Hépatites virales aiguës et chroniques

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Les virus A et E sont transmis par voie oro-fécale. Ils n’entraînent que des hépatites aiguës bénignes et exceptionnellement fulminantes. Les virus B, C et D se transmettent essentiellement par voie sanguine et pour l’hépatite B par voie sexuelle et voie materno-fœtale. L’hépatite D est toujours associée à l’hépatite B (co-infection ou surinfection).

CARACTERISTIQUES VIROLOGIQUES :

Les virus des hépatites A, B, C, D et E appartiennent à des familles très différentes.

Les caractéristiques de ces virus sont maintenant connues et on dispose pour les infections dues à ces virus de différents marqueurs sérologiques.

Virus de l’hépatite A :

Hépatites virales aiguës et chroniques– Le virus de l’hépatite A (VHA) est un virus à ARN de 27 nm, sans enveloppe, appartenant à la famille des Picornavirus, classé depuis peu dans le nouveau genre des Hépatovirus.

– Son génome est un ARN simple brin de polarité positive de 7 500 nucléotides, qui possède un cadre de lecture ouvert codant pour une grande protéine de 2 227 acides aminés, qui est clivée en plusieurs protéines structurales (capside) et non structurales.

– Le VHA n’est pas directement cytopathogène ; les lésions histologiques hépatiques semblent être dues à la réponse immunitaire cellulaire (lymphocytes T cytotoxiques) vis-à-vis des cellules hépatiques infectées.

– Pendant la maladie, la présence du VHA, de son ARN ou de ses antigènes peut être mise en évidence dans le sang ou les selles.

– La virémie est faible et brève.

– Des particules virales sont éliminées dans les selles pendant une dizaine de jours.

– En pratique, le diagnostic repose sur la détection des anticorps (anti-VHA) de type IgM, qui apparaissent rapidement dès les premiers symptômes et persistent quelques mois. Les anticorps anti-VHA de type IgG persistent de nombreuses années et sont associés à une immunité à long terme.

Virus de l’hépatite B :

Le virus de l’hépatite B (VHB) est un virus enveloppé de 42 nm qui appartient à la famille des Hepadnavirus (virus hépatotropes à ADN).

Son génome est un ADN de 3 200 nucléotides circulaire double brin comportant un brin long et un brin court, ce dernier étant de longueur variable.

Le génome

Ce génome contient quatre gènes appelés S, C, P et X.

–  Le gène S est précédé des régions préS1 et préS2 :

– la région S code pour la “ protéine majeure ”  de l’enveloppe.

– la région préS2 avec la région S codent pour la “ protéine moyenne ”  de l’enveloppe ;

– la région préS1 avec la région préS2 et la région S codent pour la “ grande protéine ”  de l’enveloppe.

– ces trois protéines portent l’antigénicité HBs.

– La région P code pour l’enzyme ADN-polymérase nécessaire à la réplication de l’ADN viral :

– la réplication virale passe par une étape de transcription inverse qui donne un ARN appelé “ prégénome ”, qui est lui-même transcrit en ADN (brin long), qui va se répliquer partiellement (brin court) avant de s’encapsider avec la protéine c (antigène HBc) ;

– la capside contenant l’ADN viral est excrétée, enveloppée par les protéines majeure, moyenne et grande (antigène HBs).

– dans le sang d’un malade atteint d’une infection par le virus B, on trouve des particules virales complètes (particules de Dane) qui contiennent une capside et un ADN ainsi que des particules virales incomplètes (enveloppes vides) constituées d’antigène HBs.

– Les produits du gène X ont des fonctions encore mal définies : l’anticorps anti-HBx pourrait être un nouveau marqueur sérique de la multiplication du VHB, de par sa corrélation aux marqueurs connus de multiplication virale (ADN-VHB, ADN-polymérase, AgHBe sérique, AgHBc hépatique) :

– la protéine X semble être une enzyme qui possède des propriétés transactivatrices sur le génome viral.

– de par ses propriétés transactivatrices, le gène X aurait un potentiel oncogénique et interviendrait dans la genèse de l’hépatocarcinome.

– La région C code pour un polypeptide portant les déterminants antigéniques HBc et HBe :

– la région préC code pour une séquence hydrophobe permettant la liaison du polypeptide à la membrane du réticulum endoplasmique et l’excrétion dans le plasma d’un peptide portant les déterminants HBe. Ainsi, l’antigène HBe est détecté dans le sérum lorsqu’il existe une multiplication virale.

– par contre, en l’absence de transcription de la région préC (due à une mutation d’un ou de plusieurs nucléotides), l’antigène HBe n’est pas détecté dans le sérum bien qu’il existe une multiplication virale et l’anticorps anti-HBe en excès est détectable.

Marqueur de multiplication virale

Ainsi, le meilleur marqueur de multiplication virale est la détection de l’ADN viral (ADN VHB) dans le sérum.

L’ADN VHB peut être détecté par différentes méthodes de biologie moléculaire.

– Les méthodes classiques utilisées en routine ont une sensibilité permettant de détecter environ 1 pgd’ADN VHB correspondant à 10E5 à 10E6 virions par ml de sérum.

– La détection de l’ADN VHB permet d’affirmer l’existence d’une multiplication du VHB et ainsi d’affirmer la responsabilité du VHB dans l’activité de l’hépatite chronique, en particulier chez certains malades AgHBe négatifs.

– La mesure de l’ADN VHB permet également de suivre l’évolution d’un malade atteint d’hépatite chronique B, en particulier sous traitement, comme nous le verrons plus loin.

– En outre, l’importance de la multiplication virale avant traitement est un facteur important de réponse au traitement.

– Cependant, l’inconvénient majeur des méthodes de détection de l’ADN VHB utilisées en routine est leur manque relatif de sensibilité.

– Récemment, une nouvelle technique a permis de remédier à ce problème : il s’agit de l’amplification enzymatique des acides nucléiques (“ polymerase chain reaction ”[PCR]). Son principe est d’utiliser de manière répétitive l’activité d’une ADN-polymérase pour copier la séquence d’ADN à amplifier.

– La méthode PCR repose sur deux points fondamentaux : utilisation de deux amorces nucléotidiques (“ primers ”) encadrant la région à amplifier et utilisation répétitive de l’activité d’une ADN-polymérase.

– Ainsi, il y a amplification spécifique exponentielle de la séquence thermorésistante d’ADN en fonction du nombre de cycles.

– Chaque cycle d’amplification est composé de trois étapes : dénaturation des séquences d’ADN double brin par la chaleur (plus de 90 °C) ; hybridation spécifique des amorces oligonucléotides à 37 °C ; extension des amorces hybridées grâce à la Taq polymérase.

– Le nombre de séquences d’ADN amplifiées spécifiquement varie de manière exponentielle par rapport au nombre de cycles. Le taux d’amplification théorique est de 2 après un cycle, de 4 (2E2) après 2 cycles, de 2 n après n cycles.

– La PCR a déjà été utilisée dans de nombreux domaines, et surtout pour le diagnostic des maladies génétiques (bêta-thalassémies, hémophilie A, phénylcétonurie, etc.). La PCR est également utilisée dans le diagnostic d’infections bactériennes et virales, en particulier l’infection par le VHB.

– La limite de détection est de l’ordre de 10E2 virions par ml. A titre de comparaison, il faut savoir que la valeur de 10E2 virions par ml est considérée comme la concentration sérique la plus faible pouvant transmettre l’infection au chimpanzé.

– En conclusion, la PCR constitue un progrès dans la sensibilité de détection de l’ADN VHB. Etant donné son extrême sensibilité, elle doit être réalisée dans des conditions très strictes afin de limiter le risque de faux positif lié à une contamination de l’échantillon testé.

Virus de l’hépatite C :

Le virus de l’hépatite C (VHC) est un virus enveloppé de 60 nm dont le génome est un ARN simple brin de polarité positive, d’environ 9 400 nucléotides. L’analyse comparative de la séquence nucléotidique de l’ARN du VHC avec celle des virus déjà connus a permis de rapprocher le VHC des Flavivirus et des Pestivirus.

Le génome

On a pu ainsi déduire du génome du VHC les différentes protéines constituantes et leurs sites de clivage. Le génome viral comporte trois régions : deux régions non codantes à l’extrémité 5’et à l’extrémité 3’dont le rôle est inconnu et, entre les deux, une région codant pour les protéines du virus.

– La région codante code pour un précurseur protéique de 3 010 acides aminés. Cette grande protéine est ensuite clivée par des protéases en différentes protéines structurales (capside et enveloppe) et non structurales (enzymes nécessaires à la multiplication virale).

– La région 5’non codante est la région la plus conservée du génome entre les différents sous-types de VHC séquencés, en particulier aux Etats-Unis et au Japon. Cette observation suggère que cette région joue un rôle important dans la multiplication du virus.

– La région structurale du génome contient trois domaines : les gènes C, E1 et E2.

– Le gène C code pour une protéine de poids moléculaire d’environ 20 kD qui constitue probablement la protéine de la capside.

– Les gènes E1 et E2 (ou NS1) codent respectivement pour une protéine de 33 kD et une glycoprotéine de 72 kD qui sont probablement des protéines d’enveloppe.

– La région non structurale du génome contient quatre domaines : NS2, NS3, NS4 et NS5.

– La région NS3 code pour une hélicase qui permet le déroulement de l’ARN viral pendant la réplication.

– La région NS5 code pour une ARN-polymérase.

Les génotypes du virus

La détermination des séquences nucléotidiques de nombreux isolats du virus C a mis en évidence une grande variabilité du génome. Cette grande variabilité du génome a conduit au concept de génotypes du virus.

– Bien que la classification des génotypes ne soit pas encore complètement définie, on distingue actuellement six génotypes selon le degré d’homologie de leur ARN. Les virus dont les génomes ont plus de 90 % d’homologie sont classés dans le même groupe ; les virus ayant moins de 80 % d’homologie sont classés dans des groupes différents.

– Le degré de variabilité de l’ARN diffère considérablement en fonction de la région du génome.

– L’homologie entre les virus des différents groupes est bonne dans la région 5’non codante la mieux conservée ; l’homologie est moins bonne dans les régions codant pour les protéines d’enveloppe (E1 et E2).

– Dans le domaine E2, il existe une région hypervariable correspondant à une région hypervariable de l’extrémité N terminale de la protéine gp72, ce qui suggère que cette région est soumise à une forte pression immunitaire.

– Ainsi, la grande variabilité du VHC pourrait lui permettre d’échapper à la réponse immunitaire et ainsi favoriser le passage à la chronicité de l’infection et sa résistance au traitement. Il existe d’une part des différences géographiques de répartition des génotypes du virus C.

– D’autre part, chez un même malade, une co-infection par différentes populations virales peut exister mais habituellement un génotype est dominant. Au cours du temps, des mutations assez fréquentes apparaissent spontanément dans les régions hypervariables du génome mais sans passage d’un groupe de génotype à un autre.

Tests sérologiques

Les tests sérologiques actuellement disponibles (dits de 3e génération) sont des tests ELISA permettant de détecter, sans les différencier, les anticorps dirigés contre des antigènes structuraux et non structuraux. Des tests de validation permettent de différencier les différents anticorps. Ces derniers tests sont plus spécifiques que les tests ELISA.

ARN du virus de l’hépatite C

L’ARN du VHC peut être détecté dans le sérum par PCR. La technique PCR a été adaptée aux particularités du VHC :

– le VHC étant un virus à ARN, une étape préalable de transcription inverse est nécessaire pour transformer l’ARN en ADN complémentaire ;

– la variabilité du génome impose de choisir les amorces dans la région la mieux conservée (en pratique la région 5’non codante).

– la faible virémie (de l’ordre de 10E6 virions par ml) a conduit à développer la technique de double PCR (“ nested PCR ”) qui consiste à faire deux amplifications successives avec deux couples d’amorces différents.

– la détection de l’ARN VHC par PCR permet d’affirmer l’existence d’une réplication virale.

Virus de l’hépatite D :

– Le virus D (ou virus delta) est un virus défectif qui dépend du virus B pour sa multiplication. Il s’agit d’un virus unique en son genre en pathologie humaine, qui s’apparente aux viroïdes et à certains virus satellites des plantes.

– Son génome est un ARN circulaire simple brin de 1 700 nucléotides de polarité négative.

– Ce génome code pour une protéine : l’antigène delta. L’ARN et la protéine delta sont contenus dans une enveloppe constituée d’antigène HBs.

– Cette caractéristique implique que les anticorps anti-HBs sont protecteurs contre l’infection par le virus delta : l’injection d’immunoglobulines anti-HBs et la vaccination contre le virus B protègent contre l’infection par le virus D.

Virus de l’hépatite E :

– Le virus de l’hépatite E (VHE) est un virus non enveloppé, de 33 nm, qui fait partie de la famille des Calicivirus.

– Son génome est un ARN monobrin de polarité positive, d’environ 7 600 nucléotides.

– Les particules virales ont été mises en évidence en microscopie électronique dans les selles des malades.

– Le séquençage récent du génome du virus E a permis la mise au point de tests sérologiques (anti-VHE) et pourrait permettre l’élaboration d’un vaccin.

Virus de l’hépatite G :

– Récemment, un virus faisant partie de la famille des Flaviviridae, susceptible d’entraîner une hépatite, a été identifié.

– Ce virus, appelé virus de l’hépatite G (VHG), a une structure voisine de celle du VHC.

– On dispose actuellement de méthodes de détection de l’ARN VHG (par PCR) et de détection des anticorps dirigés contre l’enveloppe du virus.

– Des études récentes suggèrent que ce virus est peu pathogène et n’est pas impliqué dans la grande majorité des hépatites aiguës ou chroniques indéterminées (non-A, non-B).

ÉPIDÉMIOLOGIE :

Infection par le virus de l’hépatite A :

L’infection par le VHA est la cause la plus fréquente d’hépatite aiguë (plus de 50 % des cas).

– La transmission se fait par voie entérale (eau et aliments contaminés par des matières fécales, coquillages ramassés dans les eaux de mer contaminées par des égouts).

– L’hépatite A survient habituellement au cours de l’enfance ou chez l’adulte jeune (50 % des cas avant l’âge de 30 ans).

– Elle peut réaliser de petites épidémies dans des collectivités (crèches, écoles, casernes, etc.).

– Le taux de transmission intrafamiliale à partir d’un sujet infecté est élevé, de l’ordre de 20 % chez les adultes et de 45 % chez les enfants.

– Avec l’amélioration de l’hygiène, l’âge moyen de survenue de la maladie a augmenté au cours des dernières années et il n’est pas rare actuellement d’observer une hépatite aiguë A chez un sujet âgé.

Infection par le virus de l’hépatite B :

Il existe dans le monde 300 millions de porteurs chroniques du VHB.

– Dans les régions hyperendémiques, comme l’Asie ou l’Afrique noire, la transmission du virus a lieu à la naissance ou dans l’enfance.

– Lorsque la mère est atteinte d’une infection chronique avec multiplication virale (présence d’ADN VHB dans le sérum), le risque de transmission au nouveau-né est très important (90 %).

– Lorsque le nouveau-né est infecté, il devient le plus souvent porteur chronique (90 %).

– Dans les régions de faible endémie, comme l’Europe ou l’Amérique du Nord, moins de 10 % de la population a été en contact avec le virus de l’hépatite B.

– Les enquêtes faites chez les donneurs de sang indiquent que les porteurs chroniques de l’antigène HBs représentent environ 0,2 à 0,5 % de la population.

– La transmission se fait généralement à l’âge adulte, par voie sexuelle ou par le sang. Ainsi, l’infection par le virus B touche surtout des groupes à risque.

– L’hépatite B post-transfusionnelle est très rare du fait de la recherche systématique chez les donneurs de sang de l’antigène HBs et de l’anticorps anti-HBc.

Infection par le virus de l’hépatite C :

L’infection par le virus C est fréquente en France : on considère que 500 000 sujets ont une infection chronique par le VHC.

Dans les autres pays occidentaux, la prévalence varie de 0,3 à 1,2 %. En Asie et en Afrique, la prévalence est de l’ordre de 5 %.

– Il semble qu’au moins 50 % des sujets porteurs de l’anticorps anti-VHC soient atteints d’une infection chronique avec virémie détectable par PCR et qu’un grand nombre d’entre eux soient atteints d’une hépatite chronique.

– Les sujets ayant une virémie ont dans 80 % des cas un taux de transaminases élevé. Ainsi, 20 % des sujets atteints d’une infection chronique ont des transaminases normales.

– L’infection par le virus C est surtout transmise par le sang ou par du matériel souillé par du sang contaminé.

– L’hépatite C était la plus fréquente des hépatites post-transfusionnelles (90 %). Depuis le 1er mars 1990, avec le dépistage systématique de l’anti-VHC par test ELISA chez les donneurs de sang, l’hépatite C post-transfusionnelle est devenue exceptionnelle.

– L’hépatite C est également très fréquente chez les toxicomanes intraveineux : 80 à 90 % d’entre eux sont infectés.

– Les formes sporadiques (sans source de contamination connue) sont également fréquentes.

– Le mode de contamination semble être surtout transcutané (matériel contaminé).

– Parmi le personnel de santé, le risque d’hépatite C après piqûre accidentelle est de l’ordre de 5 %.

– La transmission sexuelle et la transmission verticale du VHC semblent possibles mais relativement rares.

Infection par le virus de l’hépatite D :

L’infection par le virus D est rare en France où elle atteint essentiellement les toxicomanes intraveineux.

– Elle est plus fréquente dans certaines régions comme le Bassin méditerranéen (en particulier en Italie, où le virus D a été mis en évidence), l’Europe de l’Est et dans certains pays d’Amérique du Sud et d’Afrique noire.

– L’infection par le virus D est curieusement plus rare dans d’autres régions de forte endémie pour le virus B comme la République populaire de Chine et l’Asie du Sud-Est.

– En France, chez les toxicomanes, l’infection par le virus D est souvent associée à une infection par le VHC ou le VIH.

Infection par le virus de l’hépatite E :

L’infection par le virus E est exceptionnelle en France où elle touche essentiellement les voyageurs de retour de pays d’endémie.

– La transmission se fait, comme pour le virus A, par voie entérale (aliments ou eau de boisson contaminés par des matières fécales).

– L’infection par le virus de l’hépatite E pose un problème majeur de santé publique dans les régions en voie de développement comme l’Inde, l’Asie du Sud-Est, l’Afrique et l’Amérique du Sud. Dans ces régions, l’infection est responsable de grandes épidémies qui peuvent toucher des centaines de milliers d’habitants avec une incidence de l’ictère, dans la population, de l’ordre de 2 %.

– L’ictère semble être particulièrement fréquent chez les femmes enceintes (jusqu’à 15 %).

Hépatites virales aiguës :

Les virus A, B, C et plus rarement les virus D et E sont responsables de la grande majorité des hépatites aiguës en France.

Les hépatites dues aux autres virus, comme les Herpès virus (Herpès virus simplex, virus d’Epstein-Barr, Cytomégalovirus), sont plus rares et habituellement modérées et asymptomatiques.

La prévalence des hépatites virales aiguës diagnostiquées est de l’ordre de 1 cas pour 1 000 habitants par an.

– Mais ce chiffre est probablement sous-estimé car la plupart des hépatites virales aiguës sont anictériques ou totalement asymptomatiques et donc non diagnostiquées.

– La prévalence est également très différente en fonction de la population étudiée : l’hépatite virale aiguë est plus fréquente chez les sujets jeunes par exemple.

DIAGNOSTIC D’HÉPATITE VIRALE AIGUË :

Circonstances du diagnostic

Le diagnostic d’hépatite virale aiguë est facilement évoqué devant l’apparition d’un ictère.

Cependant, les formes ictériques représentent moins de 10 % des cas et une hépatite virale aiguë doit être recherchée systématiquement devant un certain nombre de symptômes, parfois trompeurs : syndrome grippal, asthénie, troubles digestifs, douleurs abdominales, céphalées, prurit, urticaire, arthralgies, etc.

Diagnostic différentiel

– Il est habituellement facile d’éliminer une autre cause d’ictère ou d’élévation des transaminases telle que : pathologie biliaire, hépatite alcoolique.

– Il est parfois plus difficile d’éliminer une hépatite aiguë médicamenteuse, une poussée aiguë d’une hépatite virale chronique méconnue.

Eléments du diagnostic

Le diagnostic repose sur :

– la notion de contage.

– le dosage des transaminases (habituellement très élevées, entre 10 et 100 fois la normale).

– et des recherches sérologiques simples :

–  IgM anti-VHA.

–  antigène HBs.

–  IgM anti-HBc et anti-VHC.

Le diagnostic étiologique est important car l’évolution est différente selon le virus en cause.

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE :

Hépatite aiguë A :

– L’incubation est courte, de l’ordre de 2 à 4 semaines.

– L’hépatite A est le plus souvent asymptomatique (90 % des cas) et est pratiquement toujours bénigne. Elle est exceptionnellement grave (1 cas sur 10 000) et ne devient jamais chronique.

– Le diagnostic est affirmé par la présence de l’anticorps anti-VHA de type IgM.

– Elle peut être associée à une autre infection transmise par voie hydrique (salmonellose, hépatite E).

Hépatite aiguë B :

–  L’incubation est longue, de 6 semaines à 4 mois.

– L’hépatite aiguë B est le plus souvent asymptomatique (90 % des cas). L’hépatite aiguë B est grave dans 1 cas sur 1 000 et devient chronique dans moins de 10 % des cas (plus fréquemment chez les hommes).

– Le diagnostic est évoqué sur la notion de contage ou la notion de groupe à risque.

– Il est affirmé par la présence de l’antigène HBs et/ou de l’anticorps anti-HBc de type IgM.

– La présence de l’IgM anti-HBc à un taux élevé est en faveur d’une hépatite aiguë B mais ne permet pas d’éliminer formellement une exacerbation d’une hépatite chronique B jusque-là méconnue.

– La persistance de l’antigène HBs plus de 6 mois définit le passage à la chronicité et nécessite un bilan dans un service spécialisé et, éventuellement, un traitement antiviral.

– L’hépatite B fait partie des maladies sexuellement transmissibles et doit faire rechercher systématiquement une autre maladie sexuellement transmissible associée : infection par le virus du SIDA (VIH) et la syphilis.

Hépatite aiguë D :

– Le virus delta est responsable d’hépatites aiguës de co-infection (infection simultanée B et delta) et de surinfection (infection delta chez un porteur chronique du virus B).

– Le diagnostic d’hépatite aiguë D repose sur la présence d’antigène delta ou d’anticorps anti-delta dans le sérum.

– L’antigène HBs est habituellement positif dans la co-infection et la surinfection mais, dans certains cas, il devient rapidement non détectable.

– L’anticorps anti-HBc de type IgM est positif en cas de co-infection et négatif en cas de surinfection.

– L’hépatite grave est fréquente dans le cas de la co-infection. L’évolution vers l’hépatite chronique delta est la règle générale dans le cas de la surinfection.

Hépatite aiguë C :

– L’incubation de l’hépatite aiguë C est de l’ordre de 4 à 6 semaines.

– Elle est généralement asymptomatique (90 %).

– Son diagnostic repose sur la notion de contage et l’élimination des autres causes d’hépatite aiguë :

– absence d’IgM anti-VHA, d’antigène HBs et d’IgM anti-HBc, absence de prise de médicaments hépatotoxiques.

– l’anticorps anti-VHC est positif au moment de l’hépatite aiguë C dans 50 % des cas ; dans 50 % des cas, l’anticorps anti-VHC apparaît tardivement (quelques semaines après l’épisode aigu)

– il faut refaire systématiquement une recherche de l’anticorps anti-VHC, sa positivation ultérieure permettra de confirmer le diagnostic d’hépatite aiguë C ;

– l’élévation du taux des transaminases est habituellement modérée. L’hépatite aiguë C n’est jamais grave. Elle devient chronique dans plus de 50 % des cas.

– La persistance de l’élévation du taux des transaminases plus de 6 mois nécessite un bilan dans un service spécialisé avec, éventuellement, un traitement antiviral.

Hépatite aiguë E :

– L’hépatite aiguë E est très rare en Occident où elle touche exclusivement les voyageurs de retour de régions d’endémie.

– L’incubation est de l’ordre de 2 à 3 semaines.

– Elle est souvent ictérique et s’accompagne de troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée).

– Le diagnostic peut être maintenant confirmé par la recherche des anticorps anti-VHE.

– Elle est habituellement bénigne mais elle peut être (rarement) grave.

– Les formes graves touchent particulièrement la femme enceinte ; la raison de ce phénomène est inconnue.

– L’hépatite E ne devient jamais chronique.

CONDUITE PRATIQUE DEVANT UNE HÉPATITE VIRALE AIGUË :

Mesures générales

– L’hépatite virale aiguë est le plus souvent bénigne.

– Il n’y a pas de traitement spécifique.

– Le traitement par l’interféron n’est justifié que dans l’hépatite aiguë C étant donné le risque très élevé de passage à la chronicité.

– Il faut, au contraire, éviter au maximum toute médication car le métabolisme hépatique des médicaments peut être fortement diminué et la toxicité des médicaments peut ainsi être fortement augmentée.

– Des mesures d’hygiène simples doivent être conseillées pour éviter la contamination de l’entourage (surtout pour l’hépatite A et l’hépatite E, à transmission féco-orale).

Enquête

– Une enquête doit être faite afin de déterminer la source de contamination :

– aliments ou eau contaminés pour l’hépatite A ou E.

– sujet porteur chronique pour l’hépatite B, l’hépatite C ou l’hépatite delta.

– Une enquête familiale doit être réalisée dans tous les cas car une ou plusieurs personnes de l’entourage peuvent être déjà atteintes : dosage des transaminases et recherche des marqueurs sérologiques.

– Sans attendre les résultats des examens, il faut débuter l’immunoprophylaxie : injection d’immunoglobulines non spécifiques pour l’hépatite A, injection d’immunoglobulines spécifiques anti-HBs pour l’hépatite B et l’hépatite delta.

– En fonction des résultats sérologiques, une vaccination contre l’hépatite A ou l’hépatite B sera effectuée chez les sujets séronégatifs de l’entourage.

Recherche de signes de gravité

– La mesure du taux de prothrombine doit être systématique ; s’il est inférieur à 50 %, il s’agit d’une hépatite sévère et le malade doit être hospitalisé pour surveillance.

– La survenue de troubles du comportement ou d’une somnolence ou d’un astérixis signe l’hépatite grave (fulminante) qui nécessite une hospitalisation d’urgence dans un service spécialisé pour une éventuelle transplantation hépatique.

Hépatites virales chroniques :

En France, les infections par les virus B, C et D sont responsables de plus de 90 % des hépatites chroniques.

–  L’hépatite virale chronique est définie biologiquement par la persistance d’une élévation du taux des transaminases plus de 6 mois après une hépatite virale aiguë.

– Cependant, l’hépatite virale aiguë est le plus souvent asymptomatique et non diagnostiquée. En outre, l’hépatite virale chronique est également le plus souvent asymptomatique. Ainsi, l’hépatite virale chronique est, en général, découverte tardivement et de manière fortuite.

–  L’hépatite chronique est définie histologiquement par l’existence de lésions hépatiques associant, à un degré variable en fonction du stade et de l’activité de la maladie, une nécrose hépatocytaire, un infiltrat inflammatoire constitué de cellules mononucléées et de la fibrose.

– Les hépatites virales chroniques actives peuvent évoluer vers la cirrhose.

– Les cirrhoses dues aux hépatites chroniques virales représentent un risque majeur de survenue d’un carcinome hépato-cellulaire.

– Il est donc important de diagnostiquer précocement les hépatites virales chroniques afin de les traiter. Des progrès importants ont été faits dans leur traitement, en particulier avec l’interféron alpha.

DIAGNOSTIC POSITIF :

– L’hépatite virale chronique peut être totalement asymptomatique.

– Le symptôme le plus fréquent est l’asthénie, qui est variable d’un malade à un autre et qui peut varier dans le temps chez un même malade. Cette asthénie peut simuler un syndrome dépressif.

– Parfois, le patient se plaint de douleurs de l’hypocondre droit, souvent modérées et intermittentes.

– Il n’est pas rare que la maladie soit découverte au stade de cirrhose lors d’une complication (ascite, ictère ou hémorragie digestive).

– L’hépatite chronique est souvent découverte à l’occasion d’un bilan sanguin systématique ou d’un don du sang. En effet, lors du don du sang, la recherche de l’antigène HBs, de l’anticorps anti-HBc, de l’anticorps anti-VHC et le dosage de l’ALT sont faits systématiquement.

– L’examen clinique est le plus souvent normal.

– Parfois, il existe une hépatomégalie.

– A un stade tardif, en cas de cirrhose, on peut retrouver des signes cliniques d’insuffisance hépato-cellulaire ou d’hypertension portale.

– L’anomalie biologique constamment retrouvée est l’élévation du taux des transaminases qui est habituellement modérée (entre une et cinq fois la normale).

– Les transaminases SGPT (ALT) sont supérieures aux transaminases SGOT (AST) en l’absence de cirrhose ; l’inverse est observé en cas de cirrhose.

– Les gamma GT sont habituellement modérément élevées (entre une et trois fois la normale) ; leur élévation est habituellement proportionnelle à l’élévation du taux des transaminases.

– Les phosphatases alcalines sont habituellement normales.

– Les gammaglobulines sont normales ou modérément élevées en l’absence de cirrhose.

– La bilirubine n’est élevée et le temps de Quick n’est abaissé qu’en cas d’insuffisance hépatique due à une cirrhose.

DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE :

Le diagnostic étiologique repose essentiellement sur les sérologies virales.

Hépatite chronique B :

Après une hépatite aiguë B symptomatique, le diagnostic de passage à l’hépatite chronique B est suspecté si la recherche de l’antigène HBs (qui doit être refaite systématiquement après 6 mois) reste positive.

En cas d’hépatite aiguë B passée inaperçue car peu ou pas symptomatique (cas le plus fréquent), le diagnostic d’hépatite chronique B est suspecté sur la découverte de l’antigène HBs (lors d’un examen systématique ou d’un don du sang).

Portage chronique du virus B

Le portage chronique du virus B est affirmé par l’absence d’anticorps anti-HBc de type IgM.

Classiquement, on admet que parmi les porteurs chroniques du virus B :

– environ un tiers sont porteurs sains de l’antigène HBs.

– un tiers ont une hépatite chronique persistante.

– et un tiers ont une hépatite chronique active.

Cependant, cette classification est artificielle car, au cours de l’évolution, il y a souvent passage d’une de ces trois formes à une autre.

Actuellement, on préfère au terme d’hépatite chronique persistante celui d’hépatite chronique peu active. La persistance ou la découverte de l’antigène HBs nécessite donc toujours un bilan précis et une surveillance.

Portage sain de l’antigène HBs

– On ne peut parler de portage sain de l’antigène HBs qu’à deux conditions :

–  transaminases strictement normales lors de plusieurs bilans successifs.

–  absence de multiplication virale affirmée par l’absence d’ADN VHB dans le sérum.

Il faut savoir que, même dans ces conditions, il peut exister des lésions hépatiques importantes avec fibrose ou cirrhose, constituées antérieurement et seule la biopsie hépatique peut permettre de faire le bilan exact de la maladie du foie.

En outre, une réactivation de l’hépatite peut survenir chez un porteur apparemment sain de l’antigène HBs. C’est dire l’importance de la surveillance régulière du porteur sain.

– L’absence de l’antigène Hbe et la présence de l’anticorps anti-HBe n’éliminent pas forcément l’existence d’une multiplication du virus B ; la recherche de l’ADN VHB est plus sensible :

– en effet, une multiplication virale avec ADN détectable en l’absence d’antigène HBe peut se voir dans le cas d’une infection par un virus B ayant une mutation dans la région pré-C du génome ;

– ce type d’infection est particulièrement fréquent dans le Bassin méditerranéen (voir paragraphe sur l’hépatite chronique B antigène HBe négatif).

Evolution de l’hépatite chronique B

L’hépatite chronique B évolue schématiquement en trois phases.

– La première phase est caractérisée par une forte multiplication virale (ADN viral présent en grande quantité dans le sérum) et une faible activité biologique (transaminases peu élevées) et histologique (aspect d’hépatite chronique peu active à la biopsie du foie). La dissociation entre la forte multiplication virale et la faible activité de l’hépatite est due à une faible réponse immunitaire avec une tolérance vis-à-vis des cellules hépatiques infectées par le VHB.

– La deuxième phase, qui survient après un délai variable qui est en général de quelques années, est caractérisée par une augmentation de la réponse immunitaire avec une augmentation de l’activité de l’hépatite et une diminution de la multiplication virale.

– Pendant cette deuxième phase, les transaminases sont plus élevées, les lésions histologiques (nécrose et inflammation) sont importantes et c’est à ce stade que se constitue la fibrose avec au maximum une cirrhose.

– La multiplication virale est modérée ou faible (ADN viral présent en quantité moyenne ou faible dans le sérum).

– Cette phase de réaction immunitaire vis-à-vis des cellules hépatiques infectées par le VHB peut aboutir à une élimination des cellules hépatiques dans lesquelles le VHB se multiplie et elle aboutit alors à une disparition de la multiplication virale (ADN non détectable dans le sérum) et à une séroconversion HBe (disparition de l’antigène HBe et apparition d’anticorps anti-HBe).

– Cette situation caractérise la troisième phase de la maladie avec absence de multiplication virale détectable et absence d’activité (transaminases normales, disparition de la nécrose et de l’inflammation dans le foie).

– A ce stade, il persiste un risque de réactivation de l’hépatite avec réapparition d’une multiplication virale détectable, réascension des transaminases et réapparition de lésions histologiques d’activité.

– Cette réactivation est due à une augmentation de la multiplication virale qui persistait jusqu’alors silencieusement à un niveau faible (uniquement détectable par PCR).

– La réactivation est caractérisée par la réapparition des marqueurs de multiplication virale (ADN VHB avec ou sans AgHBe) et par une reprise de l’activité de l’hépatite chronique.

– Les épisodes de réactivation peuvent se développer spontanément ou être provoqués par un traitement immunosuppresseur.

– La réactivation peut réaliser un tableau d’hépatite aiguë sévère ou fulminante.

– Pendant cette troisième phase, il peut se produire une séroconversion HBs après un délai variable de plusieurs mois à plusieurs années.

Chez les malades atteints d’hépatite chronique B, l’incidence de la cirrhose est estimée à environ 2 % par an.

Chez les malades atteints de cirrhose B, l’incidence du carcinome hépato-cellulaire est élevée, de l’ordre de 6 % par an, justifiant une surveillance systématique (alpha-fœtoprotéine et échographie).

Hépatite chronique B antigène HBe négatif :

Chez un certain nombre de malades atteints d’hépatite chronique B, il existe une multiplication virale avec détection d’ADN VHB dans le sérum en l’absence d’antigène HBe et en présence d’anticorps anti-HBe.

– Cette situation est particulièrement fréquente dans les pays du Bassin méditerranéen (notamment le sud de l’Italie). En France, cette forme d’hépatite chronique B représente environ 20 % des cas.

– Chez de tels malades, il a été mis en évidence une infection par des VHB ayant subi une ou plusieurs mutations dans la région préC, avec apparition d’un codon stop, bloquant la transcription et donc la synthèse de l’AgHBe.

– L’apparition de ces mutations dans la région préC du génome viral pourrait être induite par la pression immunitaire.

– En particulier, un traitement par l’interféron pourrait favoriser leur apparition.

– L’absence de synthèse de l’AgHBe pourrait modifier la réponse immunitaire de l’hôte et donc la pathogénie des lésions hépatiques.

– Ce type de VHB pourrait entraîner des hépatites chroniques d’évolution plus sévère marquée par des fluctuations importantes de la multiplication virale.

Hépatite chronique D :

L’infection par le virus D doit être recherchée chez un sujet à risque (toxicomane) atteint d’une hépatite chronique antigène HBs positif.

– Son diagnostic repose sur la mise en évidence de la présence d’anticorps anti-delta dans le sérum.

– La multiplication du virus delta s’accompagne de la présence d’IgM anti-delta dans le sérum et d’antigène delta dans le noyau des hépatocytes.

– L’antigène delta est habituellement non détectable dans le sérum chez les malades immunocompétents mais il peut être détectable chez certains malades immunodéprimés comme les patients atteints d’infection par le VIH.

– L’ARN viral peut être détecté dans le sérum et dans le foie par hybridation mais cette technique n’est pas disponible en routine. Habituellement, l’infection par le virus delta inhibe la multiplication du virus B : l’antigène HBe est négatif, l’anticorps anti-HBe est positif et l’ADN du VHB est non détectable.

– L’hépatite chronique delta peut être sévère et évoluer rapidement vers la cirrhose. Le risque de carcinome hépato-cellulaire semble équivalent à celui observé dans la cirrhose due au virus B.

– Chez les toxicomanes, l’infection par le virus delta est souvent associée à une infection par le virus de l’hépatite C ou le VIH.

Hépatite chronique C :

Eléments du diagnostic

Le diagnostic d’hépatite chronique C repose essentiellement sur :

– la notion de facteurs de risque (transfusions, toxicomanie, exposition professionnelle aux produits sanguins) ;

– la recherche de l’anticorps anti-VHC.

Cependant, il faut savoir qu’aucun contage viral évident n’est retrouvé dans environ 25 % des cas d’hépatite chronique C (formes sporadiques).

Circonstances du diagnostic

L’hépatite chronique C est souvent asymptomatique et ne se manifeste que par une élévation du taux des transaminases qui peut être très modérée ou même fluctuer avec des périodes plus ou moins prolongées pendant lesquelles les transaminases sont normales.

– Ainsi, l’hépatite chronique C est le plus souvent méconnue ou négligée et elle est découverte à l’occasion d’un bilan systématique.

– Parfois, la maladie du foie est découverte au stade de cirrhose.

– Parmi les sujets ayant une infection chronique par le VHC :

– 20 % ont une forme dite avec un taux de transaminases normal ;

– 40 % ont une hépatite chronique peu active ;

– et 40 % ont une hépatite chronique active.

Evolution

– L’hépatite chronique active C évolue dans environ 20 % à 30 % des cas vers la cirrhose en 10 à 20 ans.

– Au stade de cirrhose, le risque de carcinome hépato-cellulaire est important (incidence annuelle de l’ordre de 4 %).

– Ce risque justifie une surveillance systématique de l’échographie hépatique et de l’alpha-fœtoprotéine.

– Il est important de reconnaître l’hépatite chronique C afin de dépister les formes actives qui risquent d’évoluer vers la cirrhose et les traiter précocement.

Hépatite chronique non B-non C :

Etiologie

Il persiste un certain nombre de cas d’hépatite chronique d’étiologie indéterminée : environ 5 % en France. Ils pourraient être liés à un ou plusieurs autres virus.

L’un d’entre eux a été identifié récemment : le virus de l’hépatite G. Mais ce nouveau virus n’explique pas les cas indéterminés.

D’autres virus restent certainement à découvrir.

Autres causes rares

Il faut dans tous les cas éliminer les autres causes rares d’hépatite chronique :

–  hépatite auto-immune (surtout chez la femme) par la recherche des anticorps antitissus (antimuscle lisse, anti-LKM1).

–  hépatite médicamenteuse en arrêtant systématiquement tout médicament suspect et non indispensable ;

–  maladie de Wilson (chez un sujet jeune) par le dosage de la céruloplasmine et de la cuprémie ;

– exceptionnel déficit en alpha-1-antitrypsine par son dosage.

Traitement :

Le traitement des hépatites chroniques virales a fait des progrès importants au cours des dernières années, grâce à l’utilisation de l’interféron alpha.

Le traitement a pour objectif d’arrêter la multiplication virale afin d’arrêter l’activité de l’hépatite chronique et d’éviter l’évolution vers la cirrhose et le carcinome hépato-cellulaire.

Il est donc logique de traiter l’hépatite virale chronique à un stade précoce, avant le stade de cirrhose.

INTERFERON-ALPHA :

Hépatite chronique B :

– Un traitement est indiqué dans les formes actives sur les plans biologique et histologique avec présence d’une multiplication du virus B objectivée par la présence d’ADN VHB dans le sérum.

– Le traitement est en principe contre-indiqué au stade de cirrhose :

– avec insuffisance hépatique sévère (temps de Quick inférieur à 50 %).

– ou avec complication (ascite, encéphalopathie ou hémorragie digestive).

– ou thrombopénie (moins de 50 000 plaquettes par mm3).

– ou neutropénie (moins de 1 000 polynucléaires par mm3).

– Au cours du traitement par l’interféron alpha :

– on observe, dans un premier temps, une diminution assez rapide de la multiplication virale, reflétée par une diminution de l’ADN VHB sérique, correspondant à l’effet antiviral de l’interféron.

– puis dans un deuxième temps (environ 2 mois plus tard), on observe une augmentation du taux des transaminases correspondant à l’effet immunomodulateur de l’interféron.

– Le traitement par l’interféron alpha permet d’obtenir un arrêt de la multiplication virale et une rémission de l’hépatite chronique dans environ un tiers des cas.

– Il ressort un certain nombre de facteurs de bonne ou de mauvaise réponse au traitement.

– En particulier, l’infection par le VIH semble diminuer l’effet antiviral de l’interféron.

– Le traitement semble moins efficace chez les malades atteints d’hépatite chronique due à l’infection par un VHB mutant, avec absence d’antigène HBe (mutant préC), essentiellement à cause du plus grand nombre de réactivations après traitement.

– La survenue de l’infection par le virus B à la naissance ou tôt dans la vie (comme c’est souvent le cas dans les pays de forte endémie comme ceux de l’Asie) semble être un facteur de mauvaise réponse.

– En règle générale, toute dépression immunitaire diminue la réponse au traitement.

– On utilise une dose de l’ordre de 5 ou 6 millions d’unités, par voie sous-cutanée, trois fois par semaine, pendant 6 mois, ce qui permet d’obtenir une bonne efficacité avec une tolérance satisfaisante.

– De nombreux analogues des nucléosides ont un effet antiviral sur le virus B.

– L’ARA-AMP (VIRA MP*) est moins efficace que l’interféron et a une toxicité neurologique.

– De nouveaux analogues nucléosidiques actuellement à l’étude (lamivudine, famciclovir) pourraient être intéressants soit en monothérapie soit en association avec l’interféron alpha.

– Des immunomodulateurs comme la thymosine ou l’interleukine 12 pourraient être développés dans l’avenir.

– Un traitement corticoïde précédant le traitement par l’interféron alpha pourrait améliorer l’efficacité du traitement dans un sous-groupe de malades avec forte multiplication et hépatite chronique faiblement active.

– Le traitement corticoïde bref (4 semaines) a pour but d’entraîner lors de son arrêt brutal un “ rebond immunitaire ” avec augmentation de la lyse des cellules hépatiques infectées, phénomène qui s’ajoute à l’effet de l’interféron ou favorise celui-ci.

– L’utilisation des corticoïdes est dangereuse chez les malades atteints de cirrhose chez lesquels l’augmentation de la cytolyse hépatique peut entraîner une insuffisance hépatique grave.

Hépatite chronique D :

Seul l’interféron alpha semble avoir une certaine efficacité dans le traitement de l’hépatite chronique delta.

– La réponse observée avec l’interféron alpha est inconstante, souvent partielle et transitoire.

– Pour obtenir une réponse complète sans rechute, il faut utiliser une dose élevée d’interféron (9 ou 10 millions d’unités, trois fois par semaine) pendant un an.

Hépatite chronique C :

Dans l’hépatite chronique C, l’effet de l’interféron est rapide avec, en cas de réponse, une normalisation du taux des transaminases dès le premier mois de traitement.

Cet effet rapide et l’absence d’élévation du taux des transaminases comme cela est observé dans l’hépatite chronique B suggère que, contrairement à l’hépatite B, les lésions hépatiques induites par l’infection par le virus C sont davantage liées à une cytotoxicité directe du virus qu’à des mécanismes immunologiques.

– Cependant des mécanismes immunologiques jouent probablement un rôle non négligeable.

– L’interféron alpha agit essentiellement par son effet antiviral comme l’indique clairement la diminution de la virémie sous traitement.

– Chez les malades répondeurs, une disparition de l’ARN viral sérique (PCR) est observée rapidement sous traitement.

– Plusieurs études contrôlées ont confirmé que l’interféron entraînait une normalisation du taux des transaminases chez environ la moitié des malades traités. Dans ces études, une diminution de l’activité histologique a été mise en évidence sous traitement.

– Le schéma thérapeutique habituellement utilisé est le suivant : une injection sous-cutanée, trois fois par semaine, pendant une durée allant jusqu’à 1 an chez les malades répondeurs.

– En cas d’absence de réponse (absence de normalisation du taux des transaminases) au cours des 3 premiers mois de traitement, la poursuite du traitement semble inutile.

– Les malades avec cirrhose répondent moins bien et les malades dont l’infection est plus récente répondent mieux.

– Le génotype du virus joue un rôle important. On constate en effet un meilleur taux de réponse chez les malades infectés par un génotype 2 ou 3 que chez ceux infectés par un génotype 1 ou 4.

– Le niveau de multiplication virale semble également jouer un rôle important : les malades ayant une forte concentration sérique d’ARN viral répondent moins bien que les autres.

– Le traitement par interféron semble être efficace au stade aigu de l’hépatite en diminuant le risque de passage à la chronicité.

–  Après l’arrêt du traitement, environ la moitié des malades répondeurs pendant le traitement rechutent dans les 3 mois.

– La rechute est probablement due à la persistance d’une multiplication virale malgré le traitement.

– Chez les malades avec réponse complète prolongée (taux de transaminases normal de manière prolongée après le traitement), une amélioration histologique est observée avec une quasi-disparition de l’activité de l’hépatite chronique.

– Chez les malades avec rechute, un retraitement par l’interféron peut parfois entraîner une réponse complète et prolongée.

– Chez les malades non répondeurs au traitement, des études en cours évaluent l’effet d’un traitement avec une dose plus forte ou une durée supérieure. L’association de la ribavirine (analogue nucléosidique) à l’interféron alpha pourrait augmenter significativement le taux de réponse. Des études préliminaires suggèrent que cette association pourrait entraîner 40 % de réponses prolongées.

TRANSPLANTATION :

La transplantation hépatique est indiquée en cas de cirrhose sévère, c’est-à-dire avec un TP inférieur à 50 % et/ou compliquée d’ascite.

Elle pose essentiellement le problème de la récidive de l’infection virale sur le foie transplanté. La récidive de l’infection est de mauvais pronostic pour l’hépatite B mais semble moins sévère pour les hépatites D et C.

Chez les malades atteints de cirrhose B, le risque d’infection du greffon est diminué par l’administration d’immunoglobulines anti-HBs à forte dose.

– Malgré cette immunoprophylaxie, le risque reste très élevé (80 %) lorsqu’il existe une multiplication virale (ADN viral détectable dans le sérum) avant la transplantation et non négligeable (20 %) lorsqu’il n’existe pas de multiplication virale détectable avant la transplantation.

–  L’infection du greffon peut entraîner une hépatite aiguë parfois sévère, voire fulminante, et entraîne le plus souvent une hépatite chronique évoluant rapidement vers la cirrhose.

Chez les malades atteints de cirrhose delta, avec une immunoprophylaxie anti-HBs, l’infection par le virus delta récidive rarement sur le greffon et, en général, n’entraîne ni hépatite aiguë ni hépatite chronique.

Chez les malades atteints de cirrhose C, l’infection par le virus C récidive toujours sur le greffon.

– La réinfection peut entraîner une hépatite aiguë et est souvent responsable d’une hépatite chronique.

– L’hépatite chronique C du greffon est d’évolution moins sévère que l’hépatite chronique B et évolue plus lentement vers la cirrhose.

Après la transplantation, en cas de récidive de l’infection virale B, C ou delta, l’utilisation de l’interféron alpha est difficile étant donné le risque de rejet favorisé par l’effet immunomodulateur de l’interféron.

– Par ailleurs, ce traitement est peu efficace probablement à cause de la forte multiplication virale induite par l’immunosuppression.

– L’utilisation d’analogues nucléosidiques (famciclovir et lamivudine pour le VHB, ribavirine pour le VHC) administrés avant ou après la transplantation afin de prévenir ou traiter la récidive est à l’étude.

EFFETS INDESIRABLES DE L’INTERFÉRON ALPHA :

L’administration d’interféron alpha aux doses utilisées dans le traitement des hépatites virales chroniques (3 à 10 MU) entraîne des effets indésirables fréquents qui sont dominés par le syndrome pseudo-grippal et des effets secondaires rares qui dépendent du terrain.

Syndrome grippal

Le syndrome grippal est pratiquement constant ; il associe des frissons, de la fièvre, une asthénie, des courbatures et des céphalées.

– Ces symptômes apparaissent 1 à 2 heures après l’injection d’interféron ; ils diminuent progressivement au cours du traitement.

– Le syndrome grippal est habituellement bien contrôlé par la prise de paracétamol : 1 g avant l’injection d’interféron, puis 1 à 3 g au cours des 24 heures qui suivent l’injection d’interféron.

– La tolérance est meilleure si l’injection d’interféron est faite le soir, au coucher.

Autres effets indésirables

Un certain nombre d’autres effets indésirables sont également fréquents : nausées, anorexie, amaigrissement, érythème ou prurit au point d’injection. Tous ces effets indésirables fréquents sont habituellement modérés ou bénins et ne nécessitent pas un arrêt du traitement ; ils disparaissent rapidement après l’arrêt du traitement.

Effets secondaires rares

Les effets secondaires rares dépendent habituellement du terrain.

– Ils peuvent être graves et nécessiter l’arrêt immédiat du traitement.

– Parmi ceux-ci, les plus fréquents sont le syndrome dépressif qui peut être sévère ; il survient habituellement chez un malade ayant des antécédents de dépression.

– Rarement, une cardiomyopathie ou une pneumopathie interstitielle peut être observée.

– Une hypothyroïdie ou une hyperthyroïdie, probablement due à une thyroïdite auto-immune, peut être observée.

– Cet effet secondaire a essentiellement été observé dans le traitement des malades atteints d’hépatite chronique C.

– Un bilan thyroïdien (TSH) est indispensable avant et pendant un traitement par l’interféron.

– Des cas d’aggravation d’une maladie auto-immune peuvent être observés sous interféron (hépatite chronique auto-immune, purpura thrombopénique idiopathique, polyarthrite rhumatoïde, sclérose en plaques).

VACCINATION :

Hépatite A :

Le vaccin contre l’hépatite A est préparé à partir du virus A cultivé sur cellules d’origine humaine, purifié et inactivé.

– Ce vaccin confère une immunité contre le VHA en induisant la production d’anticorps spécifiques anti-VHA.

– On observe une réponse chez 99 % des sujets vaccinés.

– Après vaccination avec deux doses, séparées de 15 à 30 jours, l’immunité persiste pendant plus de 1 an. Une injection de rappel doit être effectuée 6 à 12 mois après la première injection.

– Cette vaccination est recommandée aux sujets non immunisés (absence d’anticorps IgG anti-VHA) ayant un risque d’exposition au VHA. Il s’agit essentiellement des voyageurs allant dans des régions de forte endémie (pays en voie de développement) et des militaires.

Hépatite B :

Le vaccin contre le virus B est constitué d’antigène HBs.

Les vaccins actuellement disponibles sont produits par génie génétique : ils contiennent de l’antigène HBs recombinant le produit par des cultures de cellules dans lesquelles on a inséré le gène viral codant pour l’antigène HBs.

La vaccination comporte trois injections IM faites à 1 mois d’intervalle et un rappel à 1 an puis tous les 5 ans.

– La tolérance est excellente, avec une légère réaction locale dans 10 % des cas environ, et une réaction fébrile dans moins de 1 % des cas.

– Le vaccin n’est pas contre-indiqué chez la femme enceinte.

L’efficacité est de l’ordre de 90 à 95 %.

Un taux d’anticorps anti-HBs protecteur (supérieur à 10 mUI/l) est obtenu 2 à 3 mois après le début de la vaccination.

– Il est souhaitable que le taux des anticorps obtenu soit supérieur à 50 mUI/l afin d’avoir une protection durable.

– Si le taux des anticorps obtenu est insuffisant, il faut faire une ou plusieurs injections supplémentaires.

Les hommes de plus de 40 ans ont tendance à répondre moins bien. La réponse est relativement mauvaise chez les sujets dont l’immunité est altérée : patients hémodialysés, alcooliques, cirrhotiques.

La vaccination doit être systématique dans les groupes à risque et en particulier dans le personnel de santé : étudiants en médecine, médecins, infirmières et personnel de laboratoire.

– Il est préférable de vérifier les marqueurs sérologiques du virus B avant la vaccination (antigène HBs, anticorps anti-HBs et anticorps anti-HBc).

– La vaccination est sans danger mais inutile en cas de positivité de l’antigène HBs ou de l’anticorps anti-HBs.

– La vaccination est recommandée chez les nourrissons et les adolescents.

La protection n’étant obtenue par la seule vaccination qu’après au moins 2 mois.

– Il est nécessaire de procéder à une immunisation plus rapide dans le cas d’un risque de contamination :

– entourage familial d’un malade ayant une hépatite aiguë B.

– nouveau-né de mère ayant une hépatite aiguë B ou porteuse chronique de l’antigène HBs.

– personnes victimes d’une possible inoculation du virus (blessure avec une aiguille souillée par exemple).

– Dans ces cas, la vaccination doit être associée à une immunisation passive par une injection intramusculaire d’immunoglobulines spécifiques anti-HBs. Il est prudent de faire aussitôt que possible après la contamination (ou à la naissance) :

– un prélèvement pour rechercher les marqueurs du virus B.

– et sans en attendre les résultats faire simultanément une première injection de vaccin et une injection d’immunoglobulines spécifiques anti-HBs (5 ml au maximum pour l’adulte, 0,3 ml/kg pour le nouveau-né) en deux points d’injection différents.

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