Hémorragie du troisième trimestre de grossesse

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Moins de 5% des grossesses sont compliquées par un saignement extériorisé par voie vaginale au cours du troisième trimestre.

La première urgence est :

* l’évaluation de l’importance du saignement et d’un éventuel retentissement maternel .

* la vérification du retentissement fœtal (vitalité évaluée sur la présence et la normalité du rythme cardiaque fœtal).

Les causes d’hémorragie du troisième trimestre sont multiples, et il faut différencier :

Hémorragie du troisième trimestre de grossesse* celles ne représentant pas un danger immédiat :

– saignement d’origine cervicale .

– ou petit hématome décidual marginal .

* celles qui peuvent mettre rapidement en danger la vie de l’enfant, voire celle de la mère :

– hématome rétroplacentaire .

– et placenta prævia.

Orientation diagnostique :

PREMIÈRE URGENCE :

Évaluer l’importance de l’hémorragie :

* L’hémorragie peut être très peu abondante, rosée, mêlée à des glaires, évoquant la perte du bouchon muqueux, surtout avec l’apparition de contractions utérines.

* A l’opposé, une hémorragie de sang rouge, d’émission récente et persistante, évoque un saignement en cours. Il faut alors :

– apprécier la présence de caillots (éliminant des troubles de la coagulation) .

– quantifier l’hémorragie (pesée des pertes) et le retentissement maternel (pâleur cutanéo-muqueuse, pouls rapide, hypotension, sueurs).

* Une hémorragie de sang noirâtre évoque l’évacuation d’un hématome déjà ancien.

* Il faut toujours se rappeler que le volume de sang extériorisé n’est absolument pas représentatif de la réalité du saignement puisque, dans la plupart des étiologies possibles, il peut y avoir rétention de sang en amont (hématome ou collection intra-utérine). C’est donc le retentissement hémodynamique qui prime.

Vérifier le retentissement fœtal :

La recherche de la vitalité fœtale se fait par enregistrement du rythme cardiaque fœtal qui doit être normal.

Toute souffrance fœtale aiguë doit faire rechercher très vite la cause et pratiquer l’extraction fœtale souvent en urgence (hématome rétroplacentaire avec enfant encore vivant, placenta prævia marginal en début de travail (voir question)).

L’absence de bruits du cœur fœtaux, surtout dans le cadre des hématomes rétroplacentaires et des placentas prævia, est traitée dans chacune de ces questions.

EXAMEN DE LA PATIENTE :

Une fois le retentissement fœtal et maternel bien évalué, en l’absence de souffrance fœtale aiguë ou de collapsus, un interrogatoire et un examen clinique miminal permettent une orientation du diagnostic étiologique.

Interrogatoire :

* Antécédents de saignements au premier et au deuxième trimestres de la grossesse et les diagnostics qui avaient alors été retenus.

* Circonstances de survenue du saignement actuel :

– spontané, indolore .

– dans le cadre d’un traumatisme utérin (direct par voie abdominale, après un rapport sexuel…) .

– associé à des contractions utérines : soit survenue avant le saignement évoquant un début de travail, soit secondaire au saignement .

– associé à des douleurs qu’il faudra faire décrire par la patiente.

* Si la patiente n’est pas connue du clinicien, il faut :

– faire repréciser tous ses antécédents gynécologiques et obstétricaux et le déroulement exact de cette grossesse, trimestre par trimestre .

– demander à la patiente les échographies de dépistage ou orientées qui auraient été pratiquées pendant la grossesse .

– enfin, il faut faire préciser le terme, qui peut avoir son importance dans la conduite ultérieure.

Examen clinique :

Examen général

L’examen général et l’évaluation des pertes survenues depuis l’arrivée permettront, comme nous l’avons vu, de préciser l’importance de l’hémorragie et son retentissement maternel.

Palpation abdominale et utérine

La palpation abdominale et utérine doit apprécier :

* le tonus utérin (souple, dépressible ou au contraire contracture), la présence de contractions utérines et le relâchement utérin entre celles-ci :

– une contracture utérine ou une hypertonie avec mauvais relâchement entre les contractions évoque plutôt un hématome rétroplacentaire (voir question) .

– un utérus bien relâché, au travers duquel on repère une présentation fœtale haute, voire dystocique (oblique ou transversale) chez une femme dont le saignement s’aggrave au cours des contractions utérines est plutôt en faveur d’un placenta prævia (voir question) .

* la présentation fœtale et sa hauteur (importante dans le cadre du placenta prævia) .

* enfin, l’aire cardiaque fœtale sera de nouveau repérée, afin de reposer un capteur et de réaliser un enregistrement continu du rythme cardiaque fœtal.

Examen du col au spéculum

L’examen du col au spéculum prime :

* il permet d’éliminer une cause cervicale au saignement : cervicite, polype, voire cancer du col plus rarement .

* si l’on ne retrouve pas de cause cervicale, cet examen objective en tout cas, après évacuation du sang et des caillots, que le saignement provient bien de l’orifice cervical.

Echographie pelvienne par sonde abdominale et vaginale :

L’échographie est à l’heure actuelle, avec la possibilité de réaliser cet examen complémentaire en salle d’accouchement, un examen qui doit avoir lieu avant la pratique du toucher vaginal.

Elle permettra, en particulier, le diagnostic étiologique suivant :

* la localisation placentaire et le diagnostic de placenta prævia dans tous les cas. L’échographie permettra de faire le diagnostic de placenta prævia recouvrant, qui aurait été ignoré avant la pratique d’un toucher vaginal qui aggraverait l’hémorragie .

* un hématome rétroplacentaire, bien que le diagnostic n’en soit pas toujours aisé, surtout lorsqu’il est petit .

* un hématome décidual marginal, de diagnostic pas toujours aisé.

Toucher vaginal :

Le toucher vaginal :

– pratiqué après ce contrôle échographique, pourra ainsi être prudent .

– son but est principalement l’évaluation des conditions cervicales (longueur, ouverture, consistance et position du col), surtout s’il y a des contractions utérines et que l’on est en début de travail.

Parfois, le signe du matelas (placenta qui s’interpose entre le segment inférieur et la présentation) est retrouvé dans les placentas prævia. Il doit faire proscrire formellement l’exploration du canal cervical.

Mise en condition maternelle :

* Pendant ces examens, la mise en condition maternelle et une éventuelle réanimation seront débutées par un deuxième intervenant et ceci en fonction de l’importance de l’hémorragie.

* Parallèlement, les prélèvements sanguins nécessaires auront été faits : groupe sanguin, Rhésus, numération globulaire, bilan de coagulation.

Étiologies et conduite à tenir :

La conduite dépend bien sûr de l’étiologie, du terme et de la survenue avant le travail et au cours du travail de cette hémorragie.

AVANT TOUT TRAVAIL ET DONC PARFOIS AVANT TERME :

Causes cervicales :

Souvent bénignes, les causes cervicales doivent être reconnues d’emblée afin d’éviter une hospitalisation abusive.

L’hémorragie a alors des facteurs favorisants souvent retrouvés à l’interrogatoire : examen gynécologique récent ou rapports sexuels.

C’est l’examen au spéculum qui permet de les diagnostiquer :

* des polypes cervicaux : pathologie banale. Leur ablation est discutable étant donné les risques hémorragiques qu’ils comportent .

* un ectropion : correspond à l’éversion de la muqueuse endocervicale vers la fin de la grossesse, muqueuse qui s’infecte facilement au contact de la flore vaginale (cervicite). Cette muqueuse saigne au moindre contact :

– un prélèvement bactériologique d’endocol sera systématique et un traitement local par antiseptiques sera entrepris dans l’attente des résultats .

– il faudra discuter d’une antibiothérapie si le prélèvement est positif, ce d’autant que le col est largement perméable ou qu’il existe des contractions utérines .

* cancer du col, beaucoup plus rare et dont l’aspect est souvent trompeur en cours de grossesse :

– il faut savoir faire un frottis de dépistage, voire une biopsie s’il existe un doute .

– l’attitude sera alors discutée en fonction du caractère invasif ou non de celui-ci (voir question  » Cancer du col de l’utérus « ).

Placenta prævia :

Qu’il soit antérieurement connu ou non (voir question  » Placenta prævia « ), la survenue d’un saignement au cours du troisième trimestre, et avant terme, doit inciter à l’hospitalisation et à envisager une tocolyse si nécessaire.

Hématome rétroplacentaire :

L’hématome rétroplacentaire survient dans le contexte d’une dysgravidie, mais parfois sans facteur causal connu.

Hématome décidual marginal :

(Rupture du sinus marginal.)

* Le saignement est rarement abondant et rouge, plus souvent noirâtre, peu abondant signant l’évacuation secondaire de ce décollement partiel du placenta.

* Le diagnostic en est échographique, recherchant une collection sanguine et un décollement très partiel du placenta, plus souvent au niveau du pôle inférieur.

* Il est de bon pronostic, sans retentissement maternel ni fœtal notable, étant donné que la zone de décollement est vraiment minime :

– il nécessite parfois l’hospitalisation lorsque le saignement est en cours et une tocolyse qui permettra de le minimiser .

– parfois, il entraîne une anémie chez la mère, si le saignement est persistant .

– il accentue cependant le risque d’infection ovulaire et de rupture prématurée des membranes.

* Le risque est éventuellement infectieux, favorisé par l’évacuation distillante de vieux sang.

Rupture utérine :

* La rupture utérine est très rare. Avant toute mise en travail, elle ne survient en fait que sur un utérus cicatriciel :

– rarement sur une cicatrice de césarienne segmentaire (sauf éventuellement avec des manœuvres inusitées telles que la version par manœuvres externes) .

– plus souvent après une césarienne ou hystérotomie corporéale (myomectomie) ou la chirurgie correctrice d’une malformation utérine.

* Cliniquement, l’hémorragie extériorisée est en général peu abondante, il apparaît une douleur utérine violente et, dans la plupart des cas, la palpation utérine et l’échographie visualisent un fœtus mort en intra-abdominal.

* Très rarement, il existe des formes subaiguës de diagnostic très difficile avec l’hématome rétroplacentaire : il faut savoir y penser lorsque la douleur est très localisée et se situe au niveau d’une cicatrice utérine antérieure et surtout en l’absence de contractions utérines.

Si le diagnostic est posé, il n’y a pas d’autre issue qu’une extraction par césarienne.

EN DÉBUT OU AU COURS DU TRAVAIL :

Perte du bouchon muqueux :

* la perte du bouchon muqueux est facile à reconnaître puisque le saignement est relativement peu important et accompagné de pertes glaireuses (glaire sanguinolente).

* Cette perte sanguine est souvent accompagnée de quelques contractions utérines débutantes et le toucher vaginal met en évidence des modifications cervicales.

* La surveillance dans les heures qui suivent permet de confirmer le début du travail qui survient en général dans les 24 heures suivantes.

Causes cervicales :

Les causes cervicales sont les mêmes qu’avant le travail (voir supra).

Placenta prævia :

Il s’agit souvent d’un diagnostic méconnu jusque-là et d’un placenta prævia recouvrant ou marginal (stade IV ou stade III) qui, s’ils avaient été connus, auraient fait instaurer avant le début du travail une conduite adaptée.

Hématome rétroplacentaire :

L’hématome rétroplacentaire peut survenir à tout moment et même en cours de travail et peut être la cause de la mise en travail, parfois avant terme.

Rupture d’un vaisseau prævia :

Une hémorragie de Benkiser se voit rarement lors de la rupture spontanée des membranes, mais est plus fréquente après une rupture artificielle.

* Elle est due à la déchirure :

– d’un vaisseau du cordon dont l’insertion est vellamenteuse .

– ou du pédicule d’un cotylédon aberrant.

* Dès la rupture, le liquide amniotique est sanglant.

* L’enregistrement du rythme cardiaque fœtal qui est habituel lors de cette rupture des membranes permet de constater immédiatement des signes de souffrance fœtale qui nécessiteront une césarienne d’extrême urgence.

* C’est l’examen de la délivrance qui permettra de retrouver le vaisseau rompu.

La prévention peut être lors de la perception de membranes épaisses, le contrôle préalable des membranes à rompre sous amnioscope ou spéculum.

Rupture utérine en cours de travail :

* La rupture utérine en cours de travail peut survenir :

– sur toute cicatrice utérine .

– sur un utérus non cicatriciel, à l’issue d’un travail prolongé dans le cadre d’une disproportion fœto-pelvienne, le plus souvent chez une patiente multipare.

* C’est une pathologie rare qui découle souvent d’un défaut de surveillance.

* Les signes annonciateurs (signes de prérupture) doivent toujours être recherchés pendant le travail, surtout un utérus cicatriciel, ou à l’issue d’un travail prolongé :

– sensibilité ou douleur élective du segment inférieur persistante entre les contractions .

– apparition d’une hémorragie vaginale .

– accompagnée parfois de signes de souffrance fœtale.

Conclusion :

Une hémorragie du troisième trimestre est dans 80 à 90% des cas due à une cause banale qui ne nécessitera ni hospitalisation ni intervention obstétricale, mais ses causes ne sont qu’un diagnostic d’élimination.

En effet, il faut avant tout s’assurer que l’hémorragie ne provient pas d’un placenta prævia ou d’un hématome rétroplacentaire qui imposent l’hospitalisation et bien souvent mettent en jeu le pronostic fœtal, voire maternel.

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