Grossesse et diabète

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Dans le diabète insulino-dépendant, les besoins en insuline diminuent souvent au 1er trimestre de la grossesse, puis augmentent de plus en plus (à cause de la sécrétion d’hormones antagonistes de l’insuline, notamment l’hormone placentaire lactogène) pour s’effondrer après la délivrance du placenta. La rétinopathie peut s’aggraver. Pratiquement toutes les complications fœtales et néonatales des diabètes antérieurs à la grossesse (insulino- et non insulino-dépendants) sont corrélées à l’hyperglycémie maternelle : malformations congénitales, macrosomie, mort fœtale in utero, troubles métaboliques néonatals. Le diabète gestationnel (en fait le plus souvent simple intolérance aux hydrates de carbone), entité mal définie et hétérogène, survient généralement après 24-26 semaines d’aménorrhée et ne s’accompagne pas d’une augmentation du risque de malformations fœtales.

PRONOSTIC :

Grossesse et diabèteLe pronostic de la grossesse chez la femme diabétique s’est considérablement amélioré depuis les deux dernières décennies avec une réduction de la mortalité périnatale de 15 à 20% à moins de 2%, cela grâce :

– à une meilleure connaissance des mécanismes physiopathologiques concourant à l’apparition des complications foetales .

– et aux progrès dans la surveillance tant obstétricale que diabétologique avec notamment l’apport de l’autosurveillance et de l’autocontrôle glycémique ainsi que l’importance de la prise en charge préconceptionnelle.

Cette amélioration ne peut se concevoir qu’au prix d’une étroite collaboration entre diabétologue, obstétricien et néonatalogiste autour de la patiente diabétique, et actuellement une grossesse doit pouvoir se dérouler normalement dans la grande majorité des cas de diabète, même ancien.

MÉTABOLISME GLUCIDIQUE AU COURS DE LA GROSSESSE :

La grossesse est une situation métabolique nouvelle, ou les phénomènes d’adaptation tendent à privilégier l’unité foeto-placentaire, et le glucose apparaît comme le substrat énergétique majeur à cet effet.

Le glucose maternel, les acides gras libres, les corps cétoniques passent la barrière placentaire.

L’insuline ne passe pas la barrière placentaire, ni dans un sens ni dans un autre.

* Durant la grossesse, il existe un abaissement du seuil rénal de réabsorption du glucose, rendant extrêmement imparfaite la surveillance par la glycosurie seule qui reste cependant le seul examen obligatoire.

* Au cours de la grossesse s’associent un hyperinsulinisme croissant tout au long de la grossesse et une insulinorésistance, surtout présente à partir du 2e trimestre :

– l’hyperinsulinisme résulte de l’augmentation des sécrétions d’estrogènes et de progestérone qui ont une action trophique sur les cellules bêta des îlots de Langerhans du pancréas. L’insuline facilite l’anabolisme et le stockage maternel des différents nutriments .

– l’insulinorésistance apparaît surtout dans la 2e partie de la grossesse, favorisée par les modifications hormonales : élévation de la prolactine, du cortisol libre, synthèse croissante par le placenta d’HPL (hormone lactogène placentaire) ou HCS (hormone chorionique somato-mammotrophique), analogue structural de l’hormone de croissance, qui empêche l’action normale de l’insuline au niveau des tissus adipeux et du muscle, d’ou une tendance à l’hyperglycémie maternelle malgré une augmentation de la sécrétion endogène d’insuline. La grossesse est le meilleur exemple physiologique de l’insulinorésistance.

* L’importance relative de ces mécanismes varie pendant la grossesse avec une phase de  » catabolisme accéléré  » succédant à une phase d' » anabolisme facilité  » :

– durant la première partie de la grossesse, l’anabolisme prédomine sous l’action de l’insuline. La femme constitue des réserves et stocke rapidement les nutriments en période post-prandiale, d’ou une tendance maternelle à l’hypoglycémie .

– durant la seconde partie de la grossesse, les besoins foetaux augmentent rapidement et le catabolisme maternel devient essentiel avec stockage des nutriments essentiellement au niveau du foie et possibilité de remobilisation rapide pendant le jeûne, d’ou transport accru du glucose et tendance à l’hyperglycémie maternelle.

* Tout cela conduit donc à une détérioration physiologique de la tolérance glucosée tout au long de la grossesse normale, qui ne doit pas être considérée comme un phénomène pathologique.

* Mais chez une femme enceinte diabétique ou présentant des troubles de la tolérance glucidique préexistants :

– l’adaptation de la sécrétion d’insuline ne peut se faire ou se fait mal et le déséquilibre glycémique s’aggrave de façon quasi constante .

– la grossesse peut favoriser l’aggravation des complications dégénératives .

– l’hyperglycémie retentit sur le développement du foetus : le glucose traversant librement la barrière placentaire, il se produit un hyperinsulinisme foetal réactionnel à l’hyperglycémie maternelle. Par son rôle trophique, l’hyperinsulinisme favorise la macrosomie en jouant un peu sur la croissance osseuse mais davantage sur les parties molles. D’autres facteurs de croissance interviennent sans doute (IGF1).

Différents types de diabète au cours de la grossesse :

DIABÈTE ANTÉRIEUR A LA GROSSESSE :

Chez une diabétique connue, le problème posé par la survenue d’une grossesse est essentiellement d’ordre thérapeutique, avec toute l’importance de la prise en charge préconceptionnelle.

Il peut s’agir :

– d’une diabétique insulinodépendante, le plus souvent jeune, avec un diabète plus ou moins ancien et plus ou moins compliqué .

– d’une diabétique non insulinodépendante, volontiers plus âgée et multipare, souvent obèse, traitée par régime seul ou avec antidiabétiques oraux.

DIABÈTE GESTATIONNEL :

Définition :

Trouble de la tolérance au glucose, de sévérité variable, révélé et/ou diagnostiqué pendant la grossesse, quelle que soit l’évolution dans le post-partum.

Situation nosologique :

Le terme de diabète gestationnel correspond à une entité relativement hétérogène puisqu’il inclut :

– des diabètes préexistant à la grossesse mais méconnus et diagnostiqués durant la gestation .

– des diabètes réellement  » déclenchés  » par la grossesse avec glycémies normales en début de grossesse et élévation anormale ensuite, habituellement après 26 semaines .

– des intolérances au glucose découvertes par l’HGPO ou des diabètes patents .

– des diabètes qui nécessiteront ou non une insulinothérapie .

– des diabètes transitoires ou persistant après l’accouchement.

* En fait, quelle que soit la situation, il faut diagnostiquer le diabète gestationnel en le recherchant systématiquement et le traiter efficacement.

* Son incidence est en effet estimée entre 1 et 6,3% des grossesses selon les critères diagnostiques et la diversité des méthodologies utilisées (dépistage systématique plutôt qu’orienté par des facteurs de risque).

Critères diagnostiques :

Le diagnostic doit s’appuyer sur une épreuve de charge orale en glucose mais il faut d’emblée souligner que les conditions de l’épreuve et les critères d’interprétation utilisés sont très variables selon les auteurs, étant donné l’absence de consensus international.

* Certains considèrent que les normes de l’OMS (1985) restent valables pendant la grossesse, bien que la tolérance glucidique se modifie : HPO avec 75g de glucose . dosage plasmatique de la glycémie sur sang veineux .

– à jeun, la glycémie est supérieure à la  » normale  » (inférieure à 1,40g/l (7,8mmol/l)) .

– 2 heures après charge en glucose, elle est supérieure ou égale à 1,40g/l (7,8mmol/l) et inférieure à 2g/l (11,1mmol/l).

* Critères du  » National diabetes data group  » (NDDG) avec HPO à 100g de glucose et prélèvements sur plasma veineux :

* Critères de Carpenter et Coustan, avec HPO à 100g de glucose et technique de dosage à la glucose-oxydase sur plasma veineux. Ils semblent les mieux adaptés aux techniques actuelles de dosage :

Les intolérances au glucose seront identifiées par une valeur anormale de l’HGPO ou 2 chiffres limites.

Dépistage du diabète gestationnel :

Buts

* Réduire la mortalité périnatale et la morbidité néonatale, notamment la macrosomie avec son risque accru de complications obstétricales, et les hypoglycémies néonatales.

* Prévenir, avec la surveillance au long cours, après l’accouchement, de ces femmes dont le risque de constituer ultérieurement un diabète est plus élevé.

Chez qui et comment ?

* Un dépistage est bien sûr indispensable en cas de facteur de risque diabétique :

– antécédents familiaux de diabète .

– obésité .

– glycosurie .

– notion d’élévation de la glycémie sous estroprogestatifs ou lors d’une grossesse antérieure .

– antécédent de gros enfants (poids supérieur à 4.000g) .

– antécédent de mort in utero inexpliquée .

– macrosomie au cours de la grossesse actuelle .

– hydramnios sans étiologie particulière.

* En fait ce dépistage doit être systématique, avec nécessité d’un  » screening  » simple, car aucune combinaison d’éléments anamnestiques et cliniques précités ne permet une sélection suffisamment sensible de la population réellement à risque.

* Diverses méthodes de dépistage ont été proposées sans véritable consensus mais la majorité se dégage en faveur du test de O’Sullivan qui consiste en un dosage unique de la glycémie veineuse 1 heure après une charge orale de 50g de glucose, à n’importe quel moment de la journée. Si la valeur est supérieure ou égale à 1,30g/l (ce qui donne un net gain de sensibilité par rapport au seuil de 1,40g/l fixé par le NDDG), une HGPO est réalisée systématiquement.

Quand ?

* En cas de facteurs de risque, le dépistage doit être précoce dès la première consultation prénatale et il sera répété entre la 24e et la 28e semaine en cas de négativité.

* En l’absence de facteur de risque, le dépistage se fera de façon systématique idéalement entre la 24e et la 28e semaine (ce qui n’exclut pas de le faire réaliser au-delà, en cas d’oubli).

Complications, interaction grossesse-diabète :

RETENTISSEMENT DE LA GROSSESSE SUR LE DIABÈTE :

Instabilité du diabète :

* L’instabilité du diabète se manifeste le plus souvent :

– durant le 1er trimestre : tendance aux hypoglycémies .

– durant le 2e trimestre : augmentation des besoins en insuline .

– durant le 3e trimestre : besoins en insuline relativement stables .

– après l’accouchement : diminution rapide des besoins en insuline, devant conduire à une baisse préventive des apports insuliniques.

* Par ailleurs, le risque de cétose peut toujours être favorisé par les vomissements ou une infection urinaire…

* Qu’il s’agisse d’une décompensation glycosurique/cétonurique franche ou d’une véritable acidocétose, elle est à redouter chez la mère et peut être fatale pour le foetus, mais elle ne devrait plus survenir avec les techniques d’autocontrôle glycémique actuelles.

Complications dégénératives :

* La grossesse ne semble pas hâter la survenue d’une rétinopathie diabétique mais peut aggraver une rétinopathie préexistante dans un certain nombre de cas, surtout s’il s’agit d’une forme sévère.

– Inversement les formes peu importantes ou ayant fait l’objet d’un traitement efficace préalable (photocoagulation au laser notamment) ne s’aggravent pas a priori, d’ou l’importance d’un bilan de référence et d’un traitement adéquat avant la grossesse ou au tout début de la grossesse en cas de rétinopathie diabétique proliférante ou pré-proliférante.

– La rétinopathie floride est en revanche une contre-indication à la grossesse

* La néphropathie diabétique :

– relativement rare chez ces femmes souvent jeunes, ne semble pas aggravée de façon permanente par la grossesse .

– mais une néphropathie patente, avec nette diminution de la filtration glomérulaire et élévation de la créatinine, est facteur de mauvais pronostic foetal, surtout en cas d’HTA associée.

* La coronaropathie patente est une contre-indication formelle à la grossesse chez la diabétique.

RETENTISSEMENT DU DIABETE SUR LA GROSSESSE :

Risque de malformations :

Le taux de malformation généralement rapporté est de 4 à 8%, soit deux à trois fois supérieur à celui d’une population témoin.

* Ces malformations semblent toucher tous les organes mais il s’agit plus spécialement d’anomalies cardio-vasculaires (transposition des gros vaisseaux, coarctation de l’aorte…), du système nerveux, du squelette, avec notamment l’exceptionnel syndrome de régression caudale.

* Ces malformations sont essentiellement liées au déséquilibre glycémique lors de la conception et des premières semaines de grossesse, d’ou l’importance de la prise en charge préconceptionnelle avec optimisation de l’équilibration glycémique avant la conception.

* Avortements spontanés : ils sont plus fréquents lors des grossesses diabétiques mal équilibrées (liés en partie aux malformations létales).

Macrosomie :

Elle se définit par un poids de naissance à terme supérieur à 4.000g ou, mieux, un poids dépassant le 90e percentile des courbes de référence pour l’âge gestationnel considéré (20 à 30% des enfants de mère diabétique).

* Elle est d’origine multifactorielle mais un des principaux facteurs est l’hyperinsulinisme foetal qui est réactionnel à l’hyperglycémie maternelle et qui accélère l’anabolisme protidique et lipidique.

* Ainsi donc elle peut être essentiellement limitée par un équilibre strict du diabète pendant la grossesse (même si elle peut parfois s’observer malgré un bon équilibre glycémique apparent).

* Elle doit être évitée car elle s’accompagne d’un risque accru de complications obstétricales telles qu’une dystocie des épaules, paralysie du plexus brachial, disproportion foeto-pelvienne, extractions instrumentales avec leurs conséquences maternelles et foetales, fracture de la clavicule.

Hydramnios :

Il s’agit le plus souvent d’un excès de liquide associé à la macrosomie.

Le plus souvent, il pose le problème de son diagnostic différentiel avec d’autres causes d’hydramnios (malformations…). Il peut d’ailleurs gêner le bon déroulement de l’accouchement (défaut d’accommodation, procidence du cordon).

Mort fœtale :

Surtout redoutée au 3e trimestre, brutale, sans prodromes, accompagnée généralement de macrosomie importante, et de mécanisme imparfaitement connu mais là encore l’amélioration de l’équilibre glycémique maternel associée à une surveillance foetale régulière et soigneuse a fait quasiment disparaître ce risque.

Détresses respiratoires :

* Chez les nouveau-nés de mère diabétique, on observe un retard de maturation du surfactant pulmonaire favorisant la survenue d’une maladie des membranes hyalines à un âge gestationnel ou elle est normalement moins fréquente.

* Fréquentes à l’époque ou une extraction prématurée était pratiquée systématiquement avant la 37e semaine chez les mères diabétiques, elles ont considérablement diminué depuis que les techniques de surveillance actuelle permettent de poursuivre la grossesse jusqu’à un terme plus avancé.

Hypertension gravidique :

Son risque est augmenté en cas de diabète.

Ses complications ne sont pas spécifiques mais elles sont bien connues (retard de croissance intra-utérin, éclampsie, hématome rétroplacentaire…).

Complications néonatales :

* Les hypoglycémies néonatales :

– se définissent comme une glycémie inférieure à 0,30g/l à terme et inférieure à 0,20g/l chez les prématurés .

– sont liées à l’hyperinsulinisme foetal .

– surviennent dans les 24-48 premières heures suivant l’accouchement .

– et sont favorisées essentiellement par le déséquilibre glycémique maternel durant la grossesse et durant les heures précédant la naissance.

* Divers troubles métaboliques sont également plus fréquents tels que :

– l’hypocalcémie (calcémie inférieure à 80mg/l à terme et inférieure à 70mg/l chez les prématurés), de mécanisme physiopathologique mal connu, dont la cause serait un hyperparathyroïdisme fonctionnel par carence foetale en magnésium .

– l’hyperbilirubinémie (taux de bilirubine supérieur à 120mg/l) qui résulterait d’une élévation de l’érythropoïétine du fait d’une hypoxie tissulaire liée à l’hypoglycémie et à l’hyperinsulinisme .

– la polyglobulie (hématocrite supérieur à 65 à 70%) qui serait liée à l’hypoxie foetale chronique.

* Enfin une insuffisance cardiaque peut parfois survenir précocement avec une cardiomégalie secondaire à une hypertrophie du septum et des parois ventriculaires visibles en échographie (cardiomyopathie non obstructive), son pronostic est généralement favorable en quelques semaines.

Surveillance et conduite à tenir chez la femme enceinte diabétique :

PRISE EN CHARGE PRECONCEPTIONNELLE :

* Elle est fondamentale pour :

– réduire le risque de malformations foetales par un contrôle strict du diabète dans la période précédant la conception .

– dépister et traiter d’éventuelles lésions dégénératives avant la grossesse avec notamment traitement par laser d’une rétinopathie si besoin.

* Elle permet :

– l’apprentissage des techniques d’autosurveillance glycémique par détermination de la glycémie capillaire et d’autocontrôle si cela n’était pas déjà fait .

– le contrôle du régime .

– la vérification du contrôle glycémique sous régime, ± traitement oral, en cas de diabète non insulinodépendant, avec, au besoin, institution d’une insulinothérapie si l’équilibre n’est pas satisfaisant .

– l’ajustement des doses d’insuline avec le plus souvent fractionnement des injections en cas de diabète insulinodépendant.

SURVEILLANCE DU DIABÈTE PENDANT LA GROSSESSE :

Équilibre glycémique :

* L’idéal est de poursuivre les bons résultats obtenus dans la période préconceptionnelle si la préparation a pu être correcte.

* Sinon, la prise en charge doit être la plus précoce possible avec :

– dosage d’hémoglobine glycosylée, et plus spécifiquement sa fraction A IC qui reflétera l’équilibre glycémique des 2 mois précédents .

– dosage de la fructosamine, qui renseignera sur l’équilibre glycémique plus récent .

– contrôle du régime, la quantité globale des calories autorisée pendant la grossesse étant d’environ 1.800 à 2.000kcal/j dont 50% d’hydrates de carbone régulièrement répartis en trois repas et trois collations. Elle peut descendre jusqu’à 1.500kcal/j chez les obèses, mais pas en dessous . on veillera bien sûr dans tous les cas à un apport équilibré en calcium, fer et folates .

– chez la femme diabétique insulinodépendante, optimisation de l’insulinothérapie avec adaptation des doses et fractionnement des injections (trois à quatre injections par jour d’insuline humaine) rendu plus facile par l’utilisation des stylos à insuline, voire mise sous pompe sous-cutanée à débit continu variable en cas de diabète instable ou de mauvais équilibre sous insulinothérapie optimisée .

– chez la femme diabétique non insulinodépendante, les antidiabétiques oraux ne sont pas utilisés pendant la grossesse (même s’il n’a pas été rapporté d’effet tératogène) et seront donc arrêtés. Dans ces conditions, l’insulinothérapie est instaurée dès que le régime seul ne permet pas d’obtenir des glycémies normalisées, c’est-à-dire quand la glycémie à jeun atteint 0,95g/l et quand la glycémie post-prandiale 2 heures après le repas dépasse 1,20g/l.

* La mise en route de l’insuline se fait lors d’une hospitalisation de quelques jours, dans un service de diabétologie, indispensable pour l’éducation de la patiente.

* Le but est d’obtenir des glycémies aussi proches que possible de la normale avec un contrôle 6 à 7 fois par jour de la glycémie capillaire (avant chaque repas, 2 heures après le début des 3 repas et au coucher). La glycémie préprandiale doit être inférieure à 1g/l, idéalement entre 0,60g/l et 0,90g/l. Les glycémies postprandiales ne doivent pas excéder 1,40g/l, idéalement entre 1g/l et 1,20g/l. On y associera une surveillance de la cétonurie 1 ou 2 fois par jour (quelques études ont révélé son rôle péjoratif sur le coefficient intellectuel des enfants . cela reste à confirmer).

* Le diabétologue verra tous les 15 jours la patiente, voire tous les 8 jours si nécessaire et jugera de la qualité de l’équilibre essentiellement sur le carnet d’autosurveillance.

* Un dosage de l’hémoglobine glycosylée sera habituellement réalisé tous les 2 mois (bien que sa fiabilité pendant la grossesse nécessite des réserves), surtout en cas de déséquilibre initial ou de doute sur la technique de réalisation des glycémies capillaires. Au besoin, la fructosaminénie reflète l’équilibre glycémique sur une période plus courte de 1 à 3 semaines.

Complications spécifiques du diabète :

* Idéalement, on dispose en début de grossesse d’un fond d’oeil récent et une éventuelle rétinopathie a été traitée au préalable. Sinon, un fond d’oeil initial doit être réalisé précocement, associé pour beaucoup d’auteurs à une angiographie, même en l’absence de rétinopathie. Un traitement par laser peut être pratiqué pendant la grossesse si nécessaire. Un contrôle du fond d’oeil sera ensuite pratiqué une fois par trimestre avec adaptation selon les constatations.

* La surveillance de la fonction rénale fera appel à un dosage de l’urée et de la créatinine, répété si besoin ou en cas de pathologie vasculaire associée. La protéinurie des 24 heures sera vérifiée une fois par mois avec contrôle régulier de l’albuminurie à la bandelette entre deux, surtout au dernier trimestre.

* L’ECBU avec numération de germes sera mensuel. On connaît en effet la fréquence de la bactériurie asymptomatique dans la population diabétique et il est primordial de la dépister afin de la traiter efficacement par une antibiothérapie adaptée et d’éviter la survenue de pyélonéphrite aigu‘ fébrile avec son risque de cétose diabétique.

* La tension artérielle sera contrôlée tous les 15 jours à chaque consultation, tous les 8 jours en fin de grossesse :

– la toxémie gravidique est en effet plus fréquente chez la diabétique et elle aggrave considérablement le pronostic du diabète ainsi qu’une rétinopathie préexistante. Dans ces conditions, une uricémie initiale sera réalisée et vérifiée régulièrement .

– en cas d’HTA, le traitement au cours de la grossesse diabétique n’a rien de spécifique (recours à des bêta-bloquants plutôt cardiosélectifs, contre-indication des inhibiteurs de l’enzyme de conversion), mais il domine dès lors le pronostic foetal et il sera associé à une étroite surveillance clinique et biologique .

– le dépistage de l’HTA gravidique par vélocimétrie utérine au 2e trimestre de la grossesse est en cours d’évaluation chez les femmes diabétiques, de même que la prévention de ses complications par l’aspirine à faible dose.

SURVEILLANCE OBSTETRICALE :

Surveillance clinique :

* A chaque consultation, vérification :

– du poids (une prise de poids excessive peut signifier un excès calorique ou un surdosage en insuline) .

– de la hauteur utérine (à la recherche d’un excès de liquide amniotique, d’une macrosomie foetale ou, inversement, d’un retard de croissance débutant) .

– des bruits du coeur foetal .

– et de l’état du col utérin.

* A ce propos, il faut souligner les difficultés du traitement par les bêta-mimétiques en cas de menace d’accouchement prématuré sévère étant donné leur effet délétère sur l’équilibre du diabète avec risque d’acidocétose rapide :

– leur indication doit donc être soigneusement posée (avec dans la mesure du possible recours à d’autres produits tels progestérone, sulfate de magnésie…) et une surveillance accrue sera nécessaire avec adaptation rapide de l’insulinothérapie .

– la perfusion intraveineuse de bêta-mimétiques devra s’accompagner obligatoirement d’une perfusion intraveineuse continue d’insuline à la pompe.

Surveillance échographique :

La surveillance échographique sera régulière avec :

* au premier trimestre, une échographie de datation précise entre 8 et 14 semaines . en cas de déséquilibre glycémique notable, la voie endovaginale permettra parfois de dépister, au stade précoce de 13 à 14 semaines, d’importantes malformations, tel un syndrome de régression caudale .

* au deuxième trimestre, une échographie vers 20 semaines afin de rechercher attentivement une malformation. Certains auteurs associent un examen vélocimétrique des artères utérines à la recherche d’une pathologie vasculaire associée .

* au troisième trimestre, une surveillance étroite de la biométrie foetale avec courbes de croissance du diamètre bipariétal et du diamètre abdominal transverse, surtout si s’installe une macrosomie ou un retard de croissance intra-utérin (syndrome vasculo-rénal associé). Par ailleurs on vérifiera l’aspect du placenta.

Surveillance de la vitalité fœtale :

* Comptage des mouvements actifs par la patiente elle-même, à partir de 32 semaines, avec admission en urgence en cas d’anomalie ou de changement (moins de trois mouvements ressentis en 1 heure, après le repas).

* Enregistrement du rythme cardiaque foetal (RCF) à partir de 32 semaines, en décubitus latéral, pendant au moins 30 minutes, avec établissement du score de Fisher.

– Le rythme de surveillance sera fonction de l’équilibre glycémique et des autres paramètres, environ deux fois par semaine à partir de 34 semaines, voire trois fois par semaine à partir de 36 semaines d’aménorrhée en cas de DID ancien ou de pathologie vasculo-rénale associée.

– En cas de rythme cardiaque foetal peu réactif, il est nécessaire de le répéter, voire d’enregistrer en continu afin d’adapter la conduite à tenir.

* Doppler des vaisseaux ombilicaux, surtout en cas de pathologie vasculaire antérieure ou surajoutée, avec valeur péjorative d’une élévation de l’index de résistance.

Intérêt de l’évaluation de la maturité pulmonaire fœtale :

L’intérêt de l’évaluation de la maturité pulmonaire foetale décroît depuis que les diabétiques accouchent relativement près du terme.

Néanmoins, cette évaluation garde toute sa place s’il existe, avant la 39e semaine d’aménorrhée, un haut risque de devoir interrompre la grossesse (diabète non contrôlé, pathologie vasculaire associée…), en sachant qu’un rapport L/S dit  » mature égal ou supérieur à 2  » doit être interprété avec prudence et que, de façon idéale, il doit être égal à 3 ou être associé au dosage de phosphatidylglycérol, ce dernier étant beaucoup plus fiable quand on peut en disposer.

Hospitalisation :

* Une hospitalisation sera parfois nécessaire au cours d’une grossesse en cas de complication, si la patiente est non coopérante ou que survient un déséquilibre brutal du diabète avec risque d’acidocétose ou nécessité de mise sous pompe.

* Dans la majorité des cas, la surveillance pourra être ambulatoire jusqu’à l’accouchement, et l’hospitalisation en fin de grossesse n’est pas obligatoire si l’équilibre du diabète est correct, s’il n’existe pas de pathologie associée et si la surveillance foetale est rigoureusement normale.

* Dans le cas contraire, s’il apparaît une complication, la patiente sera hospitalisée avec surveillance de tous les paramètres et programmation de l’accouchement lorsque la maturité pulmonaire sera obtenue ou interruption plus précoce en cas de pathologie sévère associée, les conduites à tenir étant nécessairement individualisées.

ACCOUCHEMENT :

L’accouchement se fera dans la mesure du possible à terme, à partir de 38 semaines d’aménorrhée et par voie basse, en sachant que la décision de la voie d’accouchement se fondera bien sûr sur les antécédents gynéco-obstétricaux, l’existence d’une pathologie associée et l’existence ou non d’une macrosomie avec, au besoin, réalisation d’une radiopelvimétrie pour confrontation foeto-pelvienne.

* S’il a lieu par voie basse, l’accouchement sera spontané ou déclenché sous péridurale si les conditions locales sont favorables. La patiente est dans ce cas à jeun avec perfusion d’insuline IV continue et perfusion de sérum glucosé à 10%, et le débit de la pompe est adapté aux glycémies horaires.

* En cas de diabète gestationnel sous de faibles doses d’insuline, l’insuline est arrêtée dès que le travail commence ou la veille de l’accouchement si un déclenchement est prévu. On poursuit la surveillance des glycémies capillaires pendant l’accouchement et ces femmes n’ont souvent pas besoin de recevoir de l’insuline pendant le travail.

* En cas de nécessité, le recours aux prostaglandines est autorisé.

* Si une césarienne est programmée, la patiente est également placée sous perfusion intraveineuse continue d’insuline et perfusion de sérum glucosé, cette voie étant généralement maintenue avec adaptation selon les dextros jusqu’à reprise du transit et de l’alimentation.

POST-PARTUM :

* En cas de diabète insulinodépendant, les besoins en insuline chutent rapidement et une diminution des doses est le plus souvent nécessaire.

* S’il s’agit d’une patiente atteinte de diabète non insulinodépendant qui a reçu de l’insuline pendant sa grossesse, l’insuline peut être rapidement arrêtée et le régime poursuivi avec reprise ou non des antidiabétiques oraux.

* Dans tous les cas, l’allaitement est tout à fait possible avec une diététique appropriée, ± la poursuite de l’insulinothérapie, mais sans antidiabétiques oraux.

* Chez les femmes ayant présenté un diabète gestationnel, il est utile de réaliser une HPGO à 75g de glucose, 3 à 6 mois après l’accouchement, afin de vérifier si persiste ou non une diminution de la tolérance au glucose de façon à adapter au mieux la surveillance ultérieure et la diététique si besoin ainsi que le choix de la contraception.

– Le risque de présenter un diabète non insulinodépendant dans les années à venir (20 à 30% selon les études) est plus important en cas d’obésité, d’âge plus avancé et de prise de poids plus importante pendant la grossesse.

– Quelques femmes pourraient même révéler un véritable DID.

– Les enfants issus d’une grossesse marquée par un diabète gestationnel seraient un peu plus à risque d’obésité ultérieure.

* La grossesse offre donc l’occasion de mieux cibler une population à haut risque et de commencer une prise en charge par une éducation diététique afin de tenter de prévenir l’obésité, de limiter les facteurs de risque cardio-vasculaires et de retarder l’apparition du DNID.

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