Granulomes à corps étrangers exogènes et endogènes

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Définition histologique :

Un granulome est une lésion inflammatoire chronique faite de l’accumulation focale ou diffuse de cellules de la lignée monocytemacrophage.

Il s’y associe en nombre variable d’autres cellules inflammatoires parmi lesquelles des lymphocytes, des plasmocytes, des cellules présentatrices d’antigène, ainsi que des polynucléaires neutrophiles et éosinophiles.

Diverses particules relativement insolubles et peu ou pas immunogènes peuvent provoquer la formation de granulomes contre corps étranger.

Il peut s’agir de xénobiotiques inorganiques ou organiques, ou d’un matériel endogène.

Sur un plan conceptuel, le granulome contre corps étranger ne fait pas appel à une réaction allergique.

Cependant, l’axiome séparant les granulomes xéniques non immunologiques des granulomes allergiques n’est probablement pas entièrement valable sur un plan clinique, car les particules introduites dans la peau ont souvent une nature chimique hétérogène pouvant provoquer des réactions biologiques différentes.

Il existe ainsi des circonstances où est impliqué un mécanisme complexe associant les deux pathogénies.

Ceci est particulièrement le cas dans l’induction de réactions sarcoïdosiques en des sites renfermant des corps étrangers en partie phagocytés.

A – MONOCYTES ET MACROPHAGES :

Granulomes à corps étrangers exogènes et endogènesLes constituants majeurs des granulomes contre corps étrangers, c’est-à-dire les macrophages, les cellules épithélioïdes, et les cellules géantes plurinucléées, sont issus des monocytes circulants.

Ces cellules sont en partie caractérisées par la présence intracytoplasmique de protéine L1 révélée par l’anticorps Mac 387.

Une fois arrivées sur le site du granulome en formation, une étape de développement les transforme en macrophages activés ou en cellules épithélioïdes.

Les macrophages activés sont richement pourvus en lysosomes. Ils sont identifiés par divers anticorps.

Ces cellules exercent une fonction de phagocytose particulièrement développée.

Les cellules épithélioïdes sont de grandes cellules mononucléées atteignant près de 20 ím de diamètre.

Elles ont un abondant réticulum endoplasmique et appareil de Golgi.

Leur fonction majeure est sécrétoire, alors que la phagocytose est pratiquement absente.

La fusion de macrophages aboutit à la formation de deux types morphologiquement distincts de cellules géantes, qui sont appelées respectivement de type corps étranger (noyaux irrégulièrement groupés) ou de type Langhans (noyaux positionnés en « anneaux » ou en « croissants »).

Ces cellules peuvent atteindre un diamètre de près de 300 ím et renfermer plusieurs dizaines de noyaux.

Les variantes morphologiques des cellules géantes sont parfois associées à des maladies particulières, bien que ce critère ne soit en rien absolu.

Certaines de ces cellules peuvent renfermer des structures inhabituelles, tels des corps astéroïdes, qui ne sont typiques d’aucune maladie.

B – DENDROCYTES :

Les dendrocytes périvasculaires riches en facteur XIIIa sont parfois impliqués dans la phase initiale de phagocytose de microfragments de certains corps étrangers. Ils participent alors au mécanisme de rétention de particules étrangères dans la peau sans formation granulomateuse.

Les exemples foisonnent.

Les plus typiques sont les inclusions d’argent (argyrie), de fer (sidérose), de sels de mercure (hydrargyrie), de graphite, d’encre de Chine, de morceaux de verre, ainsi que les sels métalliques utilisés pour les tatouages artistiques.

Ce n’est pas l’accumulation locale de dendrocytes qui forme les granulomes contre corps étrangers.

Cependant, il n’est pas rare que ces cellules soient relativement nombreuses à la périphérie des granulomes, formant une sorte de capsule. Leur présence est probablement un élément clé de la pathogénie des granulomes fibrosants.

Ces lésions donnent finalement naissance à un tissu fibrosé ressemblant à une cicatrice.

Granulomes contre des macrostructures xénobiotiques :

Le temps de latence est très variable entre l’inclusion d’un corps étranger dans la peau et l’apparition d’une induration, puis d’un nodule.

Cela peut prendre parfois plusieurs années.

A – GRANULOMES CONTRE DES XÉNOBIOTIQUES INORGANIQUES :

Divers matériaux d’usage médical sont volontairement implantés dans la peau ou le tissu sous-cutané.

Il s’agit en particulier de certains fils de suture et de treillis destinés à protéger la peau de distensions anormales (prothèses contre les éventrations).

Une réaction granulomateuse entoure ces structures xéniques qui, par leur taille et leur nature, ne sont ni phagocytées, ni dégradées.

Les cellules sont, dans leur grande majorité, des macrophages mono- et plurinucléés.

Le matériel d’inclusion est facilement repéré sur coupe histologique, particulièrement lors de l’examen en fond noir ou en lumière polarisée.

B – GRANULOMES CONTRE DES XÉNOBIOTIQUES ORGANIQUES :

Une réaction similaire apparaît après inclusion de matériel xénique organique, tel que des fragments de végétaux (épine de cactus, écharde de bois, fibres de cellulose et de coton, poudre d’amidon…), des particules chitineuses d’arthropodes (démodécidose granulomateuse, granulome sur hypostome de tique), des parties d’animaux comme les piquants d’oursins et des parasites (filaires) en voie d’enkystement intradermique.

L’examen en lumière polarisée, ainsi que les colorations au PAS et de Fite, sont utiles pour révéler certains de ces xénobiotiques organiques.

Parfois, une composante allergique peut se développer.

La réaction granulomateuse prend alors l’aspect d’un infiltrat tuberculoïde comportant des cellules épithélioïdes avec ou sans foyers de nécrose caséeuse.

Bien souvent, l’issue du processus inflammatoire est la formation d’une coque fibreuse et compacte, transformant la macrostructure xénobiotique impossible à phagocyter en un séquestre inerte.

Granulomes contre des microparticules exogènes cristallines ou amorphes :

A – GRANULOMES ENVERS LES MÉTAUX :

Divers microfragments de métaux peuvent accidentellement être enchâssés dans la peau.

Certains entraînent la formation de granulomes de pathogénie et d’aspects histologiques variés, en partie dépendants de la nature du métal.

Quelques affections de ce type ont une connotation historique et ne sont pratiquement plus observées de nos jours.

Il s’agit des granulomes à médiation allergique prépondérante, d’allure sarcoïdosique avec ou sans nécrose caséeuse, induits par le zirconium et le béryllium.

Des particules de chrome, de mercure inorganique, de baryum et de fer sont capables d’induire des granulomes non allergiques dans lesquels elles sont partiellement phagocytées.

Avec le temps, on assiste à la formation de coques fibreuses qui les emprisonnent.

B – GRANULOME SILICOTIQUE :

Il se développe lorsque du talc (silicate de magnésium) est introduit dans une plaie en voie de cicatrisation. Les cristaux incolores sont biréfringents en lumière polarisée.

Ils sont souvent phagocytés par les macrophages.

C’est la libération lente de silicates colloïdaux à partir des cristaux qui serait responsable du développement des granulomes.

Des microdébris de quartz, de laine de verre, et des fines particules en provenance du sol peuvent provoquer des lésions granulomateuses similaires.

Parfois, un granulome immunogénique d’allure sarcoïdosique se développe au site de ces inclusions.

Un granulome silicotique développé dans une ancienne cicatrice qui est devenue récemment exophytique et inflammatoire doit être interprété comme une manifestation de la sarcoïdose.

C – GRANULOME DES TATOUAGES :

En règle générale, les pigments des tatouages artistiques sont en partie phagocytés par les dendrocytes intradermiques.

Ils ne déclenchent aucune réaction inflammatoire.

Parfois, cependant, une réaction xénique avec ou sans composante allergique se développe envers certains pigments.

Le sulfure de mercure de couleur vermillon, le vert de chrome, le bleu de cobalt et les sels jaunes de cadmium sont les plus fréquemment impliqués dans le mécanisme immunologique.

L’aspect histologique est variable, allant du granulome à cellules épithélioïdes ressemblant à une sarcoïdose, à une réaction plus polymorphe, riche en macrophages, avec ou sans foyers de nécrose.

D – PARAFFINOMES, OLÉOMES ET SILICONOMES :

Les paraffinomes et oléomes sont consécutifs à l’injection d’huiles minérales telles que la paraffine et divers lubrifiants, ainsi que d’huiles végétales (huile camphrée, huile de sésame…).

Les silicones sous forme liquide, élastomère ou en gel, qui sont utilisés en chirurgie plastique, sont parfois responsables de siliconomes.

Ces lésions consistent en des indurations irrégulières, érythémateuses, qui peuvent s’ulcérer.

L’aspect histologique est très évocateur par la présence de multiples cavités rondes ou ovalaires de taille hétérogène.

Il est décrit sous le terme de structure en « fromage de gruyère ».

Les espaces clairs correspondent à l’emplacement du matériel liquide perdu ou extrait lors de la préparation histologique.

Dans le stade précoce des lésions, les travées tissulaires bordant les cavités sont formées principalement d’un granulome riche en macrophages et en cellules géantes.

Par la suite, une fibrose s’installe progressivement.

Dans le cas des siliconomes, des granulations brun foncé et biréfringentes en lumière polarisée peuvent être présentes dans les cellules à potentialité phagocytaire.

E – GRANULOMES CONTRE DES MACROMOLÉCULES ORGANIQUES :

L’injection intradermique de collagène bovin peut entraîner la formation de granulomes chez des individus préalablement sensibilisés.

Il s’agit alors d’une réaction immunitaire de type tuberculinique.

F – GRANULOMES INFECTIEUX :

Diverses affections virales, bactériennes et fongiques, peuvent s’accompagner du développement de granulomes au cours de leur évolution.

Le plus souvent, un mécanisme immunitaire est impliqué.

Cependant, dans certaines infections, une composante de type réaction à corps étranger ne peut être exclue.

Ceci concerne particulièrement les mycoses semi-profondes dans lesquelles abondent des cellules géantes du type corps étranger ayant phagocyté des spores.

Granulomes contre des structures endogènes :

A – GRANULOMES CONTRE DES STRUCTURES CORNÉES :

Au cours de la maturation des kératinocytes de l’épiderme et de ses annexes pilaires, les cellules subissent un processus de kératinisation intracytoplasmique complété par un remaniement des autres structures macromoléculaires de leur paroi externe.

La résultante de l’ensemble de ces modifications est couverte par le terme cornification.

Lorsque de telles cellules sont incluses dans le derme, elles provoquent une réaction granulomateuse à corps étranger.

B – GRANULOMES CONTRE DES STRUCTURES CRISTALLINES :

Quelques affections métaboliques de surcharge aboutissent à la formation de dépôts cristallins dans le derme.

C’est ainsi que des dépôs de cholestérol, d’urates ou de sels calciques peuvent être identifiés. Une réaction granulomateuse, le plus souvent discrète, faite principalement de cellules géantes, peut former un fin film accolé aux cristaux.

Une exception est la calcinose scrotale où le granulome peut être volumineux.

C – GRANULOME ACTINIQUE :

Il ressemble histologiquement au granulome annulaire.

Certains considèrent qu’il s’agit d’une seule maladie.

Cependant, dans la forme actinique, des fragments de matériel élastotique sont phagocytés par des cellules géantes plurinucléées.

Au cours de la progression centrifuge du granulome actinique, l’élastose est éliminée de manière spécifique et pratiquement totale.

D – GRANULOME LIPOPHAGIQUE :

Dans le décours de certaines panniculites, ou à la suite de traumatismes et de phénomènes ischémiques, des macrophages peuvent infiltrer massivement des lobules adipeux.

Ils phagocytent les lipides libérés par les adipocytes.

Il peut en résulter un granulome lipophagique.

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