ostéoporose de type I :

L’ostéoporose de type I ou ostéoporose postménopausique est prédominante chez la femme (6 femmes pour 1 homme), et touche préférentiellement l’os trabéculaire et est donc responsable de tassements vertébraux ou de fractures de l’avant-bras (Pouteau-Colles).

Cette ostéoporose est liée chez la femme à la carence estrogénique induite par la ménopause. Lors de l’arrêt de sécrétion des estrogènes, on observe une libération de l’activité ostéoclastique qui va perforer les travées osseuses et entraîner une raréfaction rapide de l’os.

Ostéoporose de type II :

Dans l’ostéoporose de type II ou ostéoporose sénile, la prépondérance féminine est moins nette (deux femmes pour un homme).

L’ostéoporose affecte le tissu osseux dans son ensemble, cortical et trabéculaire.

Elle est responsable, en plus des fractures précédemment décrites, de fractures du col fémoral et de fractures ou fissures dites par insuffisance osseuse (fractures des côtes, des branches ilio-pubiennes et ischio-pubiennes, du sacrum en  » H « , de l’extrémité supérieure de l’humérus, des métacarpiens ou des métatarsiens).

Forme de l’homme jeune :

Une forme particulière est l’ostéoporose de l’homme jeune qui reste mal connue.

Elle atteint fréquemment un degré sévère. Dans un cas sur deux elle est secondaire et on doit rechercher un hypogonadisme, une corticothérapie, une endocrinopathie sous-jacente, certaines maladies comme la mastocytose ou l’ostéogenèse imparfaite, un éthylisme.

Diagnostic :

CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE :

Les circonstances de découverte d’une ostéoporose sont diverses.

Douleurs :

Les douleurs sont fréquemment révélatrices.

* Au moment d’un épisode fracturaire vertébral, elles siègent au niveau du rachis, lombaire ou dorsal, habituellement sans irradiation.

– Ces douleurs sont volontiers très intenses, obligeant la malade à rester allongée.

– Cependant, le rythme des douleurs reste mécanique et elles s’atténuent progressivement pour disparaître en 6 à 8 semaines.

* Dans l’intervalle de ces épisodes aigus, il existe souvent des rachialgies chroniques plus modérées, augmentées par la station debout ou le port de charges.

– Elles proviennent des troubles de la statique vertébrale, la cyphose dorsale en particulier, causés par les tassements.

– Une diminution notable de la taille peut constituer un signe d’appel.

* D’autres fractures peuvent survenir pour un traumatisme modéré voire absent, au niveau du col fémoral, du poignet, de l’extrémité supérieure de l’humérus.

Déformations vertébrales :

Les déformations vertébrales peuvent être notées sur une radiographie alors même qu’il n’y a pas eu d’épisodes douloureux aigus : 30% des tassements vertébraux sont asymptomatiques.

– Il peut s’agir de fracture d’un plateau vertébral, de tassement en coin ou en galette, de vertèbres biconcaves. Le mur vertébral postérieur est habituellement respecté. Le siège habituel est lombaire ou dorsal bas.

– Le reste du rachis présente une hypertransparence osseuse avec amincissement cortical, la trame osseuse restant homogène.

Il est impossible de faire le diagnostic d’ostéoporose sur la constatation radiologique d’une hypertransparence osseuse : il faut une perte de 30 à 50% de la masse calcique pour qu’elle soit reconnue. Des artefacts liés à la mise au point et à l’affichage des constantes radiographiques sur les consoles rendent compte, le plus souvent, de l’impression d’hypertransparence osseuse.

Densitométrie osseuse :

La densitométrie par absorptiométrie biphotonique à rayons X est une technique simple qui allie la reproductibilité, la précision et l’innocuité.

– Elle calcule des densités calciques surfaciques exprimées eng/cm2, grâce à la mesure de l’atténuation de deux rayonnements fournis par un tube à rayons X à travers le corps d’un sujet positionné en décubitus dorsal sur une table d’examen.

– Les sites étudiés sont habituellement la colonne lombaire et le col fémoral, mais d’autres sites de mesure sont possibles comme l’extrémité inférieure du radius.

* Cet examen entraîne une irradiation très faible, ce qui permet la répétition des mesures. L’inconvénient essentiel est lié à des artefacts par arthrose au niveau de la colonne lombaire ou à des calcifications vasculaires qui viennent se projeter sur la zone mesurée. Chez les sujets âgés après 75 ans on préférera la mesure au niveau du col fémoral.

* Les résultats sont exprimés par rapport à des populations témoins de même sexe. L’expression est faite :

– en Z-score (nombre de déviations standard par rapport à la moyenne des témoins du même âge) .

– et en T-score (nombre de déviations standard par rapport à la moyenne d’une population d’adultes jeunes).

* La définition actuelle de l’ostéoporose proposée par un groupe d’experts de l’OMS est basée sur l’analyse du T-score.

* Cet examen n’est pas remboursé par la Sécurité sociale et ses indications précises sont encore mal codifiées. Certaines semblent se dégager (voir encadré  » Indications de la densitométrie osseuse « ) mais cela reste discuté.

* La mesure ne doit être répétée, pour suivre l’effet d’une thérapeutique ou l’évolution d’une ostéopathie, qu’après 2 ans.

DIAGNOSTIC D’OSTEOPOROSE COMMUNE :

Le diagnostic d’ostéoporose commune repose sur les éléments suivants.

* L’anamnèse vise à mettre en évidence des facteurs de risque :

– antécédents héréditaires d’ostéoporose .

– âge de la ménopause, naturelle ou provoquée . on parle de ménopause précoce avant 45 ans .

– recherche de facteurs de risque tels que : antécédents de corticothérapie prolongée, abus d’alcool, tabagisme important, immobilisation prolongée.

* Le bilan biologique est habituellement normal :

– calcémie, calciurie des 24 heures, phosphorémie, phosphatases alcalines, NFP, électrophorèse des protéines sanguines et urinaires, VS sont normales .

– on retrouve parfois une augmentation de la calciurie du matin, témoin de l’hyperremodelage .

– les phosphatases alcalines peuvent être discrètement élevées au décours d’une fracture.

* Parfois, il sera nécessaire de contrôler un tassement vertébral par un scanner ou une IRM, principalement en cas d’antécédents néoplasiques, d’une irradiation douloureuse ou d’une mauvaise visibilité des contours osseux.

* En pratique courante la biopsie osseuse en aile iliaque n’est plus nécessaire au diagnostic positif d’ostéoporose. L’histomorphométrie osseuse est caractérisée par une diminution du volume trabéculaire osseux, un amincissement des corticales et une diminution de la connectivité des travées osseuses.

* L’exclusion des autres causes de raréfaction osseuse est indispensable.

Diagnostic différentiel :

Deux problèmes doivent être abordés :

– éliminer ce qui n’est pas une ostéoporose .

– puis reconnaître les autres causes d’ostéoporose.

CE QUI N’EST PAS UNE OSTEOPOROSE :

Autres  ostéopathies raréfiantes bénignes :

Ostéomalacie

L’ostéomalacie associe à des troubles osseux (vertèbres biconcaves, stries de Looser-Milkman) des manifestations musculaires (démarche dandinante, pseudo-myopathie).

– Le syndrome biologique associe hypocalcémie, hypocalciurie, hypophosphorémie et élévation du taux des phosphatases alcalines.

– La cause est une carence en vitamine D par carence d’apport, par malabsorption ou par insuffisance rénale.

Hyperparathyroïdie

L’hyperparathyroïdie est de plus en plus souvent reconnue devant une hypercalcémie.

– Cependant des signes osseux tels qu’un aspect granuleux du crâne, une résorption des houppes phalangiennes, des tassements vertébraux peuvent conduire à l’évoquer. L’ostéite fibrokystique est devenue exceptionnelle.

– Le dosage de la parathormone entière permet le diagnostic, en mettant en évidence une élévation du taux, ou en tout cas un taux inapproprié à celui de la calcémie.

Ostéopathies raréfiantes malignes :

Métastase

Un tassement vertébral peut survenir sur une métastase, le plus souvent lytique.

* Sont évocateurs :

– le rythme inflammatoire des douleurs .

– la survenue d’une complication neurologique .

– l’élévation de la VS .

– et, sur la radiographie, une lyse d’un pédicule, l’aspect asymétrique du tassement.

* Le diagnostic sera confirmé par la biopsie et l’examen anatomopathologique.

Myélome

Le myélome peut revêtir l’aspect d’une ostéose décalcifiante diffuse, plus souvent être à l’origine de tassements ou de fractures pathologiques sur géodes.

Outre la clinique, le diagnostic repose sur la constatation d’un pic monoclonal à l’électrophorèse des protéines sériques et urinaires et d’une plasmocytose significative sur le myélogramme.

OSTEOPOROSES SECONDAIRES :

Les ostéoporoses secondaires apparaissent comme une complication de diverses maladies ou comme une conséquence d’une thérapeutique.

Il est important de reconnaître ces formes secondaires car certaines sont susceptibles de traitement.

Ostéoporoses iatrogènes :

Les ostéoporoses iatrogènes sont retrouvées par l’interrogatoire.

Ostéoporose cortisonique

L’ostéoporose cortisonique complique les corticothérapies prolongées prescrites pour des maladies chroniques, quelles qu’elles soient.

* Tous les dérivés cortisoniques exposent à l’ostéoporose même pour des doses journalières basses (5mg) administrées pendant plusieurs années. Une posologie supérieure à 15mg/j entraîne une ostéoporose en 18 mois.

* La physiopathologie de cette ostéoporose cortisonique associe :

– une dépression de l’activité ostéoblastique, par effet direct .

– une diminution de l’absorption intestinale du calcium, sans interaction sur le métabolisme de la vitamine D, responsable d’un hyperparathyroïdisme secondaire, source d’hyperrésorption ostéoclastique.

* L’ostéoporose se constitue d’autant plus facilement que le capital osseux préalable est altéré :

– ainsi, une corticothérapie prescrite chez un sujet jeune a peu de chances d’entraîner une fracture osseuse au début de l’administration du produit .

– à l’inverse, une corticothérapie prescrite à forte dose chez une femme âgée (pour une maladie de Horton par exemple) cumule ses effets à ceux du vieillissement et de la ménopause, et aboutit souvent très rapidement à une ostéoporose .

– cependant, des études ont montré que même chez des sujets jeunes, ayant un capital osseux intact, il est observé, et ce dès les premiers mois de corticothérapie, une perte importante de masse osseuse.

* Les manifestations cliniques de l’ostéoporose cortisonique associent les signes de la raréfaction osseuse aux signes d’hypercorticisme iatrogène : amyotrophie, peau fine et fragile, purpura, faciès cushingoïde, hypertension, diabète.

* Il convient bien sûr d’adapter la dose de corticoïde à la symptomatologie traitée.

* Dans les cas ou il est envisagé un traitement à des doses supérieures à 7,5mg/j d’équivalent prednisone et pour une durée supérieure ou égale à 3 mois, il est recommandé d’associer l’étidronate dès l’instauration de la corticothérapie en traitement préventif de l’ostéoporose cortico-induite.

* L’étidronate (Didronel* 400mg) est indiqué (et remboursé) dans la prévention de l’ostéoporose cortico-induite.

Autres ostéoporoses iatrogènes

* Les hormones thyroïdiennes administrées à dose substitutive équilibrée ne sont pas susceptibles d’entraîner une raréfaction osseuse. En revanche, administrées à dose substitutive trop forte ou à dose frénatrice, elles peuvent entraîner une perte osseuse rapide comparable à celle constatée lors de l’hyperthyroïdie.

* L’ostéoporose de l’héparinothérapie est très rare et nécessite des traitements prolongés, en particulier au cours de la grossesse.

* Administrés en cas d’endométriose chez la femme ou de cancer de la prostate chez l’homme, les analogues de la LH-RH peuvent entraîner une perte osseuse rapide.

Ostéoporose d’immobilisation :

On rapproche l’ostéoporose d’immobilisation de celle de l’apesanteur observée chez les astronautes.

Cette forme est surtout observée chez les sujets présentant des manifestations neurologiques associées (paraplégie, hémiplégie) ou elle peut être considérable . elle est moins marquée chez les sujets jeunes immobilisés par des fractures.

L’ostéoporose d’immobilisation se traduit par une hyperdestruction osseuse responsable d’une hypercalciurie et parfois d’une hypercalcémie.

Ostéoporoses endocriniennes :

Ostéoporose hyperthyroïdienne

* L’ostéoporose vertébrale constitue un symptôme très typique de la thyrotoxicose : maladie de Basedow ou goitres multi-hétéronodulaires toxiques.

– Ce diagnostic doit être systématiquement évoqué devant une ostéoporose d’allure banale à évolution rapide.

– L’hyperthyroïdie peut être peu symptomatique et il faut rechercher soigneusement des signes évocateurs tels que tachycardie isolée ou un amaigrissement.

* Cette ostéoporose est une ostéoporose à haut niveau de remodelage caractérisée par une hypercalciurie et parfois une hypercalcémie sensible aux bêta-bloquants. Les autres stigmates de l’activité cellulaire (phosphatase alcaline, ostéocalcine, hydroxyproline) sont élevés.

Autres causes endocriniennes

* L’ostéoporose de la maladie de Cushing, habituellement à expression vertébrale, est à rapprocher de l’ostéoporose cortisonique. Elle peut parfois révéler la maladie.

* Les insuffisances androgéniques, en particulier chez l’homme alcoolique, sont source d’ostéoporose. Ce facteur intervient aussi au cours de l’hémochromatose ou dans le syndrome de Klinefelter.

* Le diabète insulinodépendant semble s’accompagner d’une ostéopathie raréfiante.

Autres causes :

* L’ostéoporose de l’hypercalciurie idiopathique se manifeste habituellement par l’apparition de tassements vertébraux chez un adulte jeune avant l’âge de 50 ans et plus volontiers chez l’homme.

– Elle est liée à un trouble de l’absorption digestive du calcium ou à une fuite urinaire phosphorée.

– Enfin, elle peut être révélatrice d’une hyperparathyroïdie fruste.

* L’ostéogenèse imparfaite ou maladie de Lobstein aboutit à une ostéopathie raréfiante diffuse responsable de fractures multiples des os longs et des vertèbres.

– La forme la plus sévère, souvent mortelle, survient chez le nouveau-né ou le nourrisson. Il existe des formes récessives que l’on peut diagnostiquer chez l’adulte jeune, voire chez le sujet âgé.

– On note, associées aux fractures multiples, une coloration bleutée des patients sclérotiques, une surdité, une hyperlaxité ligamentaire, une petite taille, des malformations crâniennes à type de tête d’oiseau.

– Cette maladie est due à une anomalie de la synthèse du collagène.

* La mastocytose est une maladie rare dont le diagnostic est évoqué lorsqu’il existe une urticaire chronique pigmentaire. Une sécrétion d’héparine par les mastocytes semble constituer le mécanisme physiopathologique essentiel.

* Les hépatopathies :

– les cirrhoses alcooliques peuvent s’accompagner d’une ostéoporose, ou l’insuffisance gonadique joue certainement un rôle important .

– l’hémochromatose primitive est également une cause à rechercher. Les mécanismes sont multiples : hépatopathie, hypogonadisme, diabète. Une hypersécrétion parathyroïdienne est fréquemment retrouvée.

* Les rhumatismes inflammatoires chroniques peuvent s’accompagner d’ostéoporose. Les causes sont multiples : corticothérapie, réduction de l’activité, effets directs de la maladie auto-immune sur les cellules osseuses par l’intermédiaire de sécrétion d’interleukine.

* L’intolérance au lactose est une cause rare mais des formes mineures pourraient exister et favoriser certaines ostéoporoses communes en diminuant l’absorption intestinale du calcium.

Traitements :

Outre le traitement symptomatique d’un épisode fracturaire, le traitement de l’ostéoporose doit aborder le problème de la prévention primaire dans le but d’éviter la perte osseuse postménopausique et la survenue d’une première fracture et du traitement curatif de l’ostéoporose fracturaire.

TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE :

En cas de tassement vertébral, le traitement fait appel :

– au repos au lit et aux antalgiques usuels .

– la calcitonine garde une utilité dans cette indication : elle est utilisée à la posologie quotidienne de 50 à 100 unités pendant 15 à 20 jours .

– le lever se fera sous protection d’un corset rigide.

Les autres fractures (col fémoral, Pouteau-Colles) relèvent de la chirurgie.

TRAITEMENT PRÉVENTIF :

Traitement hormonal substitutif :

Le traitement hormonal substitutif (THS) est encore peu utilisé en France : seulement 20% des femmes à la ménopause sont traitées et la moitié d’entre elles arrêtent le traitement dans les 3 ans.

Il a pour effet :

– de faire disparaître les signes fonctionnels en rapport avec la ménopause (bouffées de chaleur, sécheresse cutanée…) .

– de diminuer les risques de maladie cardio-vasculaire .

– d’avoir en plus un effet bénéfique sur la perte osseuse postménopausique.

* De multiples études ont montré que les estrogènes associés à un progestatif sont capables de ralentir la perte osseuse chez des femmes ayant subi une ovariectomie ou ménopausées naturellement, suivies pendant 10 ans.

– Ces traitements, ainsi aptes à réduire de 50 à 60% le risque fracturaire de la hanche ou du radius ou à diminuer le nombre de nouvelles fractures vertébrales, sont d’autant plus actifs qu’ils sont débutés près de la ménopause (moins de 3 ans).

– A l’arrêt du traitement la perte osseuse reprend à la même vitesse.

* Les contre-indications formelles sont les antécédents personnels de cancer du sein, les phlébites non expliquées, les maladies auto-immunes avec syndrome des antiphospholipides.

* Dans les deux premières années après la ménopause la préférence est donnée à un traitement séquentiel, c’est-à-dire avec hémorragies de privation. L’estrogène est donné du 1er au 24e jour du mois, la progestérone du 10e au 24e, avec reprise au 31e jour. Ensuite un schéma continu, sans hémorragies, peut être adopté, comportant la prescription quotidienne de l’estrogène et du progestatif. Le traitement est à poursuivre de 7 à 10 ans avec une surveillance gynécologique et mammaire annuelle.

* De multiples formes existent : estrogènes à absorption percutanée, transdermique ou administrés per os, progestatifs per os. Des formes orales associant les deux produits sont également disponibles. Ces traitements sont remboursés par la Sécurité sociale.

Stéroïdes anabolisants :

De réputation douteuse du fait de leur mauvaise tolérance et de leur risque de virilisation, les stéroïdes anabolisants ne sont plus guère utilisés.

Pourtant, des travaux récents semblent relancer leur intérêt dans la prévention de l’ostéoporose. Cela demande à être vérifié, mais de tels traitements pourraient plutôt être administrés après 70 ans, en relais d’une estrogénothérapie quand la persistance de menstruation peut devenir gênante, alors que l’apparition de signes de virilisation serait moins mal ressentie.

Agonistes-antagonistes des estrogènes :

Les agonistes-antagonistes des estrogènes ont un effet bénéfique sur la masse osseuse (augmentation nette avec le raloxifène au niveau lombaire et fémoral) sans effet néfaste sur le sein et l’utérus.

Ils pourraient représenter ainsi une alternative intéressante en cas de contre-indication ou de mauvaise tolérance du THS.

Calcithérapie :

* Que les hormones soient prescrites ou non, l’administration quotidienne d’un régime contenant 1g à 1,5g de calcium doit être assurée. Dans nos pays, la population âgée est souvent carencée d’ou la nécessité d’une adjonction thérapeutique systématique de 500 à 1.000mg.

* L’association à un traitement vitaminique D est justifiée quand les réserves vitaminiques sont basses :

– on peut conseiller un apport quotidien de 400 à 800UI de vitamine D2 (1 ou 2 gouttes de Stérogyl* par jour) pendant les périodes hivernales, et de façon systématique chez les patients vivant dans une institution .

– l’apport direct de 25 (0H) D3 (Dédrogyl*) est inutile voire dangereux.

* Cet apport calcique impose toutefois une surveillance de la calciurie qui ne doit pas dépasser 350mg/j et de l’état rénal. De nouvelles formes galéniques ont été récemment mises sur le marché associant calcium et vitamine D, plus faciles à utiliser que les gouttes surtout chez le sujet âgé (Orocal D3*, Idéos*, Calcidose*, Cacit D3*).

* Cet apport semble suffisant pour ralentir la perte calcique osseuse et diminuer le risque de fracture du col fémoral et de tassement vertébral. Ainsi, il a été montré chez des patientes vivant dans une institution qu’un apport quotidien de 1 gramme de calcium et 800 unités de vitamine D diminuait l’incidence de fractures du col fémoral d’environ 30% par rapport à un groupe contrôle.

Exercice physique :

Il paraît de plus en plus certain que l’exercice physique joue un rôle, au moins dans le maintien de la masse osseuse.

Les travaux ne sont pas très nombreux, mais ils semblent tous montrer qu’une activité physique de 1 heure, deux ou trois fois par semaine (pédalage, course) pendant 1 à 3 ans, entraîne une augmentation significative du contenu minéral osseux.

TRAITEMENT CURATIF :

Fluor :

L’utilisation du fluor dans l’ostéoporose repose sur son effet stimulant sur le remodelage osseux avec un effet plus marqué sur la formation osseuse.

* La dose d’administration du fluor est de 25mg/j d’ion fluor sous forme de fluorure de sodium (Ostéofluor*) ou de monofluorophosphate disodique (Fluocalcic*). Ce traitement nécessite l’adjonction de calcium (1g/j).

* La durée d’administration doit être au moins de 2 ans. L’objectif est de remonter la masse osseuse autour de 1g/cm2 en densitométrie sans dépasser une durée de 5 à 6 ans de traitement.

– Les effets secondaires sont nombreux mais bénins (troubles digestifs, douleurs articulaires), n’obligeant que rarement à l’arrêt du traitement.

– Le fluor est formellement contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale et d’ostéomalacie associées à l’ostéoporose.

* Il semble que l’augmentation marquée de la masse osseuse en densitométrie ne s’accompagne pas d’une augmentation de la résistance mécanique des os. Cela a été récemment confirmé par une étude française (FAVOS) dans laquelle la masse osseuse de patientes ostéoporotiques a effectivement augmenté sans bénéfice sur le taux de fractures vertébrales par rapport au groupe contrôle traité par l’association calcium-vitamine D.

Bisphosphonates :

Les bisphosphonates sont des agents ayant une affinité particulière pour les cristaux osseux et agissent comme antiostéoclastiques.

Leur effet pourrait se faire à travers la prévention des troubles architecturaux.

* Le traitement séquentiel étidronate 400mg/j (Didronel* 400) pendant 14 jours et calcium (1g/j) pendant 2 mois et demi, répété tous les trimestres et poursuivi pendant 5 à 7 ans entraîne une augmentation de la densité calcique d’environ 5 à 10% surtout au cours de 12-18 premiers mois de traitement, et réduit significativement le risque fracturaire vertébral.

– Il n’y a pas d’effet délétère sur la masse osseuse fémorale.

– Les études histologiques ont montré que même en cas d’administration prolongée, il n’y avait pas de troubles de la minéralisation.

* L’alendronate, administré à la posologie de 10mg/j (Fosamax*, 1cp/j) pendant 3 ans, augmente la densité minérale osseuse de façon rapide pendant les 18 premiers mois, puis de manière plus lente jusqu’à 3 ans. Il paraît capable de réduire le risque fracturaire vertébral et fémoral.

– La tolérance est bonne dès lors que les règles de prescription sont respectées (prise le matin à jeun, ne pas se coucher dans la demi-heure qui suit).

– Il est contre-indiqué en cas de maladie de l’oesophage (sténose, achalasie), d’insuffisance rénale sévère ou d’hypercalcémie.

* Didronel* et Fosamax* sont indiqués (et remboursés) dans le traitement de l’ostéoporose postménopausique fracturaire.

Traitement estroprogestatif :

Le traitement estroprogestatif dans cette indication a fait l’objet de quelques travaux.

L’augmentation de la densité calcique apparaît faible, mais il y aurait une diminution du risque de fracture ultérieure.

Le problème est celui de la prescription et de la tolérance de ce traitement chez des patientes âgées puisque le premier tassement survient en moyenne vers 65 ans.

Cependant, l’âge n’est pas une contre-indication supplémentaire à celles déjà énoncées.

Phosphore et calcitonine :

Le dernier traitement curateur de l’ostéoporose (phosphore continu 1,5 àg/j et calcitonine à 50U/j, 5 jours toutes les 3 semaines) n’a pas fait la preuve définitive de son efficacité.

TRAITEMENT DE L’OSTEOPOROSE DENSITOMETRIQUE :

Il s’agit d’une nouvelle approche de l’ostéoporose conditionnée par la nouvelle définition énoncée ci-dessus.

Le problème posé est double.

Reconnaître l’ostéoporose avant le premier épisode fracturaire :

Reconna”tre les femmes atteintes d’ostéoporose avant la survenue du premier épisode fracturaire nécessite la réalisation d’une densitométrie osseuse.

* Actuellement il n’est pas possible de pratiquer un tel examen pour toute la population : des critères de risque ont été proposés pour reconnaître ces femmes à risque élevé d’ostéoporose en sachant qu’à l’échelon individuel ces critères sont peu performants.

Ce sont, entre autres :

– une ménopause précoce .

– les antécédents familiaux d’ostéoporose .

– les antécédents de corticothérapie .

– le morphotype et l’abus de toxiques.

* Plus récemment certains auteurs ont proposé l’utilisation des marqueurs du remodelage osseux (ostéocalcine intacte, propeptide extension du collagène de type I ou PICP, isoenzyme osseuse de la phosphatase alcaline dans le sang pour la formation, pyridinoline et déoxypyridoline urinaires pour la résorption).

– Une augmentation du taux des marqueurs de la résorption au-delà des valeurs observées pendant la préménopause est associée à un doublement du risque ultérieur de fracture de hanche.

– Quand cette augmentation est associée à un T-score inférieur à – 2,5, le risque de fracture est quatre fois plus élevé.

– Ces données sont encore préliminaires et ces dosages ne sont pas encore accessibles en pratique clinique.

Traitement :

Traiter les femmes, quel que soit leur âge, avec des produits susceptibles de leur éviter la survenue du premier épisode fracturaire.

Il faut souligner que le seuil diagnostique proposé n’est pas un seuil thérapeutique : la décision de mise en oeuvre d’un traitement doit s’appuyer sur la densitométrie mais aussi sur les facteurs liés à l’environnement (risque de chute, sédentarité…).

– Dans cette indication, le traitement estroprogestatif a fait l’objet de travaux qui semblent bien confirmer leur effet bénéfique même à distance de la ménopause. La tolérance est cependant moins bonne et cela impose de débuter le traitement à faible dose.

– Les bisphosphonates, étidronate et alendronate, pourraient également trouver leur place dans cette indication.

Au total on peut essayer de résumer les indications thérapeutiques de la façon présentée par le tableau 3 mais cela n’a qu’une valeur indicative.

Conclusion :

L’ostéoporose, vieille maladie, pose encore bien des questions dans la compréhension de ses mécanismes intimes, dans sa définition et surtout dans sa thérapeutique.

L’arrivée de nouvelles molécules fait espérer des progrès pour sa prise en charge quel que soit le stade ou elle est diagnostiquée mais de nombreux travaux seront encore nécessaires pour confirmer ces progrès.

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