Goutte (Suite)

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B – DÉPÔTS URATIQUES :

1- Tophus :

Les dépôts de cristaux d’urate de sodium siègent principalement dans les articulations et les structures articulaires comme les tendons et leurs gaines mais aussi le cartilage des oreilles et la médullaire des reins.

On peut aussi trouver ces dépôts dans la sclère et la cornée, ainsi que dans les corps caverneux, le larynx, le péricarde et les valvules cardiaques.

Les dépôts d’urate de sodium sont de couleur blanche, de consistance molle, ferme ou crayeuse.

Leur taille varie : certains dépôts sont invisibles à l’oeil nu, d’autres atteignent le volume d’une orange.

On voit encore de nos jours de tels dépôts lorsque le traitement hypo-uricémiant n’est pas suivi ou l’est incomplètement.

Pour préserver les cristaux d’urate de sodium sur les pièces anatomiques, on doit utiliser non pas des fixateurs hydroformolés et usuels mais l’alcool absolu qui ne dissout pas les cristaux.

On procède ensuite à une coloration argentique comme celle de de Galantha ; les dépôts uratiques sont noirs avec souvent, en bordure, des cristaux aciculaires isolés très caractéristiques.

En lumière polarisée, les cristaux uratiques se reconnaissent à leur morphologie, à leur forte biréfringence négative.

Quand on utilise les fixateurs hydroformolés qui dissolvent les cristaux on voit la silhouette des dépôts uratiques sous forme de fentes étroites dans une matrice anhiste colorée en gris-bleu par l’hématoxyline-éosine.

Autour du dépôt, il y a une mince couche d’histiocytes et de cellules géantes, et souvent aussi une coque mal limitée de tissu conjonctif fibreux.

Les dépôts uratiques peuvent être visibles et palpables sous la peau.

Goutte (Suite)

Certains réservent le nom de tophus à ces dépôts perceptibles cliniquement, bien que la plupart des auteurs appellent tophus tous les dépôts uratiques.

Il est classique d’admettre que la fréquence et le volume des tophus augmentent avec l’ancienneté de la goutte.

Cependant, on peut observer l’apparition de tophus avant tout accès aigu, en particulier à la pulpe des doigts ou au pourtour des articulations interphalangiennes distales.

La fréquence des tophus n’augmente pas seulement avec l’ancienneté de la goutte mais aussi avec le degré de l’hyperuricémie.

Le risque de les voir apparaître est d’autant plus grand que le taux de l’uricémie est plus élevé.

Les sièges d’élection des tophus sont les oreilles, les coudes, les pieds et les mains.

La peau qui recouvre les tophus peut être normale, mais, assez souvent, la teinte blanche du dépôt uratique est visible à travers la peau amincie.

L’épiderme qui recouvre les tophus des pieds ou des mains peut s’ulcérer ou encore à la suite d’un traumatisme.

La bouillie blanchâtre qui s’écoule de ces tophus ulcérés est de l’urate de sodium. Paradoxalement l’infection secondaire de ces tophus ulcérés est rare.

Aux oreilles, les tophus siègent sur l’hélix, surtout à sa partie supérieure, sur l’anthélix ou dans la gouttière qui les sépare, exceptionnellement à la face interne du pavillon.

Habituellement, les tophus de l’oreille forment des nodules arrondis, blancs ou jaunâtres, gros comme une tête d’épingle ou un pois.

Les tophus des oreilles sont souvent les premiers à apparaître, ils peuvent rester la seule localisation des dépôts d’urate de sodium.

Les tophus de l’oreille doivent être distingués des tubercules cartilagineux de l’hélix et des kystes sébacés.

Aux coudes, les tophus sont habituellement bilatéraux. Ils apparaissent souvent à la suite d’une ou plusieurs crises de bursite goutteuse rétro-olécranienne.

C’est au coude que les dépôts peuvent atteindre un volume considérable.

Ils adhèrent plus au moins aux plans profonds, et la peau qui les recouvre a une coloration normale, ou légèrement rosée.

Les tophus des coudes s’ulcèrent très rarement, ils sont donc habituellement peu gênants, excepté lorsque leur volume est particulièrement important.

Aux pieds, les tophus siègent souvent à la base du gros orteil.

Ils peuvent encore siéger au dos du pied sous forme d’une nodosité sous-cutanée mobile sur les plans profonds, ou sous forme d’une masse dure au bord externe du pied, à la cheville, au talon, dans le tendon d’Achille.

Les tophus du pied peuvent s’ulcérer, surtout ceux du gros orteil et du talon.

Aux mains, les tophus siègent au pourtour des articulations des doigts et au dos de la main.

Ils se développent un peu aux articulations interphalangiennes distales, et ils peuvent ressembler à des nodosités d’Heberden, mais ils s’en distinguent habituellement par une morphologie moins régulière.

Ils s’associent d’ailleurs relativement souvent aux nodosités d’Heberden, en particulier chez la femme âgée chez qui l’on a montré que leur formation était favorisée par un traitement diurétique.

Au pourtour des articulations interphalangiennes proximales et à la face dorsale des métacarpophalangiennes, les tophus forment des nodosités le plus souvent adhérentes en profondeur.

Sur le dos de la main, ils forment des bosses plus ou moins volumineuses, les dépôts uratiques prenant naissance dans les tendons ou leurs gaines.

Les tophus de la main s’enflamment assez souvent et ceux des doigts s’ulcèrent fréquemment.

De surcroît, on voit quelquefois à la face palmaire des doigts et, beaucoup plus rarement, à la paume de la main, des dépôts uratiques intradermiques qui peuvent s’ulcérer.

Les tophus des genoux sont devenus très rares, ne s’observant que dans des gouttes très anciennes et particulièrement sévères, non traitées.

Ils forment une ou plusieurs bosses au voisinage de la rotule et de la tubérosité tibiale.

Ils peuvent se développer dans le creux poplité, et réaliser un pseudokyste de Baker.

Des dépôts d’urate de sodium peuvent infiltrer la médullaire des reins.

Ils jouent un rôle prédominant dans la pathogénie de la néphropathie goutteuse.

Les dépôts uratiques apparaissent lorsque la concentration d’urate de sodium dans les liquides interstitiels dépasse la limite de solubilité.

On ignore cependant pourquoi ils se forment dans certains tissus et non dans d’autres.

On peut remarquer leur prédilection pour les régions froides du corps (les oreilles, doigts, orteils), et pour les tissus mal vascularisés comme les cartilages ou les tendons.

On a montré que la solubilité de l’urate de sodium dans l’eau diminue avec la température.

De surcroît l’abaissement du pH tissulaire est de nature à favoriser les dépôts uratiques.

Enfin, les dépôts d’urate de sodium peuvent créer des lésions ostéocartilagineuses appelées arthropathies uratiques. Ils siègent électivement dans les cartilages et la synoviale.

Les dépôts intéressent la partie superficielle des cartilages articulaires puis l’infiltration uratique s’étend en profondeur.

La détérioration des cartilages qui en résulte est caractérisée, comme celle de l’arthrose, par un démasquage fibrillaire, une fissuration, des érosions, des ulcérations qui peuvent aller jusqu’à l’os sous-chondral.

Au-delà, les dépôts uratiques pénètrent dans les extrémités osseuses, creusent des cavités et des encoches.

2- Arthropathies uratiques :

Les arthropathies uratiques siègent électivement aux mêmes articulations que l’inflammation goutteuse.

Elles ne se signalent cliniquement que plusieurs années après le premier accès goutteux, et leur fréquence augmente avec l’ancienneté des gouttes non traitées.

Généralement, les arthropathies goutteuses apparaissent à peu près en même temps que les tophus.

Mais certains goutteux peuvent souffrir d’arthropathie uratique sans avoir de tophus cliniquement décelables, et de nos jours on voit surtout des tophus des oreilles et du coude chez des goutteux n’ayant pas d’arthropathie uratique douloureuse.

Les arthropathies uratiques se signalent cliniquement par une raideur douloureuse lors de la mobilisation des articulations atteintes, disparaissant au repos, s’accentuant à la marche prolongée.

La mobilité articulaire est souvent diminuée, l’enraidissement articulaire est l’origine d’une impotence fonctionnelle plus ou moins marquée.

Les articulations périphériques atteintes sont le siège d’un gonflement ferme, discret ou modéré perceptible cliniquement.

Quelquefois, le gonflement articulaire est particulièrement important et son volume, son irrégularité, la présence de bosselures, de colorations blanchâtres évoquent irrésistiblement la goutte.

Les arthropathies uratiques se signalent radiologiquement par un pincement de l’interligne articulaire, des images lacunaires et géodiques dans les extrémités osseuses et parfois une ostéophytose marginale.

Ces images correspondent à des dépôts uratiques. Arrondies ou ovalaires, les géodes sont très bien limitées, comme trouées à l’emporte-pièce.

Dans une extrémité osseuse, on peut en observer une ou plusieurs.

Certaines ont un diamètre excédant 5 mm et s’accompagnent d’une soufflure osseuse.

Les géodes fusionnent parfois et une perte de substance osseuse à contours polycycliques qui, dans certaines gouttes anciennes, peut être très étendue, intéresse les os du tarse, du carpe, du doigt et des orteils.

Les géodes siègent au centre ou à la périphérie de l’épiphyse.

Certaines sont assez éloignées de la plaque sous-chondrale et peuvent s’accompagner d’une perforation de la corticale.

Assez souvent aux mains et aux pieds, il y a des images géodiques de part et d’autre de l’interligne articulaire.

Les images d’encoche des extrémités osseuses sont assimilables aux images géodiques.

Elles peuvent siéger sous le cartilage articulaire ou à la jonction chondropériostée ou encore à plusieurs millimètres du cartilage.

Les encoches sont plus ou moins volumineuses et leurs extrémités peuvent être prolongées par des ostéophytes souvent irréguliers, comme effilochés.

Certaines images géodiques proviennent de la projection radiologique d’encoches superficielles.

L’ostéophytose marginale peut dans certaines articulations être aussi développée que dans une arthrose sévère.

Malgré la présence de ces images lacunaires ou géodiques, l’interligne articulaire peut être respecté.

Mais le plus souvent, il existe un pincement de l’interligne avec ou sans ostéophytose marginale.

Au pied, l’arthropathie uratique a pour localisation principale la métatarsophalangienne du gros orteil et, en second lieu, l’articulation interphalangienne.

Les altérations radiologiques y sont caractéristiques. D’autres articulations métatarsophalangiennes, en particulier la cinquième, peuvent être détériorées.

En revanche, les articulations interphalangiennes des quatre derniers orteils sont rarement atteintes. Les arthropathies uratiques siègent encore assez souvent au médiotarse et l’ostéophytose qu’elles provoquent « hérisse » le dos du pied.

Cet aspect du pied hérissé n’est pas spécifique de l’arthropathie uratique. Un pied hérissé peut aussi s’observer dans les rhumatismes inflammatoires chroniques ou dans certaines arthroses médiotarsiennes.

Les arthropathies uratiques peuvent induire aussi une ostéophytose calcanéenne, rétrocalcanéenne, astragalienne postérieure et parfois une érosion postérosupérieure du calcanéum.

L’arthropathie uratique des chevilles est aussi fréquente.

Elle se signale radiologiquement par les mêmes altérations.

Les arthropathies uratiques du genou sont rares et difficiles à distinguer d’une gonarthrose.

En effet, le plus souvent, les goutteux sont âgés et atteints d’une arthropathie chronique du genou bilatérale qui ne peut être distinguée cliniquement et radiologiquement de la gonarthrose.

Les arthropathies uratiques de la hanche sont exceptionnelles.

La symptomatologie clinique et radiologique est difficile à distinguer de la coxarthrose.

Le diagnostic de l’arthropathie uratique ne pourrait être confirmé que par la présence de dépôts d’urate de sodium dans le cartilage ou la synovite.

Les arthropathies uratiques de la main se constituent en général tardivement comme les tophus qui les accompagnent actuellement.

Toutes les articulations peuvent être atteintes : métacarpophalangiennes, interphalangiennes proximales ou distales, en nombre variable, souvent asymétriques.

Les arthropathies uratiques du poignet provoquent quelquefois un syndrome du canal carpien.

Les arthropathies uratiques des coudes sont rares en comparaison de la fréquence des dépôts uratiques dans la bourse séreuse rétro-olécranienne.

On a décelé des dépôts uratiques intravertébraux, intradiscaux du ligament jaune intervertébral et de l’espace épidural lombaire.

Ces dépôts peuvent provoquer une érosion des plateaux vertébraux de part et d’autre du disque intervertébral ou de l’articulation sacro-iliaque, et peuvent parfois en imposer pour une spondylodiscite ou une sacro-iliite infectieuse.

On a même pu rattacher certains cas de compression médullaire cervicale ou dorsale au développement de dépôts uratiques plus ou moins étendus.

L’imagerie en résonance magnétique nucléaire montre des images non spécifiques : lésions arrondies assez homogènes, de signal intermédiaire en pondération T1 et T2 et rehaussées en périphérie par l’injection de gadolinium.

En revanche, les lésions auraient une densité particulière en tomodensitométrie, autour de 160 UH.

Un geste de libération chirurgicale est habituellement nécessaire en urgence et la récupération est souvent satisfaisante.

3- Physiopathologie des tophus et des arthropathies uratiques :

Cet aspect est mal connu.

La croissance des tophus peut mécaniquement assurer les lésions lytiques osseuses et cartilagineuses mais ils stimulent surtout une réaction inflammatoire chronique identique à celle que produisent des corps étrangers (couronne d’histiocytes et de cellules géantes).

Ce phénomène est observé autour des tophus, en particulier dans la membrane synoviale.

Parfois, la synoviale goutteuse peut proliférer suffisamment pour former un pannus qui s’infiltre entre les extrémités osseuses.

Les microcristaux sont susceptibles d’activer les fibroblastes synoviaux à l’origine d’une production locale d’enzymes protéolytiques de type métalloprotéases.

La corticothérapie favorise la constitution des dépôts uratiques comme cela est observé chez l’homme.

Sa confirmation a été trouvée dans le modèle expérimental de poche à air dorsale du rat : l’injection de cristaux d’UMS déclenche une inflammation locale abolie par les cortisoniques qui favorisent en contrepartie des dépôts tophacés.

À la surface du cartilage, l’infiltration uratique intéresse d’abord la partie superficielle où ils se déposent dans la substance intercellulaire.

Une activation directe des chondrocytes par les microcristaux d’urate à l’origine d’une arthropathie chronique ne peut être exclue car cela a déjà été établi pour les cristaux d’apatite : activation de métalloprotéases en particulier.

Manifestations rénales au cours de l’hyperuricémie et de la goutte :

Sous le terme de rein goutteux, on réunit la néphropathie uratique aiguë, la lithiase rénale, urique ou oxalocalcique, la néphropathie goutteuse proprement dite, les néphropathies goutteuses juvéniles familiales.

A – NÉPHROPATHIE URATIQUE AIGUË :

La néphropathie uratique aiguë correspond à une insuffisance rénale aiguë liée à la précipitation de cristaux d’urate de sodium et surtout d’acide urique libre dans la médullaire rénale, dans les tubes collecteurs d’où le terme de néphropathie urique aiguë. Longtemps utilisé, il entre dans le cas du « syndrome de lyse tumorale aiguë » qui associe hyperuricémie majeure, acidose lactique, hyperphosphorémie, hyperkaliémie et hypocalcémie.

La néphropathie uratique aiguë peut compliquer les tumeurs rapidement évolutives notamment les lymphomes, les leucémies aiguës et les médulloblastomes avec métastases.

Le renouvellement cellulaire rapide et surtout le catabolisme des nucléotides en cours de chimiothérapie sont rapidement responsables d’une hyperuricémie sévère.

De surcroît, l’hyperuricémie favorisant la précipitation de phosphate de calcium dans le rein aggrave l’insuffisance rénale et une véritable microlithiase peut parfois s’observer.

La néphropathie uratique aiguë survenait dans les premiers jours suivant la chimiothérapie avant l’emploi de mesures préventives.

Biologiquement, on pouvait constater des hyperuricémies souvent supérieures à 200 mg/L, voire 500 mg/L (1 200-3 000 µmol/L).

L’hyperproduction d’acide urique est attestée par le rapport uricurie/créatininurie supérieur à 1.

L’emploi systématique de l’allopurinol ou d’urate-oxydase associés à la diurèse alcaline permet actuellement de prévenir la néphropathie uratique aiguë.

B – LITHIASE URIQUE :

Dix à 25 % des goutteux sont lithiasiques. L’incidence de la lithiase rénale est estimée à 1 % dans la goutte constituée et à 0,27 % dans l’hyperuricémie asymptomatique.

Le risque de lithiase rénale chez le goutteux augmente certes avec le degré d’hyperuricémie.

En fait, les trois facteurs de risque lithogène reconnus sont l’hyperuricurie, l’hyperacidité urinaire permanente et la réduction de la diurèse.

La goutte commune s’accompagne dans 20 à 30 % des cas d’hyperuricurie (600 mg/j – 3,6 mmol/j).

Un autre facteur important de lithiase urique est le pH urinaire qui est souvent bas chez le goutteux.

Selon Gutman et Yü, plus de 48 % des goutteux lithiasiques ont un pH urinaire inférieur ou égal à 5 alors qu’il n’en est ainsi que chez 15 % des témoins.

Or, plus bas est le pH urinaire, plus faible est la proportion d’urate de sodium dans l’urine et plus forte celle d’acide urique libre, 17 fois moins soluble dans l’eau que l’urate de sodium.

L’insuffisance de la diurèse est un facteur commun à toutes les lithiases.

Ici, elle abaisse encore le pH urinaire tout en augmentant le rapport acide urique libre/urate de sodium.

Dans environ 75 % des cas, les calculs sont composés d’acide urique pur ou d’urate de sodium ou d’ammonium.

Le plus souvent, les calculs sont petits, lisses ou rugueux. Ils sont radiotransparents.

Ils sont mis en évidence par l’urographie intraveineuse lorsque leur taille dépasse 3 mm.

La tomodensitométrie rénale est parfois nécessaire pour distinguer les calculs uratiques de caillots ou d’une tumeur de la voie excrétrice.

Dans les autres cas, les calculs uratiques sont mixtes, contenant à la fois de l’acide urique, de l’oxalate ou du phosphate de calcium.

Ils sont alors radio-opaques.

La lithiase urique se signale cliniquement par des coliques néphrétiques typiques comme dans les autres lithiases rénales.

Elle peut être suivie de l’émission spontanée et très évocatrice de calculs ou de sable de couleur orangée ou rougeâtre.

Les premières coliques néphrétiques surviennent assez souvent avant le premier accès goutteux.

Autrefois, au contraire, elles ne survenaient qu’après lui.

Sa fréquence est très variable d’un cas à l’autre. L’hématurie peut encore révéler la lithiase urique.

La présence de cristaux d’acide urique lors de l’examen microscopique des premières urines du matin permet aisément de reconnaître l’origine de l’hématurie.

C – NÉPHROPATHIE GOUTTEUSE CHRONIQUE :

En l’absence de traitement hypo-uricémiant, la goutte peut se compliquer d’altérations rénales.

Au minimum, il s’agit de protéinurie avec ou sans hématurie, puis d’insuffisance rénale avec souvent hypertension artérielle.

Même dans les gouttes sévères non traitées, l’aggravation de l’insuffisance rénale des goutteux est en règle générale extrêmement lente.

La spécificité des lésions du rein goutteux reste incertaine.

Seuls les dépôts d’urate de sodium sont réellement spécifiques de la néphropathie goutteuse. Ils siègent dans l’interstitium des pyramides.

Ils sont constitués d’urate de sodium, et non d’acide urique et entourés, comme les dépôts uratiques d’autres sièges, d’histiocytes et de tissu fibreux.

Dans la physiopathologie de la néphropathie goutteuse interviennent non seulement l’hyperuricémie et les dépôts d’urate de sodium, mais aussi l’hypertension artérielle, l’athérosclérose artérielle et les anti-inflammatoires non stéroïdiens.

D – NÉPHROPATHIES GOUTTEUSES JUVÉNILES FAMILIALES :

Ce terme a été appliqué à des familles chez lesquelles l’hyperuricémie et la goutte surviennent précocement dans la vie, chez plusieurs membres des deux sexes en association avec une hypertension artérielle et une insuffisance rénale progressivement sévère nécessitant la mise en hémodialyse.

La stabilisation de l’insuffisance rénale par le traitement hypo-uricémiant est en effet inconstante.

Il se peut qu’une perturbation primitive de l’hémodynamique rénale marquée initialement par un abaissement du taux d’excrétion d’acide urique soit à l’origine de l’hyperuricémie et de la goutte.

La néphropathie est transmise comme un caractère autosomique dominant.

Le défaut d’excrétion d’acide urique peut être démontré par la diminution de la clairance fractionnée de l’acide urique chez les membres de la fratrie ayant une hyperuricémie.

On a pu localiser une anomalie génique sur le bras court du chromosome 16.

D’autres néphropathies héréditaires s’accompagnent d’hyperuricémie et de goutte, notamment la polykystose rénale et la maladie de Cacci et Ricchi.

E – REIN ET GOUTTE FÉMININE :

Comme l’hyperuricémie, la goutte est plus rare chez la femme, et plus souvent secondaire.

Elle est rare avant la ménopause, et survient alors dans des circonstances particulières (insuffisance rénale, transplantation d’organe).

La goutte de la femme ménopausée ne diffère pas sensiblement de celle de l’homme.

Chez la femme plus âgée, elle survient souvent après un traitement au long cours par des diurétiques thiazidiques.

La goutte féminine des diurétiques est caractérisée par l’intensité plus faible des accès et par leur localisation préférentielle aux articulations des doigts et des poignets ; les tophus sont assez fréquents.

Dans certains cas, elle est même révélée par des tophus d’installation silencieuse siégeant aux articulations interphalangiennes distales arthrosiques et à la pulpe des doigts.

Gouttes par enzymopathie :

A – MALADIE DE LESCH-NYHAN :

Un défaut complet de l’activité de l’HGPRT est la cause de la goutte des enfants atteints de la maladie décrite par Lesch et Nyhan en 1964.

Il s’agit d’une enzymopathie de transmission autosomique récessive.

Son incidence est estimée à 1 pour 380 000.

L’enzymopathie est due à l’altération d’un gène porté par le chromosome X.

Le syndrome de Lesch-Nyhan s’observe presque exclusivement chez le garçon quoique quelques cas féminins aient été signalés. Les enfants ont un aspect clinique normal à la naissance.

La maladie se manifeste vers l’âge de 3 mois par un syndrome neurologique complexe : atteinte motrice pyramidale et extrapyramidale, hypertonie, mouvements choréoathétosiques, retard mental parfois difficile à distinguer d’une difficulté de communication due à une dysarthrie sévère.

La manifestation clinique la plus caractéristique est en fait la survenue d’épisodes d’automutilation ; les automutilations sont très particulières : les malades se mordent les lèvres jusqu’à y créer de vastes pertes de substance, et les doigts jusqu’à l’amputation, de telle sorte que l’on est amené à leur faire porter des gants ou même de leur immobiliser les mains en permanence.

Le retard psychomoteur est évident vers l’âge de 6 mois et les crises d’automutilation s’atténuent après l’âge de 10 à 12 ans.

Dès la naissance, l’hyperuricémie est considérable, en règle générale supérieure à 100 mg/L (600 µmol).

Au début, quand les enfants n’étaient pas traités, l’hyperuricémie pouvait engendrer une goutte sévère avec crises fréquentes et tophus.

L’hyperuricémie s’accompagne d’une hyperuricurie (39,6 ± 13,9 mg/kg/j) qui a pour conséquence une lithiase urique. Dans le syndrome de Lesch-Nyhan le rapport uricurie/créatininurie est de 3 ± 1, soit 10 fois sa valeur normale.

Une insuffisance rénale chronique s’installait secondairement chez les enfants non encore traités par l’allopurinol.

L’hyperuricémie de la maladie de Lesch-Nyhan est due à une absence quasi complète de l’HGPRT, enzyme nécessaire à l’union de l’hypoxanthine et de la guanine avec le phosphoribosylpyrophosphate pour la constitution des nucléotides puriniques correspondants.

Il en résulte une accumulation de l’hypoxanthine et de la guanine et leur transformation en xanthine puis en acide urique.

À l’hyperuricoformation participe une importante augmentation de la purinosynthèse de novo.

L’hyperpurinosynthèse provient peut-être en partie d’un déficit en nucléotides puriniques dont le taux règle l’activité de la première réaction irréversible de la purinosynthèse de novo, mais elle est probablement due à une disponibilité accrue de phosphorybosylpyrophosphate dont la concentration dans les globules rouges et les fibroblastes est supérieure à la normale.

Une anémie macrocytaire et mégaloblastique est parfois observée chez ces enfants.

Il peut exister aussi une anémie hémolytique et des anomalies morphologiques plaquettaires.

La physiopathologie du syndrome neurologique de la maladie de Lesch-Nyhan n’est pas élucidée.

Des études suggèrent qu’un développement insuffisant des neurones dopaminergiques du système nigrostrié pourrait être impliqué dans la survenue de l’atteinte cérébrale.

Normalement, il existe un équilibre entre les mécanismes suppresseurs et facilitateurs dopaminergiques du système moteur extrapyramidal.

La destruction ou le dysfonctionnement de noyaux extrapyramidaux, noyau caudé et putamen en particulier, lié au déséquilibre dopaminergique ainsi déclenché, pourrait être responsable des mouvements involontaires.

L’étude autopsique de tissus cérébraux de malades atteints de syndrome de Lesch-Nyhan montre que les concentrations de métabolites de la dopamine et l’activité des enzymes-clés sont basses chez ces enfants.

Il n’existe aucun traitement spécifique de ces manifestations neurologiques.

L’activité de l’HGPRT peut être dosée dans des lysats de globules rouges, dans les fibroblastes de la peau ou dans les bulbes pileux. Chez les sujets atteints de maladie de Lesch-Nyhan, les taux trouvés sont extrêmement faibles, compris entre 0,2 et 1,5 %.

B – DÉFICITS PARTIELS EN HYPOXANTHINE-GUANINEPHOSPHORIBOSYLTRANSFÉRASE :

Lorsque le déficit en HGPRT est partiel, il se signale par diverses manifestations cliniques.

Quoique les études initiales aient montré une faible corrélation entre le phénotype clinique et la quantité d’activité enzymatique, des méthodes modernes de mesure de l’activité de l’HGPRT indiquent une bonne corrélation.

On a donc classé les phénotypes en trois groupes.

D’une part les enfants ayant un déficit complet d’activité de l’HGPRT et atteints du syndrome neurologique décrit ci-dessus, considérés comme atteints de la maladie de Lesch-Nyhan classique ; d’autre part, les enfants ayant 1,5 à 8 % d’activité enzymatique résiduelle, une hyperproduction d’acide urique, des anomalies neurologiques mais sans troubles du comportement tels que les crises d’automutilation ; ces patients sont considérés comme atteints d’une variante atténuée de la maladie de Lesch-Nyhan.

Enfin, certains patients ont une activité enzymatique résiduelle de plus de 8 % et aussi une hyperproduction d’acide urique, mais pas de syndrome neurologique.

Ce sont ces patients que l’on classe dans le troisième groupe : les hyperuricémiques avec déficit d’HGPRT.

1- Phénotypes des déficits partiels :

Dans la forme atténuée, les patients ont des manifestations cliniques de sévérité variable.

Les manifestations les plus sévères sont similaires à celles des patients atteints de maladie de Lesch-Nyhan classique, tel qu’un syndrome pyramidal et extrapyramidal sévère qui les oblige souvent à rester confinés dans un fauteuil.

À l’opposé, les cas les moins sévères n’ont pas de manifestations neurologiques évidentes, en dehors, pour plusieurs d’entre eux, d’une dysarthrie plus ou moins marquée.

Bien que des manifestations neurologiques soient présentes très tôt dans l’enfance, le diagnostic de la maladie n’est généralement pas évoqué jusqu’à ce que l’hyperproduction d’acide urique soit identifiée.

L’hyperproduction d’acide urique est en général moins sévère que dans la forme classique.

Une anémie mégaloblastique, une atteinte rénale discrète et une dysfonction testiculaire ont aussi été rapportées.

Dans le troisième phénotype de cette enzymopathie figurent les patients atteints de goutte sévère, de lithiase rénale et d’insuffisance rénale.

L’hyperuricémie par hyperproduction d’acide urique est quasi constante chez les adultes.

Il est à noter que seulement 20 % de ces patients hyperuricémiques ont les caractéristiques de la goutte commune. Quelques patients de ce groupe ont tout de même quelques difficultés d’élocution qu’on ne décèle que par un examen soigneux.

Ce déficit partiel en HGPRT est certainement une cause très rare de goutte, représentant moins de 3 % des cas.

En fait, il est probable que l’individualisation de ces trois groupes soit artificielle puisque dans une certaine mesure, il existe un continuum de manifestations neurologiques, comportementales et métaboliques associées au défaut d’activité de l’HGPRT.

L’éponyme : « syndrome de Kelley-Seegmiller » a été parfois appliqué aux patients atteints d’un des défauts partiels d’HGPRT.

2- Maladie de Lesch-Nyhan chez la femme :

La maladie de Lesch-Nyhan résulte d’un défaut génétique de transmission récessive porté par le chromosome X de telle sorte que les femmes sont rarement affectées puisqu’il est nécessaire que le déficit soit exprimé sur les deux allèles pour produire un déficit enzymatique suffisamment sévère pour être symptomatique.

Le premier cas féminin comprenant toutes les manifestations cliniques et biologiques de la maladie de Lesch-Nyhan a été rapporté. Le cas avait en fait une microdélétion du gène de l’HGPRT dérivé de la mère, une inactivation du chromosome X dérivé du père.

Quatre autres cas ont été rapportés et deux d’entre eux étaient dus à une mutation ponctuelle sur un allèle, et une diminution marquée de l’expression de l’ARN messager de l’autre allèle. Donc, la maladie de Lesch-Nyhan peut survenir chez la femme mais, compte tenu du mode de transmission, cette éventualité est particulièrement rare.

L’allopurinol à la dose de 10 mg/kg/j avec une dose maximale de 800 mg/j peut améliorer considérablement, voire guérir la goutte et la lithiase rénale des sujets atteints de la maladie de Lesch-Nyhan ou de déficit partiel en HGPRT.

C – ALTÉRATIONS MOLÉCULAIRES DANS LES DÉFICITS EN HYPOXANTHINE-GUANINEPHOSPHORIBOSYLTRANSFÉRASE :

Diverses altérations moléculaires de l’enzyme ont été identifiées quand le gène de structure de l’HGPRT a pu être connu.

Il est situé à l’extrémité distale du bras long du chromosome X (Xq26-27).

Il est constitué de 45 kb et comprend neuf exons.

Il code pour une protéine monomérique de 217 acides aminés et a un poids moléculaire de 24,47 kDa.

Le démembrement moléculaire des déficits en HGPRT s’est poursuivi en faisant appel à la polymerase chain reaction (PCR). En août 1999, 202 mutations étaient identifiées.

Les modèles animaux de déficit en HGPRT ouvrent la possibilité de mise au point de thérapie génique.

Il est cependant curieux d’observer que les souris mâles avec déficit complet en enzyme ont un phénotype normal sans aucune manifestation neurologique du syndrome de Lesch-Nyhan.

Déjà, le transfert d’une molécule d’ADN complémentaire exprimant l’HGPRT dans des cellules déficientes a été réalisé en 1983.

L’expression de l’ADN complémentaire humain dans les fibroblastes cultivés d’un malade atteint d’une maladie de Lesch-Nyhan a permis la correction du trouble métabolique in vitro.

Une greffe de moelle de cellules infectées par un virus contenant l’ADN complémentaire humain codant pour l’enzyme a été pratiquée chez un malade de 22 ans.

La greffe a pris mais l’état neurologique du malade ne s’est pas amélioré.

Néanmoins, la maladie de Lesch-Nyhan continue de servir de modèle au développement de la thérapie génique. L’absence d’activité de l’hypoxanthine-phosphoribosyltransférase dans les cellules amniotiques mises en cultures permet le dépistage prénatal de la maladie de Lesch-Nyhan.

D – GOUTTE PAR HYPERACTIVITÉ DE LA PHOSPHORIBOSYLPYROPHOSPHATESYNTHÉTASE :

Le phosphoribosylpyrophosphate est un substrat intervenant dans la synthèse de tous les nucléotides et est un important régulateur de la purinosynthèse de novo.

La synthèse du phosphoribosylpyrophosphate (PRS) par les cellules de mammifères est régulée d’une façon complexe. Une hyperactivité de la PRS a été initialement décrite par Sperling et al chez des frères atteints précocement d’une lithiase urique, d’une goutte associée à une hyperuricémie et à une hyperuricosurie.

L’hyperproduction purinique attestée par l’uricoexcrétion urinaire de 2 400 mg d’acide urique par jour chez le propositus était associée à une synthèse accélérée du phosphoribosylpyrophosphate érythrocytaire.

Dans les familles chez lesquelles une altération de la PRS a été décelée, on a observé soit un défaut de sa régulation allostérique, soit une hyperactivité catalytique résultant d’une accumulation de l’isoforme normale, soit la combinaison à la fois du défaut de régulation allostérique et de l’hyperactivité catalytique mais aussi une augmentation de l’affinité de la PRS pour le substrat ribose-5-phosphate.

En fait l’hyperactivité catalytique est le mécanisme le plus important.

En commun avec la maladie de Lesch-Nyhan, l’hyperactivité de la PRS est transmise par le chromosome X et est exprimée selon deux phénotypes.

Dans les familles avec le phénotype le plus sévère, les hommes atteints ont des manifestations dès l’enfance et des signes d’hyperproduction d’acide urique associés à des troubles du développement neurologique incluant fréquemment une surdité.

La goutte peut aussi se développer chez des femmes porteuses hétérozygotes, et parfois ces femmes sont atteintes elles aussi de surdité.

L’hétérogénéité génétique suggérée par les diverses expressions phénotypiques a été confirmée : plusieurs mutations ponctuelles dans la région transcrite du gène PRPS1 fournissent la base génétique de l’altération du contrôle allostérique de l’activité de la PRS.

La RT-PCR des fibroblastes a permis par exemple d’identifier six substitutions d’une seule base dans l’ADN codant PRS-1, provenant de six patients de sexe masculin ayant une hyperactivité de PRS résistante à l’effet inhibiteur des nucléotides.

À l’opposé, la superactivité catalytique de la PRS reflète une dysrégulation de l’expression du gène PRPS1 de l’isoforme normale.

La goutte par hyperactivité de la PRS est certainement au moins aussi rare que celle par déficit partiel en HGPRT.

Gouttes secondaires :

Les hyperuricémies secondaires ne constituent qu’une très petite proportion des hyperuricémies dépistées dans la population générale, au cours des enquêtes épidémiologiques.

Elles représentent au plus 3 % des hyperuricémies, l’hyperuricémie des diurétiques n’étant pas prise en compte.

Or, la fréquence de l’hyperuricémie induite par les diurétiques a augmenté pendant ces dernières années, et est à l’origine de la majorité des gouttes du sujet âgé.

L’hyperuricémie, si elle est durable, et surtout si elle est importante, peut avoir pour conséquence une goutte qui est alors dite secondaire.

Chez l’homme, la proportion de ces gouttes secondaires reste très faible, certainement inférieure à 5 % ; chez la femme, qui est beaucoup moins exposée que l’homme à l’hyperuricémie idiopathique, la proportion de gouttes secondaires est nettement plus élevée.

A – GOUTTE SECONDAIRE À L’INSUFFISANCE RÉNALE :

L’insuffisance rénale s’accompagne presque constamment d’hyperuricémie quand la créatininémie dépasse 270 µmol/L (25 mg/L).

Cette hyperuricémie peut être très élevée, supérieure à 100 mg/L.

Pour les créatininémies allant de 16 à 25 mg/L, l’hyperuricémie est inconstante.

L’élévation de l’uricémie dans l’insuffisance rénale provient d’une diminution de la clairance de l’acide urique par réduction néphronique.

Cependant au cours de l’insuffisance rénale la clairance de l’acide urique s’abaisse moins que celle de la créatinine, la fraction éliminée de l’acide urique filtré qui est normalement de 7 % peut dépasser 40 % dans l’insuffisance rénale sévère.

L’hyperuricémie de l’insuffisance rénale chronique peut aggraver la néphropathie primitive cause de l’insuffisance rénale, c’est pourquoi on peut proposer en pareil cas de prescrire l’allopurinol pour diminuer l’uricémie quand elle dépasse 90 mg/L.

Certaines néphropathies sont particulièrement hyperuricémiantes, c’est le cas de la néphropathie de la toxémie gravidique et de la néphropathie saturnine.

Dans la toxémie gravidique, la clairance de l’acide urique est nettement plus diminuée que la filtration glomérulaire.

On a attribué le défaut d’élimination tubulaire à l’hyperlactacidémie, ou à la réduction de la vascularisation tubulaire par suite d’une constriction des artères efférentes des glomérules (réduction plus marquée du flux sanguin rénal que de la filtration glomérulaire).

L’uricémie est diminuée, basse, au cours de la grossesse normale ; son élévation fait craindre la toxémie gravidique.

Ces hyperuricémies de la toxémie gravidique sont quelquefois très élevées mais de durée trop brève pour conduire à la goutte.

Elles sont un facteur de mauvais pronostic pour le foetus.

Dans la néphropathie saturnine, l’élévation de l’uricémie est particulièrement importante, l’uricoélimination urinaire étant fortement diminuée.

L’examen histologique rénal montre une néphropathie tubulo-interstitielle intéressant le tubule proximal avec fibrose interstitielle, atrophie tubulaire et fibrose adventitielle des petites artères.

La goutte saturnine est rare en France bien que cette dernière puisse encore être reconnue chez l’enfant après intoxication avec des peintures au plomb.

En Australie, la moitié des adultes atteints depuis l’enfance d’une néphropathie due à l’ingestion de ces particules de peinture au plomb étaient goutteux.

La goutte saturnine a été aussi observée en Amérique du Nord chez des consommateurs de whisky de contrebande, préparé dans les années 1950, avec un matériel de distillation contenant du plomb.

En dehors de la néphropathie saturnine, les autres néphropathies engendrent rarement la goutte.

Sur plus de 1 600 néphropathies avec insuffisance rénale, Richet et al n’en ont dénombré que 17 (1 à 0,6 %).

Cependant si on ne tient compte que des néphropathies de longue durée comme la polykystose rénale, on constate que la goutte y est plus fréquente ; on ne l’observe qu’exceptionnellement chez les insuffisants rénaux chroniques traités par hémodialyse périodique, car la dialyse réalise une bonne épuration uratique.

L’insuffisance rénale n’est que très rarement en cause dans les hyperuricémies dépistées dans la population générale ou au cours des enquêtes épidémiologiques.

Sur 240 hyperuricémies recensées dans la population de Framingham, cinq au plus provenaient certainement d’une néphropathie.

Dans les populations de plus de 10 000 hommes étudiées en France, aucune corrélation signification n’avait été trouvée entre l’uricémie et l’urée sanguine.

Il arrive que l’insuffisance rénale soit découverte lors du premier examen d’un goutteux.

Il est alors souvent difficile et même impossible de savoir si elle est secondaire à la goutte ou si elle en est la cause.

En faveur de la néphropathie secondaire à l’hyperuricémie, on peut retenir notamment des antécédents familiaux de goutte, l’ancienneté de la maladie, les antécédents de lithiase urique, mais surtout une uricurie supérieure à la normale.

En faveur de la responsabilité de la néphropathie plaide le caractère très récent de l’affection puisque chez la quasi-totalité des sujets atteints de goutte commune, il n’y a pas de signe d’atteinte rénale au moment du premier accès goutteux.

De surcroît, la découverte d’une atteinte rénale familiale touchant très précocement les deux sexes doit inciter à rechercher la responsabilité du rein dans la genèse de certaines hyperuricémies.

GOUTTE DES HÉMOPATHIES

Une hyperuricémie qui provoque parfois la goutte est présente au cours de nombreuses hémopathies.

Elle peut être considérable, supérieure à 100 mg/L ; elle est due à une augmentation du métabolisme des acides nucléiques cellulaires, par production ou destruction excessive des cellules sanguines intéressées ; c’est par conséquent une hyperuricémie par hyperuricoformation.

Les hémopathies habituellement de longue durée sont surtout en cause : la polyglobulie et la myélosclérose, ou splénomégalie myéloïde. Dans ces deux affections, la prévalence de la goutte semble être de 5 à 10% et dans quelques cas c’est la goutte qui est la manifestation révélatrice de l’hémopathie.

B – GOUTTE DE LA GLYCOGÉNOSE HÉPATIQUE :

Dans la glycogénose hépatique de type I par défaut de glucose-6- phosphatase, l’hyperuricémie est souvent très élevée, supérieure à 100 mg/L (600 µmol/L).

Maladie génétiquement déterminée de transmission autosomique récessive, elle peut engendrer le plus souvent entre 10 et 20 ans une goutte souvent sévère avec des tophus et une insuffisance rénale secondaire.

L’hyperuricémie est de mécanisme complexe. Elle provient en partie d’une diminution de l’uricoélimination tubulaire probablement du fait de l’hyperlactacidémie et de la cétonémie.

L’hyperuricoformation peut aussi y participer, attestée par l’hyperuricurie.

En pratique, la glycogénose hépatique est presque toujours reconnue avant que la goutte n’apparaisse.

À titre exceptionnel, elle n’a été diagnostiquée qu’après la goutte chez des adolescents et des adultes jeunes.

C – GOUTTE DES DIURÉTIQUES :

On savait depuis longtemps que les diurétiques thiazidiques et le furosémide engendraient une élévation importante de l’uricémie.

L’élévation de l’uricémie sous diurétiques est due à une diminution de l’uricurie par réduction de l’uricoélimination tubulaire qui ne provient pas directement des diurétiques mais résulte de l’hypovolémie qu’ils créent.

L’hypovolémie a pour effet une augmentation de la réabsorption tubulaire de l’acide urique et probablement une diminution de sa sécrétion tubulaire.

Le rôle de l’hypovolémie est confirmé par le fait que la diminution de l’uricurie et l’augmentation de l’uricémie ne se produisent pas si la déplétion liquidienne extracellulaire est empêchée par la perfusion d’une solution isotonique.

Toutefois, l’action hyperuricémiante de certains diurétiques de l’anse provient non seulement de l’hypovolémie mais aussi de l’hyperlactacidémie qu’ils provoquent.

Les traitements diurétiques au long cours comme ceux que l’on prescrit au cours de l’hypertension artérielle peuvent engendrer la goutte au bout de quelques années chez les sujets qui avaient une uricémie normale auparavant.

Cette cause d’hyperuricémie et de goutte est particulièrement fréquente au cours de ces dernières années surtout chez les sujets âgés, notamment chez les femmes.

La goutte n’est souvent découverte qu’au stade des tophus et des arthropathies uratiques en particulier aux mains.

Ces tophus se localisent en effet en des sites inhabituels : pulpe des doigts, nodosités d’Heberden, voire téguments à distance d’une articulation.

D – GOUTTE ET CICLOSPORINE A :

La ciclosporine A, un polypeptide cyclique de 11 acides aminés, est un agent immunosuppresseur dont l’action s’exerce sur le lymphocyte T, et dont l’emploi a transformé les résultats des transplantations d’organes.

Dès 1983, on constatait dans le groupe des transplantés rénaux traités par la ciclosporine une augmentation de l’uricémie supérieure à celle qui était relevée chez ceux qui étaient traités par azathioprine et glucocorticoïdes.

Cette hyperuricémie était proportionnelle à l’augmentation de la créatininémie.

Sous ciclosporine, la prévalence de l’hyperuricémie est estimée à 84 % chez les transplantés rénaux et à 74 % chez les transplantés cardiaques alors qu’elle reste inférieure à 30 % sous azathioprine seule.

L’hyperuricémie induite par la ciclosporine est due à une réduction de la clairance de l’acide urique parallèle à celle de la créatinine.

Le degré d’hyperuricémie n’est pas proportionnel à la concentration plasmatique de ciclosporine.

Les diurétiques utilisés pour contrôler l’hypertension artérielle et la surcharge hydrosodée constituent, sans doute, un facteur d’aggravation.

L’emploi des salicylés à faible dose, pour diminuer l’agrégation plaquettaire, est un facteur aggravant supplémentaire.

Les altérations fonctionnelles et organiques, notamment tubulaires, du greffon rénal contribuent enfin à dégrader la fonction rénale et à majorer encore l’hyperuricémie.

Des crises de goutte interviennent chez 4 à 18% des transplantés cardiaques et chez 7 à 28 % des transplantés rénaux.

Ces crises de goutte peuvent émailler l’évolution d’une goutte déjà connue avant la transplantation.

Le plus souvent, elles surviennent inopinément chez les transplantés habituellement jeunes de l’un et l’autre sexe.

Les crises peuvent être typiques, mais souvent l’inflammation articulaire est atténuée par la corticothérapie générale associée.

Le diagnostic n’est parfois posé qu’au stade de goutte tophacée compliquée d’arthropathie uratique.

Une forme particulièrement sévère d’arthropathie uratique du transplanté cardiaque a été décrite.

Elle est caractérisée par des destructions ostéoarticulaires d’apparition précoce, frappant plusieurs articulations en moins de 2 ans et associée à des tophus.

L’uricémie est particulièrement élevée, entre 110 et 165 mg/L, et l’insuffisance rénale est constamment aggravée.

La responsabilité de la ciclosporine et des diurétiques explique cette sévérité et cette rapidité d’évolution.

Des surinfections des tophus, très inhabituelles, ont même été rapportées.

E – GOUTTE ET PYRAZINAMIDE :

La pyrazinamide, antituberculeux utilisé dans les deux premiers mois du traitement, élève constamment l’uricémie jusqu’à des valeurs considérables supérieures à 120 mg/L (720 µmol/L).

C’est plus exactement son métabolite, l’acide pyrazinoïque, qui exerce son effet sur le tubule rénal probablement à la fois sur la sécrétion et la réabsorption de l’acide urique.

Des accès goutteux ont été observés chez quelques malades après quelques semaines de traitement.

L’allopurinol a pu être proposé à titre préventif mais son emploi n’apparaît pas logique, car la xanthine-oxydase transforme l’acide pyrazinoïque métabolite actif, en acide 5-hydroxypyrazinoïque inactif.

Les uricosuriques peuvent être proposés si la fonction rénale est normale.

L’hyperuricémie isolée ne nécessite pas de traitement en raison de la durée de prescription relativement brève de cet antituberculeux.

Traitement de la goutte :

Le traitement de la goutte comprend le traitement de l’accès goutteux et le traitement hypo-uricémiant.

A – TRAITEMENT DE L’ACCÈS GOUTTEUX :

Le goutteux doit être traité le plus tôt possible dès les premières heures et quelle que soit la médication utilisée, elle doit être prescrite à dose forte le premier jour, puis selon les résultats obtenus, diminuée les jours suivants.

1- Colchicine :

La colchicine est particulièrement efficace contre l’inflammation microcristalline goutteuse.

L’action spectaculaire de la colchicine provient de ce qu’elle entrave indirectement la phagocytose des cristaux d’urate de sodium par les polynucléaires en diminuant leur mobilité.

La colchicine altère en effet les microtubules du cytosquelette des leucocytes.

Cette action de la colchicine sur les microtubules est due à sa capacité à se lier à la tubuline.

Elle se lie à une ou deux molécules de tubuline pour bloquer ensuite l’accumulation des autres molécules, qu’elles soient liées ou non à la colchicine.

C’est par ce mécanisme que la colchicine est un poison du fuseau cellulaire lors de la mitose.

La colchicine diminue aussi l’activité métabolique des polynucléaires au cours de la phagocytose, leur pouvoir d’adhésion, la lyse de leurs lysosomes, leur chimiotactisme après phagocytose des cristaux et la production de nombreuses cytokines.

Il est important de noter que la colchicine n’a aucune action sur le métabolisme de l’acide urique.

La colchicine est prescrite par voie orale et commercialisée en comprimés sécables dosés à 1 mg, et aussi en dragées contenant 1 mg de colchicine en combinaison avec 50 mg de méthyle-sulfate de tiémonium, 15 mg de phénobarbital et 12,5 mg de poudre d’opium (Colchimaxt).

La colchicine permet de guérir tous les accès chez plus de 90 % des goutteux si elle est administrée dès le premier jour, à condition de prescrire 1 mg toutes les heures ou toutes les 2 ou 3 heures, jusqu’à atteindre un total de 4 mg, le Codex français ne recommandant pas de dépasser cette dose le premier jour.

Les jours suivants, la dose de colchicine est diminuée en fonction du résultat sur l’inflammation articulaire.

Le seul inconvénient notable de la colchicine est l’irritation intestinale qu’elle provoque, donnant très souvent de la diarrhée dont l’apparition 12 à 48 heures après le début du traitement coïncide avec l’amélioration de l’inflammation goutteuse.

Il arrive que la diarrhée soit si intense qu’on ne peut atteindre ou maintenir la posologie nécessaire pour guérir l’accès goutteux.

La sensibilité digestive de la colchicine est variable selon les sujets en raison de la grande variabilité de biodisponibilité du médicament.

La pharmacocinétique de la colchicine explique sa toxicité lorsqu’elle s’accumule chez les patients dont la fonction rénale est anormale.

Après prise orale, la colchicine est presque totalement absorbée et le pic de concentration plasmatique est atteint entre 30 et 120 minutes, elle s’accumule rapidement dans les leucocytes circulants, 10 % seulement de la colchicine étant excrétée dans les urines dans les 24 premières heures.

La concentration plasmatique de la colchicine se stabilise dans les jours suivants.

2- Phénylbutazone :

La phénylbutazone guérit presque toutes les crises de goutte en quelques jours.

Sa prescription est désormais réservée exclusivement aux traitements courts de l’accès goutteux (moins de 7 jours), et éventuellement au traitement au long cours de la spondylarthrite ankylosante.

La phénylbutazone se trouve dans le commerce en comprimés de 100 mg, et en suppositoires de 50 mg.

Habituellement, 500 mg de phénylbutazone sont prescrits le premier jour ou les deux premiers jours, jusqu’à ce que l’inflammation goutteuse ait nettement diminué.

Comme pour la colchicine, la posologie est progressivement diminuée jusqu’à guérison de l’accès.

Les manifestations d’intolérance de la phénylbutazone, lorsqu’elle est administrée seulement pendant quelques jours, sont rares et bien connues.

Il est indispensable de conseiller en même temps que la prescription du médicament un régime peu salé indiquant lisiblement sur l’ordonnance d’interrompre le traitement en cas de gastralgies, d’oedèmes, d’éruptions cutanées, et bien entendu d’hémorragies digestives.

L’ulcère gastrique ou les antécédents d’ulcère, le traitement anticoagulant constituent des contreindications formelles à la phénylbutazone.

Cette médication doit être évitée chez le sujet âgé.

3- Autres anti-inflammatoires non stéroïdiens :

L’indométacine, le kétoprofène ont aussi une bonne efficacité sur l’inflammation goutteuse microcristalline.

Comme toujours, de fortes doses sont souvent nécessaires les premiers jours.

Les manifestations d’intolérance sont celles de la phénylbutazone, les contre-indications sont identiques.

4- Glucocorticoïdes :

La prednisone, à raison de 20 à 30 mg au début, a une bonne action sur l’inflammation goutteuse ; toutefois, quand le médicament est interrompu, il n’est pas rare d’observer une reprise de l’accès qui peut conduire à une cortisonothérapie prolongée.

En pratique, il est préférable de contre-indiquer les glucocorticoïdes dans le traitement de l’accès goutteux.

Néanmoins les glucocorticoïdes injectables peuvent être utilisés en cas de contre-indication à la colchicine et aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, car cette voie d’administration permet en effet d’éviter l’automédication.

B – TRAITEMENT HYPO-URICÉMIANT :

Le traitement hypo-uricémiant comprend les uricosuriques et les inhibiteurs de l’uricosynthèse.

La production de médicaments hypouricémiants efficaces a complètement transformé le pronostic de la goutte.

On peut même assister à la diminution progressive des dépôts uratiques dans les gouttes anciennes insuffisamment traitées.

Au bout de quelques années de traitement hypo-uricémiant, on assiste souvent à la diminution, voire à la disparition de certains tophus ou de certaines altérations ostéoarticulaires.

Il est important de noter qu’au début du traitement hypo-uricémiant, les crises de goutte peuvent être plus fréquentes et même plus intenses qu’auparavant ; il est indispensable que les goutteux soient avertis de cet inconvénient temporaire du traitement hypo-uricémiant, sinon ils risquent de l’interrompre estimant à tort que la survenue de ces accès sévères est la preuve de l’inefficacité du traitement.

Pour réduire le risque de survenue de ces accès induits par le traitement hypo-uricémiant, il est nécessaire d’y associer la colchicothérapie à dose minimale active, par exemple 1 mg le soir au coucher.

Au bout de 3 à 6 mois, les crises ont tendance à s’espacer et deviennent de plus en plus rares, de telle sorte qu’après 1 an, parfois 2, la plupart des goutteux ne souffrent plus d’accès.

1- Objectif du traitement hypo-uricémiant :

L’objectif du traitement est de maintenir l’uricémie à moins de 60 mg/L (360 µmol/L).

La posologie du traitement hypo-uricémiant peut être adaptée en fonction du taux de l’uricémie, il peut par exemple être diminué si elle se maintient à moins de 50 mg/L (300 µmol/L).

Le traitement hypo-uricémiant n’a qu’un effet suspensif : s’il est interrompu l’uricémie revient après un temps variable à son taux antérieur et les accès reprennent.

Le traitement hypo-uricémiant doit donc être indéfini et non interrompu, ni en cas de crise ni en cas de maladies intercurrentes.

Il est nécessaire d’expliquer clairement aux goutteux l’objectif du traitement hypouricémiant et ses servitudes, son efficacité étant fonction d’une observance rigoureuse.

Il est préférable de débuter le traitement hypo-uricémiant à distance d’une crise.

La dose quotidienne de la médication hypo-uricémiante est ajustée en fonction des résultats obtenus sur l’uricémie.

En pratique, la posologie, faible au début, est augmentée progressivement, par exemple chaque semaine, jusqu’à obtenir une uricémie inférieure à 60 mg/L (360 µmol/L).

2- Médicaments hypo-uricémiants :

* Uricosuriques :

Les uricosuriques, en augmentant l’uricurie, diminuent l’uricémie.

Cette action sur l’uricurie n’est pas sans inconvénient : en augmentant l’uricurie ils exposent à la lithiase rénale.

Il est donc déconseillé de les utiliser chez les goutteux, qui même sans antécédent de lithiase rénale, ont une uricurie supérieure à 800 mg/j (4,8 mmol/j), sous régime alimentaire normal.

Le traitement uricosurique doit associer des boissons abondantes, afin que soit assurée en permanence une diurèse supérieure à 2 L/j.

L’eau de Vichy qui permet une alcalinisation relative des urines est conseillée dans la plupart des cas, en sachant cependant qu’elle peut être contre-indiquée, compte tenu de sa richesse en sodium.

L’alcalinisation des urines permet en effet de diminuer la formation de l’urate monosodé en acide urique libre.

Si la diurèse est abondante, le risque de lithiase urique induit par les uricosuriques est réduit mais n’est pas nul puisque des coliques néphrétiques surviennent chez 5 à 10% des goutteux qui, jusque-là, n’en avaient jamais eu.

Les dérivés du benzofurane sont les uricosuriques les plus puissants.

La benziodarone, aujourd’hui retirée du commerce, a été le premier uricosurique réellement efficace.

Il est remplacé par la benzbromarone dans laquelle les atomes d’iode sont remplacés par des atomes de brome.

La benzbromarone a une puissante action uricosurique.

Elle est commercialisée sous forme de comprimés de 100 mg (Désurict).

À la posologie de 100 à 300 mg/j, la benzbromarone permet presque toujours de maintenir l’uricémie à moins de 60 mg/L (360 µmol/L).

* Allopurinol :

L’allopurinol est un analogue chimique de l’hypoxanthine.

Il est à présent introduit dans le traitement de la goutte depuis plus de 40 ans ; l’allopurinol est commercialisé sous deux appellations : Zylorict, et son appellation générique, allopurinol (comprimés à 100, 200 et 300 mg).

La posologie quotidienne recommandée est de 100 à 400 mg ; il arrive que l’on soit amené à prescrire une posologie supérieure, jusqu’à 600 mg/j.

Elle doit être adaptée à la fonction rénale et à l’âge, selon les recommandations de la fiche Vidalt.

L’absorption intestinale de l’allopurinol est rapide, et il se transforme en oxypurinol sous l’action de la xanthine-oxydase.

L’allopurinol a une demi-vie de 2 à 3 heures, celle de l’oxypurinol est plus longue, environ 28 heures. L’élimination de l’allopurinol et de ses métabolites est rénale.

L’effet hypo-uricémiant de l’allopurinol se manifeste au bout de 24 à 48 heures.

Après environ 2 semaines de prise quotidienne, l’effet hypo-uricémiant est maximal.

De surcroît, il existe une relation doseeffet hypo-uricémiant de l’allopurinol.

À la dose de 100 à 400 mg/j, il maintient l’uricémie à moins de 60 mg/L chez plus de 90 % des goutteux.

Contrairement aux uricosuriques, l’allopurinol n’expose pas à la lithiase urique puisque l’abaissement de l’uricémie provient d’une diminution de l’uricoformation et donc d’une diminution de l’uricurie.

De surcroît, l’action hypo-uricémiante de l’allopurinol se maintient en cas d’insuffisance rénale.

L’inhibition de l’uricoformation tient surtout à ce que l’allopurinol et son dérivé oxypurinol inhibent la xanthine-oxydase.

Cette inhibition enzymatique conduit théoriquement à une élévation des taux plasmatiques d’hypoxanthine et de xanthine.

Toutefois la clairance rénale de l’hypoxanthine et de la xanthine est élevée (80 % de la filtration glomérulaire), ce qui explique que leurs concentrations (3 à 10 mg/L) restent au-dessous de leur solubilité dans le plasma.

Le traitement prolongé par l’allopurinol ne conduit donc pas à la formation de dépôts d’hypoxanthine ou de xanthine.

La clairance rénale de la xanthine et de l’hypoxanthine étant élevée, leur débit urinaire, qui est normalement d’environ 10 mg/j, peut atteindre 50 à 150 mg/j chez les goutteux traités par l’allopurinol.

Toutefois, le risque de lithiase urinaire xanthique est faible compte tenu de la solubilité urinaire de ces purines.

Cependant, le risque n’est pas nul puisqu’une lithiase xanthique a été signalée dans le traitement d’un lymphosarcome.

L’action hypo-uricémiante de l’allopurinol ne provient pas seulement de l’inhibition de la xanthine-oxydase mais aussi de la diminution de la purinosynthèse qui a pu être démontrée sur des fibroblastes en culture.

Elle est probablement due à l’action inhibitrice des nucléotides d’allopurinol sur la première réaction de la purinosynthèse de novo.

En faveur de cette hypothèse plaide le fait que l’allopurinol ne réduit pas la purinosynthèse de novo chez les enfants atteints de la maladie de Lesch-Nyhan.

En effet, la formation des nucléotides d’allopurinol nécessite l’intervention de l’HGPRT dont l’activité est quasi nulle chez les enfants atteints de cette maladie.

La tolérance de l’allopurinol est bonne.

Des manifestations d’intolérance sont signalées dans 5 à 10% des cas mais le plus souvent ne contre-indiquent pas la poursuite du traitement.

L’allopurinol peut provoquer des troubles digestifs : nausées, vomissements, diarrhée.

Trois à 5 % des goutteux ont une intolérance cutanée à l’allopurinol, se signalant par une éruption prurigineuse érythématopapuleuse ou eczémateuse survenant habituellement quelques semaines après le début du traitement.

En cas d’intolérance cutanée plus sévère, l’allopurinol devra être interrompu bien que des désensibilisations par voie orale ou veineuse aient été réalisées avec succès.

Exceptionnellement, les manifestations d’intolérance cutanée de l’allopurinol se signalent par un syndrome de Stevens-Johnson ou un syndrome de Lyell.

Le syndrome de Lyell a été rapporté dans plus de 80 observations, 18 cas semblent dus à une réaction immunoallergique qui serait plus fréquente chez les insuffisants rénaux, et en cas d’administration de diurétiques thiazidiques ou de furosémide.

La mortalité élevée (environ 20 %) peut être réduite par l’arrêt le plus tôt possible de l’allopurinol.

On recommande aussi de réduire notablement la dose d’allopurinol en cas d’insuffisance rénale (clairance de la créatinine inférieure à 25- 30 mL/min).

Quelques rares cas de leucopénie, de thrombopénie, d’agranulocytose, de neuropathie périphérique ont été signalés, la résolution est toujours favorable dans un délai de quelques mois après l’arrêt du médicament.

Il faut rappeler que l’association de l’allopurinol à l’azathioprine expose à une potentialisation des effets toxiques sur les lignées sanguines de la 6-mercaptopurine, métabolite actif de l’azathioprine dont le catabolisme par la xanthine-oxydase se trouve entravé.

3- Choix de la médication hypo-uricémiante :

La benzbromarone peut être utilisée s’il n’y a pas d’antécédent de lithiase rénale, en l’absence d’insuffisance rénale sévère, et si l’uricurie dosée en régime alimentaire libre est inférieure à 800 mg/j (4,8 mmol/j). En pratique, la tendance de plus en plus générale est d’utiliser l’allopurinol de préférence aux uricosuriques.

Il était classique de prescrire le traitement hypo-uricémiant chez tous les goutteux.

Il a semblé à certains plus raisonnable de ne le prescrire qu’après la deuxième, voire la troisième crise, surtout si les crises sont rapprochées.

Certains vont même jusqu’à s’abstenir de prescrire l’allopurinol aux goutteux qui n’ont que des crises très espacées surtout si leur uricémie ne dépasse pas 80 mg/L (480 µmol/L).

Ces patients pourraient simplement bénéficier au moins au début du régime antigoutteux autrefois classique.

En fait les mesures diététiques du régime antigoutteux sont recommandables à tous les sujets qu’ils soient goutteux ou non.

Quel que soit le traitement hypo-uricémiant prescrit, il doit être poursuivi toute la vie.

Il est fondamental d’en convaincre le malade en lui expliquant longuement et clairement tout l’intérêt du traitement hypo-uricémiant, et la différence qui existe entre l’effet de la colchicine et l’effet du traitement hypo-uricémiant.

C’est souvent au prix de patientes explications qu’on arrive à convaincre le goutteux de poursuivre indéfiniment le traitement hypo-uricémiant.

4- Autres thérapeutiques :

Au moment de l’accès goutteux : l’application de glace avec une protection cutanée pendant 20 minutes, 3 à 4 fois par jour sur l’articulation enflammée en association avec la prescription de la colchicine peut raccourcir significativement la durée de l’accès par rapport à la colchicine seule.

L’urate-oxydase (Uricozymet) est l’enzyme qui, chez presque tous les mammifères, autres que l’homme et les singes supérieurs qui en sont dépourvus, transforme l’acide urique en allantoïne.

En injection intramusculaire, une uricase d’origine fongique accomplit la même transformation chez l’homme et entraîne de ce fait une forte baisse de l’uricémie.

Elle est quelquefois utilisée dans le traitement préventif des néphropathies uratiques aiguës au cours des hémopathies malignes, traitées par cytolytiques.

Elle peut être aussi utilisée dans le traitement de la goutte des transplantés.

En effet, le traitement de la goutte des transplantés est particulièrement délicat.

Aucun anti-inflammatoire non stéroïdien ne peut être utilisé en cas d’accès goutteux chez les transplantés sous ciclosporine, en raison des risques d’insuffisance rénale aiguë et de complications cardiopulmonaires.

La colchicine n’est employée qu’à dose réduite en fractionnant les prises et en surveillant l’hémogramme.

Quant au traitement hypo-uricémiant, il peut en principe faire appel à l’allopurinol mais avec le risque de voir augmenter la toxicité hématologique de l’azathioprine.

On peut donc préférer les uricosuriques lorsque la clairance de la créatinine est supérieure à 25 mL/min.

On peut aussi employer l’urate-oxydase.

Compte tenu du risque de réaction allergique rapportée lors de son administration intraveineuse, la voie intramusculaire profonde est préférable.

En effet, plusieurs manifestations allergiques, fièvre, urticaire, éosinophilie, oedème de Quincke, exceptionnellement des réactions anaphylactiques sévères, ont été observées avec l’urateoxydase.

La posologie habituellement utilisée est de 1 000 unités/j pendant une dizaine de jours.

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