Génétique des pathologies surrénaliennes

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Introduction :

L’implication de différents gènes dans certaines pathologies surrénaliennes familiales est connue depuis quelques années.

C’est le cas par exemple du gène ALDP responsable de l’adrénoleucodystrophie, du gène codant pour le récepteur de l’ACTH dans les déficits familiaux en glucocorticoïdes, du gène codant pour la ménine dans les néoplasies endocriniennes multiples de type 1 ou du gène codant pour RET dans les formes de type 2.

Génétique des pathologies surrénaliennesNous ne reviendrons pas sur les différentes anomalies responsables d’un défaut de la stéroïdogenèse surrénalienne (hyperplasie congénitale des surrénales).

Des progrès récents ont été réalisés dans la caractérisation du rôle de certains gènes et dans l’identification de nouveaux gènes :

– rôle du facteur de transcription SF-1 dans l’insuffisance surrénalienne ;

– mutations du facteur DAX-1 dans l’hypoplasie congénitale des surrénales liée au chromosome X ;

– découverte du gène AIRE responsable du syndrome auto-immun polyglandulaire de type 1 ;

– découverte du gène AAAS muté dans le syndrome de Allgrove ou triple A ;

– existence de mutations germinales particulières du gène suppresseur de tumeurs TP53 dans les tumeurs du cortex surrénalien ;

– découverte de mutations du gène PRKAR1A dans le complexe de Carney ;

– implication de deux nouveaux gènes SDHD et SDHB dans les phéochromocytomes familiaux.

Insuffisances surrénaliennes d’origine génétique :

Trois grands mécanismes peuvent conduire à une insuffisance surrénalienne : une destruction du cortex surrénalien, un trouble du développement de la glande surrénalienne ou un défaut de la stéroïdogenèse.

La génétique a permis de mieux comprendre et de diagnostiquer certaines maladies survenant dans un contexte familial.

A – MUTATION DU FACTEUR SF-1 :

SF-1 est un facteur de transcription de la superfamille des récepteurs nucléaires orphelins.

Il contrôle l’expression de nombreux gènes essentiels pour le développement du cortex surrénalien, des gonades et du noyau ventromédial de l’hypothalamus.

Les souris avec invalidation complète du gène codant pour SF-1 présentent une agénésie gonadique et surrénalienne et des anomalies hypothalamohypophysaires, avec inversion de sexe et persistance des structures mullériennes pour les souris 46XY.

Les souris hétérozygotes ont un phénotype atténué.

Parmi les trois mutations rapportées chez l’être humain, la première est une mutation hétérozygote de novo située dans la région qui code pour le domaine de liaison à l’ADN (P-box) de SF-1.

La conséquence est une diminution de la liaison à l’ADN. Elle est responsable d’une insuffisance surrénalienne à la naissance avec un pseudohermaphrodisme masculin (46XY), avec dysgénésie testiculaire sans réponse des androgènes après stimulation par l’human chorionic gonadotropin (hCG) et présence de structures mullériennes à l’échographie.

Cette mutation prouve le rôle critique de SF-1 dans le développement de la surrénale et des gonades masculines.

La deuxième mutation également hétérozygote de novo, concerne une jeune fille présentant une insuffisance surrénalienne à l’âge de 14 mois, l’utérus et les ovaires étant normaux.

SF-1 ne semble pas nécessaire au développement gonadique féminin, mais possède un rôle critique pour le développement surrénalien dans les deux sexes.

La troisième mutation, également localisée dans la région codant pour le domaine de liaison à l’ADN (A-box), est homozygote.

Elle est présente chez un enfant de caryotype 46XY et a les mêmes conséquences phénotypiques que la première mutation.

Les parents sont consanguins, hétérozygotes pour la mutation, mais phénotypiquement normal.

La perte de fonction semble partielle par rapport à la première mutation expliquant la transmission récessive.

B – HYPOPLASIE SURRÉNALIENNE CONGÉNITALE ET INACTIVATION DE DAX-1 :

L’hypoplasie surrénalienne congénitale est une affection rare (1/12 500 naissances) caractérisée par l’arrêt du développement du cortex surrénalien.

Il existe quatre formes différentes :

– une première forme sporadique avec hypoplasie hypophysaire ;

– une deuxième forme récessive autosomique dont l’origine génétique reste inconnue ;

– une troisième forme avec cytomégalie liée au chromosome X associée à un hypogonadisme hypogonadotrope.

Environ 86 mutations du gène situé en Xp21.3 et codant pour le récepteur nucléaire orphelin DAX-1 sont décrites dans cette forme d’hypoplasie surrénalienne.

Ce facteur est impliqué dans la détermination sexuelle, lorsqu’il est dupliqué chez un sujet de caryotype 46XY, il est responsable d’un phénotype féminin ou d’une ambiguïté sexuelle.

DAX-1 joue un rôle important dans le développement de la glande surrénale et de l’axe gonadotrope.

L’insuffisance surrénalienne se révèle le plus souvent dans les premiers mois ou les premières années de vie, voire parfois plus tard dans l’enfance ou à l’âge adulte.

L’hypogonadisme hypogonadotrope, révélé au moment de la puberté, permet d’évoquer le diagnostic.

Le défaut se situe au niveau hypothalamohypophysaire mais également au niveau de la spermatogenèse.

Une puberté précoce indépendante des gonadotrophines induite par l’ACTH, peut être un mode de révélation.

Les autres axes hypophysaires sont respectés, il existe une variabilité phénotypique sans corrélation avec le génotype. Rarement, le déficit gonadotrope peut être au premier plan et diagnostiqué à l’âge adulte.

DAX-1 possède dans sa région carboxyterminale un domaine de répression, important pour inhiber la transactivation induite par le facteur SF-1.

L’ensemble des mutations semble perturber cette fonction à des degrés divers ;

– la quatrième forme d’hypoplasie surrénalienne est également liée à l’X mais associe un déficit en glycérol kinase, dans le cadre d’un syndrome des gènes contigus avec délétion du gène codant pour DAX-1.

Parmi les manifestations, on peut retrouver un retard psychomoteur, une dystrophie musculaire, un faciès caractéristique avec hypertélorisme, une anorchidie ou une cryptorchidie, une petite taille, une ostéoporose.

Environ 100 patients sont décrits appartenant à 78 familles.

C – SYNDROME DE ALLGROVE OU TRIPLE A (ALACRYMIE, ADDISON, ACHALASIE) ET PROTÉINE ALADIN :

Cette affection autosomique récessive est caractérisée par la triade suivante : une alacrymie, symptôme le plus précoce et constant, un déficit en glucocorticoïdes par résistance à l’ACTH et une achalasie du cardia.

Elle se manifeste dans la première décennie de la vie.

Elle peut être associée à des troubles neurologiques progressifs variables, touchant le système nerveux central, périphérique ou végétatif, à une hyperkératose palmoplantaire, une petite taille, une ostéoporose et une microcéphalie.

Un déficit en minéralocorticoïdes est retrouvé dans 15 % des cas.

Le gène AAAS situé sur le locus 12q13 vient d’être identifié et code pour une protéine de 547 acides aminés dénommée ALADIN.

Elle appartient à la famille des protéines avec répétition d’un motif WD (W = tryptophane, D = acide aspartique), elle est de fonction inconnue, d’expression ubiquitaire, particulièrement dans les tissus endocriniens et neuroendocriniens. Elle pourrait jouer un rôle dans le trafic intracellulaire du récepteur MC2R de l’ACTH ou dans l’activité des peroxysomes.

Les mutations homozygotes ou hétérozygotes composites semblent conduire à une perte de fonction de ALADIN.

Le gène AAAS ne semble pas impliqué dans les déficits familiaux isolés en glucocorticoïdes sans mutation du récepteur de l’ACTH.

D – SYNDROME APECED ET GÈNE AIRE :

La maladie d’Addison auto-immune peut se présenter sous différentes formes, soit de manière sporadique, soit dans le cadre d’un syndrome auto-immun polyglandulaire. Le type 1 est dénommé syndrome APECED (Autoimmune Poly Endocrinopathy-Candidiasis-Ectodermal Dystrophy) et comporte trois manifestations principales, une candidose cutanéomuqueuse qui est le symptôme initial, une hypoparathyroïdie acquise et une maladie d’Addison avec présence d’autoanticorps circulants antisurrénaliens.

D’autres manifestations sont parfois présentes, un diabète de type 1, une thyroïdite auto-immune, une insuffisance gonadique, une hépatite, une dystrophie ectodermale.

Cette maladie familiale rare de transmission récessive apparaît dans l’enfance.

Une avancée importante est la découverte du gène responsable AIRE situé en 21q22.3.

Il s’exprime dans le thymus, la glande surrénale, les ganglions lymphatiques, les leucocytes et le pancréas.

Sa fonction demeure inconnue, il semble réguler la transcription.

L’invalidation chez la souris reproduit un phénotype similaire avec une infiltration lymphocytaire de nombreux organes, la présence d’autoanticorps circulants et une infertilité.

Il n’existe pas de défaut dans le développement des lymphocytes T mais une réponse immunitaire exagérée.

Environ 42 mutations différentes sont rapportées, certaines mutations pourraient être associées à des manifestations particulières, le système HLA de classe II pouvant influencer le phénotype.

Le gène AIRE ne semble pas impliqué dans les maladies auto-immunes isolées spécifiques d’organe, ou les autres formes de syndrome polyglandulaire.

Les sujets hétérozygotes sont indemnes.

Tumeurs surrénaliennes d’origine génétique :

A – MUTATION GERMINALE DE TP53 ET CORTICOSURRÉNALOME :

Le gène suppresseur de tumeurs TP53 situé sur le bras court du chromosome 17 et codant pour le facteur de transcription p53 est muté avec une fréquence de 50 % dans les tumeurs humaines. p53 est un facteur de transcription dont le rôle est de maintenir l’intégrité du génome en provoquant l’arrêt du cycle ou la mort cellulaire en réponse aux lésions de l’ADN ou à l’hypoxie.

Environ 200 familles sont identifiées comme porteuses d’une mutation germinale de TP53 responsable du syndrome de Li-Fraumeni, une maladie rare comportant des cancers précoces avant l’âge de 45 ans avec atteinte de deux sujets apparentés de premier degré.

Il s’agit de sarcomes, de cancers du sein, du cerveau, de leucémies et de corticosurrénalomes. Les mutations sont localisées au niveau des exons 5 à 8 codant pour le domaine de liaison à l’ADN.

Les corticosurrénalomes de l’enfant, sans histoire familiale de cancer, semblent pouvoir être liés fréquemment à des mutations germinales de TP53 au niveau d’autres exons avec une faible pénétrance pour l’apparition d’autres cancers.

Une de ces mutations au niveau de l’exon 10, qui entraîne la substitution d’une arginine pour une histidine en position 337 de la protéine (Arg337His), est particulièrement intéressante car présente chez 97 % des enfants originaires du sud du Brésil atteints d’un corticosurrénalome isolé sans histoire familiale.

Pour des raisons inconnues, la fréquence de cette tumeur chez l’enfant au Brésil est dix fois plus élevée que dans le reste du monde.

Chez l’adulte brésilien, présentant une tumeur bénigne ou maligne du cortex surrénalien, sans aucun critère pour un syndrome de Li-Fraumeni, la mutation Arg337His est présente avec une fréquence de 13,5 % (5/37).

La tissuspécificité de cette mutation germinale, avec l’apparition exclusive de corticosurrénalomes, pourrait être expliquée par la sensibilité au pH de la protéine p53 mutée avec perte de sa capacité de tétramérisation uniquement au pH élevé.

En effet, la corticosurrénale subit des changements importants en prénatal et postnatal avec des phénomènes d’apoptose, avec modification du pH cellulaire à environ 7,9.

La conséquence pourrait être une perte tissu-spécifique du rôle suppresseur de tumeur de p53.

B – PROTÉINE KINASE A ET COMPLEXE DE CARNEY :

Décrite en 1985, cette maladie familiale de transmission autosomique dominante est une forme rare de néoplasie endocrinienne multiple pouvant également comporter des manifestations cutanées (lentiginose périorificielle), cardiaques (myxome) et diverses tumeurs.

L’atteinte surrénalienne, très caractéristique, est une dysplasie micronodulaire pigmentée bilatérale, pouvant être responsable d’un syndrome de Cushing ACTH indépendant chez un quart des patients.

Le diagnostic est parfois difficile en raison du caractère éventuellement intermittent de l’hypercorticisme, une réponse paradoxale lors des tests de freination semble évocatrice.

Certaines des manifestations endocrines sont communes au syndrome de McCune-Albright, dû à une mutation activatrice de la protéine Gsa (voie de l’AMP cyclique) survenue à l’état embryonnaire et exprimée en mosaïque.

Des mutations hétérozygotes inactivatrices du gène PRKAR1A situé en 17q22 et codant pour une des sous-unités régulatrices (RIa) de la protéine kinase A (PKA), sont présentes chez environ 40 % des malades porteurs du complexe de Carney.

La perte de l’allèle sain dans les tumeurs suggère qu’il s’agit d’un gène suppresseur de tumeurs, la conséquence étant une augmentation de l’activité de la PKA.

Un second gène possiblement impliqué dans la voie de l’AMPc et situé au locus 2p16, reste à identifier.

C – DE NOUVEAUX GÈNES IMPLIQUÉS DANS LES PHÉOCHROMOCYTOMES :

La fréquence des phéochromocytomes héréditaires était jusqu’à présent évaluée aux environs de 10 %.

Les trois affections recherchées systématiquement sont la néoplasie endocrinienne multiple de type 2 (mutation du gène RET), la maladie de von Hippel-Lindau (mutation du gène VHL) et la neurofibromatose de type 1.

Récemment, des mutations du gène SDHD codant pour la sous-unité D de l’enzyme succinate deshydrogénase (enzyme mitochondriale impliquée dans la phosphorylation oxydative), ont été mises en évidence dans des paragangliomes familiaux cervicaux ou tumeurs du glomus.

Secondairement, des mutations germinales de SDHD ont été retrouvées dans des phéochromocytomes non familiaux ou familiaux, ainsi que des mutations du gène SDHB dans des familles de phéochromocytomes et /ou paragangliomes.

Une étude systématique récente portant sur une série de 271 patients atteints de phéochromocytome en apparence sporadique, sans histoire familiale, a permis d’identifier avec une fréquence de 24 % (66/271) des mutations de ces différents gènes (45 % de VHL, 20% de RET, 17% de SDHD et 18 % de SDHB).

Environ 64 % de ces malades ont été dépistés par l’analyse génétique, ils ne présentaient pas d’autres manifestations cliniques initialement, leur lésion était isolée.

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