Reflux gastro-œsophagien

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Le terme de reflux gastro-œsophagien désigne le passage, à travers le cardia, d’une partie du contenu gastrique dans l’œsophage. Il existe un reflux acide physiologique, notamment après les repas ; ce reflux ne s’accompagne d’aucun symptôme et n’entraîne pas de lésions tissulaires. Le reflux devient pathologique lorsqu’il s’accompagne de symptômes et/ou de lésions muqueuses ; celles-ci correspondent à l’œsophagite peptique. La prévalence des symptômes de reflux gastro¬œsophagien dans la population générale est très grande ; 10 à 20 % des adultes présentent, de façon hebdomadaire, un pyrosis ou des régurgitations alors que seule une minorité développe une œsophagite ou des complications sévères. L’œsophagite peut se compliquer de sténose, d’hémorragie, ou de métaplasie glandulaire correspondant à l’endobrachy-œsophage (encore appelé « œsophage de Barrett »).

Reflux gastro-œsophagienLa pathogénie du RGO associe :

–  incompétence de la barrière antireflux.

–  évacuation (ou clairance) inefficace du liquide “ refluxé ”.

–  caractère agressif du liquide de reflux (acide chlorhydrique, pepsine, sels biliaires).

–  résistance épithéliale œsophagienne diminuée.

Ces facteurs conditionnent la fréquence et la durée des reflux.

BARRIÈRE ANTIREFLUX :

La barrière antireflux, située à la jonction œso-gastrique, se compose :

– du sphincter inférieur de l’œsophage (SIO).

– d’éléments anatomiques.

Sphincter inférieur de l’œsophage :

Le sphincter inférieur de l’œsophage (SIO) joue le rôle le plus important dans le mécanisme antireflux, les éléments anatomiques jouant un rôle plus secondaire.

C’est un sphincter physiologique (zone de haute pression de plus de 10 cm d’eau) non palpable qui se relâche à la déglutition et se ferme au repos.

Sa pression de repos subit des influences alimentaires, hormonales et médicamenteuses :

– elle est diminuée par :

– la sécrétine.

– la cholécystokinine.

– le glucagon.

– la progestérone.

– les graisses, le chocolat, la menthe.

– la caféine.

– la nicotine.

– l’alcool.

– la théophylline.

– les bêta-mimétiques.

– les anticholinergiques.

– les inhibiteurs calciques.

– les dérivés nitrés.

– elle est augmentée par :

– la gastrine.

– l’adrénaline.

– les anticholinestérasiques.

– les alpha-mimétiques.

– la dompéridone.

– le cisapride.

– le métoclopramide.

Les mécanismes de RGO physiologiques et pathologiques obéissent à l’un des trois mécanismes suivants : relaxation transitoire du SIO, augmentation de la pression abdominale, hypotonie permanente du SIO.

–  La relaxation transitoire est le mécanisme le plus fréquent.

–  L’augmentation de la pression abdominale est observée dans des conditions diverses : effort physique glotte fermée, toux, défécation, ceinture, corsets serrés, grossesse…

–  L’hypotonie permanente :

– est le mécanisme le plus rare et le plus péjoratif.

– elle est souvent primitive mais peut aussi résulter d’une pathologie du muscle lisse (sclérodermie).

Facteurs anatomiques :

Les facteurs anatomiques sont moins importants qu’on ne le pensait autrefois :

– de nombreux sujets ont une hernie hiatale (HH) sans RGO pathologique.

– à l’inverse, il peut exister un RGO sans HH.

Les facteurs anatomiques regroupent les moyens de fixité de la région cardio-tubérositaire et la position intra-abdominale du SIO :

– angle de His (valvule de Gubaroff).

– anneau diaphragmatique avec pilier.

– ligament gastro-phrénique.

– pars condensa du petit épiploon…

La hernie hiatale par glissement :

– est la protrusion dans le thorax du cardia (et/ou par roulement) qui se trouve normalement dans l’abdomen ;

– il n’y a pas de risque d’étranglement (et/ou si par roulement).

– elle n’est pas indispensable au RGO (RGO sans HH) et peut être asymptomatique (HH sans RGO).

– son collet peut s’éroder par facteur mécanique sans rapport avec un reflux.

ALTÉRATION DE LA VIDANGE OESOPHAGIENNE : CLAIRANCE

Lors d’un épisode de reflux, la durée de l’exposition de l’œsophage à l’acide conditionne le développement d’une œsophagite.

On distingue deux temps dans l’évacuation du contenu de l’œsophage :

– la plus grande partie est éliminée par la gravité et les mouvements péristaltiques du corps œsophagien.

– l’acidité restante est neutralisée par les ions bicarbonates de la salive.

Chez les malades souffrant d’un RGO, il existe essentiellement une altération du péristaltisme œsophagien :

– primitive le plus souvent, ce qui explique les récidives.

– mais aussi secondaire à l’œsophagite par reflux.

La vidange œsophagienne favorisée par la gravité est moins rapide en décubitus.

AUTRES ELEMENTS :

Nature du liquide de reflux :

Les facteurs d’agression sont essentiellement représentés par les ions H +.

Le caractère irritant du reflux est renforcé par la présence de pepsine.

Par ailleurs, un reflux de sels biliaires, lié au reflux duodéno-gastrique, diminue la résistance de la muqueuse œsophagienne. Néanmoins, ces reflux alcalins sont très rares en raison de certains montages chirurgicaux.

Résistance de la muqueuse œsophagienne :

La barrière de défense se compose de deux éléments principaux :

– la couche de mucus, tapissant la muqueuse œsophagienne, provenant de la salive et des glandes sous-muqueuses œsophagiennes.

– les barrières muqueuses de la couche de Malpighi : membranes cellulaires et complexes jonctionnelles intracellulaires.

La capacité de renouvellement cellulaire est également un facteur de défense important.

Vidange gastrique :

Le retard de la vidange gastrique, en augmentant le gradient de pression gastro-œsophagien, favorise le RGO principalement en période post-prandiale.

Sécrétion acide gastrique :

Une hypersécrétion acide est possible chez les patients résistant aux antisécrétoires.

Diagnostic :

Le diagnostic de RGO est évoqué par la clinique, confirmé par l’endoscopie s’il existe une œsophagite (une fois sur deux) et affirmé par la pH-métrie.

CLINIQUE :

Symptômes typiques digestifs :

Pyrosis

– Il s’agit de douleurs à point de départ épigastrique suivant un trajet rétrosternal ascendant (pas une irradiation) à type de brûlure, souvent post-prandiale, survenant souvent à l’antéflexion du tronc (syndrome postural).

– A l’acmé de la douleur, il s’accompagne parfois de la régurgitation de liquide acide et chaud dans la bouche (définition restrictive du pyrosis).

– Les brûlures seulement épigastriques :

– sont dues dans la majorité des cas à un RGO et non pas à la classique “ gastrite ”.

– ont la même valeur sémiologique que le pyrosis.

Régurgitations

Les régurgitations peuvent être isolées sans pyrosis.

– Elles provoquent une sensation de brûlure dans la bouche, souvent le matin au réveil.

– Les régurgitations peuvent être responsables de toux nocturne par aspiration bronchique.

– Elles sont à différencier des vomissements, des pituites de l’éthylique, du mérycisme (régurgitation volontaire ou rumination), des régurgitations d’origine œsophagienne (sténose, achalasie).

Syndrome postural

Pyrosis et/ou régurgitations favorisés par l’antéflexion du thorax (signe du lacet) et le décubitus.

Symptômes atypiques digestifs :

Dysphagie

La dysphagie peut se voir au cours des œsophagites en l’absence de sténose par inflammation ou troubles moteurs :

– elle est le plus souvent intermittente et concerne rarement les liquides ;

– c’est un symptôme d’alarme qui impose toujours une endoscopie ;

– elle peut révéler une sténose peptique ou un adénocarcinome sur endobrachy-œsophage (EBO).

Autres symptômes

– Eructations, hoquets, hypersalivations, odynophagie (douleur à la déglutition)…

– Hémorragie digestive :

– extériorisée : hématémèse ou méléna.

– responsable d’une anémie microcytaire sidéropénique.

Symptômes atypiques extra-digestifs :

Les symptômes atypiques extra-digestifs peuvent orienter les malades vers d’autres spécialistes : pneumologue, ORL ou cardiologue :

– non seulement associés à un RGO déjà connu, mais aussi lors du bilan complémentaire d’affections non digestives dont le diagnostic est hésitant ou lors d’échec thérapeutique ;

– facilement rattachés au RGO lors de signes évocateurs associés, ces formes extra-digestives de RGO sont souvent de diagnostic difficile si isolées.

Signes respiratoires

– Les mécanismes sont complexes et multifactoriels :

– par micro-inhalation.

– par réflexe bronchoconstricteur.

– modification des pressions abdomino-thoraciques lors de crises d’asthme ;

– influence des médicaments bronchodilatateurs (théophylline, bêta-mimétique) sur la pression du SIO.

– Les pathologies respiratoires rencontrées lors d’un RGO sont :

– l’asthme.

– une toux nocturne spasmodique de décubitus.

– des broncho-pneumopathies à répétition.

Manifestations ORL

Sur le plan ORL, on peut retrouver : une dysphonie, des paresthésies pharyngées ou de fausses angines, parfois une otalgie.

Signes cardiologiques

– L’association RGO-angor est complexe :

– angor provoqué par un RGO : angor intriqué

– douleur de RGO à type de crampe constrictive : pseudo-angor.

– coexistence RGO-angor-troubles moteurs œsophagiens.

– Il faut éliminer une insuffisance coronarienne ou des troubles de la motricité (achalasie, spasme diffus, spasme douloureux…).

Les œsophagites peuvent être totalement asymptomatiques et être révélées après plusieurs années d’évolution à bas bruit par une complication.

Examen physique :

L’examen physique du patient est normal. Il devra cependant être complet.

EXAMENS COMPLEMENTAIRES :

Buts de l’endoscopie œsophagienne :

Les buts de l’endoscopie œsophagienne sont :

– de confirmer un RGO suspecté cliniquement.

– en apprécier le retentissement sur la muqueuse œsophagienne en recherchant :

– une œsophagite.

– un EBO.

– un ulcère jonctionnel ou de Barrett.

– une sténose œsophagienne.

– un cancer du bas œsophage.

– d’éliminer une autre pathologie gastro-duodénale :

– ulcère gastro-duodénal.

– gastrite érosive, duodénite érosive.

– accessoirement, de découvrir une hernie hiatale.

Résultats de l’endoscopie œsophagienne :

L’examen est normal dans 50 % des cas, ce qui ne remet pas en cause le diagnostic de RGO. Celui-ci sera alors traité sur les seules données cliniques ou confirmé par une pH-métrie.

œsophagite érosive par reflux

– Une œsophagite érosive par reflux n’est pas une complication mais une conséquence du RGO.

– Elle montre des pertes de substances superficielles typiques car reliées à la jonction œso-gastrique (ou ligne Z), centrées par des fausses membranes et cernées par un érythème :

– touches peptiques.

– rhagades.

– érosions larges.

– La classification des œsophagites la plus utilisée est celle de Savary et Miller, en quatre grades, qui tient compte de l’étendue des lésions par rapport à la circonférence de l’œsophage. Plus le grade est important, plus la cicatrisation sera difficile :

– grade 1 : érosions et ulcérations indépendantes les unes des autres.

– grade 2 : érosions ou ulcérations confluentes (mais non circonférentielles).

– grade 3 : érosions ou ulcérations circonférentielles (mais non sténosantes).

– grade 4 : sténose et/ou ulcère.

– En cas de doute et, principalement, en cas de lésions suspendues, des biopsies devront être systématiquement pratiquées afin d’éliminer un cancer.

Ulcères œsophagiens

– Les ulcères œsophagiens (grade 4) sont souvent considérés comme des œsophagites compliquées compte tenu de leur profil évolutif fréquent vers la sténose ou l’hémorragie.

– Ils se distinguent en :

– ulcères jonctionnels siégeant à la jonction des épithéliums cylindriques et malpighiens.

–  ulcères de Barrett siégeant en pleine muqueuse cylindrique d’un EBO.

Endobrachy-œsophage

– L’endobrachy-œsophage (EBO) est défini par le remplacement de la muqueuse malpighienne du bas œsophage par de la muqueuse glandulaire orangée en continuité avec l’estomac, sur au moins 2 à 3 cm de hauteur.

– Les cardias anatomiques et muqueux ne coïncident pas.

– C’est un mode de cicatrisation inhabituel des œsophagites étendues ou récidivantes plutôt qu’une véritable complication.

– L’EBO peut se compliquer :

– d’un ulcère siégeant en pleine muqueuse cylindrique : l’ulcère de Barrett, souvent hémorragique ;

– d’un adénocarcinome de l’œsophage (et non d’un carcinome épidermoïde).

– Les biopsies sont indispensables pour préciser le type d’épithélium (fundique, jonctionnel ou intestinal).

– Si le sujet est opérable, une surveillance régulière endoscopique et histologique (biopsies étagées), pour dépister une dysplasie ou une aneuploïdie en ADN (cytométrie en flux), est justifiée.

– Les languettes ou les îlots sont une réparation de l’œsophagite sur un mode cylindrique mais n’occupant pas toute la circonférence.

Sténose peptique

– La sténose peptique siège à la jonction des muqueuses malpighiennes et cylindriques, mais peut remonter assez haut sur l’œsophage à cause de l’effet souvent conjoint d’une hernie hiatale par glissement, d’un EBO et d’une rétraction fibreuse cicatricielle longitudinale autant que circonférentielle.

– Elle est centrée, blanchâtre, régulière mais saignant au contact.

– L’endoscopie :

– aura pour but d’apprécier : sa localisation, son étendue, sa rigidité ; la présence ou non d’un ulcère jonctionnel ou d’érosions ; son calibre.

– permettra de pratiquer des biopsies et un brossage cytologique afin d’éliminer une pathologie néoplasique.

– enfin, aura un intérêt thérapeutique par les dilatations mécaniques (par olives, bougies ou ballonnets hydrauliques).

L’endoscopie permet de porter le diagnostic de hernie hiatale en décelant la position intrathoracique du cardia avec signe du rouleau lors des mouvements respiratoires.

PH-métrie œsophagienne :

Technique

– Introduction par voie nasale d’une électrode souple, jusqu’à 5 cm au-dessus du sphincter inférieur de l’œsophage (SIO), reliée à un boîtier qui enregistre le pH qui est normalement supérieur à 5.

– La pH-métrie peut être réalisée sur :

–  24 heures (appareil Holter) à l’hôpital ou en ambulatoire à domicile.

–  3 heures avec un repas test et changement de position en post-prandial (1 heure assis, 1 heure debout, 1 heure assis).

– Possibilité d’indiquer la survenue de symptômes digestifs ou extra-digestifs par “ un marqueur d’évènements ”.

Résultats

– Résultats quantitatifs, qui précisent la durée, la fréquence, le nombre de reflux inférieurs à pH 4, qui peuvent être exprimés sous forme de :

– score de De Meester, si 24 heures.

– score de Kaye, si 3 heures.

– Résultats qualitatifs : concordance dans le temps entre survenue de symptôme et épisodes de RGO acide qui peuvent être exprimés sous forme d’index, comme l’index de Castell qui est le rapport du nombre d’événements en rapport avec RGO sur le nombre total d’événements :

– symptôme sans rapport avec RGO si de moins de 25 %.

– douteux si supérieur à 25 % et inférieur à 75 %.

– symptôme en rapport avec RGO si de plus de 75 %.

Scintigraphie œsophagienne :

Méthodes

– Ingestion de sulfocolloïdes marqués au technétium 99 m incorporés dans de l’eau ou du jus d’oranges.

– Mesure par gamma-caméra permettant d’apprécier le volume du reflux, sa durée et l’éventuelle inhalation.

– L’avantage de cet examen est qu’il est indépendant du pH et que le reflux peut être quantifié.

– Ses inconvénients sont qu’il nécessite un appareillage lourd et coûteux ainsi que l’usage de produits radioactifs.

Indications

– Si doute sur RGO alcalins.

– Pour mise en évidence de micro-inhalations en cas de symptômes respiratoires, notamment chez le nourrisson et le jeune enfant.

Manométrie œsophagienne :

Cet examen n’est pas diagnostique mais pronostique :

– il mesure la pression du SIO et le péristaltisme du corps œsophagien ;

– en effet, il existe une large zone de mesures qui sont communes aux pressions les plus basses observées chez les sujets asymptomatiques et aux pressions les plus élevées des patients souffrant de RGO.

En revanche, il permettra de rechercher des troubles de la motricité de l’œsophage : sclérodermie, achalasie.

Transit œso-gastro-duodénal :

Le transit œso-gastro-duodénal (TOGD) n’a pas d’intérêt diagnostique :

– car certaines manœuvres (Trendelenburg, pression abdominale) peuvent provoquer un RGO chez des sujets normaux ;

– seul, un RGO spontané (en dehors de manœuvres de provocation), massif et permanent a une valeur indicative.

Il permettra de visualiser :

– une hernie hiatale (HH) par glissement (cardia intrathoracique) permanente ou intermittente ;

– une hernie hiatale par roulement avec un cardia en place, une protrusion d’une partie de la grosse tubérosité dans le thorax, qui expose au risque d’étranglement.

– attention : la HH ne veut pas dire RGO.

Il recherchera une sténose peptique bas située, axiale, courte et régulière, donnant un aspect en entonnoir (œsophage dilaté en amont, HH en aval).

Autres examens :

– Le test de Bernstein avec perfusion acide de l’œsophage n’est plus utilisé que pour rapporter des symptômes thoraciques atypiques à un RGO.

– Un hémogramme recherchera une rare anémie sidéropénique.

– Une radiographie des poumons permet parfois de voir une grosse hernie hiatale ou des signes de bronchopneumopathie.

– Il faut pratiquer un ECG s’il existe des douleurs constrictives.

– La place d’autres méthodes diagnostiques n’est pas encore démontrée :

– traitement d’épreuve par inhibiteur de la pompe à protons (IPP) à forte dose ;

– pH-métrie laryngée, avec épreuve d’effort, couplée à manométrie-ECG.

STRATÉGIE DIAGNOSTIQUE :

La stratégie diagnostique doit amener à répondre à deux questions :

–  existe-t-il un RGO ?

–  les symptômes sont-ils en rapport avec lui ?

Chez les sujets de moins de 45 ans

Chez les sujets de moins de 45 ans se plaignant de symptômes typiques (pyrosis) sans signe “ d’alarme ”  (dysphagie, hémorragie ou anémie, amaigrissement, alcoolo-tabagisme) :

– le diagnostic clinique est suffisant.

– cependant, une endoscopie peut parfois répondre à l’attente d’un patient qui a besoin d’être rassuré sur la bénignité de l’affection.

Autres cas

Dans les autres cas (sujet âgés ou symptômes d’alarme) ou si les symptômes persistent, récidivent ou nécessitent un traitement antisécrétoire :

– l’examen de première intention est l’endoscopie qui suffit à affirmer le diagnostic de RGO lorsqu’il existe des érosions œsophagiennes caractéristiques ;

– en l’absence d’œsophagite, on aura le choix entre le traitement sans confirmation, et la pratique d’une pH-métrie.

PH-métrie œsophagienne

La pH-métrie œsophagienne est réalisée en seconde intention si :

–  formes typiques résistant à un traitement antisécrétoire :

– pour affirmer le diagnostic de RGO acide ;

– puis, rarement, pour adapter la dose d’antisécrétoire (pH-métrie sous traitement).

– et si le but est de quantifier le RGO acide, des conditions standardisées sont nécessaires sur 3 heures ou sur 24 heures.

–  les manifestations atypiques :

– surviennent le plus souvent dans des circonstances particulières (effort, repas abondant…) ;

– il est donc préférable de réaliser l’examen dans des conditions ambulatoires sur 24 heures en utilisant le marqueur d’événements pour repérer la concordance des symptômes et des épisodes de RGO.

–  en préopératoire : pour affirmer le RGO.

–  post-thérapeutique : contrôle post-chirurgical ou de nouvelles molécules.

Manométrie

– La manométrie n’a qu’un intérêt pronostique.

–  Elle sera pourtant toujours pratiquée avant une intervention chirurgicale afin d’éliminer une achalasie ou une sclérodermie qui peuvent cliniquement prêter à confusion avec un RGO.

– La manométrie peut orienter le choix entre des techniques chirurgicales :

– intervention de Nissen, si hypotonie du SIO.

– intervention de Toupet si SIO normal.

Transit baryté œso-gastrique

– Le transit baryté œso-gastrique n’a aucune valeur diagnostique.

– Il sera utile :

– en cas de sténose infranchissable ;

– avant le traitement chirurgical pour préciser le siège du cardia, juger de la rétraction œsophagienne et du caractère abaissable du cardia.

Scintigraphie œsophagienne

– La scintigraphie œsophagienne n’est pas utilisable en routine compte tenu de la lourdeur technologique de sa mise en place.

– Elle est utile notamment chez le nourrisson et le jeune enfant :

– si doute sur reflux alcalins ;

– pour la mise en évidence de micro-inhalations en cas de symptômes respiratoires.

FORMES CLINIQUES :

Chez le nourrisson et l’enfant

– Chez le nourrisson et l’enfant, le RGO se manifeste par des régurgitations abondantes perprandiales ou post-prandiales.

– Des manifestations respiratoires fréquentes l’accompagnent : asthme, broncho-pneumopathies à répétition, mort subite.

Chez la femme enceinte

Chez la femme enceinte, il faut différencier vomissements et régurgitations par RGO qui résulte de deux mécanismes :

– les hormones œstroprogestatives qui relaxent le SIO ;

– un phénomène mécanique par hyperpression abdominale au cours du 3e trimestre.

Sclérodermie

Une sclérodermie provoque un RGO par hypotonie permanente du SIO. Les conséquences de ce RGO sont aggravées par l’absence de contractions péristaltiques du corps œsophagien :

– il s’agit de formes souvent sévères avec dysphagie associée ;

– elle est dépistée par la manométrie et les signes extra-digestifs ;

– elle doit être reconnue avant le traitement chirurgical par fundoplicature qui transformerait la sclérodermie en achalasie.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

Diagnostic différentiel des symptômes

– Pyrosis et brûlures épigastriques sont très spécifiques du RGO.

– Régurgitations : vomissements, mérycisme, pituites, régurgitations d’origine œsophagienne (sténose, achalasie).

– Symptômes respiratoires : asthme, bronchite…

– Douleurs constrictives : angor, troubles moteurs œsophagiens.

Diagnostic différentiel d’une œsophagite

– Suspectée si lésions suspendues non reliées à la jonction œso-gastrique.

– De nature infectieuse, médicamenteuse, radique, caustique, de stase (sténose, achalasie).

Diagnostic différentiel d’une sténose

– Toujours penser au cancer et faire des biopsies multiples.

– Se méfier du piège d’une achalasie qui peut évoquer un RGO :

– régurgitations d’origine œsophagienne.

– œsophagite de stase.

– pH-métrie positive par acide lactique dans liquide de stase.

Diagnostic différentiel d’une hémorragie digestive

– Syndrome de Mallory-Weiss

– Ulcération du collet d’une hernie hiatale.

Évolution et pronostic :

L’évolution des symptômes et des lésions est le plus souvent simple, mais on note néanmoins de rares complications digestives ou extra-digestives.

Les complications sont souvent révélatrices.

Trois complications digestives principales peuvent grever l’évolution ou révéler le RGO :

– la sténose peptique.

– l’hémorragie.

– l’adénocarcinome sur EBO.

En dehors du carcinome, elles ne sont pas des facteurs de mortalité.

L’œsophagite érosive et l’EBO sont plus des conséquences du RGO que de véritables complications.

Évolution spontanée :

L’évolution spontanée du RGO se fait par poussée irrégulière en durée et en intensité.

– La majorité des patients s’adapte ou pratique l’automédication, et consulte en cas d’aggravation.

– Les poussées sont souvent favorisées par les excès alimentaires ou le tabagisme.

Évolution sous traitement :

L’évolution du RGO sous traitement est le plus souvent favorable pour les symptômes, mais avec des récidives possibles à l’arrêt du traitement :

– la vitesse de cicatrisation des lésions dépend de leur étendue et de leur profondeur initiale (intérêt pronostique de la classification de Savary-Miller).

– l’évolution des symptômes et des lésions est souvent dissociée.

– les récidives sont fréquentes.

Les facteurs de mauvais pronostic sont :

– une œsophagite étendue ou profonde (grades 3 et 4).

– une hypotonie permanente du SIO à la manométrie.

Complications :

œsophagite érosive et endobrachy-œsophage

œsophagite érosive et EBO sont plus une conséquence du RGO qu’une véritable complication.

Ulcères œsophagiens

Les ulcères œsophagiens (grade 4) :

– sont souvent considérés comme des œsophagites compliquées, compte tenu de leur profil évolutif fréquent vers la sténose ou l’hémorragie ;

– sont divisés en :

–  ulcères jonctionnels siégeant à la jonction des épithéliums cylindriques et malpighiens.

–  ulcères de Barrett siégeant en pleine muqueuse cylindrique d’un EBO.

Sténose peptique

– Signes clinique de la sténose peptique (grade 4) :

– dysphagie de type organique, mais non progressive comme dans le cancer, se produisant exclusivement pour les solides, s’accentuant certains jours pour être à peine gênante pendant de longues périodes.

– amaigrissement souvent associé, lié à la diminution des ingesta.

– on trouve rarement un pyrosis dans les antécédents.

– Endoscopie et TOGD (voir examens complémentaires).

– Les sténoses peptiques ne compliquent que les œsophagites étendues ou profondes (ulcère).

– Des facteurs favorisants divers (éthylisme, tabagisme, édentation, sonde naso-gastrique, AINS, dénutrition…) sont retrouvés chez la plupart des patients.

– Il s’agit exceptionnellement de patients connus chez lesquels on voit s’aggraver progressivement l’œsophagite.

– Le plus souvent, la sténose est découverte au premier examen, révélant le RGO.

Hémorragies digestives

– Les hémorragies digestives sont des complications rares des RGO, en dehors de trouble de la coagulation (antiagrégants plaquettaires, anticoagulants, cirrhose…) et révèlent ou compliquent une œsophagite érosive étendue ou un ulcère œsophagien, très fréquemment chez des malades sous traitement hypocoagulant.

– Elles s’expriment plus souvent par une anémie ferriprive que par une hématémèse ou un méléna et, contrairement aux ulcères gastro-duodénaux hémorragiques, l’œsophagite hémorragique ne met pas en jeu le pronostic vital.

– L’hémorragie par ulcération longitudinale du collet d’une HH est une complication mécanique propre à la HH sans rapport avec le RGO.

Adénocarcinome sur endobrachy-œsophage

– L’adénocarcinome sur EBO est découvert conjointement dans 90 % des cas souvent chez des patients sans antécédent symptomatique de RGO.

– Le risque est plus important si l’EBO est étendu ou si la muqueuse glandulaire est de type intestinal.

– Le bénéfice et les modalités d’une surveillance endoscopique systématique de l’EBO pour dépister une dysplasie sont encore discutés.

– La découverte d’une dysplasie de haut grade indique un traitement lourd non dénué de mortalité et de morbidité : œsophagectomie totale.

– La surveillance est proposée si sujet jeune, opérable, EBO étendu, muqueuse glandulaire de type intestinal.

Complications respiratoires

– La dyspnée et la toux nocturne de décubitus par inhalation de liquide gastrique acide dans les voies respiratoires sont des complications rares mais sévères du RGO.

– Le RGO favorise également les infections pulmonaires.

– La complication respiratoire la plus fréquente du RGO est l’asthme dont la physiopathologie n’est pas univoque :

– le RGO qui favorise l’asthme par inhalation nocturne de liquide gastrique ou par bronchoconstriction réflexe.

– à l’inverse, la maladie asthmatique peut favoriser le RGO : par effacement de l’angle de His et modification des pressions thoraciques et abdominales ou par diminution du tonus du SIO par les traitements bronchodilatateurs (théophylline, bêta-mimétiques).

Complications ORL

– Des pharyngites chroniques se manifestent par des paresthésies pharyngées ou des fausses angines, de laryngites chroniques avec dysphonie.

– La crainte de méconnaître un cancer ORL débutant fait du RGO un diagnostic d’élimination.

Complications cardiaques

– Les rapports entre RGO et angor sont complexes.

– Le fait que le RGO puisse provoquer de véritables crises d’angor (angor intriqué) est discuté.

Traitement :

Le traitement est médical dans la très grande majorité des RGO symptomatiques.

Il faut également connaître les résultats excellents de la chirurgie (au moins neuf fois sur dix) et y recourir lorsque le traitement médical ne donne pas satisfaction en terme d’efficacité, de tolérance ou de compliance.

Le RGO étant une pathologie le plus souvent bénigne mais chronique, le choix entre les multiples traitements dépendra de leur efficacité mais aussi de leur rapport coût-efficacité-tolérance.

Les objectifs thérapeutiques pourront être :

– le soulagement des symptômes.

– la cicatrisation des lésions d’œsophagite.

– la prévention des récidives et des complications.

– d’éviter le risque des médicaments ou de la chirurgie.

– la réduction du coût au minimum.

MOYENS :

Règles hygiénodiététiques :

Les règles hygiénodiététiques sont utiles mais astreignantes.

Seule la surélévation de la tête du lit a démontré formellement son efficacité.

Ces conseils classiques reposent sur des données empiriques mais logiques :

–  mesures posturales :

– surélever la tête du lit en plaçant des cales sous les pieds (15 cm d’élévation est souhaitable) ;

– en revanche, il ne faut pas mettre plusieurs oreillers : la position demi-assise soulève surtout la tête et entraîne une compression de l’abdomen qui favorise le RGO.

– éviter l’antéflexion du tronc (plier plutôt les genoux).

– éviter de se coucher immédiatement après les repas.

–  diminuer la pression abdominale :

– éviter les efforts abdominaux.

– ne pas porter de vêtements, de ceinture, de corset serrés à la taille qui compriment l’abdomen.

–  limitations des influences sur la pression du SIO :

– la consommation de tabac, d’alcool, de café, de thé, de chocolat, de menthe, de repas riche en graisse… doit être diminuée ou même si possible supprimée.

– éviter dans la mesure du possible certains médicaments : AINS, théophylline, bronchodilatateurs Bêta+, dérivés nitrés, inhibiteurs calciques, œstroprogestatifs, benzodiazépines, anticholinergiques…, mais qui peuvent être indispensables.

–  réduction de l’obésité.

Cette liste longue et astreignante ne peut raisonnablement pas être imposée aux patients : on s’efforcera de repérer les erreurs hygiénodiététiques les plus importantes et on expliquera des mesures posturales simples.

Antiacides :

– Bien que souvent utilisés en automédication et/ou comme premier traitement, les antiacides n’ont jamais réellement fait la preuve de leur efficacité. L’efficacité des antiacides n’est pas significativement supérieure à celle du placebo.

– Ils sont probablement efficaces au même titre que l’ingestion d’un verre d’eau, par effet de “ lessivage ” du liquide de reflux.

Alginates :

Les surnageants gastriques sont des médicaments à base d’alginates (Gaviscon*, Algicon*, Topaal*) qui forment un gel visqueux en milieu acide. Ce gel flotte à la surface du contenu gastrique et protège la muqueuse œsophagienne lors des épisodes de reflux. On en rapproche la diméticone (Gel de Polysilane*) qui crée un pansement siliconé sur les parois digestives.

– Ils doivent être pris au moins une demi-heure après les repas.

– A l’opposé des antiacides, les alginates ont démontré leur efficacité sur les symptômes mais sont peu efficaces pour cicatriser les œsophagites.

Leur innocuité, autorisant leur emploi même chez les nourrissons, les sujets âgés et les femmes enceintes, et leur faible coût peuvent en faire le traitement de première intention du RGO.

Prokinétiques :

Les prokinétiques renforcent le tonus du SIO, favorisent le péristaltisme, accélèrent la vidange gastrique.

– Les antidopaminergiques : métoclopramide (Primpéran*, Anausin*) et dompéridone (Motilium*, Péridys*), sont efficaces sur les symptômes mais non sur les lésions d’œsophagite.

– Le cisapride (Prépulsid*) cholinomimétique indirect, est souvent efficace à la fois sur les symptômes et les lésions, et réduit les récidives.

La nécessité de prises pluriquotidiennes et la possibilité d’effets secondaires gênants (somnolence, vertige, asthénie, galactorrhée pour le métoclopramide, diarrhée et céphalée pour le cisapride) peuvent diminuer l’observance.

Sucralfate :

La place du sucralfate dans le traitement du RGO n’est pas encore clairement établie.

Antisécrétoires :

Antihistaminiques H2

– Les anti-H2 comprennent plusieurs molécules :

– cimétidine (Tagamet*), 800 mg/j.

– ranitidine (Raniplex*, Azantac*), 300 mg/j.

– famotidine (Pepdine*), 40 mg/j.

– nizatidine (Nizaxid*), 300 mg/j.

– Ils ont été les premiers médicaments à avoir une efficacité prouvée à la fois sur les symptômes et les lésions :

– le taux moyen de cicatrisation reste cependant modeste, dépendant directement de l’étendue des lésions : 50 % de cicatrisation après 4 à 8 semaines.

– vu le recul important et le nombre considérable de patients traités, les accidents graves survenus avec les anti-H2 apparaissent être exceptionnels.

– Contrairement aux ulcères duodénaux, ils ne préviennent pas la récidive des œsophagites à demi-dose.

– La posologie est moins bien codifiée que dans les ulcères gastro-duodénaux : en une ou deux prises quotidiennes ; si prise le soir, de préférence après le dîner plutôt qu’au coucher.

Inhibiteurs de la pompe à protons

– Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) comportent trois molécules :

– oméprazole (Mopral*, Zoltum*), 20 mg/j.

– lansoprazole (Lanzor*, Ogast*), 30 mg/j.

– pantoprazole (Eupantol*, Inipomp*), 40 mg/j.

– Ils nécessitent une prise quotidienne.

– Les IPP représentent le traitement médicamenteux le plus efficace : 70 à 85 % de cicatrisation après 4 à 8 semaines.

– Des formes mi-dosées d’oméprazole (10 mg) et de lansoprazole (15 mg) seront bientôt commercialisées avec les indications suivantes :

– traitement d’entretien après cicatrisation d’sophagite de grade III ou IV.

– résistance à un traitement symptomatique.

Chirurgie :

Le but de la chirurgie est de renforcer la barrière antireflux en replaçant le SIO dans l’abdomen et en créant des dispositifs antireflux.

Principes

–  Replacement du cardia dans l’abdomen.

–  Réfection de l’angle de His.

–  Confection d’une valve antireflux.

–  Rapprochement des piliers du diaphragme.

–  Fixation du montage dans l’abdomen.

Techniques

Les techniques sont multiples :

– mais les deux plus courantes sontf :

–  l’intervention de Nissen ou fundoplicature complète par manchonnage complet de l’œsophage par une valve (360°) réalisée avec la grosse tubérosité de l’estomac est l’intervention la plus efficace mais exposant à plus de complications du type dysphagie ou difficulté d’éructation (“ gas bloat syndrome ”).

– l’intervention de Toupet ou hémifundoplicature, où le manchonnage est postérieur sur 180° est un bon compromis.

– les autres interventions : Lortat-Jacob, Hill, Dor, Belsey Mark IV, Rampal, Van Kemmel…

– la diversion duodénale totale :

– associe antrectomie, vagotomie et diversion duodénale sur anse en Y.

– est la technique la plus efficace mais aussi la plus lourde, réservée aux récidives et à la sclérodermie.

Si la chirurgie modifie durablement les paramètres moteurs et anatomiques intervenant dans le déterminisme du RGO, les échecs à court terme et les récidives à long terme sont possibles : 10 % à 5 ans.

La chirurgie antireflux est grevée d’un taux de mortalité et de morbidité faible mais non négligeable pour une maladie bénigne :

– moins de 1 % de mortalité ;

– moins de 5 % de morbidité : plaie de rate, plaie d’œsophage, brèche pleurale, éventration…

La voie cœlioscopique diminue les complications pariétales et la durée d’hospitalisation.

Bilan préopératoire

Le bilan préopératoire comportera toujours :

– une pH-métrie pour affirmer le RGO.

–  une manométrie et un TOGD pour éliminer :

– une sclérodermie qui contre-indique les fundoplicatures.

– une achalasie dont la dysphagie serait très aggravée.

– une manométrie pour orienter le choix de la technique :

– intervention de Nissen, si hypotonie du SIO.

– intervention de Toupet, si SIO normal ou trouble du péristaltisme sus-jacent.

INDICATIONS :

La stratégie thérapeutique sera différente selon l’objectif :

– soulager les symptômes.

– cicatriser les lésions, prévenir les complications et récidives.

– diminuer le risque thérapeutique.

– diminuer le coût thérapeutique.

Comme aucun des traitements ne répond à tous ces objectifs, la décision résultera du meilleur compromis en fonction :

– des symptômes.

– de l’existence ou non et de la sévérité de l’œsophagite.

– du terrain.

– de l’évolution chronique ou récidivante.

Traitement d’attaque ou quel premier traitement ?

Bien souvent, c’est le malade lui-même qui choisit le type de prise en charge :

– dans bien des cas, il préfère l’automédication, en se passant de tout avis médical.

– parfois, il s’adresse au généraliste pour être rassuré, conseillé et soulagé ;

– si le patient s’adresse au spécialiste, il attend souvent des examens pour éliminer une pathologie grave.

Cas du sujet jeune

Si le sujet est jeune, avec des symptômes typiques sans signes “ d’alarme ” :

– les alginates représentent la meilleure alternative en terme d’efficacité (90 % de patients soulagés en 2 semaines), de tolérance et de coût : par exemple, Gaviscon* après les repas et au coucher pendant 4 à 6 semaines.

– la prescription de toutes les règles hygiénodiététiques à la fois est trop contraignante et vouée à l’échec. On s’efforcera de repérer les erreurs hygiénodiététiques les plus importantes et on expliquera des mesures posturales simples.

– les prokinétiques pourront être prescrits en cas de régurgitation ou de dyspepsie (nausée, lenteur de digestion…) associée : par exemple, métoclopramide (Primpéran*) avant les repas et au coucher.

– des IPP à mi-dose pourront être prescrits en cas de résistance aux traitements précédents.

Autres cas

Si symptômes atypiques, sujets âgés, signes “ d’alarme ” ou si symptômes persistant ou récidivant après traitement simple, le RGO devra être prouvé par une endoscopie et/ou une pH-métrie.

–  En cas d’œsophage normal ou d’œsophagite non circonférentielle de grade I ou II :

– en pratique, plus de huit patients sur dix.

– l’objectif prioritaire reste la suppression des symptômes plutôt que la cicatrisation à tout prix des lésions, compte tenu du risque négligeable d’évolution vers une complication.

–  le choix se situe actuellement entre alginates, anti-H2, cisapride ou IPP :

– le traitement nécessaire et suffisant est choisi au terme d’une escalade en monothérapie jusqu’à la satisfaction du malade : alginate puis cisapride (si dyspepsie ou régurgitation plus gênante que pyrosis) puis IPP ou anti-H2 à dose efficace :

– en pratique, par exemple, prendre matin et soir 1 comprimé de Tagamet* 400 ou Raniplex* 150 pendant 4 à 6 semaines ou 1 gél./j d’oméprazole (Mopral* 20 mg ou Zoltum* 20 mg).

–  En cas d’œsophagite circonférentielle (grade III) ou ulcéreuse (grade IV) (moins de deux patients sur dix) ou de patients :

–  la cicatrisation des lésions et la prévention de leur récidive sont prioritaires du fait du risque réel d’évolution hémorragique ou sténosante, a fortiori chez les sujets âgés, alcoolotabagiques ou sous AINS.

– cet objectif pourra être atteint par les IPP en augmentant les doses en cas d’échec initial.

– par exemple, Mopral* ou Zoltum*, 20 mg, ou Ogast* ou Lanzor*, 30 mg pendant 4 semaines.

Traitement d’attaque en pratique :

– Devant un RGO simple, associer alginates et conseils hygiénodiététiques et réserver les IPP à mi-dose aux cas résistants.

– Devant une œsophagite peu sévère, utiliser un prokinétique ou un antisécrétoire (anti-H2, IPP).

– Devant une œsophagite sévère ou compliquée, utiliser un IPP.

Traitement d’entretien :

Après cicatrisation d’une œsophagite érosive, l’arrêt du traitement est suivi par une récidive des symptômes ou des lésions dans près de 80 % des cas 1 an plus tard.

Absence de lésion initiale

En l’absence de lésion initiale ou en cas d’œsophagite peu sévère :

– un contrôle endoscopique n’est pas indispensable.

– le plus simple est d’arrêter le traitement pour juger de l’évolutivité des symptômes.

– la prescription à la demande du traitement initialement efficace sera le plus souvent suffisante pour traiter des rechutes espacées souvent favorisées par des excès.

Rechutes

En cas de rechutes symptomatiques rapprochées, d’œsophagite circonférentielle ou compliquée (grade III ou IV), de prise chronique d’AINS ou d’anticoagulants :

– un contrôle endoscopique est souhaitable.

– l’objectif sera la prévention des complications par récidive d’une œsophagite.

– le choix entre un traitement médical continu ou la chirurgie antireflux sera à discuter avec le patient en fonction du terrain.

– si traitement médical, utiliser soit le cisapride, soit l’oméprazole au long cours à la dose de 20 ou 10 mg/j, soit le lansoprazole (15 mg/j).

– la chirurgie pourra être proposée chez les sujets opérables :

– refusant l’astreinte d’une prise médicamenteuse.

– se plaignant de régurgitations gênantes non améliorées par les médicaments, après avoir éliminé un mérycisme.

– avec RGO certain prouvé par pH-métrie ;

– avec RGO résistant (exceptionnel avec les IPP).

– avec RGO “ IPP-dépendants ”.

Cas particuliers :

Sténoses peptiques

– Dilatations endoscopiques associées à un traitement médical par IPP.

– Voire une intervention chirurgicale si le patient est opérable.

Hernie hiatale

La HH ne doit pas modifier les indications thérapeutiques :

– sauf si érosions hémorragiques du collet : antisécrétoire au long cours ou chirurgie ;

– sauf si HH par roulement : risque d’étranglement qui justifie l’indication chirurgicale.

Endobrachy-œsophage

L’EBO ne doit pas modifier les choix thérapeutiques, mais correspond souvent à des RGO sévères :

– il existe quelques cas de régression après diversion duodénale ou IPP.

– une réépithélialisation malpighienne après photocoagulation par laser sous couvert d’IPP est un traitement prometteur en cours d’évaluation.

œsophagites par reflux biliaire

Les œsophagites par reflux biliaire sont observées après gastrectomie :

– aucun traitement n’est efficace mais les chélateurs (Questran*) ou le sucralfate peuvent être essayés.

– si l’œsophagite est grave, discuter une diversion duodénale.

œsophagite sur sclérodermie

– Traitement médical par le cisapride (si forme débutante) et les antisécrétoires.

– Si traitement chirurgical, la technique de choix est la diversion duodénale totale.

Chez le nourrisson

– Prokinétique, type métoclopramide (Primpéran*) ou cisapride (Prepulsid*).

– Adjonction de produits épaississants dans le lait.

– Mesure posturale : décubitus ventral en inclinaison à 45°.

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