Granulomatose de Wegener

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La granulomatose de Wegener est une vascularite systémique associant une angéite aiguë circonférentielle artériolaire et veinulaire à un granulome nécrotique à cellules géantes.

Introduction :

Dans la granulomatose de Wegener, les lésions touchent préférentiellement les voies aériennes supérieures, le poumon et les reins.

C’est une maladie rare : sa prévalence est de l’ordre de 2 à 3 pour 100 000 habitants, et son incidence quinquennale de 1,3 pour 100 000 habitants.

Granulomatose de WegenerUn regain d’intérêt pour cette maladie est venu de la mise en évidence d’autoanticorps spécifiques dirigés contre un constituant du cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA des auteurs anglo-saxons) qui apparaissent comme un nouvel élément diagnostique et étiopathogénique.

L’origine de la granulomatose de Wegener est inconnue, mais le rôle déclenchant de l’infection est vraisemblable, car virale ou bactérienne, elle précéderait une poussée dans 45% des cas.

Une prédominance saisonnière (printemps, hiver) a été notée dans certaines séries.

Le portage nasal chronique de staphylocoques coagulase positifs s’accompagne d’une fréquence significativement plus élevée de rechutes.

Un antibiotique, le cotrimoxazole, paraît efficace dans le traitement de certaines formes limitées et dans la prévention des rechutes.

L’existence d’une prédisposition génétique reste discutée, les formes familiales étant exceptionnelles.

Diagnostic :

La granulomatose de Wegener peut être observée à tous les âges de la vie, mais l’âge moyen lors du diagnostic se situe entre 40 et 50 ans, avec une légère prédominance masculine.

Le délai diagnostique moyen est de 1 an, mais il est en fait extrêmement variable, plus long dans les formes sans atteinte rénale où l’évolution est volontiers insidieuse, parfois entrecoupée de rémissions de plusieurs mois, voire de plusieurs années.

Le début est généralement marqué par des symptômes nasosinusiens ou respiratoires d’allure banale, dont l’évolution récidivante, le caractère résistant aux traitements antibiotiques mais sensible à une courte corticothérapie, l’association à une fièvre, à une dégradation progressive de l’état général ou à une atteinte viscérale doivent attirer l’attention. Ailleurs, l’évolution peut se faire sur un mode aigu, avec l’installation en quelques semaines d’une atteinte diffuse d’emblée.

A – Atteinte ORL :

L’atteinte ORL (70 à 100 % des cas) est généralement la plus précoce.

Elle consiste en une rhinite, généralement sanglante, une sinusite et/ou une otite, plus rarement un granulome des cordes vocales ou une sténose sous-glottique, plus fréquente chez les enfants.

B – Atteinte pulmonaire :

L’atteinte pulmonaire (70 à 100% des cas) est asymptomatique dans 10 à 30 % des cas.

Les anomalies radiologiques les plus caractéristiques sont des opacités nodulaires de taille variable, multiples, non calcifiées, évoluant vers l’excavation.

Des infiltrats, un syndrome interstitiel pouvant traduire une hémorragie intrapulmonaire, un épanchement pleural peu abondant, des atélectasies et des sténoses bronchiques sont possibles.

C – Atteinte rénale :

L’atteinte rénale (46 à 90% des cas) définit les formes « diffuses », par opposition aux formes « localisées ». Elle précède exceptionnellement les manifestations respiratoires.

Dans la moitié des cas, elle est responsable d’une glomérulonéphrite rapidement progressive qui peut conduire à l’anurie en quelques semaines.

La protéinurie est généralement modérée, associée à une hématurie et à une leucocyturie.

L’hypertension artérielle est rare.

La biopsie rénale montre une glomérulonéphrite focale avec prolifération extracapillaire, rarement une angéite nécrosante ou un granulome épithélioïde, avec, en immunofluorescence, des dépôts glomérulaires de fibrinogène. Polyarthralgies ou polyarthrite s’observent dans la moitié des cas.

L’exophtalmie et l’épisclérite sont les manifestations oculaires les plus typiques.

Sont également possibles : conjonctivite, kératite, névrite optique ischémique, uvéite, vascularite rétinienne et dacryocystite.

L’atteinte cutanée est variable : purpura, papules, ulcérations, vésicules, nodules, pustules, ulcérations muqueuses, syndrome de Raynaud, gingivite hypertrophique, pyoderma gangrenosum.

La biopsie d’une lésion permet facilement le diagnostic de vascularite.

L’atteinte neurologique se traduit par une monoou une multinévrite, un déficit neurologique central par vascularite ou phlébite cérébrale, rarement par une hémorragie cérébrale.

L’atteinte cardiaque est rare, se traduisant le plus souvent par des troubles du rythme, une péricardite, moins fréquemment par une endocardite, une myocardite, des troubles de conduction ou un infarctus myocardique.

D’autres manifestations ont été plus rarement décrites : pseudotumeurs granulomateuses de siège variable, atteinte digestive, musculaire, génito-urinaire, endocrinienne, adénopathie, splénomégalie, phlébite.

Formes diffuses :

L’hyperleucocytose neutrophile, l’anémie inflammatoire, la thrombocytose et l’élévation des protéines de l’inflammation sont la règle dans les formes diffuses.

En pratique, devant un patient suspect de granulomatose de Wegener, il faut savoir repérer une atteinte infraclinique ORL, pulmonaire, neurologique ou rénale, en proposant un scanner des sinus et un examen ORL, un scanner thoracique de haute résolution en coupes fines, un électromyogramme et l’analyse répétée du sédiment urinaire et de la protéinurie.

La présence d’ANCA à titre élevé avec une spécificité antiprotéinase 3 est un argument de poids pour le diagnostic ; en revanche, la négativité des ANCA ne doit pas faire rejeter le diagnostic, en particulier devant une forme d’apparence « limitée ».

L’histologie reste un élément diagnostique puissant et souvent indispensable, car, comme souvent dans les granulomatoses systémiques, le diagnostic peut se discuter avec des infections à germes intracellulaires et des syndromes lymphoprolifératifs.

Cependant, la preuve histologique peut être difficile à obtenir, car les biopsies associent rarement la triade caractéristique.

Les biopsies sont souvent nécessairement multiples et au mieux chirugicales.

Traitement :

Le traitement repose dans les formes diffuses sur l’association de corticoïdes (1 mg/kg/j) et d’immunosuppresseurs, dont le plus efficace est le cyclophosphamide oral (2 mg/kg/j).

Sa toxicité vésicale l’a fait proposer par voie intraveineuse en bolus prescrits toutes les 3 à 4 semaines (0,5 à 1 g/m2) ; il peut être remplacé par le méthotrexate (20 mg/semaine) dans les formes ne mettant pas en jeu le pronostic vital, ou par l’azathioprine (2 mg/kg/j).

Dans les formes sévères, la corticothérapie est généralement débutée par des bolus de méthylprednisolone.

En cas d’échec, on recourt aux immunoglobulines intraveineuses à fortes doses, aux échanges plasmatiques ou aux bolus hebdomadaires de cyclophosphamide.

Les sténoses trachéobronchiques, volontiers résistantes au traitement médical, peuvent bénéficier d’injections locales de corticoïdes, de plastie chirurgicale ou de laser endobronchique.

Le cotrimoxazole (Bactrimt Forte : 2 cp/j) a été proposé dans le traitement de formes localisées ou en relais d’un traitement d’entretien.

Son efficacité a été démontrée dans la prévention des rechutes, et il présente l’intérêt de prévenir la pneumocystose, qui est plus fréquente au cours des granulomatoses de Wegener qu’au cours d’autres maladies systémiques.

En pratique, les indications thérapeutiques sont discutées au cas par cas et relèvent de services spécialisés.

Conclusion :

Autrefois mortelle en moins de 2 ans, la granulomatose de Wegener a vu son pronostic amélioré par le traitement cytotoxique.

Celui-ci est habituellement prescrit pour une durée de 18 mois, et au moins 1 an après l’obtention d’une rémission.

Il est cependant difficile de parler de guérison, car des rechutes peuvent survenir, même des années après l’obtention d’une rémission, ce qui justifie une surveillance prolongée.

La morbidité résiduelle liée à la maladie est importante ; alors que la maladie est éteinte, 86% des patients demeurent symptomatiques en raison d’une insuffisance rénale chronique, d’une hypoacousie, d’une déformation nasale, d’une sténose trachéale ou d’une baisse d’acuité visuelle.

Les rechutes accroissent probablement le nombre des séquelles.

Actuellement, le taux de survie se situe aux environs de 85% à 1 an et de 50% à 10 ans.

Le pronostic est essentiellement fonction de l’existence d’une insuffisance rénale initiale, de l’âge et du caractère diffus ou non de la vascularite.

La principale cause de décès est l’infection, rançon du traitement corticoïdes/ immunosuppresseurs, surtout dans les 2 premières années de traitement.

La part des pathologies cardiovasculaire et néoplasique augmente avec l’amélioration du pronostic, autorisant l’expression tardive des effets secondaires de ces traitements.

Cependant, un décès sur cinq est encore lié aux conséquences de l’insuffisance rénale.

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