Infections bactériennes et parasitaires en cours de grossesse

0
2189

Toutes les maladies infectieuses peuvent survenir au cours de la grossesse, mais certaines sont particulièrement importabtes à étudier vue leur impact sur l’embryon puis le foetus. Aussi benignes qu’elles soient sur la mère, elles peuvent être compromettantes sur le foetus (pronostic vital mis en jeu).

Toxoplasmose et grossesse :

Infections bactériennes et parasitaires en cours de grossesseProvoquée par un protozoaire, Toxoplasma gondii, la toxoplasmose est, sous sa forme acquise, une infection bénigne et même fréquemment inapparente.

Lorsqu’elle survient pendant la grossesse, cette parasitose est parfois transmise in utero, à l’embryon ou au fœtus, provoquant de graves lésions, en particulier cérébrales et oculaires.

C’est sur un sérodépistage précoce et sur des règles d’hygiène générales que repose la prévention de la toxoplasmose.

RAPPEL PARASITOLOGIQUE :

Le parasite et son cycle :

Toxoplasma gondii existe sous trois formes évolutives différentes :

– la forme végétative ou trophozoïte qui ne s’observe que dans la phase aiguë du parasitisme .

– le kyste qui est responsable de la contamination par ingestion de viande parasitée .

– l’oocyste qui est responsable de l’autre mode de contamination dans la toxoplasmose acquise : ingestion de crudités ou boissons souillées.

Le cycle du parasite est double :

* incomplet asexué . c’est celui qui se déroule chez l’homme .

– la contamination se fait par voie digestive, par ingestion de kystes toxoplasmiques contenus dans la viande parasitée .

* complet sexué . faisant intervenir :

– des hôtes intermédiaires (carnivores, omnivores, herbivores) chez lesquels se produit uniquement une multiplication toxoplasmique asexuée, extra-intestinale .

– et un hôte définitif : le chat.

Épidémiologie :

* Le réservoir de germes est double, tellurique et animal. Il existe deux modes de contamination humaine qui correspondent chacun à une des formes de la maladie :

– la toxoplasmose acquise où l’infestation se fait toujours par voie digestive et résulte de l’ingestion de viande parasitée, consommée crue ou saignante, d’aliments ou de boissons souillés par des oocystes éliminés avec les déjections de chats parasités .

– la toxoplasmose congénitale  ne peut résulter que d’une toxoplasmose maternelle, dont la phase initiale, parasitémique, survient en cours de gestation.

* La réceptivité maternelle est totale face aux primo-infections. En revanche, l’affection laisse persister une immunité durable définitivement protectrice qui élimine tout risque de nouvelle contamination.

* Les risques de contamination :

– la consommation habituelle de viande saignante est la principale cause favorisante .

– la présence d’un chat domestique ne constitue en France qu’un risque supplémentaire négligeable .

– seul le chat chasseur représente un danger.

En France, la fréquence des sujets immunisés est de 50 à 60%.

DIAGNOSTIC CLINIQUE :

Toxoplasmose acquise :

* Les formes inapparentes sont les plus nombreuses. C’est le cas le plus habituel pour les femmes enceintes non immunes qui se contaminent en cours de grossesse.

* Les formes apparentes sont dominées par une triade symptomatique :

– polyadénopathie presque toujours cervicale .

– fébricule entre 38 C et 38,5 C .

– asthénie d’importance variable, sans altération de l’état général.

Toxoplasmose congénitale :

La toxoplasmose congénitale concerne 3 à 7 naissances sur 1.000. C’est la fœtopathie la plus fréquente. Il s’agit d’une infection fœtale transplacentaire, la placentopathie précédant toujours la fœtopathie.

Risques de transmission

Les risques pour l’enfant sont variables :

* l’atteinte fœtale est grave entre la 10e et la 24e semaine d’aménorrhée (SA) .

* le risque de transmission est le plus fréquent, près du terme (augmentation de la perméabilité placentaire) :

– au 1er trimestre : 17% atteints .

– au 2e trimestre : 25% atteints .

– au 3e trimestre : 65% atteints .

– à terme : 90 à 100% atteints .

* le traitement immédiat in utero par spiramycine 3g/j réduit de 50% le risque de transmission au fœtus.

Forme neuro-oculaire

Lorsque l’infestation transplacentaire se fait en tout début de grossesse et jusqu’à la 24e semaine, la forme clinique neuro-oculaire grave prédomine. Celle-ci se traduit par :

* des avortements .

* des morts in utero .

* des atteintes graves :

– cérébrales : dilatation ventriculaire, calcifications intracrâniennes .

– oculaires : choriorétinite maculaire pigmentée .

– septicémie néonatale.

Atteinte plus tardive

* Plus tard, dans la grossesse, l’atteinte peut être bénigne ou dégradée, le bilan neurologique est souvent normal :

– la choriorétinite est périphérique sans retentissement visuel .

– présence de calcifications intracrâniennes .

– formes méningées infracliniques.

* Près du terme, l’atteinte peut être infraclinique ou latente (75% des cas). On peut alors observer un ictère néonatal, mais le plus souvent il ne s’agit que d’un diagnostic sérologique.

DIAGNOSTIC SÉROLOGIQUE :

Anticorps spécifiques :

Le dosage d’anticorps spécifiques est réalisé par immunofluorescence indirecte, test de Remington, ELISA ou ISAGA.

* Les IgM apparaissent dès la première semaine et leur taux atteint un maximum dans les 2 ou 3 semaines d’infection.

– Lorsque les IgG apparaissent, les IgM spécifiques disparaissent vers le 4e mois de l’infection (90% des cas).

– Parfois, les IgM disparaissent très rapidement en quelques jours ou quelques semaines, ailleurs elles persistent plusieurs mois et même plus de 1 an (10% des cas).

* Les IgG atteignent leur maximum vers la fin du 2e mois.

– Leur taux reste en plateau pendant un temps variable, puis diminue lentement.

– Les IgG persistent définitivement à des taux faibles.

Les différents tests :

* Le  » dye test  » de Sabin et Feldman met en évidence la lyse des toxoplasmes vivants en présence de dilution croissante de sérum à étudier et d’un facteur accessoire (complément).

– On compte, au microscope à contraste de phase, le pourcentage de toxoplasmes tués, la limite et la dilution de sérum donnant encore une lyse à 50%. Ce test reflète surtout l’évolution des IgG, car les IgM (spécifiques et naturelles) interviennent peu.

– Le seuil de sensibilité est très bas. La lecture est facile mais nécessite des toxoplasmes vivants (test spécifique).

* L’immunofluorescence indirecte est la méthode la plus utilisée :

– la suspension de toxoplasmes passés au formol, étalés sur lame, est recouverte d’un sérum à dilution croissante, puis recouverte de sérum antiglobuline fluorescent. La lecture se fait en lumière ultraviolette .

– cette technique permet d’utiliser des anti-immunoglobulines, soit totales, soit anti-IgG ou anti-IgM (test de Remington, permettant de caractériser le type d’anticorps qui se fixe sur le toxoplasme) .

– la présence d’IgM est le seul vrai témoin d’une infection acquise ou récente .

– l’immunofluorescence est une technique sensible et très spécifique. Elle est d’utilisation facile car elle ne nécessite pas de toxoplasme vivant.

* La réaction de fixation du complément est moins utilisée actuellement.

* L’agglutination directe de Fulton utilise l’agglutination des parasites en présence des anticorps :

– c’est une technique simple mais qui manque de sensibilité et de spécificité .

– ce test doit être effectué également en traitant au préalable le sérum au 2-mercapto-éthanol afin de détruire les IgM. Ainsi, par comparaison avec du sérum non traité, il est possible d’en déduire la présence d’IgM spécifiques et naturelles.

* L’hémagglutination peut être également utilisée.

Les méthodes récentes sont les méthodes immuno-enzymatiques :

– ELISA ( » enzym linked immunosorbent assay « ) .

– ISAGA ( » immunosorbent agglutination assay « ) .

– ELIFA ( » enzym linked immunofiltration assay « ) est la seule technique qui peut permettre de comparer les spécificités d’anticorps entre la mère et son enfant, discriminant précocement anticorps transmis et toxoplasmose congénitale. Il s’agit d’une technique difficile et coûteuse à réserver aux enfants suspects.

Interprétation des résultats :

L’interprétation des résultats se fait après utilisation de deux techniques :

– l’une évaluant les IgG quantitativement (par exemple le  » dye test « ) .

– l’autre évaluant les IgM (par exemple l’immunofluorescence).

Soit l’interprétation est simple

*  » Dye test  » négatif et IgM négatives :

– la sérologie est négative, la femme n’est pas immunisée .

– il s’agit alors de surveiller la femme durant toute sa grossesse (une sérologie par mois) et de lui donner des conseils diététiques.

* IgM positives et  » dye test  » positif, avec augmentation des IgG au 2e prélèvement 3 semaines plus tard :

– il s’agit d’une toxoplasmose évolutive récente .

– il faut d’emblée traiter la femme par 3g/j de spiramycine jusqu’à l’accouchement, le diagnostic anténatal peut être envisagé en fonction du terme de la grossesse.

Soit l’interprétation est difficile

*  » Dye test  » très positif, avec IgM négatives et ascension des IgG au 2e prélèvement : il faut alors dater l’infection par rapport au début de la grossesse.

*  » dye test  » faiblement positif et IgM faiblement positives ou douteuses : est-on au début d’une infection toxoplasmique ou s’agit-il d’une infection ancienne avec IgM résiduelles ? Les résultats du 2e prélèvement pourront répondre à cette question.

En résumé, l’évolution des IgG maternelles est essentielle, une ascension de leur taux signe une infection récente.

CONDUITE A TENIR EN COURS DE GROSSESSE :

Législation :

* La législation impose d’effectuer une sérologie :

– lors de l’examen prénuptial .

– lors de l’examen prénatal, puis au minimum trois fois pendant la grossesse, l’idéal est d’en faire pratiquer une tous les mois.

* La législation oblige à pratiquer deux pratiques au choix, avec une technique dans un des deux groupes suivants :

– groupe 1 ( » dye test « , immunofluorescence, réaction du complément) .

– groupe 2 (agglutination avant et après mercapto-éthanol, hémagglutination avant et après mercapto-éthanol, recherche d’IgG par fluorescence, test de Remington).

Prévention de la séroconversion :

(A remettre aux patientes par écrit dès la première consultation.)

* Se laver les mains avant les repas et après avoir manipulé de la viande saignante ou de la terre.

* Manger de la viande très cuite.

* Laver à grande eau la salade verte et tous les légumes et fruits consommés crus.

* Eloigner les chats et les nourrir avec des aliments spéciaux ou bien cuits et nettoyer avec de l’eau de Javel les récipients qui recueillent les excréments.

Séroconversion toxoplasmique et prévention de la toxoplasmose congénitale :

Séroconverison en cours de grossesse

En cas de séroconversion en cours de grossesse ou de signes d’infestation récente, sont instaurées :

* la thérapeutique : Rovamycine*, 9 MUI/j (3cp/j à 3 MUl) en première intention jusqu’aux résultats des prélèvements fœtaux .

* la surveillance obstétricale, clinique et paraclinique (échographies tous les mois) :

*  une amniocentèse, réalisable après la 18e SA, en respectant un délai minimal de 4 semaines après la date de la séroconversion, pour recherche d’une infection fœtale. Cette amniocentèse n’est programmée qu’après concertation avec le laboratoire de parasitologie, elle permet :

– la recherche du génome de Toxoplasma gondii par amplification génique (PCR). Cette technique a une sensibilité de près de 100% et une spécificité forte qui en font la méthode de choix .

– l’inoculation à la souris du culot cellulaire de liquide prélevé.

* Le risque de contamination fœtale est d’autant plus fort que la séroconversion maternelle a lieu tardivement au cours de la grossesse. A l’inverse, la gravité de l’atteinte est d’autant plus importante que la contamination est précoce.

Diagnostic prénatal positif

* En cas de diagnostic prénatal positif (biologie et/ou échographie) un traitement materno-fœtal est proposé :

– association en cures de 4 semaines de pyriméthamine (Malocide*), 50mg/j (1cp/j) et sulfadiazine (Adiazine*), 3g/j (2 comprimés trois fois par jour). Il faut y associer des folates, par exemple Osfolate*, 1 gélule par semaine .

– en alternance avec Rovamycine*, 9 millions Ul/j pendant 2 semaines.

* Il est nécessaire d’effectuer une surveillance de la NFS et des plaquettes tous les 15 jours.

* Il ne faut pas perdre de vue que le terme de l’infection demeure le principal facteur pronostique (lors des infections fœtales survenues avant 16 SA, 50% des fœtus vont développer une hydrocéphalie et il persiste de grandes incertitudes pronostiques concernant les 50% restant). Lorsque la poursuite de la grossesse est envisagée, la surveillance du cerveau doit être particulièrement attentive et les parents prévenus des incertitudes relatives au pronostic oculaire. L’interruption médicale de grossesse est une alternative possible.

Diagnostic prénatal négatif

En cas de diagnostic prénatal négatif le traitement par Rovamycine* 9 millions Ul/j sera maintenu jusqu’à l’accouchement.

Dans tous les cas une surveillance échographique mensuelle attentive est nécessaire jusqu’à l’accouchement.

La découverte d’une anomalie (dilatation ventriculaire cérébrale bilatérale et symétrique débutant habituellement au niveau des cornes postérieures, zones hyperéchogènes intracérébrales ou intrahépatiques, ascite, épanchement pleuro-péricardique, épaississement placentaire) doit faire reconsidérer le pronostic fœtal, et peut conduire à modifier la conduite conservatrice vis-à-vis du fœtus.

BILAN NÉONATAL A L’ACCOUCHEMENT :

Un bilan néonatal à l’accouchement (pour toute séroconversion en cours de grossesse, quel que soit le résultat du diagnostic prénatal) est à réaliser à chaque fois qu’il y a eu séroconversion maternelle. En effet, il existe des diagnostics tardifs d’infection congénitale.

* Chez la mère : prélèvement du placenta pour examen histologique et inoculation à la souris, nouvelle sérologie maternelle.

* Chez l’enfant : sérologie sur sang veineux (à faire à J3 avec les dépistages) pour recherche des IgG, IgM, IgA et mesure la charge immunitaire, fond d’œil, échographie transfontanellaire. La ponction lombaire avec examen cytochimique, recherche d’anticorps antitoxoplasmiques et mesure de la charge immunitaire est à réserver aux enfants chez qui l’infection toxoplasmique est prouvée. L’interprétation des résultats permet de constater que :

– soit la sérologie ne met en évidence que des anticorps transmis (IgG), la surveillance mensuelle est nécessaire jusqu’à négativation des IgG, même si la recherche sur liquide amniotique était négative .

– soit la sérologie met en évidence des IgM, ou la charge immunitaire s’élève et elle atteste une atteinte fœtale.

Les résultats de ce bilan permettront aux pédiatres de poser l’indication du traitement du nouveau-né et de ses modalités de surveillance ultérieure.

Listériose et grossesse :

RAPPEL BACTERIOLOGIQUE :

* La listériose est une maladie bactérienne due à Listeria monocytogenes, bâtonnet Gram positif, germe hydrotellurique contaminant en particulier les professions exposées (travail en élevage animal, boucherie), mais également toute la population rurale et urbaine.

– La particularité de ce germe est qu’il existe, a priori, des porteurs sains.

– La contamination d’un sujet se fait par les animaux ou l’absorption de produits laitiers ou de viande.

* La fréquence de la listériose, dans le cadre de la grossesse, est estimée à environ 1 pour 250 grossesses.

DIAGNOSTIC :

Diagnostic clinique :

* Le diagnotic de listériose doit être évoqué de principe devant toute fièvre en cours de grossesse, surtout si elle est associée à un syndrome grippal, méningé, digestif ou urinaire.

* En fait, tout épisode fébrile, même discret pendant la grossesse, doit faire rechercher la listériose.

* Il en sera de même lors d’une fausse couche ou d’un accouchement fébrile, d’un liquide amniotique teinté ou d’une souffrance néonatale inexpliquée. En général, l’interruption de la grossesse survient environ 15 jours à 2 mois après une fébricule évocatrice qui avait été ignorée, non traitée ou incomplètement traitée.

Diagnostic bactériologique :

Les différents prélèvements permettant d’isoler le germe sont :

– en cours de grossesse principalement l’hémoculture, (uroculture et prélèvement d’endocol étant peu rentables pour ce germe) .

– lors d’une fausse couche ou d’un accouchement : hémoculture et prélèvement de lochies chez la mère, frottis de membranes et mise en culture du placenta, ainsi qu’une analyse histologique de celui-ci à la recherche de micro-abcès évocateurs.

Diagnostic sérologique :

Sans intérêt, insuffisamment sensible, et de résultats beaucoup trop tardifs.

RISQUES DE LA MALADIE AU COURS DE LA GROSSESSE :

Risques pour la mère :

La listériose est une infection banale.

Risques pour l’embryon ou le fœtus :

* Les risques sont beaucoup plus graves pour l’embryon ou le fœtus :

– risque de fausse couche spontanée précoce ou tardive .

– risque de mort in utero .

– ou risque d’accouchement prématuré très rapide dans un contexte fébrile avec souffrance fœtale aiguë.

* L’enfant, s’il est encore vivant, naît avec une détresse respiratoire, une cyanose et une septicémie d’aggravation rapide, souvent mortelles ou génératrices de séquelles cérébrales en l’absence d’un traitement très rapide, voire même débuté en perpartum.

TRAITEMENT AU COURS DE LA GROSSESSE :

* Le traitement de choix pendant la grossesse est l’ampicilline :

– à la dose de 3g/j .

– per os .

– pendant au moins 15 jours.

* Tout traitement prophylactique ou dépistage systématique des porteurs sains de Listeria est illusoire.

* Il faut surtout :

– informer, dès la première consultation de grossesse, la femme de la meilleure prévention existant et qui consiste à éviter la consommation des aliments les plus souvent contaminés, et à respecter certaines règles lors de la manipulation et la préparation des aliments .

– inciter les femmes enceintes à consulter devant le moindre symptôme infectieux, pratiquer au moindre doute une hémoculture et instaurer un traitement adéquat dans l’attente du résultat des prélèvements.

Syphilis et grossesse :

Bien que l’association syphilis et grossesse soit devenue très rare en France, il convient d’en connaître les conséquences fœtales et la thérapeutique (voir  » Syphilis « .).

DIAGNOSTIC :

Rappelons simplement que la loi impose une sérologie de la syphilis systématique lors de la déclaration de grossesse, celle-ci devant associer deux réactions :

– un test antigène cardiolipidique (VDRL) .

– un autre avec antigène tréponémique (TPHA).

RISQUES DE LA MALADIE PENDANT LA GROSSESSE :

Risques pour la mère :

La grossesse ne modifie pas le cours de la syphilis.

Risques pour le fœtus et le nouveau-né :

Le tréponème pâle ne traverse la barrière placentaire qu’après la 16e semaine de grossesse, les conséquences fœtales dépendent donc du terme de découverte.

* Au 1er trimestre, la maladie n’est jamais responsable de fausses couches spontanées ou malformations embryonnaires. Le traitement avant le 2e trimestre évite donc tout risque d’atteinte fœtale.

* A partir du 4e mois de grossesse,  une femme enceinte atteinte a 40% de risque d’avorter ou d’accoucher plus ou moins prématurément d’un enfant mort-né . et tout nouveau-né issu d’une mère atteinte a 40 à 70% de risque de développer une syphilis congénitale. La syphilis est donc responsable :

– de fausses couches spontanées tardives du 2e trimestre .

– d’accouchements prématurés (souvent dans un contexte d’hydramnios) .

– de morts in utero .

– en cas d’absence de diagnostic ou de négligence thérapeutique, une syphilis congénitale latente peut évoluer à la naissance. Parfois, elle s’exprime par des lésions polyviscérales (cutanéo-muqueuses avec pemphigus palmo-plantaire et syphilides, hépatomégalie, atteinte méningée, lésions osseuses…).

* Chez le nouveau-né, le diagnostic est affirmé si :

– sérologie avec taux supérieur à celui de la mère .

– ascension du taux.

TRAITEMENT :

Chez la femme, il ne diffère pas de celui appliqué en dehors de la grossesse, les antibiotiques efficaces sur la maladie n’étant pas contre-indiqués pendant celle-ci.

* Il s’agit donc :

– pour la syphilis primo-secondaire, d’une injection unique de 2,4 MUI de benzathine péni-G (Extencilline*) .

– ou si la date de contamination n’est pas connue, ou la syphilis secondaire déjà ancienne, trois injections de 2,4 MUI de benzathine péni-G, chacune à 1 semaine d’intervalle.

* En cas d’allergie à la pénicilline, on ne peut pas utiliser les cyclines en cours de grossesse. Il faudra alors opter pour un traitement par érythromycine 500mg per os, quatre fois par jour pendant 20 jours. Ce traitement est moins sûr que les autres et il conviendra à la naissance, de toute façon, de faire un examen anatomopathologique du placenta et une sérologie dans le sang du cordon pour rechercher une atteinte fœtale.

Pour la plupart des cliniciens, un traitement du nouveau-né par pénicilline systématique est utile.

Il n’y a aucune particularité dans la surveillance sérologique en cours de grossesse.

Tuberculose et grossesse :

La tuberculose et sa thérapeutique ne menacent plus la grossesse, le principal problème restant la séparation du nouveau-né d’une mère non stérilisée (encore bacillaire).

En dehors des problèmes de diagnostics clinique, bactériologique et d’explorations complémentaires qui sont traités dans la question  » Tuberculose « , nous n’aborderons que les aspects spécifiques à la grossesse. Trois circonstances différentes peuvent se rencontrer.

La tuberculose était connue et correctement traitée avant la grossesse :

Le traitement sera poursuivi pendant la grossesse, tout au moins en bithérapie par isoniazide et éthambutol qui ne sont pas tératogènes, la rifampicine étant évitée au 1er trimestre, du fait d’un effet tératogène certain chez l’animal même s’il est moins démontré chez l’homme.

Ce traitement sera poursuivi pendant la durée nécessaire pour qu’il soit complet.

La tuberculose préexistante ou non traitée est découverte à l’occasion de la déclaration de grossesse :

* Le bilan radiologique, bactériologique et sanguin doit être pratiqué avec cependant quelques précautions :

– les radiographies de thorax peuvent être faites de toute façon avec une protection abdominale par tablier de plomb, si possible sans multiplier les clichés (tomographies) qui doivent être limités au strict minimum .

– la fibroscopie bronchique avec aspiration sélective au niveau du territoire suspecté (ainsi que mise en culture du liquide d’aspiration) peut alléger le bilan radiologique .

– NFS et VS sont modifiées par l’état gravide, et on ne peut pas tenir compte en particulier d’une VS accélérée.

Les autres examens complémentaires et les résultats d’intradermoréaction sont inchangés.

* Le traitement doit être instauré en trithérapie usuelle (en dehors du premier trimestre où on peut discuter l’utilisation de la rifampicine). Il faut cependant respecter quelques précautions :

– renforcer la surveillance hépatique de la mère (en fin de grossesse), du fait de l’intolérance due à l’isoniazide .

– administrer de la vitamine K per os aux patientes dans le dernier mois de grossesse .

– administrer de la vitamine B6 (aide à l’acétylation nécessaire pour dégrader l’isoniazide) et de la vitamine K (rifampicine) au nouveau-né dès la naissance.

Le plus difficile sera d’évoquer une tuberculose en cours de grossesse :

* Si la radiographie pulmonaire du 6e mois de grossesse n’est plus obligatoire, elle peut encore utilement être indiquée lorsqu’un facteur de risque existe :

– milieu socio-économique défavorisé .

– immigration récente .

– sujet contaminateur connu dans l’entourage .

– fébricule inexpliquée .

– asthénie, anorexie, absence de prise de poids.

* En cas de très forte suspicion, il ne faut pas hésiter à faire le bilan complet, avec les précautions précédemment citées, et, si le diagnostic est confirmé bactériologiquement, instaurer un traitement correct.

* L’accouchement chez la tuberculeuse traitée est sans particularité, par voie basse, simplement aidé d’une extraction instrumentale (forceps) en cas d’insuffisance respiratoire dans les formes graves.

– Le nouveau-né est isolé de sa mère si elle est bacillaire.

– L’allaitement est contre-indiqué.

– La vaccination par le BCG du nouveau-né est systématique du fait de son risque de contamination dès le retour à la maison.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.