Biologie et génétique moléculaires

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Introduction :

La biologie moléculaire est un terme très large qui peut se définir comme la section de la biologie qui étudie les macromolécules extra et intracellulaires, tant d’un point de vue fondamental que des applications qui peuvent en découler en pathologie, voire en thérapeutique, notamment humaines.

Cette définition très vaste et nécessairement assez vague inclut en fait l’étude des différents acides nucléiques, ADN (acide désoxyribonucléique) et ARN (acide ribonucléique), et des protéines, mais aussi celle de vastes complexes moléculaires associant lipides complexes, polysaccharides, protéines et acides nucléiques.

Biologie et génétique moléculairesToutefois, le terme de biologie moléculaire est surtout utilisé pour l’étude de la structure, du fonctionnement et des anomalies des acides nucléiques, ensemble également appelé génétique moléculaire, même si la « génétique », au sens mendélien du terme, est souvent absente.

L’acte de naissance de la biologie moléculaire, en ce sens un peu restreint, peut être fixé sans ambiguïté en 1953, année de la découverte de la structure de la double hélice d’ADN par Watson et Crick.

Depuis lors, les avancées de cette section de la biologie ont été foudroyantes, « envahissant » toutes les autres, parfois au détriment de certaines branches plus classiques telles que l’étude des protéines.

Ce succès sans pareil dans l’histoire de la biologie est lié à l’extraordinaire puissance de cet outil qui permet d’approcher le mécanisme intime du fonctionnement des cellules, voire de modifier ce fonctionnement en fonction des besoins expérimentaux ou industriels (génie génétique).

Un projet extrêmement ambitieux de séquençage de l’ensemble du génome humain est actuellement en cours, couplé à l’identification de chacun des 100 000 gènes environ qui composent ce génome ; le déroulement de ce projet, qui inclut notamment l’équipe française du Généthon, est satisfaisant et son terme devrait être atteint dans les prochaines années.

La médecine a tout naturellement bénéficié de cette explosion de connaissances, puisque la biologie moléculaire s’impose bien sûr comme un moyen privilégié pour comprendre les mécanismes sous-tendant un nombre grandissant de maladies, dans la mesure où ces affections sont liées d’une façon ou d’une autre à une anomalie du matériel génétique et/ou de son fonctionnement.

Ceci est vrai bien sûr pour les maladies « génétiques » héréditaires, mais aussi pour des affections sporadiques liées à un dysfonctionnement acquis d’un élément du génome, telles les maladies tumorales, inflammatoires, dégénératives, etc.

La biologie moléculaire représente aussi un moyen extrêmement puissant pour identifier la présence d’un agent infectieux dans un tissu.

À tous ces titres, la biologie moléculaire est devenue partie intégrante des connaissances médicales et, de plus en plus, des méthodes diagnostiques, passant des laboratoires de recherche à une utilisation routinière, quotidienne.

Dans un avenir que chacun espère proche, des applications thérapeutiques autres que la « simple » production de protéines par génie génétique vont sans doute se développer, notamment en terme de thérapie génique, visant à la correction des conséquences de la présence d’un gène anormal par l’apport d’un gène normal soit in situ, soit dans une autre zone de l’organisme s’il s’agit par exemple d’un produit sanguin.

Rappels sur la structure et le fonctionnement du génome :

A – ACIDES NUCLÉIQUES :

1- ADN :

L’acide désoxyribonucléique ou ADN a une structure en double hélice (aspect en « échelle tordue »), formée de deux brins antiparallèles et strictement complémentaires en ce qui concerne la séquence des « barreaux » ou bases (complémentarité adéninethymine et guanine-cytosine) portées par les « montants » phosphodésoxyribosiques.

L’ADN est le support de l’information génétique des procaryotes (cellules ne possédant pas de noyaux vrais, telles les bactéries) et des eucaryotes (cellules disposant de noyaux individualisés).

Cette information est représentée par l’ordre de succession ou séquence des bases puriques (adénine et guanine) et pyrimidiques (cytosine et thymine) le long de la molécule, avec un code nucléotides-acides aminés bien connu et universel.

L’ADN est surtout nucléaire chez les eucaryotes, organisé au sein des chromosomes, mais une faible partie est contenue dans les mitochondries.

L’ADN nucléaire est intimement associé à diverses protéines qui interviennent dans la structure des chromosomes (histones essentiellement, formant des unités appelées nucléosomes) ou dans la régulation de l’activité génique.

Sur le plan fonctionnel, l’ADN est réparti en régions codantes (2 % de l’ADN total) pour des protéines ou des ARN, régions contenues dans les gènes, et en régions non codantes, majoritaires quantitativement, qui comprennent notamment les régions régulatrices.

Un gène peut être défini comme une unité fonctionnelle d’ADN (ensemble de séquences) contenant l’information nécessaire à la production d’un ARN particulier ou d’une protéine particulière.

Dans le cas des gènes codant pour une protéine, les plus nombreux, ils sont constitués de séquences représentées dans l’ARN messager mature ou exons, en général (mais non obligatoirement) codantes, séparées par des séquences non codantes probablement régulatrices ou introns ; d’autres séquences régulatrices sont situées en amont du premier exon, notamment la région dite promotrice.

D’autre part, seul un brin de la molécule d’ADN est transcrit.

Enfin, une grande partie de l’ADN n’a pas de fonction encore bien définie et est notamment constituée de séquences hautement répétées comme les microsatellites, très utilisés en recherche car « balisant » l’ADN au même titre que les sites de restriction.

L’ADN peut être coupé in vitro par des enzymes particulières d’origine bactérienne, les enzymes de restriction, qui agissent sur des séquences d’ADN spécifiques appelées sites de restriction.

La topographie et même la présence de ces sites de restriction sur l’ADN, situés dans ou en dehors des gènes, peut varier entre deux individus d’une même espèce, introduisant un certain polymorphisme dont on peut tirer partie en recherche et pour certaines applications diagnostiques.

D’autres sites sont fixes, permettant d’établir une véritable cartographie de l’ADN.

Les distances sur la molécule d’ADN sont actuellement mesurées en kilobases (103 bases = 1 kb) ou en mégabases (106 bases = 1 mb).

Par exemple, l’ADN d’une cellule humaine mesure environ 3 000 mb et on estime qu’il contient environ 100 000 gènes.

2- ARN :

Les acides ribonucléoprotéiques ou ARN ont une structure primaire très proche de celle de l’ADN, à ceci près que la thymine est remplacée par l’uracile et qu’ils ne sont le plus souvent constitués que d’un seul brin.

Ils sont surtout impliqués dans la synthèse des protéines et sont de trois types : ARN ribosomaux (ARNr) intervenant dans la traduction des ARN messagers (ARNm), ARN de transfert (ARNt) permettant le transfert des acides aminés intracellulaires sur la chaîne polypeptidique en cours d’élongation, et ARNm destinés à être traduits en protéines dans les complexes ribosomaux, en suivant le code génétique.

Tous ces ARN sont synthétisés en regard du brin codant d’un gène, dans le noyau, par une machinerie très complexe utilisant des ARN polymérases diverses (type I à III selon le type d’ARN).

Ils sont toujours associés à des protéines très diverses, encore incomplètement connues, sous forme de particules ribonucléoprotéiques ; ils sont toujours monocaténaires sauf chez certains virus et sont souvent repliés sur eux-mêmes par hybridation intramoléculaire (structures secondaires).

Dans le cas des ARNm, les plus nombreux, l’ensemble du brin « actif » d’ADN, exons et introns, est d’abord copié ou transcrit, donnant naissance à un transcript primaire d’ARN.

Les régions de ce transcript primaire correspondant aux introns sont ensuite excisées (épissage) aboutissant à un ARNm « mature », prêt à être traduit, après diverses autres modifications de structure.

À la différence de l’ADN, molécule remarquablement stable dont la quantité par cellule est fixe en dehors de la mitose, le contenu et la composition en ARN, notamment messagers, sont très variables selon l’activité des gènes cellulaires, d’autant plus qu’il s’agit souvent de molécules instables à demi-vie courte.

Leur étude quantitative permet donc celle de l’activité récente des gènes du tissu étudié, nécessairement très variable selon le type de tissu.

Enfin, les ARNm matures sont « traduits », c’est-à-dire qu’ils permettent la synthèse d’une protéine particulière dans les complexes ribosomaux associés au réticulum endoplasmique « rugueux » ou granuleux.

B – FONCTIONNEMENT DU GÉNOME EUCARYOTE :

Il est extrêmement complexe et encore fort loin d’être complètement compris, notamment en ce qui concerne sa régulation.

Certains éléments fondamentaux sont toutefois bien connus.

1- Transcription génique :

Elle s’effectue à partir des brins codants d’ADN grâce à l’action d’un complexe moléculaire constitué autour de l’ARN polymérase III (complexe de transcription).

Ce complexe se fixe sur une région plus ou moins étendue, située sur le brin codant, en amont du premier exon du gène à transcrire, région appelée promoteur.

Celui-ci comporte des séquences universelles appelées « boîtes » (TATA box ; CAAT box) situées très près du début de l’exon, mais aussi des séquences plus spécifiques parfois plus éloignées, variables en fonction du gène en cause, appelées séquences régulatrices.

Ces séquences ou éléments en « cis », car situés sur le même brin d’ADN que le brin codant, sont en fait des sites de fixation de protéines spécifiques, régulatrices, appelées éléments en « trans ».

On peut subdiviser ces éléments régulateurs en séquences enhancer et silencer selon l’impact sur l’activité transcriptionnelle de la liaison protéineséquence régulatrice, liaison qui interfère avec la fixation et l’activité du complexe de transcription.

Un certain nombre de protéines régulatrices sont assez ubiquitaires, participant à la régulation d’un grand nombre de gènes.

On les appelle facteurs de transcription ; ils servent par exemple de deuxième ou troisième messager, nucléaire, relayant un message reçu par la cellule, message qui doit finalement aboutir à une régulation de l’activité génique.

De nombreux protooncogènes et certains gènes suppresseurs de tumeurs codent pour de tels facteurs de transcription, notamment les produits des gènes c-myc, c-fos, c-jun, p53, NF/ºB, etc.

2- Régulation post-transcriptionnelle :

Elle peut concerner les éléments affectant la stabilité des ARNm, la traduction elle-même, et les modifications protéiques posttraductionnelles qui modulent l’activité et la stabilité des protéines (phosphorylations, sulfurations, glycosylations, etc).

Elle est parfois essentielle dans la régulation de la quantité et/ou de l’activité de la protéine finale.

3- Pathologie de l’ADN et conséquences :

* Mutations :

Les mutations sont des modifications de diverses origines affectant la séquence normale de l’ADN, sur les régions codantes, régulatrices ou sans fonction définie.

Elles sont de différents types : translocations avec ou sans fusion génique, insertions, délétions, substitutions, et portent soit sur des régions de grande taille ou de taille plus réduite (quelques bases), soit sur une seule base (ponctuelles).

Les translocations concernent en principe des fragments de grande taille.

Pour les délétions, on parle de perte d’hétérozygotie quand une portion de chromosome contenant un ou plusieurs gènes disparaît, laissant le (ou les) autre(s) gène(s) homologue(s), situé(s) sur l’autre chromosome de la paire (s’il s’agit d’un autosome), seul(s), en situation d’hémizygotie ; cette situation est notamment fréquente pour les mutations germinales de gènes suppresseurs de tumeurs, l’anomalie ne s’exprimant le plus souvent que si la version normale du gène disparaît, disparition qui se produit dans les cellules tumorales et elles seules (théorie des deux « coups » de Knudson).

Dans le cas des mutations ponctuelles, on parle de transition en cas de passage d’une base purique ou pyrimidique à une base du même type, et de transversion dans le cas contraire.

Les conséquences sont variables selon la topographie et le type de mutation en cause : modifications de la stabilité de l’ARNm correspondant, ou dérégulation de la transcription génique (activité constitutive ou inhibition permanente) aboutissant à une modification du taux de synthèse de la protéine ; modifications de l’épissage introduisant une nouvelle région dans la protéine ou au contraire amputant sa séquence ; modification avec « glissement » du cadre de lecture, avec apparition d’une protéine totalement modifiée, parfois tronquée (en cas d’apparition d’un codon « stop » c’est-à-dire ne correspondant à aucun acide aminé et arrêtant la synthèse de la protéine), d’activité très différente de la normale, ou même absence de synthèse protéique (si le codon « stop » apparaît très tôt) ; mutations ponctuelles non sens ou « faux sens » (substitution d’acide aminé) entraînant, là aussi, la synthèse d’une protéine tronquée ou modifiée ponctuellement.

Toutes ces anomalies peuvent perturber profondément le fonctionnement cellulaire quand il s’agit d’une protéine clé, notamment impliquée dans un métabolisme fondamental ou dans l’équilibre mitose/différenciation.

Ces mutations ne doivent pas être confondues avec la présence d’un polymorphisme qui ne retentit pas sur la séquence de la protéine ou qui modifie légèrement la séquence sans changer l’activité.

Dans certains cas, le type de mutation peut donner une idée très précise de l’agent mutagène, fournissant ainsi un lien direct entre le facteur de risque épidémiologique et la mutation rendue responsable d’une affection donnée ; c’est tout particulièrement le cas des mutations induites par les ultraviolets (UV) du gène p53 dans les carcinomes cutanés, avec présence des dimères de thymines caractéristiques, issus d’une double transition CC ® TT.

* Amplification génique :

C’est la présence en plusieurs exemplaires d’un même gène, exemplaires alors souvent arrangés en tandem, dans un locus donné.

Cette amplification peut être considérable, jusqu’à plusieurs centaines d’exemplaires, et est alors parfois visible par les techniques habituelles de cytogénétique sous forme de minichromosomes surnuméraires (chromosomes « double-minutes »).

Elle peut aboutir à une surexpression importante du gène en cause (par exemple des proto-oncogènes cellulaires aux stades évolués de certains cancers), à l’origine de modifications cellulaires pathologiques.

Principales techniques utilisées en biologie moléculaire :

A – INTRODUCTION :

Elles sont surtout basées sur la manipulation des fragments d’acides nucléiques (coupe spécifique par enzymes, ligations diverses, etc) et leur « visualisation », notamment par l’utilisation de l’hybridation moléculaire, c’est-à-dire la capacité de deux fragments d’acide nucléique à s’apparier de façon spécifique et stable par complémentarité de leurs bases qui se lient deux à deux grâce à des liaisons non covalentes.

Le duplex formé peut être de type ADN/ADN, ARN/ADN ou ARN/ARN.

De nombreuses techniques utilisent le repérage d’un fragment d’ADN ou d’ARN par une sonde moléculaire, c’est-à-dire un segment d’acide nucléique (ADN ou ARN) qui est complémentaire de la séquence d’ADN ou d’ARN recherchée, avec laquelle il peut hybrider de façon stable et spécifique, permettant la détection, voire l’évaluation de la quantité du fragment spécifiquement reconnu.

D’autres méthodes se contentent de visualiser la présence du fragment, par exemple sur un gel, mais on ne connaît alors souvent que la taille, exprimée en paires de bases, du fragment.

Il est bien entendu hors de question de détailler ici toutes les techniques de la biologie moléculaire, et le choix volontairement restreint qui a été fait correspond à celles qui sont actuellement le plus utilisées en diagnostic et en recherche dermatologique.

Pour plus de détails concernant ces techniques, il est conseillé de se reporter à l’ouvrage de Kaplan et Delpech « Biologie moléculaire et Médecine », Médecine-Science, Flammarion 1995.

B – TECHNIQUES EXPLORANT :

L’ADN Elles vont des études grossières de détection de la position des sites polymorphes aux études plus fines de détermination de la séquence elle-même, souvent après amplification des régions étudiées.

Le matériel utilisé peut être soit l’ADN génomique, extrait du noyau des cellules, soit l’ADN complémentaire (ADNc) obtenu par rétrotranscription in vitro à partir des ARNm.

L’ADNc est plus facile à manipuler que l’ARNm dont il est issu. Il est le reflet de l’activité transcriptionnelle de la cellule mais ne comporte que les séquences codantes des gènes.

Toutefois, c’est le matériel idéal pour étudier ces dernières.

1- Southern-blot et étude des polymorphismes de restriction :

La technique du southern-blot, introduite dès 1975 par Southern, permet la détection, à l’aide d’une sonde marquée et spécifique, d’un fragment d’ADN issu d’une digestion par enzymes de restriction.

L’ADN total extrait est digéré par une ou plusieurs enzymes de restriction.

Les fragments de restriction ainsi obtenus sont séparés selon leur taille par migration dans un gel sous l’action d’un champ électrique (électrophorèse), puis transférés par capillarité (blotting) sur une membrane (nitrocellulose ou Nylon).

La membrane est alors incubée avec une sonde marquée qui s’hybride spécifiquement avec le fragment comportant la séquence complémentaire.

Le résultat s’inscrit comme une « bande » visible par divers moyens selon le type de marquage de la sonde (autoradiographie si elle est radioactive) qui révèle la présence du duplex ADN/ADN ou ARN/ADN selon le type de sonde utilisé, et donc la présence de la séquence recherchée.

Elle donne des indications sur sa taille et, quoique moins précisément, sur la quantité de fragment reconnu (par exemple pour une recherche de perte d’hétérozygotie ou d’amplification).

Une ou deux bandes sont mises en évidence, selon l’enzyme, la sonde et l’état homo- ou hétérozygote vis-à-vis de la région étudiée.

Cette technique permet la détection de modifications de grande taille du fragment étudié, notamment des grandes délétions ou insertions, des translocations avec fusion de gènes, d’une perte d’hétérozygotie et des amplifications.

On peut également l’utiliser pour vérifier la spécificité d’un produit d’amplification par la PCR (polymerase chain reaction), sans avoir à recourir au séquençage.

Il s’agit en fait d’une technique assez grossière, le fragment reconnu ne représentant souvent pas plus d’un millionième des fragments en présence.

Le southern-blot est utilisé pour l’étude des polymorphismes de restriction ou RFLP (restriction fragments length polymorphism).

Elle permet la détection des variations de la taille des fragments de restriction pour une enzyme donnée.

Cette variabilité est liée au fait que les positions des sites de restrictions peuvent être physiologiquement différentes (ces sites pouvant même être totalement absents de certains allèles) pour chaque allèle d’un gène (polymorphisme).

On peut alors suivre la transmission, dans une famille, d’un profil particulier de restriction, correspondant à un allèle particulier représentant par exemple une version mutée du gène, ou correspondant simplement à un site polymorphe non spécifique mais proche d’un gène dont on veut « pister » un allèle muté (polymorphismes « informatifs »).

2- Amplification par réaction de polymérisation en chaîne ou PCR :

L’analyse de l’ADN a été considérablement simplifiée par l’amplification de la région à étudier, c’est-à-dire par production d’un très grand nombre de copies identiques de cette région.

Après le clonage plasmidique dans les bactéries, c’est la réaction de polymérisation en chaîne (PCR) qui s’est imposée par sa simplicité au point de devenir une des techniques de routine de la biologie moléculaire.

Un million environ de copies de la région amplifiée peuvent être obtenues après 40 cycles.

Cette technique nécessite la connaissance préalable au moins de la séquence des extrémités de la région à amplifier.

Le taux d’erreur est minime mais limite la longueur totale amplifiable de façon fiable.

Elle peut être utilisée par exemple comme préalable avant séquençage, SSCP (single strand conformation poylmorphism), électrophorèse sur gel avec gradient de dénaturation ou tout autre technique de manipulation du fragment obtenu.

On peut également s’en servir « directement » pour détecter la présence d’un ARNm (et dans une moindre mesure avoir une idée de sa quantité) par le biais de l’amplification de l’ADNc correspondant, d’une séquence anormale par exemple virale ou correspondant à une version mutée d’un gène cellulaire normal, d’une délétion importante (diminution de la taille du fragment ou absence d’amplification) ou même d’une substitution ponctuelle. Dans ce dernier cas, le fragment amplifié est transféré sur membrane et hybridé avec une sonde très spécifique de petite taille.

L’hybridation ne pourra alors pas être détectée si une base a été modifiée, alors qu’elle pourra l’être si le fragment est complètement normal.

Inversement, une mutation ponctuelle particulière peut être mise en évidence en utilisant une sonde reconnaissant spécifiquement celle-ci, à condition de la connaître à l’avance.

Il s’agit donc d’une technique beaucoup plus sensible que le southern-blot pour détecter la présence d’une séquence particulière.

3- Séquençage direct :

C’est l’analyse directe de l’enchaînement des bases.

Le plus souvent, elle est réalisée après amplification génique ou clonage du fragment d’intérêt, par diverses méthodes souvent semi-automatisables.

Elle permet évidemment la détermination précise des mutations de l’ADN.

4- Polymorphisme de conformation de l’ADN monocaténaire ou SSCP :

Il fait appel à la migration des deux brins simples d’un fragment d’ADN, en général préalablement amplifié dans un gel d’acrylamide non dénaturant.

Les brins monocaténaires ont une configuration spatiale qui dépend de leur séquence ; or une mutation ponctuelle est capable de modifier cette configuration et donc d’entraîner une modification du profil de migration.

Les brins sont rendus visibles par marquage radioactif ou sont visualisés par une coloration du gel à l’argent.

Il s’agit donc d’une méthode assez simple de dépistage des mutations ponctuelles, complétée ensuite si nécessaire par un séquençage précis.

Toutefois, sa sensibilité dépend du fragment étudié.

L’électrophorèse sur gel d’acrylamide avec gradient dénaturant et la technique d’analyse des hétéroduplex sont basées sur un principe similaire.

5- Hybridation in situ (HIS) :

Elle permet la visualisation directe de la présence, sur une coupe tissulaire ou un chromosome, d’une séquence d’ADN, par hybridation spécifique avec une sonde marquée qui rend visible le duplex sonde/ADN.

Cette technique est avant tout utilisée pour déterminer la présence de l’ADN de certains agents infectieux notamment intracellulaires, même en petit nombre, tels les virus où théoriquement moins de 10 copies par cellule suffisent à faire apparaître un signal.

On l’utilise aussi pour l’analyse chromosomique, notamment avec des sondes fluorescentes (fluorescent in situ hybridization) qui peuvent permettre de localiser une séquence connue sur tel ou tel chromosome.

6- Hybridation sur tache ou dot-blot :

Il s’agit d’une technique d’hybridation sur un support (filtre de Nylon par exemple) sur lequel est déposé l’ADN préalablement dénaturé à étudier sous forme d’une « tache » (en fait par dépôt d’une petite quantité de la solution contenant l’ADN).

La sonde marquée est ensuite déposée au même endroit du support, puis la révélation des hybrides est réalisée après plusieurs lavages.

Cette technique ne nécessite pas de digestion préalable de l’ADN mais expose au risque de faux positifs.

Dans certaines conditions, notamment après amplification préalable et conditions de forte « stringence » (c’est-à-dire n’autorisant le maintien sur le support que des hybrides strictement complémentaires après lavage), le dotblot permet la détection de mutations ponctuelles.

7- Banques d’ADN :

Une banque d’ADN est constituée en intégrant de multiples fragments d’ADN dans des vecteurs, présents à de multiples exemplaires dans la banque, à raison d’un fragment par vecteur.

Ce vecteur peut notamment être un virus bactériophage ou un fragment d’ADN appelé plasmide ou cosmide.

Ces banques peuvent concerner soit les séquences codantes (les exons), il s’agit alors de banques d’ADNc, soit l’ensemble de la séquence génomique où tous les éléments de l’ADN (régions promotrices, exons, introns, etc) sont alors représentés.

La composition des banques d’ADNc va varier suivant les ARNm présents et donc suivant le type de cellule utilisé pour la constitution de la banque.

En revanche, la composition d’une banque génomique ne dépend que de l’espèce et non du type cellulaire.

Ces banques peuvent être utilisées de diverses façons, notamment pour identifier des protéines jusque-là inconnues et préciser l’organisation de leur gène.

Ainsi, pour identifier une protéine, on peut utiliser une banque d’ADNc dans un vecteur permettant l’expression des protéines codées par ces ADNc (vecteur « d’expression » ayant un promoteur pour l’ARN polymérase).

La protéine produite par le vecteur peut ensuite être recherchée par un anticorps spécifique marqué. L’ADNc est alors extrait du vecteur puis séquencé et on peut en déduire la séquence exacte de la protéine (la protéine a été « clonée »).

Grâce à cette technique, les gènes codant pour les antigènes des maladies auto-immunes ont pu être identifiés et étudiés, permettant de mieux préciser les antigènes en cause (application aux dermatoses bulleuses auto-immunes).

8- Clonage et transfection :

Des fragments d’ADN peuvent être manipulés, introduits dans des vecteurs rétroviraux, plasmidiques ou cosmidiques, voire des structures encore plus importantes, puis ces vecteurs peuvent être introduits par divers moyens dans des cellules bactériennes ou eucaryotes (transfection) modifiant la fonction de ces cellules si le vecteur permet l’expression du gène.

C’est la base de la thérapie génique, du génie génétique et du « clonage » moléculaire qui permet la production en grand nombre du fragment introduit grâce à la réplication des acides nucléiques dans la cellule transfectée, réplication qui s’applique aussi au fragment introduit.

Ce fragment se prête alors aux expériences testant par exemple les effets des modifications qu’on peut lui faire subir (mutagenèse dirigée).

9- Techniques de « traque » d’un gène et génétique « inverse » :

Elles nécessitent la manipulation de grands segments d’ADN par exemple par électrophorèse en champ pulsé qui sépare les fragments d’ADN de très grande taille, l’inclusion des fragments d’ADN dans des chromosomes artificiels transfectables dans la levure, cellule eucaryote de manipulation assez aisée, etc.

Des manipulations géniques de toutes sortes sont également possibles permettant par exemple d’obtenir des fusions géniques et donc des protéines de fusion possédant des propriétés biologiques « à la demande », etc.

La dermatologie est un champ d’application majeur de la génétique inverse, qui est une des principales applications de ces techniques de traque des gènes.

Cette technique permet, à l’inverse de la génétique «classique », qui a pour point de départ une protéine anormale connue, d’aboutir directement (mais après des études souvent longues et fastidieuses) au gène pathologique.

Ce gène est d’abord localisé aussi précisément que possible sur le génome par encadrements successifs de plus en plus fins.

Ces encadrements utilisent les méthodes de coségrégation de la maladie avec divers marqueurs génomiques souvent anonymes (sites de polymorphisme pour une enzyme de restriction, microsatellites), ceci au sein d’une famille où plusieurs membres sont atteints.

Après localisation, deux types de situations sont grossièrement possibles : soit la région où est localisé le gène est déjà assez bien connue et on sait qu’elle comprend un certain nombre de gènes qui codent pour des protéines dont la fonction est connue ou pas, soit la région est peu ou non connue.

Dans le premier cas, on peut sélectionner un ou plusieurs gène(s) dit « candidat(s) », par exemple en raison de la structure, de la fonction ou encore de la localisation de la protéine codée, dont une perturbation pourrait logiquement être responsable de la symptomatologie clinique (par exemple une protéine de la région de la membrane basale dans le cas des épidermolyses bulleuses).

On essaie alors de confirmer cette « candidature » en recherchant des mutations de ce ou ces gène(s) chez les patients et/ou leur famille.

Dans la deuxième situation (pas de gène candidat), malheureusement assez fréquente, on est contraint de recourir à des techniques souvent longues et fastidieuses, impossibles à exposer dans le cadre restreint de cet article en raison de leur nature complexe.

Le but de ces méthodes est de toute façon d’isoler la région d’intérêt dans un vecteur permettant son étude précise, d’y déterminer la présence de gènes et de les sélectionner si possible, même sans connaître la protéine codée.

On peut par exemple examiner pour lequel de ces gènes l’ARNm n’est pas en quantité voulue ou n’a pas la taille habituelle chez les malades.

On peut également cribler une banque d’ADNc du tissu lésé, par exemple la peau, en utilisant des fragments de la région chromosomique en question comme sonde.

Le (ou les) gène(s) devenu(s) candidat(s) sera(ont) alors séquencé(s) chez les patients, en comparant cette séquence avec la séquence normale.

C – ÉTUDE DE L’EXPRESSION DES GÈNES – ÉTUDE DES ARNm :

L’étude des ARNm apporte des informations qui concernent non plus la structure du génome mais son expression, son fonctionnement global en termes de transcription mais aussi de régulation post-transcriptionnelle. Les différentes techniques utilisées ont surtout pour but d’étudier la présence et/ou les variations de la quantité de l’ARNm correspondant à un gène donné.

1- Northern-blot :

Appelée ainsi par référence au southern-blot, il s’agit d’une technique très similaire : extraction des ARN cellulaires, purification des ARNm, migration électrophorétique dans un gel qui les sépare suivant leur taille, transfert sur un support (Nylon par exemple) puis révélation de la présence de l’ARNm étudié par hybridation avec une sonde spécifique (ARN ou ADN).

La quantité relative de messager peut être estimée par rapport à l’expression d’un gène dont le taux d’expression est constant (gène dit de « ménage » ou housekeeping) et la taille du transcrit est appréciée par rapport à celle d’ARN ribosomaux ou à une échelle de poids moléculaire.

2- Hybridation in situ :

Là encore, le principe est le même que dans le cas de l’ADN : visualisation directe de la présence, sur une coupe tissulaire, d’un ARNm particulier, par hybridation avec une sonde marquée ADN ou ARN qui rend visible le duplex sonde/ARN.

La quantité d’ARN présente peut aussi être estimée de façon semi-quantitative en utilisant un analyseur d’image couplé à un logiciel de comptage.

Cette technique présente des avantages essentiels (localisation de l’expression d’un gène dans un tissu hétérogène comme la peau ; utilisation de petits prélèvements biologiques) mais est limitée par l’inadaptation de certaines sondes à cette technique.

On peut s’en servir pour déterminer l’expression cellulaire précise d’un gène donné, pour étudier les variations régionales et/ou temporelles, physiologiques ou pathologiques de cette expression.

3- RT-PCR (reverse transcriptase-PCR) :

Elle permet de déterminer avec une grande sensibilité la présence d’un ARNm très peu abondant.

Le principe est le même que pour la PCR mais avec une étape préalable de synthèse d’ADNc à partir des ARNm extraits, grâce à la transcriptase reverse.

L’ADNc complémentaire correspondant à l’ARNm étudié est alors amplifié selon les mêmes modalités qu’un ADN génomique.

Théoriquement, la présence de quelques molécules d’ARNm autorise sa mise en évidence et une étude semi-quantitative est possible, quoique moins précise qu’avec un northern-blot.

Actuellement, cette technique est facilitée par l’emploi d’enzymes qui ont à la fois une activité transcriptase reverse et une activité ADN polymérase.

Comme pour la PCR, il faut toutefois se méfier des faux positifs dus à la grande sensibilité de la méthode (contaminants) et s’entourer de contrôles.

D – ANIMAUX TRANSGÉNIQUES :

Ils autorisent une étude directe de la relation génotype-phénotype par l’étude des conséquences de l’introduction directe d’un gène modifié, le transgène, dans le zygote (ou oeuf fécondé) d’un animal tel qu’une souris ou un batracien.

Les oeufs portant le transgène sont alors réintroduits dans une femelle gestante.

Les animaux transgéniques (porteurs du transgène) sont ensuite repérés par analyse de l’ADN extrait de leur queue (présence ou absence du transgène).

Par des croisements de ces animaux, l’obtention d’animaux homozygotes pour le transgène étudié est possible.

L’utilisation de cette technique permet de déterminer ou de vérifier les conséquences d’une mutation précise sur un gène de fonction connue ou d’avoir une idée de la fonction du gène normal quand celle-ci est inconnue ou hypothétique.

La mise au point de modèles animaux très intéressants, notamment en physiopathologie et en thérapeutique (mise au point de la thérapie génique ?), peut aussi être envisagée.

On peut par exemple, par un choix judicieux du promoteur du transgène, faire exprimer, dans la peau, des gènes qui ne le sont pas normalement.

Le pendant des animaux transgéniques est représenté par les animaux (surtout souris) Knock-out chez lesquels un gène bien précis a été inactivé au stade de zygote ; on peut ainsi explorer la fonction de la protéine codée par ce gène en étudiant les conséquences phénotypiques de sa disparition, et ainsi confirmer les données issues de la génétique inverse de façon expérimentale.

Applications en dermatologie :

Comme toutes les branches de la médecine, la dermatologie a énormément bénéficié de l’apport des techniques de biologie moléculaire, tant en ce qui concerne le diagnostic que la recherche de l’étiologie « moléculaire », c’est-à-dire au niveau des lésions intimes de l’ADN, de nombreuses affections cutanées qu’elles soient génétiques ou sporadiques, ce qu’il est possible d’appeler la génétique moléculaire au sens large du terme.

La facilité d’accès au tissu cutané a probablement joué un rôle dans la véritable explosion des connaissances, notamment en génétique moléculaire, à laquelle nous assistons en ce moment, explosion dont le rythme est difficile à suivre, au point que le célèbre Journal of Investigative Dermatology a du créer une section spéciale « mutations report » témoin du décryptage accéléré des principales génodermatoses.

L’avenir est, d’une part, à la vérification des relations entre un phénotype donné et une mutation précise sur un gène donné, qui permettra d’éclairer en retour la fonction de la protéine impliquée et d’une façon plus générale la physiologie cutanée et parfois extracutanée, et, d’autre part, aux applications thérapeutiques qui commencent à être imaginées, soit en apportant la protéine manquante ou défectueuse, soit, ce qui est encore plus séduisant mais difficile à réaliser pour l’instant, en corrigeant le défaut génétique lui-même en apportant une version normale du gène lésé, ce qui s’appelle la thérapie génique.

Il est même possible que dans l’avenir, notre spécialité joue un rôle vedette dans la thérapie génique «générale », là encore en raison de la facilité d’accès du tissu cutané.

Celui-ci pourrait en effet être utilisé comme porteur et effecteur d’une version normale, artificiellement introduite ex vivo ou in vivo dans les kératinocytes, d’un gène lésé chez le patient ; l’épiderme pourrait alors produire la protéine normale manquante.

Toutefois, cette méthode ne serait efficace que dans le cas où la protéine est facilement diffusable et peut être véhiculée par le sang jusqu’au tissu-cible, ou s’il s’agit d’une protéine habituellement circulante comme un facteur de coagulation.

De façon un peu artificielle, les applications diagnostiques et la génétique moléculaire ont été séparées, alors que, bien sûr, ces deux chapitres sont intimement liés puisque, par exemple, on utilise les connaissances issues de la génétique moléculaire pour les diagnostics post- et anténatal des génodermatoses.

D’autre part, il est hors de question d’être exhaustif sur une telle somme de connaissances et un choix a dû être effectué, privilégiant les avancées les plus importantes sur un plan pratique et/ou conceptuel.

Enfin, de nouvelles données ne manqueront pas de s’ajouter à celles qui sont présentées dans ce panorama, entre sa rédaction et sa publication, les progrès étant quasi hebdomadaires…

A – BIOLOGIE MOLÉCULAIRE ET DIAGNOSTIC EN DERMATOLOGIE :

Les applications diagnostiques de la biologie moléculaire en dermatologie sont surtout orientées vers les maladies infectieuses, les lymphomes et bien sûr les génodermatoses.

Ces applications connaissent déjà un développement important et sont souvent utilisées en semi-routine dans des laboratoires d’analyses (et non de recherche) spécialisés.

1- Maladies infectieuses :

* Principes :

Il s’agit de rechercher la présence de séquences spécifiques de génomes bactériens ou viraux et/ou des ARNm correspondants dans les lésions ou dans les liquides biologiques.

Les techniques les plus utilisées sont l’hybridation in situ (HIS) et la PCR.

La sensibilité de ces méthodes d’ailleurs complémentaires (PCR : détection très sensible, parfois trop en raison de contaminants possibles ; HIS : détection spécifique et localisation tissulaire) doit conduire à l’utilisation de nombreux contrôles afin d’éviter des interprétations erronées.

D’autre part, il faut connaître à l’avance au moins une partie du génome de l’agent recherché qui doit donc être précisément soupçonné.

Selon que le gène-cible de l’étude est spécifique d’un germe précis ou commun à une famille d’agents plus ou moins proches, la réponse à la question initiale sera plus ou moins précise.

* Applications :

+ Virus des papillomes humains (VPH) :

L’ADN de ces virus très répandus peut en général être facilement identifié par HIS dans les cellules infectées à condition que le plan de coupe passe par une zone infectée.

Cette technique est nettement plus sensible que la recherche des antigènes de capside par immunohistochimie.

D’autre part, l’utilisation de sondes spécifiques permet de déterminer le(s) type(s) de VPH en cause, oncogène(s) ou non (c’est actuellement la base de la classification des différents types de VPH).

Ces techniques ont pu apporter des résultats parfois inattendus comme la présence de virus considérés habituellement comme non oncogènes, tel VPH 2, dans des carcinomes cutanés chez des insuffisants rénaux.

Enfin, la PCR a permis d’incriminer les virus dans des lésions tumorales cutanées alors même que l’HIS était négative (maladie de Bowen, certains carcinomes cutanés).

Les méthodes de biologie moléculaire sont donc irremplaçables dans ces infections où la mise en culture virale est actuellement impossible et où on ne dispose pas de sérodiagnostics spécifiques de type.

+ Virus herpétiques et apparentés :

L’ADN des virus herpès simplex a pu être trouvé, au moins en partie, dans des lésions d’érythème polymorphe postherpétique posant la question de l’intervention du virus entier lui-même (et non de ses protéines seulement) dans les mécanismes de ces lésions.

L’ADN viral a aussi été identifié dans des lésions buccales considérées auparavant comme des aphtoses idiopathiques récidivantes, et où la culture virale était négative.

Le développement de sondes marquées non radioactives correspondant à des séquences spécifiques de l’ADN viral permet un diagnostic précoce, rapide et de type, même si le nombre de copies virales est limité.

C’est bien entendu l’HHV8 ou KSV qui est actuellement le champ d’application le plus important des techniques de biologie moléculaire appliquées aux virus herpès.

Ce virus, du groupe herpès delta, a été associé de façon très étroite à la maladie de Kaposi dans tous ses sous-types clinicoépidémiologiques, aux lymphomes des cavités naturelles chez les patients atteints de sida et à la maladie de Castleman.

On retrouve en effet de l’ADN viral par la PCR dans les lésions de ces trois types de maladies (et notamment dans les cellules fusiformes caractéristiques de la maladie de Kaposi), mais également, dans certains cas, en peau normale chez les patients atteints de maladie de Kaposi.

Son implication dans d’autres affections reste encore hypothétique, notamment dans le myélome et plus curieusement le pemphigus.

Un rôle pathogénique direct de ce virus dans les trois affections qui lui sont préférentiellement associées est hautement probable mais la certitude n’en est pas encore totalement acquise.

Les mécanismes impliqués dans la maladie de Kaposi commencent toutefois à s’éclaircir avec notamment l’intervention de deux protéines codées par le génome viral, l’une analogue de l’IL6 (interleukine 6) proangiogénique et l’autre analogue d’une cycline cellulaire impliquée dans la mitose.

+ Rétrovirus : HTLV-1 (human T-cell leukemia Virus 1), VIH (virus d’immunodéficience humaine) et autres

La présence de l’ARN viral de l’HTLV-1, agent responsable de la leucémie à cellules T de l’adulte, peut être identifiée par RT-PCR dans le sang ou les tissus pathologiques des patients.

Le provirus ADN peut aussi être identifié par la PCR.

La même technique est bien sûr appliquée au VIH, à titre diagnostique pour la primoinfection (sérologie négative) ou au cours de la surveillance de la maladie (mesure de la charge virale sanguine).

On a pu également détecter la présence du VIH dans la peau par RT-PCR chez les patients VIH+, notamment dans les cellules de Langerhans.

Enfin, les études recherchant la présence de Rétrovirus dans les lésions et le sang de patients atteints de lymphomes cutanés T épidermotropes n’ont pas donné de résultat cohérent et cette question n’est toujours pas tranchée.

+ Mycobactéries :

C’est surtout la PCR qui est utilisée pour la détection de ces bactéries de culture difficile et souvent peu nombreuses dans les lésions.

Là encore, de nombreux contrôles sont nécessaires (présence de mycobactéries non pathogènes dans l’environnement), mais cette méthode est riche de promesses.

Elle peut être utilisée pour la lèpre, la tuberculose (lupus tuberculeux par exemple) et les mycobactéries atypiques (permettant un diagnostic de type), suivant les amorces utilisées.

Ses résultats sont en principe beaucoup plus rapides que ceux de la mise en culture.

On a pu ainsi identifier la présence d’ADN de M tuberculosis dans certains cas de vascularites nodulaires des membres inférieurs (de type érythème induré de Bazin), mais les résultats sont très contradictoires suivant les études et cette question épineuse en termes de thérapeutique n’a pas été clairement résolue par la biologie moléculaire en dépit des espoirs initiaux.

D’autre part, il a été mis en évidence par cette méthode la présence de séquences du groupe « mycobactéries » dans des lésions de sarcoïdose, ce qui relance le débat concernant la physiopathologie de cette affection.

Toutefois, là encore, les résultats sont très discordants selon les auteurs, ce qui souligne la difficulté d’interprétation des résultats de ces méthodes appliqués aux mycobactéries et la nécessité d’une grande prudence en termes de conclusions pathogéniques.

2- Diagnostic moléculaire des lymphomes cutanés T :

Le diagnostic des lymphomes cutanés T, notamment épidermotropes, se heurte très fréquemment, aux stades initiaux, à une absence de spécificité des éléments cliniques, histologiques et même immunopathologiques (immunophénotypage de l’infiltrat lymphoïde).

Le recours aux techniques de biologie moléculaire permet d’affirmer la présence d’un composant monoclonal détectable, donc déjà important même s’il est minoritaire, dans un infiltrat douteux.

Le principe repose sur l’organisation très particulière des gènes codant pour les différentes chaînes (á, b, c et g) des récepteurs à l’antigène des lymphocytes T.

Ces chaînes sont constituées d’un domaine variable et d’un domaine constant, le domaine variable résultant de la juxtaposition d’une région V terminale, d’une région J (de jonction avec le domaine constant) et d’une région D intermédiaire (diversité) dans le cas des chaînes bêta et alpha.

Ces différentes régions sont codées par des portions différentes du gène de la chaîne en cause, séparées par des séquences non codantes.

De plus, il existe pour une même chaîne plusieurs sousrégions V, J voire D disponibles, disséminées le long de l’ADN ; c’est la configuration « germinale » inactive.

Lors de la maturation des lymphocytes T dans le thymus, chaque lymphocyte « choisit » de façon aléatoire, pour une chaîne donnée, une sous-région V, J voire D.

Le grand nombre de combinaisons possibles rend compte en partie de la création de la diversité du répertoire antigénique.

Les séquences codantes correspondantes sont alors mises côte à côte sur l’ADN (c’est le « réarrangement » du gène) par délétion définitive des fragments intermédiaires.

Chaque lymphocyte T effectue un réarrangement qui lui est propre.

Le gène est ensuite transcrit selon les modalités habituelles.

Au southern-blot suivi d’une étude en RFLP initialement utilisé, mais limité dans ses applications en raison d’une sensibilité faible (détection d’un composant monoclonal si celui-ci représente au moins 5 % de l’infiltrat), a succédé l’utilisation de la PCR beaucoup plus sensible.

La PCR est en général complétée par une migration sur gel d’acrylamide avec gradient de dénaturation ou pour étude des hétéroduplex afin de détecter la présence d’un clone dominant.

La présence d’une bande majoritaire et bien visible signe alors l’existence d’un clone lymphocytaire T qui représente au moins 0,1 à 1,5 % de l’infiltrat.

On peut ensuite séquencer l’ADN correspondant à cette bande afin de construire une sonde spécifique qui permettra de découvrir la présence de cellules malignes ayant exactement le même type de réarrangement de la chaîne étudiée, même si elles ne représentent pas plus d’une cellule sur 100 000.

Cette technique très fine a permis de démontrer récemment que le mycosis fongoïde était en fait une maladie d’emblée systémique avec présence de cellules néoplasiques dans le sang, la moelle osseuse et/ou les ganglions.

Il faut toutefois signaler l’absence de corrélation systématique entre la présence d’un clone lymphocytaire T dominant au sein d’un infiltrat lymphocytaire, par exemple cutané, et son caractère malin ; il ne s’agit donc que d’un élément parmi d’autres dans le diagnostic d’un infiltrat « douteux ».

La même technique est applicable aux lymphomes B par l’étude des gènes des immunoglobulines, mais elle est rarement nécessaire en raison d’arguments importants pour un infiltrat monoclonal B dès le stade de l’immunophénotypage (expression d’un seul type de chaîne légère).

3- Applications au diagnostic des génodermatoses :

Il s’agit d’un chapitre à la limite entre diagnostic et recherche, tant l’utilisation de ces méthodes est limitée actuellement à certains cas très précis en raison de leur lourdeur et des difficultés d’interprétation.

Le mode d’utilisation potentiellement le plus intéressant de la biologie moléculaire dans cette indication est représenté par le diagnostic prénatal mais on peut aussi l’utiliser en postnatal quand le diagnostic clinique ou paraclinique « classique » n’est pas évident alors que des mesures thérapeutiques précoces s’imposent (affection métabolique par exemple). Son principe repose actuellement surtout sur l’étude des polymorphismes de restriction ou des microsatellites, éléments variables du génome en fonction des individus.

L’étude sera pratiquée sur l’ensemble de la famille puisqu’on va tenter de mettre en évidence des sites polymorphes dits « informatifs », c’est-à-dire qui suivent le plus exactement possible la transmission de la maladie dans la famille, ou au moins qui accompagnent le phénotype pathologique quand il n’y a qu’un enfant atteint (maladies récessives).

Du fait de l’existence d’échanges d’ADN entre chromosomes lors de la méiose (recombinaisons), ces sites informatifs sont soit très proches du gène en cause (gène connu mais sans polymorphisme intragénique ou gène inconnu), soit dans le gène lui-même (gène connu).

Un polymorphisme intragénique informatif peut être soit en relation directe avec la mutation pathogène du gène (qui fait disparaître ou apparaître un site de restriction), soit sans signification particulière, expression du polymorphisme physiologique des gènes mais accompagnant le gène pathologique.

Dans certains cas, ce n’est pas la présence ou l’absence d’un site de restriction qui est utilisée pour le diagnostic mais les variations de positions relatives de ces sites, qui deviennent visibles dans les grandes délétions ou insertions.

Quoi qu’il en soit, le « profil » de restriction de l’individu étudié (foetus par exemple après biopsie de trophoblaste vers la dixième semaine puis extraction de l’ADN) est comparé avec celui de l’ensemble de la fratrie y compris le(s) individu(s) atteint(s), ceci pour divers sites informatifs.

On peut alors en déduire avec une très haute probabilité (atteignant 100 % si le site informatif est le même que le site de mutation) la présence ou l’absence du gène muté de façon très précoce.

Une autre technique est représentée par la PCR suivie d’une hybridation utilisant des amorces et des sondes spécifiques des versions normales et mutées du gène en cause ou d’un séquençage direct.

Cette méthode est beaucoup plus directe que la précédente mais nécessite une connaissance préalable précise du gène et de la mutation présente dans la famille étudiée, la séquence de l’ensemble du gène étant souvent très longue.

Un certain nombre de génodermatoses sont accessibles actuellement, au moins en théorie et dans certains cas en pratique, à ces méthodes diagnostiques, telles la neurofibromatose de type 1 de von Recklinghausen, la neurofibromatose de type 2, la nævomatose basocellulaire, les épidermolyses bulleuses congénitales dystrophiques récessives (site informatif polymorphe parfois lié directement à la mutation au sein du gène en cause, qui code pour le collagène de type VII) et jonctionnelles de type Herlitz ainsi que certains types d’ichtyoses.

En matière de diagnostic postnatal, c’est surtout l’étude directe du gène qui est utilisée, soit en recherchant des mutations bien connues sur des « points chauds » (régions d’un gène où les mutations sont particulièrement fréquentes) par différents moyens proches de ceux exposés ci-dessus, ou par étude de l’ensemble du gène (exons et régions flanquantes surtout), ce qui est évidemment beaucoup plus difficile.

Ces techniques sont surtout utilisées actuellement pour le diagnostic précis des épidermolyses bulleuses mais leur besoin se fait en fait rarement sentir pour le propositus lui-même.

En revanche, le typage précis de l’anomalie permet un diagnostic prénatal beaucoup plus facile chez les descendants.

4- Applications diagnostiques diverses :

Elles peuvent concerner des domaines très divers tels que le génotypage HLA (human leucocyte antigen).

Dans cette indication, ce sont les séquences géniques codant pour les molécules HLA de classe I ou II qui sont étudiées, et non les antigènes de membrane comme dans l’immunophénotypage conventionnel.

Une technique intéressante est l’hybridation sur filtre de type dot-blot de l’ADN génomique (préalablement amplifié par la PCR sur l’allèle étudié) avec des sondes qui reconnaissent des séquences spécifiques d’un allèle HLA donné.

Ces sondes sont marquées par des moyens non radioactifs permettant une révélation rapide. Une autre possibilité est offerte par le dot-blot « inverse » où c’est la sonde qui est fixée par avance sur le support et l’ADN marqué durant la PCR.

Cette méthode permet un typage allélique très précis puisque les sondes reconnaissent les séquences spécifiques, souvent très proches à une base près, au contraire des réactions croisées possibles de l’immunologie conventionnelle.

De plus, n’importe quelle cellule peut être employée comme source d’ADN pour étude des molécules de classe II alors qu’elles ne sont pas exprimées de façon ubiquitaire en termes de protéines.

On peut également citer la recherche de cellules néoplasiques dans un tissu (sang, ganglion, moelle osseuse, etc) quand ces cellules sont en petit nombre dans le tissu en question, par exemple en utilisant la RT-PCR sur l’ARNm de la tyrosinase pour rechercher des cellules malignes circulantes dans le mélanome ou la PCR avec des amorces spécifiques du réarrangement utilisé par le clone malin dans les lymphomes cutanés.

La sensibilité de ces méthodes est très importante, peut-être même trop.

Les conséquences pronostiques et thérapeutiques potentielles sont importantes mais des études plus précises que celles qui ont été menées jusqu’à présent sont nécessaires car leurs résultats assez discordants, notamment dans le cas du mélanome.

Il ne s’agit là que d’exemples illustrant la puissance de ces méthodes et il faut s’attendre dans les années qui viennent au passage à la semi-routine de ces techniques pour le diagnostic d’un nombre croissant d’affections cutanées, qu’elles soient sporadiques ou génétiques.

Suite

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