Ulcère gastrique et ulcère duodénal

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L’entité de la question recouvre en fait 2 entités différentes :
–l’ulcère gastroduodénal chronique ou maladie ulcéreuse, ou maladie de Cruveilhier, défini par un syndrome anatomo-clinique incluant une symptomatologie particulière à rechutes et une perte de substance détruisant la paroi gastrique et duodénale jusqu’à la musculeuse, cette couche étant remplacée par un tissu scléreux. On sait maintenant que ce syndrome est associé dans la grande majorité des cas à une infection gastrique par Helicobacter pylori ;
–les ulcères gastriques ou duodénaux aigus dont la profondeur de destruction dans la paroi est variable (de la sous-muqueuse à la séreuse), liés à la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou de salicylés. Ces deux entités peuvent comporter les mêmes symptômes et ont surtout les mêmes complications : hémorragie et perforation qui font la gravité de la maladie.

ÉPIDÉMIOLOGIE :

Ulcère gastrique et ulcère duodénalDans les pays occidentaux :

– prévalence :

–  2 % pour l’ulcère gastrique.

–  10 % pour l’ulcère duodénal.

– l’incidence annuelle de l’ulcère gastrique est de 0,5 %, celle de l’ulcère duodénal de 2 %.

Sex-ratio :

– 1 pour l’ulcère gastrique.

– 2/1 à 3/1 pour l’ulcère duodénal.

L’incidence de la maladie ulcéreuse augmente avec l’âge, avec un pic entre 55 et 65 ans.

La mortalité de l’ulcère duodénal (2 pour 100 000 habitants) est inférieure à celle de l’ulcère gastrique. Elle est liée à l’âge, avec presque un doublement de la mortalité par tranche d’âge de 5 ans à partir de 65 ans.

PHYSIOPATHOLOGIE :

Ulcère gastrique :

Dans l’ulcère gastrique, la sécrétion acide basale et stimulée (par la pentagastrine) est habituellement normale ou diminuée, mais la formule “ pas d’acide, pas d’ulcère ” est toujours respectée. En effet, l’ulcère gastrique ne peut pas se développer dans un estomac achlorhydrique. La physiopathologie de l’ulcère gastrique repose essentiellement sur un déséquilibre entre les facteurs d’agression et les mécanismes de défense de la muqueuse gastrique.

Anomalies du mucus

Les anomalies du mucus sont liées à :

– une augmentation de pepsine I.

– un retard de l’évacuation gastrique.

– la toxicité des sels biliaires (reflux duodéno-gastrique).

– une diminution de la biosynthèse des prostaglandines.

Altérations du revêtement cellulaire de surface

Au niveau de la membrane apicale de l’épithélium, des phospholipides tensioactifs (le surfactant gastrique) forment une couche hydrophobe assurant une protection de la muqueuse contre l’acidité.

Altérations des cellules épithéliales

– Les cellules épithéliales assurent la neutralisation des ions H + ayant diffusé dans leur cytoplasme, par des ions bicarbonates.

– Elles expulsent également ces ions H + vers le secteur interstitiel grâce à une pompe Na + K + /ATPase.

– Lorsque ces mécanismes de défense sont altérés, on assiste à une acidification du milieu interne de la cellule conduisant à la libération d’enzymes par les lysosomes.

– Cette augmentation de l’activité enzymatique participe ainsi à la destruction des cellules voisines.

Diminution du flux sanguin muqueux

La diminution du flux sanguin muqueux entraîne une anoxie tissulaire et une réduction de l’apport en ions bicarbonates plasmatiques servant à tamponner les ions H +.

Ulcère duodénal :

–  Hypersécrétion gastrique acide.

– Il n’y a pas d’ulcère duodénal en dessous d’un certain seuil de sécrétion acide.

– La réduction de la sécrétion acide accélère la cicatrisation et prévient la rechute.

– C’est un facteur déterminant mais inconstant (30 % des ulcères duodénaux en poussée).

– Elle est essentiellement post-prandiale.

– Anomalie du mucus duodénal.

– Diminution de la sécrétion duodénale de bicarbonates.

– Réduction de la biosynthèse des prostaglandines dans la muqueuse duodénale.

FACTEURS ETIOPATHOGENIQUES : HELICOBACTER PYLORI :

Caractéristiques bactériologiques :

Helicobacter pylori est une bactérie à Gram négatif spiralée découverte en 1982.

La colonisation de la muqueuse gastrique, et en particulier l’antre, est liée à trois facteurs principaux :

–  la mobilité d’Helicobacter pylori, liée à la présence à sa surface de quatre à six flagellés polaires engainés.

–  la production par Helicobacter pylori d’uréase, métalloenzyme (nécessite du nickel pour être fonctionnelle) qui hydrolyse l’urée du liquide gastrique conduisant à la production d’ammoniac. L’ammoniac neutralise le micro-environnement de la bactérie et lui permet ainsi de rester viable dans un milieu acide ;

–  les propriétés d’adhérence de la bactérie aux cellules à mucus de l’antre.

Epidémiologie :

L’acquisition de l’infection survient avec prédilection dans l’enfance et en particulier au cours des 5 premières années de la vie.

Le taux de prévalence, tous âges confondus, est de 30 % en France. Il est plus élevé dans les pays en voie de développement (40 à 75 %).

Les facteurs qui favorisent l’infection sont les suivants :

– le niveau socio-économique bas.

– l’ethnie (plus fréquent chez le Noir que chez le Blanc américain).

– l’existence d’une infection dans la fratrie.

– la promiscuité.

La prévalence de l’infection à Helicobacter pylori est de 96 % dans l’ulcère duodénal et de 70 % dans l’ulcère gastrique.

Il s’agit d’une transmission interhumaine directe, par l’intermédiaire du liquide gastrique (oro-orale) et peut-être de la salive (oro-orale) ou des selles (oro-fécale).

Mécanismes physiopathologiques conduisant à la maladie ulcéreuse :

Facteurs de virulence bactérienne

– Helicobacter pylori possède plusieurs activités enzymatiques (protéases, phospholipases) responsables de l’altération du mucus et de la production de médiateurs pro-inflammatoires.

– Les activités oxydase et catalase protègent la bactérie contre une réaction inflammatoire non spécifique.

– La virulence d’Helicobacter pylori est liée à la présence des gènes cagA (“ cytotoxin associated gene A ”) et vacA, qui codent pour une cytotoxine et qui déterminent les souches dites.

Réponse inflammatoire

– Helicobacter pylori induit la production par les cellules épithéliales d’une cytokine, l’interleukine 8 (IL-8), responsable du recrutement des polynucléaires (facteur de chimiotactisme).

– L’activation de ces polynucléaires provoque la sécrétion d’enzymes lysosomiales et de radicaux libres, aboutissant à des lésions cellulaires.

– D’autres cytokines, produites en particulier par les macrophages, participent à la réaction inflammatoire : IL-1 alpha, IL-4, IL-6, IL-10, IL-12, IFN- gamma, TNF- alpha.

– Cette réaction inflammatoire se caractérise sur le plan histologique par une gastrite chronique active, définie par la présence de monocytes et de polynucléaires.

Modification de la sécrétion acide

– L’infection antrale par Helicobacter pylori s’accompagne, en cas d’ulcère duodénal, d’une augmentation de la sécrétion acide basale post-prandiale et stimulée par le GRP (“ gastrin release peptide ”).

– Cette augmentation de la sécrétion acide est liée principalement à :

–  une augmentation de la sensibilité de la cellule pariétale à la gastrine.

– une augmentation de la gastrinémie par baisse de la somatostatine antrale sécrétée par les cellules D, qui exerce un effet inhibiteur sur les cellules G produisant la gastrine.

– La conséquence de l’hypersécrétion acide est le développement dans le duodénum de zones de métaplasie, qui sont ensuite colonisées par Helicobacter pylori. La réaction inflammatoire locale chronique conduit ensuite au processus de l’ulcérogenèse (voir figure 1).

– Dans la genèse de l’ulcère gastrique, interviennent principalement les lésions cellulaires locales secondaires à l’infection à Helicobacter pylori. En effet, l’ulcère gastrique est associé à une hypochlorhydrie ou une normochlorhydrie.

Méthodes de diagnostic :

Test rapide à l’uréase

Commercialisé sous le nom de “ CLOtest* ”, il est fondé sur l’activité uréase de la bactérie, qui alcalinise un milieu riche en urée et fait virer un indicateur de pH.

– Simple d’utilisation, il nécessite néanmoins la réalisation de biopsies antrales à 2 cm du pylore.

– Rapide, il se positive au bout de 20 minutes et de 3 heures dans respectivement 75 % et 91 % des cas. L’incubation du prélèvement à 37 °C plutôt qu’à température ambiante augmente la sensibilité du test.

– Sa sensibilité et sa spécificité sont respectivement de 80 % et 95 %.

Examen anatomopathologique

L’examen anatomopathologique permet de détecter Helicobacter pylori par certaines colorations (Giemsa, Warthin-Starry) au niveau du mucus gastrique, de la surface de l’épithélium et des cryptes.

– Il identifie Helicobacter pylori par sa morphologie particulière, incurvée ou spiralée. Il peut adhérer aux cellules à mucus, pénétrer dans les espaces intercellulaires, mais n’est pratiquement jamais trouvé en position intracellulaire.

– La sensibilité et la spécificité de l’examen anatomopathologique sont proches de 95 %. Cependant, en cas de prise récente d’antisécrétoires type inhibiteur de la pompe à protons, il existe une migration d’Helicobacter pylori de l’antre vers le fundus. L’examen histologique peut ainsi se révéler négatif si les biopsies sont uniquement réalisées dans l’antre.

– Il permet, en outre, d’évaluer le degré et l’activité de la gastrite associée à l’infection à Helicobacter pylori.

Culture

La culture est une méthode qui présente la meilleure spécificité.

– Elle permet le typage de la souche et la réalisation d’un antibiogramme (étude des résistances).

– Sa sensibilité dépend des conditions techniques (transport dans un milieu spécial à 4 °C si l’ensemencement est rapidement réalisé, sinon, les biopsies seront congelées à — 70 °C ou dans l’azote liquide).

Amplification génique

L’amplification génique (“ polymerase chain reaction ”[PCR ]) est une technique très sensible et très spécifique, fondée sur la détection de l’ADN de l’Helicobacter pylori.

– Elle est réalisée à partir de biopsies gastriques, de liquide gastrique, voire de salive ou d’échantillons de selles.

– La disponibilité de cette méthode reste très limitée actuellement.

Sérologie

La sérologie est un test non invasif car ne nécessitant pas la réalisation d’une endoscopie avec biopsies.

– Les tests ELISA (détection des IgG anti-Helicobacter pylori) permettent d’obtenir une sensibilité de 85 à 95 % et une spécificité de 80 à 95 %.

–  La décroissance du titre des anticorps est lente : 50 % à 6 mois. Pour cette raison, il ne s’agit pas d’une bonne méthode pour contrôler l’éradication d’Helicobacter pylori.

– C’est une méthode employée préférentiellement dans les études épidémiologiques.

Test respiratoire

Le test respiratoire à l’urée marquée au 13 C (“ breath test ”) est aussi une méthode non invasive, avec une sensibilité de 89 à 100 % et une spécificité de 80 à 100 %.

– Il est fondé sur la capacité d’hydrolyse par l’uréase d’une solution enrichie en carbone 13, qui est un isotope stable et donc non radioactif :

– en présence d’Helicobacter pylori, l’uréase hydrolyse l’urée ingérée, ce qui conduit à la production d’ammoniac et de CO2. Le CO2 marqué est absorbé et éliminé par les voies respiratoires ;

– le CO2 marqué, recueilli dans l’air expiré, est ensuite mesuré par un spectromètre de masse.

– C’est une méthode de référence pour le contrôle de l’éradication.

AUTRES FACTEURS ETIOPATHOGENIQUES :

Anti-inflammatoires non stéroïdiens :

Les lésions gastro-duodénales secondaires dues aux anti-inflammatoires non stéroïdiens font intervenir deux mécanismes physiopathologiques essentiels :

– une toxicité locale responsable d’une altération de la perméabilité membranaire favorisant la rétrodiffusion des ions H +.

– une inhibition de la cyclo-oxygénase, enzyme clé de la synthèse des prostaglandines endogènes. Le déficit en prostaglandines endogènes au sein de la muqueuse gastrique se traduit :

– par une diminution de la synthèse de mucus et de bicarbonates.

– par des modifications du surfactant gastrique (couche phospholipidique adsorbée à la membrane apicale des cellules et qui joue le rôle d’une barrière hydrophobe s’opposant à la rétrodiffusion des ions H + et à l’absorption des molécules hydrosolubles).

– par une réduction du flux sanguin muqueux.

– Certaines caractéristiques endoscopiques permettent d’évoquer l’origine iatrogène des ulcères :

–  leur siège est plus souvent gastrique que duodénal soit au pourtour du pylore, soit en pleine face postérieure de l’antre.

– les lésions sont plutôt à l’emporte-pièce et souvent associées à de multiples lésions superficielles, discrètement hémorragiques, pétéchiales, dites en. L’association à des érosions superficielles linéaires et centrées par l’orifice pylorique est également fréquente.

– le caractère très volumineux des ulcères dont le fond fibrinonécrotique est souvent hémorragique.

–  Chez 20 % des patients sous anti-inflammatoires non stéroïdiens présentant des symptômes cliniques, l’endoscopie standard est normale. Cela est dû à une régression spontanée, habituellement rapide, des lésions à l’arrêt du traitement et/ou à un phénomène d’adaptation de la muqueuse.

– La gastrotoxicité des anti-inflammatoires non stéroïdiens n’apparaît pas être majorée par la présence d’une infection à Helicobacter pylori. Dans l’état actuel des connaissances, il n’y a donc pas d’indication bien établie pour éradiquer Helicobacter pylori lors d’un traitement au long cours par des anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Tabac :

Le tabac (plus de 15 à 20 cigarettes par jour) :

– augmente le risque de survenue d’un ulcère (gastrique et duodénal).

– diminue la vitesse de cicatrisation de l’ulcère évolutif, en particulier duodénal.

– favorise le risque de récidive de l’ulcère duodénal.

La gastrotoxicité du tabac est liée à :

– une diminution de la synthèse des prostaglandines gastriques endogènes.

– une aggravation d’un reflux duodéno-gastrique.

– une augmentation de la masse cellulaire pariétale et de la capacité sécrétoire gastrique.

– une diminution de la sécrétion pancréatique de bicarbonates.

– une diminution de la sécrétion salivaire du facteur de croissance épidermique qui assure un rôle mucoprotecteur au niveau gastro-duodénal.

Avec l’éradication d’Helicobacter pylori, le rôle du tabac, en particulier sur le risque de récidive, est devenu négligeable.

Maladie ulcéreuse et pathologie associée :

La survenue d’une pathologie ulcéreuse se rencontre plus fréquemment dans certaines pathologies :

– la pancréatite chronique.

– la cirrhose.

– l’artériopathie.

– l’hyperparathyroïdie, où l’association ulcère-adénome parathyroïdien doit conduire à rechercher un syndrome de Zollinger-Ellison dans le cadre d’une néoplasie endocrinienne multiple.

Diagnostic clinique :

Douleur ulcéreuse typique :

La douleur ulcéreuse typique n’est présente que dans 50 % des cas d’ulcères gastro-duodénaux.

Il s’agit d’une douleur :

– de siège épigastrique.

– à type de crampe :

–  rythmée par les repas (c’est-à-dire survenant 1 à 4 heures après les repas et calmée par l’alimentation ainsi que par les antiacides).

– réveillant le patient la nuit.

– sans irradiation.

–  périodique (elle survient quotidiennement pendant plusieurs jours à plusieurs semaines puis cesse pendant une durée variable avant de réapparaître).

L’examen clinique est normal ou retrouve une sensibilité épigastrique isolée à la palpation douce ou profonde.

Douleur ulcéreuse atypique :

Douleur atypique

– Douleur atypique par son type :

– brûlure.

– manifestations dyspeptiques.

– douleur hyperalgique simulant un abdomen chirurgical.

– Douleur atypique par ses irradiations possibles pouvant orienter vers une pathologie :

– biliaire.

– pancréatique.

– coronarienne.

– Douleur atypique par son association à d’autres symptômes :

– nausées et/ou vomissements présents dans 30 % des cas (ulcère siégeant près du pylore ou dans la région sous-cardiale) ;

–  diarrhée qui doit faire évoquer un syndrome de Zollinger-Ellison.

Ulcères asymptomatiques

Les ulcères sont souvent asymptomatiques (20 %), et cela préférentiellement chez les patients :

– âgés.

– diabétiques.

– ayant pris des anti-inflammatoires.

– présentant une récidive ulcéreuse sous un traitement d’entretien.

Dans 20 % des cas, l’ulcère est révélé par une complication.

Examens complémentaires :

œso-gastro-duodénoscopie :

Toute suspicion de pathologie ulcéreuse gastro-duodénale nécessite la réalisation d’une endoscopie hauteF.

L’ulcère se présente sous la forme d’une perte de substance, arrondie ou ovalaire, à contours nets, à fond blanchâtre, lisse et limitée par un bourrelet œdémateux.

Les objectifs de l’endoscopie sont cités ci-après.

Poser le diagnostic d’ulcère Préciser le siège de l’ulcère

– Les ulcères gastriques siègent essentiellement au niveau de l’angulus (c’est-à-dire à la jonction antre-fundus au niveau de la petite courbure gastrique). La répartition des ulcères gastriques est la suivante : antre (50 %), corps gastrique (25 %), pylore (16 %) et cardia (5 %).

– Les ulcères duodénaux siègent essentiellement au niveau de la face antérieure du bulbe (70 %).

Préciser la morphologie de l’ulcère

– Pour l’ulcère duodénal, on distingue quatre formes endoscopiques :

–  l’ulcère rond, cas le plus fréquent (70 %).

– l’ulcère irrégulier : 19 % des cas.

– l’ulcère salami (8 % des cas) se présente comme une plaque érythémateuse, congestive et recouverte d’exsudats fibrineux réalisant un semis de taches blanchâtres. Il est souvent considéré comme une phase évolutive des ulcères ronds ou irréguliers (cicatrisation retardée ou récidive précoce).

– l’ulcère linéaire (4 % des cas) se présente comme une fissure localisée. Il est souvent associé à des remaniements cicatriciels et à des duodénites. Il fixe le bleu de méthylène à la différence d’une cicatrice linéaire d’ulcère.

– Ces quatre différents types de morphologie ne semblent pas être associés à une évolutivité et à un pronostic particuliers.

Préciser la taille de l’ulcère

– Le risque hémorragique paraît être corrélé à la taille de l’ulcère.

– En revanche, la taille de l’ulcère ne paraît pas influer sur la cicatrisation depuis que l’on dispose de puissants antisécrétoires.

Biopsies

– Tout diagnostic d’ulcère, qu’il soit gastrique ou duodénal, doit conduire à la recherche d’une infection à Helicobacter pylori par la réalisation de biopsies antrales (CLOtest*, examen histologique et éventuellement culture).

–  En cas de prise récente d’inhibiteurs de la pompe à protons, il existe une migration d’Helicobacter pylori de l’antre vers le fundus. Il est donc impératif de réaliser, dans cette situation, des biopsies fundiques afin d’éviter des faux négatifs au niveau de l’antre.

– Les biopsies de l’antre couplées à celle du fundus permettent, en outre, de définir la gastrite selon une récente classification histologique appelée “ Sydney system ”.

– Tout ulcère gastrique doit faire l’objet d’une biopsie, car la certitude de sa bénignité ne peut être apportée que par l’examen histologique. Les biopsies doivent être nombreuses (au moins 10).

Contrôle de la cicatrisation

Il faut contrôler la cicatrisation car, à l’opposé de l’ulcère duodénal, l’ulcère gastrique doit systématiquement être contrôlé par une endoscopie après traitement :

– l’obtention d’une cicatrisation sous traitement ou l’absence de signes de malignité à l’examen histologique initial ne permettent pas d’éliminer formellement un néoplasme gastrique.

– des biopsies doivent être ainsi réalisées systématiquement au cours de l’endoscopie de contrôle.

Transit œso-gastro-duodénal :

Le transit œso-gastro-duodénal n’a plus actuellement d’indication dans la maladie ulcéreuse non compliquée.

En revanche, il conserve un intérêt dans le diagnostic de certaines complications (voir photos), en particulier au cours des sténoses antro-pyloriques.

Etude de la sécrétion gastrique acide :

L’étude de la sécrétion gastrique acide n’a pas d’intérêt diagnostique, pronostique ou thérapeutique dans la maladie ulcéreuse non compliquée.

Sa seule indication actuelle indiscutable est la confirmation d’un syndrome de Zollinger-Ellison.

Évolution :

HISTOIRE NATURELLE :

– Le taux de cicatrisation de l’ulcère duodénal est de 80 à 95 % en 4 à 6 semaines sous traitement antisécrétoire, et de 40 % sous placebo. L’ulcère gastrique cicatrise plus lentement (80 à 90 % en 8 semaines).

–  L’influence de l’éradication d’Helicobacter pylori sur la vitesse de cicatrisation reste à établir.

–  En l’absence d’éradication d’Helicobacter pylori, la maladie ulcéreuse gastro-duodénale se caractérise par une tendance spontanée à la récidive sous la forme de poussées successives (60 à 70 % de récidives dans l’année qui suit la cicatrisation). Leur incidence est classiquement plus élevée en automne et en hiver, mais les raisons de ces variations saisonnières restent à préciser.

– En revanche, après éradication d’Helicobacter pylori, le taux de récidive chute aux alentours de 6 à 7 % en 1 an. Dans ce cas, le tabac ne doit plus être considéré comme un facteur de risque de rechute.

COMPLICATIONS :

L’incidence globale des complications est évaluée à 5 % par an.

Hémorragies :

Incidence des hémorragies

L’incidence des hémorragies est évaluée à environ 2 % par an et leur prévalence à long terme peut être estimée à 35 %.

– Elles se manifestent sous la forme d’un saignement distillant, responsable d’une anémie ferriprive ou sous la forme d’un méléna, associé ou non à une hématémèse.

– Les hémorragies peuvent représenter le symptôme inaugural de la maladie ulcéreuse dans 5 à 10 % des cas.

Risque hémorragique

– Le risque hémorragique augmente avec la durée d’évolution de la maladie (30 % à 5 ans, 50 % à 10 ans).

– L’hémorragie est liée à une rupture d’une artère (érosion de l’artère gastro-duodénale dans l’ulcère bulbaire postérieur) ou d’une artériole au fond de l’ulcère et/ou un saignement muqueux péri-ulcéreux.

– Certains facteurs augmentent le risque hémorragique :

– l’âge élevé.

– la prise concomitante d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et/ou d’un traitement anticoagulant.

– la grande taille de l’ulcère.

– antécédents d’hémorragies antérieurs sur ulcère.

œso-gastro-duodénoscopie

Une œso-gastro-duodénoscopie doit être réalisée dans un but :

– diagnostique (attribuer l’hémorragie à l’ulcère).

– pronostique.

– thérapeutique (hémostase endoscopique).

Evolution et pronostic

– 80 % des hémorragies cessent spontanément.

– L’hémostase endoscopique permet d’arrêter l’hémorragie chez 90 % des patients ayant un saignement actif.

– La mortalité varie de 5 à 10 %.

–  L’éradication d’Helicobacter pylori permet de réduire le risque de récidive à une valeur proche de 0 %.

Perforations :

Le risque de perforation est de l’ordre de 0,5 % par an et la prévalence globale est de 5 à 10 %.

– Elles s’associent à une hémorragie digestive dans 7 % des cas.

– Les perforations peuvent révéler la maladie ulcéreuse dans 20 à 25 % des cas.

Elles se manifestent par un tableau de péritonite généralisée avec pneumopéritoine en cas de perforation en péritoine libre. En revanche, en cas de perforation dans un organe plein (pancréas, foie, épiploon), le tableau clinique est plus trompeur (perforation bouchée) et le pneumopéritoine est absent.

Sténoses :

– L’incidence annuelle des sténoses est de 2,5 % et leur prévalence peut être estimée entre 5 et 10 %.

– Cette complication survient habituellement après plusieurs poussées, symptomatiques ou non, de la maladie ulcéreuse.

– Il s’agit presque toujours d’une sténose pyloro-bulbaire.

– Les sténoses sont soit réversibles (œdème péri-ulcéreux et/ou spasme de pylore), soit irréversibles (fibrose cicatricielle).

– Après aspiration gastrique, le diagnostic est fait par une endoscopie et/ou par un transit gastro-duodénal.

Dégénérescence

Le risque de dégénérescence ne concerne que l’ulcère gastrique (2 % des cas).

Ce risque conduit à contrôler systématiquement tout ulcère gastrique avec la réalisation de multiples biopsies sur les berges de l’ulcère.

En effet, le résultat histologique des biopsies initiales peut être faussement rassurant.

Traitement médical :

TRAITEMENT D’ÉRADICATION D’HELICOBACTER PYLORI :

Il existe trois classes principales d’anti-ulcéreux, fondées sur un mode et un site d’action différents. Le schéma thérapeutique est actuellement fondé sur le statut Helicobacter pylori positif ou négatif. Le traitement repose ainsi sur une trithérapie associant un antisécrétoire et deux antibiotiques.

Antisécrétoires

Les antisécrétoires n’ont pas d’action bactéricide propre (seulement une action bactériostatique in vitro) sur Helicobacter pylori, mais sont nécessaires à l’action des antibiotiques dont l’activité diminue en milieu acide.

– L’effet des antibiotiques est d’autant meilleur que le pH intragastrique est proche de 7,5.

– C’est pour cette raison que sont employés principalement les inhibiteurs de la pompe à protons qui sont les antisécrétoires les plus puissants.

Antibiotiques

Les antibiotiques utilisés sont :

–  l’amoxicilline (Clamoxyl*), 1 g deux fois par jour.

–  le métronidazole (Flagyl*), 500 mg deux fois par jour.

–  la clarithromycine (Zéclar*), 500 mg deux fois par jour.

Plusieurs combinaisons possibles

–  Inhibiteurs de la pompe à protons, amoxicilline et clarithromycine.

–  Inhibiteurs de la pompe à protons, métronidazole et clarithromycine.

–  Inhibiteurs de la pompe à protons, amoxicilline et métronidazole.

Pour la durée du traitement d’éradication qui est de 7 jours, les inhibiteurs de la pompe à protons sont prescrits à double dose.

Parmi les inhibiteurs des récepteurs H2, la ranitidine (Azantac* et Raniplex*) peut être prescrite selon le schéma thérapeutique suivant : ranitidine 300 mg deux fois par jour, associée à la clarithromycine (500 mg deux fois par jour) et au métronidazole (500 mg/j) ou à la tétracycline (1 g deux fois par jour), pendant 14 jours.

Avec une trithérapie, le taux d’éradication est supérieur à 90 %.

Contrôle de l’éradication

– Le meilleur test est le test respiratoire à l’urée marquée.

– Il doit être réalisé au plus tôt 1 mois après la fin du traitement de l’ulcère (c’est-à-dire 8 semaines après le diagnostic).

Efficacité du traitement d’éradication

L’efficacité du traitement d’éradication dépend de :

– l’observance thérapeutique.

– la résistance bactérienne :

– amoxicilline : 0 %.

– métronidazole : 30 %.

– clarithromycine : 10 %.

L’éradication une fois obtenue est considérée comme presque définitive, puisque l’incidence annuelle de la réinfestation est inférieure à 1 %.

CONDUITE PRATIQUE DU TRAITEMENT :

Ulcère duodénal :

Recherche d’Helicobacter pylori positive :

– traitement d’éradication (7 jours), suivi d’un traitement antisécrétoire pendant 3 semaines.

– contrôle de l’éradication chez les sujets à risque :

– antécédents de complications.

– traitement anticoagulant.

– en cas de persistance de l’infection, réaliser un second traitement d’éradication chez les sujets à risque en fonction du résultat de l’antibiogramme.

– en cas d’échec du second traitement d’éradication, un traitement d’entretien est indiqué pour la prévention des rechutes et est préférable à un traitement chirurgical.

Recherche d’Helicobacter pylori négative :

– rechercher un autre facteur étiologique à la maladie ulcéreuse duodénale :

– prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens.

– maladie de Crohn duodénale.

– syndrome de Zollinger-Ellison.

–  3 % des ulcères duodénaux ne sont pas associés à un facteur étiologique particulier, mais à une hypersécrétion acide isolée et déterminée génétiquement. Dans cette situation, la prise en charge thérapeutique repose sur un traitement antisécrétoire d’attaque de 4 à 6 semaines relayé par un traitement d’entretien (anti-H2 à demi-dose).

En dehors des poussées ulcéreuses, l’éradication est indiquée chez les patients Helicobacter pylori positif (dans ce cas, ne pas réaliser d’endoscopie mais rechercher Helicobacter pylori par des tests non invasifs tels que la sérologie ou le) et sous traitement d’entretien. En revanche, l’éradication ne se justifie pas chez les patients asymptomatiques ne bénéficiant pas d’un traitement d’entretien, sauf dans des cas particuliers (prise d’anticoagulants par exemple).

Ulcère gastrique :

Pour l’ulcère gastrique, il convient d’adopter la même attitude que pour l’ulcère duodénal.

Mais, contrairement à l’ulcère duodénal, la cicatrisation de l’ulcère gastrique doit être obligatoirement contrôlée par une endoscopie avec réalisation de biopsies sur la cicatrice ou sur l’ulcération résiduelle. La persistance d’une lésion au moment du contrôle après deux périodes de 4 à 6 semaines de traitement doit conduire à discuter l’indication chirurgicale.

Traitement chirurgical :

TECHNIQUES :

Vagotomies :

L’objectif de la vagotomie est de supprimer la stimulation de la sécrétion gastrique par le pneumogastrique.

Les vagotomies peuvent être réalisées sous cœlioscopie.

Le pneumogastrique ou nerf vague comporte trois contingents innervant :

– le fundus (sécrétion acide par les cellules pariétales).

– l’antre (vidange gastrique).

– les autres viscères digestifs.

Cette distribution permet d’expliquer la nécessité d’associer, en fonction du niveau de la vagotomie, une intervention de drainage gastrique (pyloroplastie).

On distingue :

–  la vagotomie tronculaire : section du tronc antérieur et postérieur du pneumogastrique.

–  la vagotomie sélective : dénervation gastrique complète et respect des fibres extra-gastriques du pneumogastrique.

–  la vagotomie hypersélective : dénervation de la portion verticale fundique (sécrétion acide) et respect de l’innervation de la portion horizontale antrale (vidange gastrique) ;

–  la séromyotomie (intervention de Taylor) : section du nerf vague postérieur associée à une section des nerfs à l’intérieur même de la paroi gastrique avant leur distribution vers les cellules fundiques, par une incision de la séreuse et de la musculaire sur la face antérieure de la petite courbure gastrique.

Gastrectomies partielles :

L’objectif de l’antrectomie est de supprimer l’antre où sont localisées les cellules G sécrétant la gastrine responsable de la stimulation de la sécrétion acide.

Le rétablissement de la continuité digestive se fait par (voir figure 5) :

– anastomose gastro-duodénale de type Péan (ou Billroth I).

– anastomose gastro-jéjunale sur toute la tranche gastrique selon le type Polya.

– anastomose gastro-jéjunale sur une partie de la tranche gastrique selon Finsterer (ou Billroth II).

Une vagotomie tronculaire ou sélective associée est obligatoire afin d’éviter un ulcère anastomotique.

Résultats :

Les gastrectomies partielles et les vagotomies sont responsables de séquelles fonctionnelles :

–  le “ dumping syndrome ” :

– est lié à l’arrivée brutale des aliments dans le duodéno-jéjunum entraînant une stimulation nerveuse et humorale (hormones digestives), une distension mécanique et une hypovolémie par exsudation intraluminale du liquide plasmatique pour réduire l’hypertonicité du bol alimentaire.

– associe des signes généraux (asthénie d’apparition brutale), des signes vasomoteurs (tachycardie, palpitations, labilité tensionnelle) et des signes digestifs (plénitude gastrique, nausées et diarrhée, voire crise polyurique marquant la fin de la crise).

– les symptômes sont déclenchés par l’alimentation, apparaissent rapidement après le repas (5 à 20 minutes), sont améliorés par le décubitus, disparaissent en 20 à 40 minutes et sont toujours identiques chez un même patient.

–  la diarrhée après vagotomie :

– accélération de la vidange gastrique.

– diminution de la relaxation gastrique.

– colonisation bactérienne par diminution de l’acidité gastrique.

– augmentation de l’excrétion des sels biliaires.

–  le syndrome post-prandial tardif : hypoglycémie post-stimulative avec des symptômes survenant à distance du repas.

–  le syndrome de l’anse afférente est lié à l’accumulation post-prandiale des sécrétions bilio-pancréatiques avec distension de l’anse afférente et qui sont évacuées ensuite sous la forme de vomissements.

Les gastrectomies exposent le patient au risque de dégénérescence du moignon gastrique qui est de 2 à 5 % après une période de 15 ans. Le risque est plus élevé en cas d’anastomose gastro-jéjunale qu’en cas d’anastomose gastro-duodénale.

INDICATIONS :

Les indications chirurgicales pour l’ulcère gastro-duodénal non compliqué sont devenues rares depuis l’efficacité de l’éradication d’Helicobacter pylori sur les récidives.

– La résistance au traitement d’un ulcère gastrique doit faire discuter précocement l’indication chirurgicale.

– Dans cette indication, l’intervention consiste en une vagotomie associée à une gastrectomie, dont l’importance dépend de la localisation de l’ulcère. Contrairement à l’ulcère duodénal, une vagotomie seule ne doit pas être réalisée.

– Ulcère duodénal et ulcère gastrique :

– non cicatrisés.

– récidivants malgré l’éradication d’Helicobacter pylori.

– après échec de l’éradication d’Helicobacter pylori.

– compliqués.

Principes du traitement de l’ulcère gastro-duodénal compliqué :

Hémorragies :

Réanimation

Assurer par la réanimation le maintien des fonctions vitales.

œso-gastro-duodénoscopie

Réaliser une œso-gastro-duodénoscopie à visée :

– pronostique (certains facteurs augmentent le risque de récidive) :

– saignement initial important.

– siège gastrique de l’ulcère.

– signes endoscopiques d’hémorragie récente au niveau de l’ulcère.

– présence d’un vaisseau visible au niveau de l’ulcère hémorragique.

– thérapeutique (hémostase) :

– injection d’adrénaline.

– laser.

– coagulation.

– colle.

En cas d’échec du traitement médical

Après échec du traitement médical, procéder à une intervention chirurgicale :

– suture du vaisseau ou de l’ulcère associée à une vagotomie.

– gastrectomie.

Perforations :

Traitement médical selon la méthode de Taylor

– Principe :

– diète absolue.

– aspiration digestive.

– antibiothérapie.

– antisécrétoires.

– Possible si :

– le diagnostic est certain.

– la perforation est vue tôt, avant la 6e heure.

– la perforation est survenue à distance d’un repas.

– une surveillance clinique et biologique attentive est possible.

Traitement chirurgical

–  Toilette péritonéale et suture associées à une vagotomie (possible sous cœlioscopie [voir photos]).

– Gastrectomie.

Sténoses pyloro-bulbaires :

Traitement médical

– Diète absolue et alimentation parentérale.

– Antisécrétoires (réduction de l’œdème péri-ulcéreux).

– Dilatation au ballonnet sous contrôle endoscopique envisageable.

Traitement chirurgical

Traitement chirurgical en cas de sténose fibreuse persistante et après échec du traitement médical :

–  antrectomie associée à une vagotomie.

– vagotomie associée à une gastro-entéro-anastomose (contre-indiquée en cas de distension gastrique chronique avec atonie).

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