Hypertension artérielle de la grossesse

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Il existe deux types d’hypertension artérielle (HTA) liée à la grossesse :
* l’HTA survenant au cours d’une grossesse ou toxémie gravidique, qui peut être définie par une HTA, une protéinurie et des œdèmes survenant en général chez une femme primipare sans antécédents vasculo-rénaux, au cours du troisième trimestre de la grossesse.
* ce syndrome doit être différencié de la grossesse survenant chez une femme antérieurement hypertendue, même si ces deux tableaux partagent des risques maternels et fœtaux et un traitement similaires.

PHYSIOPATHOLOGIE ET CLASSIFICATION DES TOXÉMIES GRAVIDIQUES :

La physiopathologie reste encore à l’heure actuelle mal comprise. L’origine première du syndrome semble être un trouble de la vascularisation utéro-placentaire.

Déterminisme de l’ ischémie placentaire :

Hypertension artérielle de la grossesseLes hypothèses sont :

* un trop gros utérus (grossesse gémellaire, hydramnios) qui amènera la compression aortique et des artères utérines.

* une pathologie vasculaire préexistante (athérome, diabète, HTA).

* des facteurs immunologiques : diminution de la tolérance immunitaire maternelle aux antigènes d’origine paternelle en cas de trop grande histocompatibilité entre les deux conjoints ou par le manque d’exposition préalable aux antigènes paternels conduisant au rejet de l’allogreffe fœtale.

Mais il en existe sûrement bien d’autres à découvrir.

Déterminisme de l’HTA :

* Absence de vasodilatation physiologique pendant la grossesse.

* Hypovolémie d’origine inconnue et d’autant plus marquée que le tableau est sévère.

* Déséquilibre du système rénine-angiotensine-prostaglandine, qui amène une diminution de la prostacycline vasodilatatrice. Il y aurait une disparition de l’état réfractaire à l’angiotensine des vaisseaux.

Atteinte rénale :

Diminution de la filtration glomérulaire aboutissant à une insuffisance rénale presque toujours fonctionnelle.

Endothéliose glomérulaire en cas de prééclampsie (entièrement réversible).

Troubles de l’hémostase :

On retrouve souvent des signes biologiques modestes de coagulation intravasculaire disséminée provenant de la libération de thromboplastine par les cellules trophoblastiques ischémiées.

Classification :

* Plusieurs types de classification des hypertensions artérielles chez une femme enceinte ont été proposés et la plus fréquente comporte quatre types :

– type I : toxémie gravidique ou prééclampsie, telle que décrite dans la définition. Tableau très grave censé ne pas récidiver lors des grossesses suivantes.

– type II : HTA chronique apparaissant lors des 6 premiers mois de la grossesse ou chez une patiente qui n’est pas primipare. La récidive est quasi certaine pour d’autres grossesses.

– type III : toxémie gravidique surajoutée. Il s’agit d’une patiente du type II avec une protéinurie se surajoutant au 3e trimestre.

– type IV : HTA isolée de la grossesse ; l’HTA apparaissant pour chaque grossesse et disparaissant totalement dans l’intervalle de celles-ci.

* Les problèmes non réglés par cette classification sont d’une part que bon nombre d’HTA du 3e trimestre chez la femme primipare vont récidiver lors de grossesses suivantes, d’autre part que la diminution physiologique de la tension artérielle au début de la grossesse masque un certain nombre d’HTA, enfin qu’une protéinurie peut traduire la décompensation d’une néphropathie sous-jacente.

Diagnostic :

DÉPISTAGE DES FEMMES A RISQUE :

Antécédents non obstétricaux :

* Antécédents familiaux :

– HTA, diabète, obésité.

– antécédents familiaux d’HTA gravidique, en particulier chez la mère et les sœurs.

* Antécédents personnels :

– âges extrêmes (moins de 18 ans ou plus de 40 ans).

– HTA chronique.

– diabète.

– obésité.

– LEAD.

– survenue d’une HTA transitoire sous estroprogestatifs.

– néphropathie.

Antécédents obstétricaux :

– Primiparité ou multiparité avec changement de procréateur (1re grossesse avec un nouveau procréateur).

– Toxémie, éclampsie.

– Grossesse gémellaire.

– Complications fœtales antérieures non expliquées (retard de croissance intra-utérin, mort fœtale in utero).

– Hématome rétroplacentaire.

– Infections urinaires.

DIAGNOSTIC POSITIF :

Définition de l’HTA :

Elle se définit par une tension artérielle systolique supérieure ou égale à 140mmHg et une tension artérielle diastolique supérieure ou égale à 90mmHg, à au moins deux consultations successives.

La tension artérielle systolique au cours de la grossesse est très labile et doit être prise chez une femme aussi détendue que possible, en position assise, bras à hauteur du cœur, à distance de l’examen gynécologique, avec un brassard adapté.

Forme typique de la toxémie gravidique :

Elle est définie par une triade clinique : HTA, protéinurie, œdèmes.

* HTA :

– elle peut survenir à n’importe quel terme voire au moment de l’accouchement ou dans le post-partum immédiat. Sa date d’apparition est difficile à préciser, en raison de la diminution physiologique de la TA en début de grossesse.

– cette HTA se manifeste cliniquement par des céphalées, des troubles oculaires.

* Protéinurie :

– elle se dépiste aux bandelettes à chaque consultation prénatale.

– elle est de type glomérulaire avec une albuminurie prédominante.

– sa découverte aux bandelettes nécessite toujours un dosage pondéral.

– une albuminurie sous forme de traces doit faire éliminer une infection du tractus urinaire.

– une albuminurie supérieure ou égale à 0,30g/j (ou 0,50g/j pour certains) est pathologique et, au-delà de 1g/24h, signe une forme grave de la maladie.

* OEdèmes :

– ils sont souvent difficiles à distinguer de l’œdème physiologique.

– ils ont un caractère pathologique quand ils sont de survenue rapide, effaçant les traits (faciès lunaire), boudinant les doigts (signe de la bague), avec rupture à la hausse dans la continuité de la courbe pondérale. Une prise de poids importante (2-3kg par semaine) est un bon signe prédictif de prééclampsie.

– l’oligurie signe avec certitude leur caractère pathologique, mais s’installe avec retard.

EXAMENS COMPLEMENTAIRES :

Bilan maternel :

Il comporte :

– numération formule sanguine, plaquettes.

– ionogramme sanguin, uricémie, créatininémie.

– glycémie à jeun.

– transaminases.

– bilirubine directe et indirecte.

– TCA, TP, fibrine.

– ECBU.

– protéinurie des 24 heures.

– ECG, fond d’œil (évaluant une ancienneté méconnue de l’HTA).

Les examens complémentaires ayant une valeur pronostique sont :

* l’uricémie : paramètre prédictif le plus fidèle du risque fœtal :

– le taux moyen pendant la grossesse se situe entre 180 et 350µmol/l.

– le taux de 350µmol/l représente le seuil critique.

– a posteriori, on retrouve ce chiffre chez 90% des hypotrophes et 96% des morts fœtales in utero.

– à partir de 600µmol/l, le taux de mort fœtale in utero atteint presque 100%.

* le taux de plaquettes : une thrombopénie inférieure à 100.000mm3 est de mauvais pronostic, ainsi que les produits de dégradation de la fibrine supérieurs à 10mg/ml, traduisant une coagulation intravasculaire disséminée.

* la protéinurie des 24 heures supérieure à 1g/24h, comme nous l’avons déjà vu.

* l’évaluation du volume plasmatique (au bleu d’Evans) serait un excellent facteur prédictif mais est de maniement peu facile. L’hypovolémie est en effet en corrélation avec l’hypotrophie fœtale et précède toujours la constatation clinique ou échographique d’un retard de croissance intra-utérin.

Bilan fœtal :

Evaluation de la croissance :

Le bilan fœtal évalue d’une part sa croissance (dépistage du retard de croissance intra-utérin) :

* hauteur utérine.

* biométrie fœtale avec mensurations des différents diamètres (périmètre abdominal (PA), périmètre céphalique (PC) et fémur) tous les 15 jours, permettant de surveiller la croissance avec précision lorsque l’HTA est installée.

Evaluation de la vitalité :

D’autre part, le bilan fœtal permet d’évaluer sa vitalité (apparition d’une souffrance fœtale chronique sur laquelle peut se greffer une souffrance fœtale aiguë) :

* mouvements actifs fœtaux surveillés par la mère ou par des appareillages spéciaux. Peu d’études permettent de situer les normes, mais si la patiente compte pendant 4 périodes de 15 minutes dans la journée les mouvements actifs et si ceux-ci sont inférieurs à 2 mouvements dans cette période, la consultation d’urgence en service spécialisé est nécessaire.

* l’enregistrement du rythme cardiaque fœtal (RCF) de fréquence variable, selon la gravité de l’hypertension (deux fois par semaine à plusieurs fois par jour).

* l’échographie, permettant l’évaluation biophysique fœtale (score de Manning qui associe divers critères fondés sur les mouvements actifs fœtaux et le RCF).

Insistons sur l’intérêt de l’étude de la vélocimétrie Doppler en cours d’échographie :

* Doppler ombilical afin de mesurer l’indice de résistance placentaire : l’augmentation de résistance placentaire est un bon reflet de l’état fœtal et impose une surveillance rapprochée par enregistrement du RCF.

* Doppler cérébral : l’atteinte du flux sanguin cérébral, se traduisant par une vasodilatation, est très péjorative.

* le Doppler des artères utérines, qui a une valeur pronostique chez les femmes à risque d’HTA ou ayant une HTA. S’il est pathologique (aspect de  » notch « ) aux alentours de 22-24 semaines d’aménorrhée (SA), il impose une surveillance plus rapprochée à partir du 5e mois car le risque de complication est alors très élevé.

* remarquons que les dosages hormonaux (HPL, œstriol) ne sont plus d’actualité car pas assez fiables et souvent en retard par rapport à l’atteinte fœtale.

Complications, évolution :

COMPLICATIONS MATERNELLES :

Hématome rétroplacentaire :

Il complique 2 à 5% des prééclampsies et 10% des HTA chroniques.

Hellp syndrome :

Ce syndrome témoigne de la souffrance viscérale au cours de la prééclampsie. Il associe une hémolyse ( » hemolysis « ), une élévation des transaminases ( » elevated live enzyme « ) et une thrombopénie ( » low platelet « ).

Il survient généralement à la fin du 2e ou au 3e trimestre, mais il peut survenir de façon plus rare dans le post-partum.

* Les signes cliniques sont variables : douleur au niveau de l’hypocondre droit, HTA.

* Sur le plan biologique, les principales caractéristiques sont les suivantes :

– baisse de l’hémoglobine et de l’haptoglobine.

– augmentation des réticulocytes.

– augmentation de la bilirubine et des LDH.

– augmentation des transaminases.

– baisse des plaquettes. La thrombopénie est sévère lorsqu’elle est inférieure à 50.000.

– il peut exister aussi des anomalies de la fonction rénale et des troubles de l’hémostase (CIVD).

Hypertension sévère :

* L’élévation importante de la PA (PAD supérieure à 120mmHg) est associée à une augmentation du risque maternel et fœtal. Cette aggravation de la PA peut être source de complications :

– hémorragie intracérébrale, encéphalopathie hypertensive.

– insuffisance rénale aiguë.

– défaillance cardiaque avec cœur pulmonaire aigu, OAP.

– hématome rétroplacentaire avec parfois une CIVD.

– troubles cardiaques majeurs à type d’arythmie ventriculaire.

* Il ne faut pas diminuer la TA de façon brutale car cela peut entraîner une diminution du débit de perfusion placentaire et être responsable d’une souffrance fœtale aiguë.

Eclampsie :

Sa fréquence a diminué avec la surveillance des grossesses et avec le contrôle plus strict des formes d’hypertension sévère.

– Elle atteindrait deux femmes enceintes pour 1.000 (soit environ 1 à 5% des femmes hypertendues).

– Elle survient pendant la grossesse, surtout au 3e trimestre mais parfois au 2e trimestre, chez une femme hypertendue (pas uniquement dans la toxémie gravidique).

– Elle peut survenir sur une grossesse môlaire et dans les 48 heures qui suivent l’accouchement.

– Elle complique habituellement les toxémies graves, avec HTA élevée.

Phase de prééclampsie :

L’éclampsie est précédée d’une phase plus ou moins longue de prééclampsie, qu’il est important de bien dépister et qu’on peut définir par :

– des céphalées frontales ou en casque, pulsatiles, avec adynamie, somnolence et vertiges.

– des troubles oculaires, avec diminution de l’acuité visuelle, phosphènes, amaurose transitoire. A l’examen du fond d’œil, on retrouve un œdème papillaire, des spasmes artériels, voire des hémorragies rétiniennes.

– des bourdonnements d’oreilles.

– des troubles digestifs avec nausées, vomissements, voire douleur épigastrique en barre (signe de Chaussier), quasi pathognomonique et de danger imminent.

– des réflexes ostéo-tendineux vifs.

– le tout survenant chez une patiente toxémique grave, avec HTA instable, œdèmes et protéinurie.

Il faut traiter la patiente dès ce stade si on veut éviter la crise d’éclampsie.

Crise éclamptique :

Elle se déroule en quatre phases, comme une crise comitiale généralisée.

* Phase d’invasion :

– durant de 5 à 30 secondes, survenant brutalement, sans prodromes.

– avec contractions fibrillaires de la tête et du cou, mouvements pendulaires des yeux qui finissent par s’immobiliser latéralement, ainsi que mouvement de va-et-vient de la langue.

– puis les contractions fibrillaires atteignent les membres supérieurs qui s’enroulent en pronation.

* Phase tonique :

– s’installant une minute après et durant environ 30 secondes.

– il s’agit d’une hypertonie généralisée, avec tête renversée, trismus et parfois morsure de la langue, yeux révulsés, opisthotonos, membres supérieurs en flexion, membres inférieurs en extension, apnée avec cyanose du visage, mousse aux coins des lèvres.

* Phase clonique :

– durant 1 à 2 minutes. Elle débute après la phase tonique après une longue inspiration qui semble mettre fin à la phase d’asphyxie de la période précédente.

– les convulsions sont désordonnées, de plus en plus amples, portant sur la face, le cou et les membres supérieurs.

* Phase comateuse, d’intensité et de durée variables, suivant la répétition des crises :

– le plus souvent, il s’agit d’une simple hébétude.

– la respiration est stertoreuse et il existe une mydriase bilatérale.

Au total, cela ressemble à une crise d’épilepsie, avec morsure de langue et ecchymoses palpébrales chez une femme enceinte chez qui l’on a retrouvé des signes de toxémie gravidique. Il existe très rarement une perte d’urine (du fait de l’oligo-anurie accompagnant ces tableaux graves). Il n’y a pas de signe neurologique de localisation.

Evolution :

* Dans l’immédiat, guérison sous l’effet du traitement. En cas d’absence de traitement, il y a répétition des crises avec état de mal éclampsique, menaçant la vie maternelle : asphyxie, défaillance cardiaque, œdème aigu du poumon, hémorragie cérébro-méningée.

* Secondairement, on peut retrouver une anurie par ischémie glomérulaire (régressive après réanimation intensive), un ictère par atteinte vasculaire hépatique, une coagulation intravasculaire disséminée, une psychose puerpérale avec confusion.

* Le pronostic fœtal est sombre : cette éclampsie tue souvent le fœtus qui était dans un état de souffrance fœtale chronique. Si le fœtus est vivant et à un terme de viabilité, son extraction s’imposera.

Autres complications neurologiques :

* L’hématome intracérébral : peu fréquent. Il survient souvent après les crises convulsives et est associé à des lésions hémorragiques macroscopiques. Il s’accompagne d’une forte mortalité maternelle.

* L’encéphalopathie hypertensive : se rencontre fréquemment dans les périodes de coma postéclampsique.

* L’œdème cérébral : c’est l’anomalie la plus fréquemment observée. Peut s’accompagner de troubles visuels (amaurose). Ces troubles sont souvent totalement régressifs.

Rupture sous-capsulaire du foie :

* Se manifeste par une douleur de l’hypocondre droit, une douleur scapulaire. Il peut y avoir aussi une ascite avec des troubles respiratoires, un épanchement pleural voire un état de choc. On observe une hémorragie intrahépatique avec développement d’un hématome sous-capsulaire du foie qui peut aboutir à une rupture spontanée du foie.

* Le diagnostic se fait par échographie.

* Le traitement consiste en une attitude d’expectative et de surveillance.

OEdème aigu du poumon, insuffisance rénale aiguë :

Ce sont des complications exceptionnelles.

COMPLICATIONS FŒTALES :

Hypotrophie fœtale  et retard de croissance intra-utérin :

* L’hypotrophie complique 7 à 20% des grossesses avec HTA. Le taux de séquelles neurologiques est évalué à environ 10%, conséquences de l’hypotrophie par anoxie chronique in utero et de la prématurité.

* La stagnation de la hauteur utérine ou l’arrêt de croissance fœtale échographique en permettent le diagnostic.

* C’est au cours du 3e trimestre qu’apparaît le retard de croissance intra-utérin, c’est dire l’importance de la surveillance clinique et échographique tous les 15 jours chez les toxémiques.

Mort in utero :

2 à 5% de femmes enceintes atteintes d’HTA sont concernées.

Elle survient, soit après une longue évolution de la souffrance fœtale chronique qu’il importe de bien dépister et surveiller, soit brutalement sans aucun signe annonciateur à l’occasion, en particulier, d’un à-coup hypertensif.

Mort néonatale précoce :

Conséquence de la prématurité, soit spontanée soit iatrogène (extraction dans un but thérapeutique), dans un tableau de souffrance fœtale.

SURVEILLANCE :

Une fois le diagnostic d’HTA posé, une conduite à tenir doit être définie, tant au niveau de la surveillance clinique que de la surveillance biologique.

La patiente est hospitalisée et bénéficie d’une surveillance clinique, biologique et fœtale.

* La surveillance clinique comporte, outre la prise de la TA :

– la recherche des symptômes d’une prééclampsie.

– l’évaluation pondérale, de la diurèse, des œdèmes.

– la mensuration de la hauteur utérine.

* La surveillance biologique comprend chaque jour :

– une protéinurie des 24 heures.

– une numération formule sanguine, plaquettes.

– le dosage de l’uricémie, des transaminases.

* La surveillance fœtale est fondée sur :

– la mesure de la hauteur utérine.

– une échographie tous les 15 jours pour une évaluation du poids fœtal (éventuellement associée à l’étude Doppler de la vascularisation fœtale).

– enfin l’enregistrement du RCF 3 fois par jour.

* Au bout de quelques jours de surveillance :

– si l’HTA est isolée et bien contrôlée, la patiente peut être surveillée à domicile par son médecin traitant ou une sage-femme 2 à 3 fois par semaine, avec surveillance de la TA, du RCF, avec recherche des signes cliniques de prééclampsie et une surveillance biologique régulière (2 à 3 fois par semaine).

– si la toxémie gravidique est confirmée, la patiente reste hospitalisée jusqu’à son accouchement avec surveillance clinique, biologique et fœtale quotidienne.

Formes atypiques de la toxémie gravidique :

* La toxémie gravidique peut se manifester au début sous différentes formes :

– par une HTA isolée sans protéinurie.

– par une protéinurie sans HTA. L’HTA peut apparaître plusieurs jours après une protéinurie.

– d’emblée par une complication (HRP, Hellp syndrome…).

– ou par toute autre association : complications accompagnées ou non d’HTA et de protéinurie.

* C’est pourquoi il est nécessaire, dès l’apparition d’un signe clinique (HTA, œdème important, douleur épigastrique, troubles visuels ou auditifs…), de réaliser un bilan biologique et échographique complet afin de rechercher d’autres signes de toxémie ou d’une éventuelle complication.

Traitement :

TRAITEMENT CURATIF :

Principes :

* L’accouchement reste le meilleur traitement de la toxémie gravidique. La conduite obstétricale dépend du terme, de l’état fœtal et des conditions maternelles.

* Le traitement symptomatique ne résout pas le problème causal. Certaines thérapeutiques inadaptées risquent d’aggraver la situation (utilisation des diurétiques dans la lutte contre les œdèmes, régime sans sel qui sont tous deux formellement contre-indiqués sous peine d’augmenter l’hypovolémie et ainsi d’abaisser le flux utéro-placentaire).

Il faut éviter les chutes brutales de la tension artérielle et ne pas abaisser les chiffres tensionnels en dessous de 130/80 à 140/90.

Règles hygiéno-diététiques :

* Le repos est indispensable.

– Il s’agit d’un repos physique et psychique, au lit, en décubitus latéral gauche avec arrêt de travail.

– La diminution de l’anxiété est faite au mieux par la mise en confiance et des explications rassurantes par le médecin plutôt que par la prescription de sédatifs.

* Le régime doit être normosalé et suffisamment calorique. Actuellement, des régimes enrichis en acides gras polyinsaturés sont en cours d’étude dans le but de stimuler la synthèse des prostaglandines vasodilatatrices.

Les hypotenseurs :

* Les antihypertenseurs centraux : clonidine (Catapressan*), alpha-méthyldopa (Aldomet*). Ils ont une efficacité moyenne mais leur innocuité est largement établie. Ce sont les traitements de première intention.

* L’hydralazine (Népressol*) : vasodilatateur artériolaire périphérique, il a une efficacité certaine, mais entraîne souvent des effets secondaires (tachycardie, palpitations, céphalées).

* Les bêta-bloqueurs sont peu utilisés en raison du risque de bradycardie, de bronchospasme et d’hypoglycémie néonatales précoces.

* Le labétalol (Trandate*) a une place à part car il sert à la fois de bêta- et d’alpha-bloquant. Il est maintenant largement utilisé dans le traitement de l’HTA gravidique, car bien toléré et de maniement aisé.

* Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion sont contre-indiqués du fait de risques malformatifs graves, ainsi que d’une augmentation du taux de mort fœtale in utero chez l’animal.

* La nicardipine (Loxen*) est une inhibiteur calcique. La nicardipine est de plus en plus utilisée, surtout par voie intraveineuse, du fait de sa facilité d’utilisation. Elle est utilisée pour des HTA sévères qui sont difficilement contrôlables par voie orale.

Indications du traitement médicamenteux :

* HTA chronique préexistante à la grossesse.

* HTA sévère avec une PAD supérieure à 100 à 110mmHg.

* Dans le cadre d’une HTA moyenne, avec une PAD de 90 à 100mmHg, certains traitent systématiquement, d’autres jamais. Les résultats sont identiques. On débute généralement le traitement par un anti-hypertenseur central.

Conduite à tenir :

Dans la toxémie modérée :

Dans la toxémie modérée avec PAS inférieure à 160mmHg et PAD inférieure à 100mmHg, ainsi qu’une protéinurie inférieure à 1g/l, la thérapeutique associe :

– une hospitalisation pour bilan et mise en route du traitement.

– surveillance de la TA au moins 3 fois par jour.

– surveillance clinique et biologique une fois par jour à la recherche de complications.

– un enregistrement du RCF 3 fois par jour.

– une échographie tous les 15 jours.

– si une aggravation de la TA apparaît, on augmente les doses du traitement antihypertenseur per os. S’il y a un échappement au traitement antihypertenseur, on peut passer par voie veineuse.

Dans les toxémies sévères :

Dans les toxémies sévères d’emblée, ou s’aggravant lors de la surveillance : PAS supérieure ou égale à 160mmHg, PAD supérieure ou égale à 100mmHg, protéinurie supérieure à 1g/l, il convient de pratiquer :

– une hospitalisation avec souvent un traitement hypotenseur par voie parentérale (IV).

– une surveillance clinique et biologique une fois par jour à la recherche de complications.

– un traitement préventif de la crise d’éclampsie (Rivotril*, 2cp/j).

– une surveillance fœtale accrue avec RCF 3 fois par jour et surveillance de la diurèse.

– la conduite obstétricale peut être retrouvée dans l’arbre décisionnel.

Chez la femme antérieurement hypertendue :

* La première précaution est de programmer les grossesses afin de pouvoir modifier un traitement antihypertenseur qui serait contre-indiqué : effet tératogène (inhibiteurs de l’enzyme de conversion par exemple).

* Une consultation précoce dès le retard de règles afin de vérifier que le type de traitement est adéquat :

– les antagonistes calciques ont un mauvais rapport efficacité/risque tératogène possible (peu de recul).

– certains bêta-bloquants n’ont pas d’effet tératogène (Avlocardyl*, Sectral*) et leur utilisation est connue pendant la grossesse, les autres moins.

– le Trandate* est facile d’emploi et efficace (même surveillance que les bêta-bloquants).

– l’Aldomet* et le Népressol* sont sans problème et sont les plus utilisés.

* Si un traitement antihypertenseur contre-indiqué avait été utilisé, prendre un avis de tératovigilance pour organiser la surveillance et décider de la conduite à tenir vis-à-vis de la grossesse.

* De toute façon, refaire un bilan clinique (degré d’efficacité par Holter éventuellement) et biologique.

* Le reste de la surveillance et les modifications thérapeutiques ne diffèrent pas des HTA gravidiques.

Crise d’éclampsie :

Son traitement associe :

* un traitement anticonvulsivant par Valium* ou sulfate de magnésium (IV ou IM) ainsi qu’une assistance respiratoire si nécessaire.

* hypotenseur par voie parentérale : Trandate*, Népressol*, Aldomet*.

* la conduite obstétricale qui, en l’absence de travail, impose l’extraction fœtale rapide souvent par césarienne si on est au-delà de 25 SA et que l’enfant est toujours vivant.

– par contre, si l’enfant est décédé, le déclenchement du travail doit être rapide.

– si la crise d’éclampsie est survenue en cours de travail et qu’il existe une souffrance fœtale alors qu’on est en début de travail, une césarienne sera nécessaire pour extraire l’enfant. Lorsque celle-ci survient par contre en fin de travail, on peut terminer l’accouchement par voie basse sous anesthésie générale par un forceps.

* après l’accouchement, une surveillance particulière sera nécessaire : TA, diurèse, conscience ; et les traitements anticonvulsivants seront continués pendant au moins 48 heures.

Hellp syndrome :

* L’accouchement représente le meilleur traitement du Hellp syndrome.

* Le traitement conservateur ne se justifie que lorsque le terme est trop précoce et que le risque lié à la prématurité est jugé trop élevé.

* S’il existe des troubles de la coagulation, il ne faut pas hésiter à faire accoucher la patiente quel que soit le terme de la grossesse.

TRAITEMENT PREVENTIF :

Données générales :

* Les progrès réalisés dans la compréhension de la toxémie gravidique ont permis d’envisager des thérapeutiques préventives ; en particulier l’aspirine qui a démontré l’efficacité dans des populations sélectionnées. Ainsi l’administration continue d’aspirine à la dose de 100mg/j, de la 15e à la 35e SA, permet de diminuer :

– au moins de moitié le taux de survenue d’HTA chez les femmes à risque d’hypertension.

– et, de façon encore plus notable, le risque de complications de cette HTA.

* La définition de la population des femmes à risque est donc importante, puisque au contraire une telle prescription n’est pas bénéfique dans la population générale non présélectionnée.

* Les facteurs de risque à retenir sont :

– antécédents d’HTA gravidique avec retard de croissance intra-utérin notable.

– hématome rétroplacentaire.

– mort fœtale in utero dans un contexte d’HTA.

– toute complication hypertensive de la grossesse.

– néphropathie sévère.

– LEAD.

Différentes mesures préventives :

* Le repos en décubitus latéral gauche et un régime alimentaire normosodé sont conseillés.

* L’aspirine à faible dose : chez les femmes toxémiques, on observe une augmentation de la production de thromboxane A2 (Txa2) et une diminution de la synthèse de prostacycline par l’endothélium vasculaire.

– L’aspirine inhibe la synthèse des prostaglandines en inactivant la cyclo-oxygénase.

– Pour des doses de 100mg, l’aspirine exerce une bonne inhibition de la synthèse de thromboxane avec respect de celle de prostacycline.

– Il faut donc prescrire aux femmes ayant des facteurs de risque une faible dose d’aspirine de 100mg/j. Cette prescription est efficace si elle est prescrite dès le premier trimestre.

* Le risque de prééclampsie semble diminué en cas de prophylaxie par aspirine à la dose de 0,45 à 1mg/kg/j administrée à partir de la 14e SA chez les patientes présentant :

– une HTA chronique.

– un lupus érythémateux disséminé.

– des antécédents de prééclampsie et de retard de croissance intra-utérin.

– des antécédents de complications sévères de prééclampsie.

L’avenir à long terme :

* Pour les grossesses suivantes, la récidive de l’HTA n’est pas la règle générale en l’absence de risque vasculaire.

* Un bilan à 6 mois (à distance de l’accouchement) est impératif pour les patientes dont la tension ne s’est pas normalisée dans les jours suivant l’accouchement :

– examen général et cardio-vasculaire.

– urée et créatinine sanguines, protéinurie, glycémie post-prandiale, triglycéridémie, cholestérolémie.

* Seuls les cas des patientes présentant une HTA chronique comportent une contre-indication à une contraception estroprogestative.

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