Diarrhée chronique par malabsorption d’origine intestinale

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Les syndromes de malabsorption sont caractérisés par la présence en abondance, dans les selles, de produits normalement absorbées par l’intestion grêle et notamment de graisses (stéatorrhée) et de protides (créatorrhée). ces syndromes de malabsorption ont des causes multiples.

PHYSIOPATHOLOGIE :

Diarrhée chronique par malabsorption d'origine intestinaleAssimilation des aliments

L’assimilation des aliments passe par deux étapes :

– la digestion : hydrolyse des molécules alimentaires en nutriments.

–  l’absorption : transport des nutriments, de l’eau, des électrolytes et de certaines substances endogènes et exogènes de la lumière intestinale vers le milieu intérieur.

Digestion et absorption

– la digestion et l’absorption sont étroitement intriquées et se déroulent principalement, mais pas exclusivement, dans l’intestin grêle.

La digestion et l’absorption se déroulent en trois phases :

– une phase pré-entérocytaire : hydrolyse des hydrates de carbone, des graisses et des protéines par les enzymes pancréatiques et solubilisation des graisses par les sels biliaires.

– une phase entérocytaire : hydrolyse enzymatique, transport épithélial, et resynthèse de certaines substances.

– une phase postentérocytaire :

– transport des monosaccharides, acides aminés, acides gras, vitamines hydrosolubles et minéraux vers le système porte.

– et transport des chylomicrons et des VLDL (“ very low density lipoprotein ”) vers les ganglions lymphatiques mésentériques.

Causes

Les causes de malabsorption peuvent être schématiquement classées en :

– “ préabsorptives ” : maldigestion par insuffisance pancréatique exocrine ou insuffisance en sels biliaires.

– “ absorptives ” : altération des fonctions entérocytaires par lésion de l’entérocyte ou de son environnement immédiat.

– “ postabsorptives ” : perturbation du transport vers le sang ou les ganglions lymphatiques ou régurgitation des substances absorbées dans la lumière intestinale.

Conséquences

Conséquences de la malabsorption :

– la malabsorption globale se traduit par une diarrhée avec stéatorrhée et/ou des signes cliniques ou biologiques de carence :

– l’importance des manifestations cliniques est fonction de l’intensité du trouble fonctionnel, de la topographie et de l’étendue du processus pathologique et de son degré d’évolution.

– la malabsorption peut ainsi être latente, détectée par des tests dynamiques ou, à l’extrême, responsable d’une dénutrition majeure.

– l’installation d’une anorexie aggrave le syndrome carentiel tout en diminuant les signes coprologiques.

– les malabsorptions sélectives ont une expression clinique variable en fonction du déficit concerné :

– le déficit en disaccharidases entraîne un défaut de digestion des hydrates de carbone dont le pouvoir osmotique et le métabolisme bactérien sont causes de diarrhée hydroélectrolytique.

– la malabsorption sélective des sels biliaires est responsable d’une diarrhée par différents mécanismes : sécrétoire par effet laxatif, avec stéatorrhée, par insuffisance de formation des micelles.

– certaines malabsorptions spécifiques par anomalie génétique sont responsables de manifestations systémiques, mais ne s’accompagnent pas de diarrhée et ne seront pas envisagées dans le cadre de cette question.

Démarche diagnostique :

La démarche diagnostique devant un syndrome de malabsorption n’est pas univoque. On peut distinguer d’emblée deux situations :

– la cause de la diarrhée est connue mais son mécanisme est complexe : il faut rechercher une malabsorption, et en étudier le ou les mécanismes car ils conditionnent les orientations thérapeutiques, d’autant plus que le traitement étiologique n’est pas toujours possible ;

– le syndrome de malabsorption est révélateur : il faut savoir l’évoquer devant des signes coprologiques et/ou des signes carentiels, puis le confirmer par des tests fonctionnels et enfin en rechercher l’étiologie par des examens morphologiques. Nous envisagerons plus particulièrement cette seconde situation.

QUAND ÉVOQUER UNE DIARRHÉE CHRONIQUE PAR MALABSORPTION :

Le diagnostic de diarrhée chronique par malabsorption au niveau de l’intestin grêle est évoqué dans deux grandes circonstances :

– devant une diarrhée chronique isolée sans cause décelable à la coloscopie et avec augmentation du débit fécal quotidien des graisses (voir “ Orientation diagnostique devant une diarrhée chronique de l’adulte ”).

– devant une diarrhée chronique associée à des éléments cliniques et/ou biologiques évocateurs d’un syndrome de malabsorption.

Éléments cliniques évocateurs :

Caractères des selles :

– grisâtres, adhérentes, malodorantes, graisseuses sur le papier, réalisant au maximum un suintement huileux. Il s’agit d’une stéatorrhée, d’expression clinique tardive.

– mousseuses, irritantes, flottant dans la cuvette. Elles sont souvent associées à des douleurs abdominales, un ballonnement, des flatulences abondantes, des borborygmes intenses (diarrhée osmotique).

– mais la diarrhée peut être banale (hydrique), ou absente et parfois remplacée par une constipation.

Signes cliniques évoquant un syndrome carentiel :

– signes généraux :

– amaigrissement, initialement modéré par hyperphagie compensatrice, puis aggravé par l’anorexie qui conduit à la dénutrition avec disparition de la masse grasse et fonte musculaire.

– asthénie physique, œdèmes, parotidose.

– anomalies cutanéo-muqueuses et phanériennes :

– hyperkératose, mélanodermie, xérose, acrodermatite.

– glossite, chéilose.

– cheveux fins et cassants, diminution de la pilosité, achromie ou striations unguéales ;

– syndrome anémique : polypnée d’effort, pâleur, tachycardie.

– signes neurologiques : neuropathie périphérique, syndrome cordonal postérieur, confusion mentale, troubles de la vision nocturne.

– troubles sexuels : aménorrhée, stérilité, diminution de la libido.

– douleurs osseuses et musculaires, rarement fractures spontanées.

– crises de tétanie, paresthésies, signe de Chvostek et Trousseau.

– syndrome hémorragique : saignements rares, ecchymoses.

Anomalies biologiques évocatrices :

Anomalies, isolées ou associées, évoquant un syndrome carentiel :

– anémie :

– microcytaire, hypochrome par carence en fer.

– macrocytaire agénérative avec mégaloblastose médullaire par carence en acide folique et/ou en vitamine B12.

– dimorphe (microcytaire et macrocytaire) évocatrice d’une double carence.

– hypoprotidémie, avec hypoalbuminémie et parfois hypogammaglobulinémie, baisse des taux de transferrine, céruléoplasmine, lipoprotéines ;

–  allongement du temps de Quick (TQ) par déficit en facteurs vitamine K-dépendants, le facteur V étant normal. Le TQ est corrigé par l’administration intraveineuse de 10 mg de vitamine K (test de Köhler).

–  hypocalcémie et surtout hypocalciurie (intérêt du calcul de la calcémie corrigée : calcémie mesurée en milligrammes par litre plus 40 moins albuminémie en g/l) avec :

– hypophosphorémie et élévation des phosphatases alcalines (ostéomalacie).

– phosphorémie normale ou augmentée, par hypomagnésémie (induisant une hypoparathyroïdie).

– hypocholestérolémie, hypocaroténémie (sensible mais peu spécifique) ;

– dosages vitaminiques spécifiques : vitamines A, D, E.

L’association de certaines anomalies oriente vers :

– une malabsorption lipidique :

– hypocholestérolémie.

– hypocalcémie.

– hypocalciurie.

– allongement du TQ.

– une malabsorption des substances hydrosolubles :

– anémie par carence en fer, en acide folique ou en vitamine B12 ;

– hypoalbuminémie.

COMMENT CONFIRMER LA MALABSORPTION D’ORIGINE GRELIQUE :

Confirmer la malabsorption :

Mesure des graisses fécales

Mesure des graisses fécales (méthode de Van De Kamer) : après recueil de la totalité des selles de 3 jours sous apport oral de 100 g/j de lipides. La stéatorrhée, définie par un débit fécal en graisses supérieur à 6 g/24 h, permet d’affirmer la malabsorption mais :

– son absence ne permet pas de l’éliminer.

– mineure (moins de 14 g/j) elle peut être la conséquence de toute diarrhée quelle qu’en soit la cause.

– elle manque en cas de malabsorption des disaccharides, la diarrhée étant hydroélectrolytique de mécanisme osmotique.

Stéatorrhée

Une stéatorrhée anormale peut être la conséquence d’une insuffisance de digestion dont les causes sont souvent évidentes et reconnues dès l’examen clinique ; il est parfois nécessaire de rechercher :

–  une insuffisance pancréatique exocrine par des tests adaptés :

– sans tubage : le test au NBT-PABA étudie l’activité trypsique qui permet la libération du PABA, son absorption et son excrétion dans les urines où il est dosé (sensibilité 80 %, spécificité 90 %).

– avec tubage : le repas de Lundh consiste à doser l’activité des enzymes pancréatiques dans le liquide jéjunal après ingestion d’un repas type.

– une insuffisance en sels biliaires, par le test à l’acide taurohomocholique marqué au sélénium 75 (75 SeHCAT) qui étudie spécifiquement l’absorption iléale des sels biliaires. La radioactivité corporelle mesurée 7 jours après l’ingestion d’une dose de 75 SeHCAT est normalement supérieure à 10 % de la radioactivité initiale.

Rattacher la malabsorption à un dysfonctionnement de la muqueuse de l’intestin grêle :

Test d’absorption du D-xylose :

– méthode non invasive explorant la fonction d’absorption de l’intestin grêle proximal.

– la xylosémie 2 heures après l’ingestion de 25 g de D-xylose dans 250 ml d’eau est normalement supérieure à 25 mg/dl.

– en présence d’une stéatorrhée un test au D-xylose normal oriente vers une maldigestion ;

– un test anormal signe une malabsorption de l’intestin grêle proximal ou une colonisation bactérienne chronique de l’intestin grêle.

– le test peut être anormal en cas d’hypertension portale, d’ascite, de trouble de la vidange gastrique ou de consommation de certains médicaments (Aspirine, néomycine, glipizide, indométacine).

– sa sensibilité et sa spécificité pour le diagnostic de malabsorption de l’intestin grêle sont respectivement de 91 et 98 %.

Test de Schilling :

– il permet d’affirmer une malabsorption de la vitamine B12 et d’en préciser la cause : maladie de Biermer, insuffisance pancréatique exocrine, colonisation bactérienne chronique de l’intestin grêle, et dysfonctionnement de l’iléon.

– après injection intramusculaire d’une dose saturante de vitamine B12, le test consiste à mesurer la radioactivité des urines de 24 à 48 heures après l’ingestion orale de vitamine B12 marquée au cobalt 57.

– la malabsorption est affirmée par une radioactivité urinaire inférieure à 10 % de la dose initiale ingérée, non corrigée par l’adjonction de facteur intrinsèque, d’extraits pancréatiques ou d’antibiotiques.

– la sensibilité du test pour le diagnostic de maladie iléale est de 82 %.

Diarrhée chronique par malabsorption de l’intestin grêle sans stéatorrhée :

Deux causes de diarrhée chronique par malabsorption de l’intestin grêle ne donnent pas de stéatorrhée :

–  la malabsorption des disaccharides, responsable de diarrhée osmotique et reconnue par les tests respiratoires à l’hydrogène (voir “ Diarrhée hydroélectrolytique ”) ;

– la malabsorption des sels biliaires par lésion iléale courte (inférieure à 80 cm) responsable d’une diarrhée sécrétoire et/ou motrice.

COMMENT CHERCHER LA CAUSE D’UNE MALABSORPTION DE L’INTESTIN GRÊLE :

Approche clinique :

L’interrogatoire précise :

– le contexte général :

– antécédents familiaux : maladie cœliaque, maladie de Crohn.

– antécédents personnels de chirurgie digestive ou de radiothérapie abdominale.

– contexte pathologique : infections ORL et broncho-pulmonaires répétées, maladie ulcéreuse duodénale ou œsophagite sévère, diabète, maladie de système, SIDA.

– médicaments consommés et influence des antibiotiques sur la diarrhée.

– alcoolisme chronique.

– séjour dans une région tropicale et origine géographique.

–  symptômes associés à la diarrhée :

– douleur abdominale (obstructive, ischémique…).

– arthralgies, périphériques ou axiales.

– signes de dysautonomie neuro-végétative : malaises orthostatiques, troubles génito-urinaires, dyspepsie sévère (gastroparésie), troubles sudoraux.

– iritis, uvéite, épisclérite.

– urticaire, éruption vésiculeuse ou bulleuse…

– fièvre prolongée.

L’examen recherche particulièrement :

– une masse abdominale, une hépatomégalie.

– des adénopathies périphériques, une splénomégalie.

– des anomalies cutanéo-muqueuses ou phanériennes (hippocratisme digital, onychodystrophie).

– des signes articulaires, une raideur rachidienne.

– des signes de neuropathie périphérique.

– un souffle cardiaque, une hypotension orthostatique.

Approche biologique :

Examens utiles en première intention :

– hémogramme et examen des hématies sur lame.

– examen parasitologique des selles.

– dosage pondéral des immunoglobulines sériques.

Localisation du défaut d’absorption :

– grêle proximal :

– test au D-xylose anormal.

– stéatorrhée modérée.

– carence en fer, folates, vitamines D ou K.

– grêle distal :

– stéatorrhée importante.

– test de Schilling perturbé.

– test au 75SHAT perturbé.

Approche morphologique :

L’approche morphologique permet de faire le diagnostic de la majorité des causes de malabsorption par atteinte pariétale de l’intestin grêle, le choix et la place des examens étant fonction de l’orientation fournie par l’approche clinique et biologique.

Endoscopie

– Endoscopie digestive haute jusqu’au second duodénum et si possible jusqu’au jéjunum (grâce au coloscope pédiatrique). La coloration vitale au bleu de méthylène peut être utile.

– Iléoscopie par cathétérisme de la valvule iléo-cæcale en fin de coloscopie.

– Entéroscopie, examen de seconde intention, habituellement réalisé pour confirmer ou préciser une anomalie détectée par le transit de l’intestin grêle.

Biopsies

– Les biopsies sont fondamentales dans l’exploration d’une malabsorption suspectée ou confirmée.

– Réalisées au niveau du second duodénum (ou du jéjunum), de l’iléon, de l’intestin grêle médian (autrefois par la capsule de Debray, aujourd’hui au cours de l’entéroscopie).

– Multiples et si besoin orientées sur des lésions macroscopiques, ou des lésions révélées par le bleu de méthylène ou encore sur une muqueuse d’aspect normal.

– Analysées à la loupe binoculaire puis après inclusion dans de la paraffine pour une étude histologique soigneuse.

– Les biopsies permettent d’affirmer ou de suspecter une cause de malabsorption en montrant des lésions évocatrices, d’éliminer par leur normalité certaines affections de topographie diffuse, de surveiller l’évolution sous traitement.

Transit de l’intestin grêle

– Technique :

– en simple contraste, par ingestion de 600 à 900 ml de sulfate de baryum entraînant l’opacification rapide de tout le grêle qui est étudié anse par anse.

– en double contraste, par administration d’un agent effervescent ou par entéroclyse qui nécessite l’intubation duodénale pour instillation de la baryte à débit constant et insufflation.

– la valeur de l’examen est fonction de l’expérience de l’opérateur.

– Signes de malabsorption : floculation et fragmentation de la colonne barytée, disparition de l’aspect normal en feuilles de fougère avec au maximum signe du moulage.

– Signes en rapport avec la cause de la malabsorption :

– permettant parfois le diagnostic : courts-circuits intestinaux, diverticules.

– mais le plus souvent non spécifiques : anomalie du calibre, du plissement, des espaces interanses et interplis, du relief muqueux, du péristaltisme.

Tomodensitométrie abdominale

La tomodensitométrie abdominale avec balisage du tube digestif peut montrer des anomalies pariétales comme un épaississement localisé ou diffus, une compression extrinsèque, et permet d’étudier les organes intra-abdominaux et de rechercher des adénopathies.

Approche fonctionnelle

L’approche fonctionnelle est indiquée en cas d’échec de l’approche morphologique et permet de préciser le mécanisme de la malabsorption.

On doit alors rechercher :

– une colonisation bactérienne chronique :

– détectée par le test respiratoire au glucose.

– confirmée si besoin par une analyse bactériologique quantitative, et surtout par l’efficacité de l’antibiothérapie.

– une entéropathie exsudative par obstacle lymphatique :

– évoquée devant un syndrome de fuite protéique associé à une lymphopénie ;

– confirmée par la mesure de la clairance fécale de l’alpha-1-antitrypsine (alpha-1-AT).

Diarrhées “ iatrogènes ” :

CHIRURGIE DIGESTIVE :

La diarrhée est une séquelle fréquente de la chirurgie du tube digestif, de mécanisme non univoque.

Une stéatorrhée est possible dans trois circonstances :

–  résection de l’intestin grêle : étendue ou iléale (plus de 80 cm).

–  courts-circuits intestinaux et syndrome de l’anse stagnante (colonisation bactérienne chronique de l’intestin grêle).

–  gastrectomies, plus rarement vagotomie tronculaire : stéatorrhée par maldigestion due à un asynchronisme entre la vidange gastrique et les sécrétions bilio-digestives.

ENTÉRITE RADIQUE :

L’entérite radique complique la radiothérapie abdominale dans 5 à 15 % des cas, de façon parfois retardée (jusqu’à 30 ans), après traitement des cancers du tractus génital féminin, de la vessie, de la prostate, des lymphomes intra-abdominaux ou des néphroblastomes de l’enfant.

Facteurs favorisants :

– dose administrée et volume irradié.

– association à une chimiothérapie.

– âge supérieur à 70 ans, obésité ou maigreur, athérosclérose, diabète.

– chirurgie abdominale ayant fixé les anses grêles.

Anatomie pathologique :

– lésions aiguës survenant pendant ou au décours immédiat de la radiothérapie, intéressant l’épithélium intestinal et aboutissant à une atrophie villositaire réversible.

– lésions subaiguës ou chroniques survenant plus de 3 mois après l’arrêt de la radiothérapie, intéressant les endothéliums vasculaires et le tissu conjonctif, exceptionnellement réversibles.

Manifestations cliniques de l’entérite radique subaiguë ou chronique :

– douleurs abdominales par subocclusions répétées (sténose).

– diarrhée chronique par malabsorption pouvant aboutir à une dénutrition aggravée par une restriction volontaire de l’alimentation (douleur). Cette malabsorption est en règle générale due à une colonisation bactérienne chronique de l’intestin grêle et à une malabsorption des sels biliaires, aggravées par une entéropathie exsudative ;

– autres complications : abcès, fistules, perforation, hémorragie digestive.

Diagnostic :

– anamnèse.

– stéatorrhée.

– malabsorption des graisses, des protéines, de la vitamine B12.

– augmentation de la clairance fécale de l’alpha-1-AT.

– ASP : niveaux hydroaériques.

– transit de l’intestin grêle : anses jéjunales dilatées, anses iléales irrégulières à bords spiculés, agglutination des anses dans le pelvis, alternance de sténoses et de dilatations, fistules.

– lésions recto-coliques associées (muqueuse pâle, télangiectasies).

Le diagnostic différentiel se pose avec une récidive néoplasique.

Traitement :

– chirurgical des complications aiguës ou en cas d’échec du traitement médical.

– médical, fonction du mécanisme de la diarrhée :

– malabsorption des sels biliaires : cholestyramine.

– malabsorption sévère : triglycérides à chaînes moyennes.

– colonisation bactérienne chronique de l’intestin grêle : antibiotiques.

– assistance nutritionnelle, entérale ou parentérale.

– fistules : nutrition parentérale, anti-sécrétoires gastriques, octréotide.

MEDICAMENTS :

Colestyramine (maldigestion en fait, par chélation des sels biliaires).

Néomycine (atrophie villositaire possible).

Entéropathies parasitaires :

PROTOZOOSES :

Lambliase :

La lambliase est une parasitose cosmopolite à transmission féco-orale due à Giardia intestinalis, protozoaire flagellé vivant dans l’intestin grêle proximal ; elle est parfois favorisée par un déficit immunitaire et touche plus souvent l’enfant que l’adulte.

Signes cliniques :

– diarrhée aiguë (25 à 50 %).

– portage asymptomatique (10 à 15 %).

– diarrhée chronique souvent hydroélectrolytique (sécrétoire), parfois stéatorrhée par malabsorption due à une atrophie villositaire.

– douleurs abdominales, nausées, vomissements.

Diagnostic :

– examen parasitologique des selles : présence de kystes ou de trophozoïtes (sensibilité de 80 à 90 %).

– recherche des trophozoïtes dans le liquide jéjunal ou sur biopsie duodénale.

– recherche des antigènes solubles dans les selles (test ELISA).

– traitement d’épreuve parfois.

Traitement :

– dérivés imidazolés (métronidazole [750 mg/j ], tinidazole [2 g/j ]) pendant 7 à 10 jours ou albendazole (400 mg/j pendant 3 jours).

– deux cures sont parfois nécessaires à 15 jours d’intervalle.

– traitement prolongé pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, en cas de déficit immunitaire associé.

Cryptosporidiose :

La cryptosporidiose est une protozoose du groupe des coccidies due à Cryptosporidium bovi, dont l’importance a été révélée par le SIDA.

Clinique :

– sujet immunocompétent : diarrhée aiguë parfois fébrile régressive en 10 à 12 jours.

– sujet immunodéprimé :

– diarrhée chronique cholériforme (sécrétoire) responsable de dénutrition avec parfois malabsorption.

– d’autres localisations sont possibles (recto-colique, biliaire, respiratoire).

Diagnostic :

– hyperéosinophilie dans 50 % des cas.

– recherche d’oocystes dans les selles ou le liquide jéjunal.

– biopsie duodénale (parasites à la surface des entérocytes).

– sérologie (IgG, IgM) par technique ELISA.

– sérologie VIH.

Traitement :

– le seul traitement efficace est celui de la dépression immunitaire.

– traitement symptomatique des conséquences de la diarrhée.

– spiramycine, colostrum bovin hyperimmun (inconstamment efficaces).

HELMINTHIASES :

Anguillulose :

L’anguillulose est une helminthiase due à Strongyloïdes stercolaris, nématode vivant dans le grêle proximal, prédominant très largement dans les régions tropicales.

Clinique :

– phase de migration : syndrome de Löffler, réactions allergiques ;

– épigastralgies, diarrhée chronique, larva currens (cycle parasitaire endogène) ;

– dissémination des larves à tout l’organisme en cas d’immunodéficit.

Diagnostic :

– hyperéosinophilie importante, prolongée et fluctuante (sauf en cas d’immunodépression).

– examen parasitologique des selles (avec technique de Baermann, sensibilité de 25 à 50 %).

– recherche des parasites dans le liquide jéjunal ou la biopsie duodénale.

Traitement :

– thiabendazole, 35 mg/kg/j pendant 2 jours.

– albendazole, 200 mg deux fois par jour pendant 3 jours, à répéter 7 jours plus tard.

Capillariose :

Capillaria philippinensis est responsable de manifestations intestinales. La parasitose est endémique aux Philippines et en Thaïlande. L’homme se contamine par ingestion de poissons d’eau douce. Le parasite adulte vit dans le jéjunum.

Caractéristiques cliniques : diarrhée sévère par malabsorption et entéropathie exsudative, le pronostic est parfois grave (mortalité : 10 %).

Diagnostic : examen parasitologique des selles (œufs).

Traitement : thiabendazole (25 mg/kg et par jour pendant 10 jours) ou mébendazole (400 mg/j pendant 20 à 30 jours).

Syndrome d’atrophie villositaire de l’adulte :

L’atrophie villositaire induit une malabsorption par réduction de la surface fonctionnelle de l’intestin grêle.

L’intensité des manifestations cliniques et des anomalies biologiques est fonction de l’étendue de l’atrophie, allant de la latence totale à la cachexie grave.

L’atrophie villositaire est un syndrome qui relève des étiologies nombreuses.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE :

Le diagnostic d’atrophie villositaire peut être suspecté par l’endoscopie, qui montre parfois une raréfaction des valvules conniventes dont le bord libre apparaît crénelé.

Instillation de bleu de méthylène

L’instillation de bleu de méthylène (10 à 20 ml d’une solution à 0,5 %) montre un aspect en mosaïque et permet d’orienter la biopsie en cas d’atrophie non diffuse.

Examen à la loupe binoculaire

L’examen à la loupe binoculaire :

– confirme l’atrophie.

– et en précise le degré :

– atrophie villositaire totale (mosaïque) ;

– ou atrophie villositaire partielle (aspect cérébriforme).

Analyse histologique

L’analyse histologique montre une muqueuse plate dont les villosités sont raccourcies, contrastant avec une hypertrophie des cryptes de Lieberkühn qui sont larges, profondes, parfois dédoublées, avec augmentation du nombre des mitoses.

– Il existe également des anomalies de l’épithélium de surface (aspect cubique des entérocytes dont le cytoplasme est basophile) et une infiltration du chorion par des cellules mononucléées (lymphoplasmocytes) et des éosinophiles.

– La mesure du rapport c/v (profondeur des cryptes/hauteur villositaire) fournit une approche quantitative de l’atrophie (AV totale si c/v supérieur à 1).

– D’autres anomalies peuvent être observées en fonction de l’étiologie.

MALADIE CAELIAQUE :

La maladie cœliaque est une entéropathie dont la définition repose sur trois critères :

– un syndrome de malabsorption.

– des lésions histologiques caractéristiques mais non spécifiques.

– une amélioration franche et rapide des anomalies cliniques et biologiques sous régime sans gluten.

Affection cosmopolite avec une prédilection particulière pour l’Europe de l’Ouest où sa prévalence atteint 1 à 2/1 000, la maladie cœliaque prédomine légèrement chez la femme dont l’âge au moment du diagnostic (35 à 55 ans) est moindre que chez l’homme (50 à 70 ans).

Étiopathogénie :

– L’agent exogène responsable est l’alphagliadine, présente dans le gluten qui est le composant protéique du blé, du seigle, de l’orge et de l’avoine.

– Le terrain génétique joue un rôle important, comme en atteste l’existence de cas familiaux (15 % des parents au premier degré souvent asymptomatiques). Les antigènes HLA DR3 et DR7 sont surreprésentés, les haplotypes DR3-DQ w2 et DR7-DQ w2 étant fortement associés à la maladie.

– D’autres facteurs d’environnement peuvent également intervenir, comme certains Adénovirus (Ad12) qui agiraient par un phénomène d’antigénicité croisée avec l’alphagliadine à laquelle ils sensibilisent les sujets génétiquement prédisposés.

– Le gluten induit la destruction des entérocytes en démasquant les molécules HLA DR présentes à leur surface.

– Les entérocytes sont attaqués au moment de leur ascension, empêchant ainsi la formation des villosités, avec hypertrophie compensatrice mais insuffisante des cryptes. Les entérocytes restent immatures et fonctionnellement déficients, leurs jonctions serrées étant lésées (hyperperméabilité muqueuse).

– La lésion caractéristique est l’atrophie villositaire, constante à l’angle de Treitz puis diminuant progressivement vers l’iléon. L’atteinte duodénale est constante mais pas toujours diffuse.

– La diarrhée est de mécanisme complexe :

– réduction de la capacité d’absorption ;

– entéropathie exsudative.

– diarrhée osmotique.

– sécrétoire et exsudative.

Manifestations cliniques :

Les manifestations cliniques sont en rapport avec l’étendue de l’atrophie villositaire, l’existence éventuelle de manifestations associées, et la survenue possible de complications parfois révélatrices.

La maladie peut être découverte à l’âge adulte (jusqu’à 70 ans) d’autant qu’un retard diagnostique est habituel.

Manifestations digestives :

– diarrhée (90 %) avec stéatorrhée, souvent ancienne et parfois méconnue. Elle peut manquer et être remplacée par une constipation.

– météorisme abdominal (60 %), avec flatulences dues au métabolisme bactérien des glucides non absorbés.

– douleur abdominale (60 %) parfois symptomatique d’une complication (subocclusion).

Manifestations carentielles :

– asthénie physique (85 %) d’origine multifactorielle.

– amaigrissement (75 %) longtemps compensé par une hyperphagie avant que n’apparaissent l’anorexie et la dénutrition puis les œdèmes et le syndrome anémique.

– crises de tétanie (40 %) par hypocalcémie ou hypomagnésémie.

– douleurs osseuses (35 %) par ostéoporomalacie.

– ecchymoses (18 %), accidents hémorragiques rares.

– pigmentation (22 %), sécheresse cutanée, hyperkératose, chéilose, glossite (10 %).

– troubles neurologiques : fatigue musculaire, ataxie, troubles sensitifs, neuropathie périphérique.

– troubles psychiques : irritabilité, insomnie, troubles du sommeil et de l’attention.

– aménorrhée, stérilité.

Maladies et manifestations associées :

– dermatite herpétiforme (associée à un déficit en IgA).

– aphtose récidivante.

– oligo-arthropathie inflammatoire.

– neuropathie centrale ou périphérique.

– pneumopathie interstitielle (alvéolite fibrosante chronique).

– gastrite ou colite lymphocytaire (50 %).

– maladies auto-immunes : diabète de type I, thyroïdite, syndrome de Gougerot-Sjögren, polyarthrite rhumatoïde, cirrhose biliaire primitive ou hépatite auto-immune.

Complications :

–  néoplasies (14 % des cas) :

– lymphome T de l’intestin grêle (50 % des complications néoplasiques) touchant préférentiellement le jéjunum et compliquant habituellement une maladie cœliaque évoluée, parfois en rémission histologique.

– épithélioma de l’oropharynx et de l’œsophage.

– adénocarcinome de l’intestin grêle, parfois plus distal que la zone d’atrophie villositaire.

–  ulcérations de l’intestin grêle souvent distales et survenant parfois malgré un régime sans gluten efficace. Suspecté devant des douleurs abdominales et une altération rapide de l’état général, le diagnostic peut être évoqué par le transit de l’intestin grêle et l’entéroscopie mais demande toujours une certitude histologique parfois seulement fournie par la résection chirurgicale.

–  cavitation ganglionnaire mésentérique due à une raréfaction du tissu ganglionnaire. Complication rare, associée à un hyposplénisme (voir infra) et se manifestant par une augmentation du volume ganglionnaire. Le pronostic est mauvais par résistance au régime sans gluten.

Données paracliniques :

Anomalies biologiques :

– carentielles :

– anémie microcytaire ou macrocytaire, parfois dimorphe.

– hypocalcémie et surtout hypocalciurie, élévation des phosphatases alcalines d’origine osseuse.

– hypofolatémie, hypoferritinémie.

– hypocholestérolémie.

– hyposplénisme (75 %) révélé par l’examen du frottis sanguin : corps de Howell-Jolly, cellules cibles associées à une thrombocytose.

– déficit possible en immunoglobulines (IgA ou déficit global).

– perturbation des tests hépatiques par stéatose d’origine nutritionnelle.

Explorations fonctionnelles intestinales :

– stéatorrhée supérieure à 6 g/24 h (70 %).

– test au D-xylose perturbé (95 %).

– test de Schilling anormal en cas d’atteinte diffuse.

– augmentation de la clairance de l’alpha-1-AT (84 %).

– test respiratoire au glucose perturbé en cas de colonisation bactérienne chronique de l’intestin grêle.

– anomalie de la perméabilité intestinale prédominant sur les grosses molécules. Le test au lactulose et au mannitol montre une augmentation du rapport urinaire entre lactulose et mannitol, de bonne valeur diagnostique en l’absence d’ulcérations intestinales.

Anticorps antigliadine (IgG et IgA), et anti-endomysium (IgA) surtout utiles pour écarter le diagnostic de maladie cœliaque en cas de négativité, car très sensibles.

Transit de l’intestin grêle :

– hypotonie et dilatation des anses jéjunales, imbriquées en puzzle.

– plis raréfiés, fins, parallèles, et devenus transversaux.

– augmentation modérée du temps de transit oro-cæcal (6 à 7 heures).

– sténose ou ulcération évoquant une complication ;

– le transit de l’intestin grêle est normal dans 10 % des cas.

Endoscopie digestive haute jusqu’au deuxième ou au troisième duodénum avec coloration vitale au bleu de méthylène :

– elle peut montrer une raréfaction du plissement avant insufflation avec aspect étroit et crénelé des valvules conniventes.

–  l’aspect en mosaïque, parsemé de petits nodules de 2 à 4 mm est évocateur.

Biopsies duodénales (multiples, distales et orientées) :

– atrophie villositaire totale ou subtotale.

– entérocytes déformés, cuboïdes, au cytoplasme basophile.

– augmentation du nombre des lymphocytes intra-épithéliaux.

– infiltrat lymphoplasmocytaire de la lamina propria avec présence d’éosinophiles.

– allongement des cryptes avec augmentation du nombre des mitoses.

Traitement :

Régime sans gluten strict et définitif

Régime sans gluten strict et définitif chez l’adulte en raison du risque de rechute avec résistance secondaire mais également pour diminuer le risque de néoplasie.

– Le gluten est présent dans tous les aliments comportant de la farine de seigle, d’avoine, de blé ou d’orge (“ SABO ”) ainsi que dans de nombreux autres produits alimentaires (charcuterie, chocolat…) et dans certains comprimés.

– Le régime est débuté à l’hôpital, une liste exhaustive des aliments autorisés et interdits est fournie au malade ainsi que l’adresse de l’Association française des malades cœliaques.

– Tout écart, même minime, expose au risque de rechute rapide.

– On lui associe en début de traitement une éviction du lactose et la correction des principales carences (fer, folates, calcium, magnésium, vitamines liposolubles).

Son efficacité doit être soigneusement évaluée car elle représente un des trois critères diagnostiques de la maladie. On observe la disparition :

– des signes cliniques en quelques semaines (rapide pour la diarrhée).

– des signes biologiques en quelques mois.

– des anomalies histologiques, qui se réparent de l’aval vers l’amont en 6 à 12 mois, mais de façon parfois inconstante et rarement complète.

Echec du régime sans gluten

Un échec du régime sans gluten est constaté dans 5 à 10 % des cas :

– il doit faire rechercher :

– une mauvaise observance.

– des erreurs, inévitables au début.

– une intolérance à d’autres protéines (soja).

– une carence en zinc.

– une erreur diagnostique.

– confirmé, il fait proposer :

– une corticothérapie prolongée qui peut restituer la sensibilité au régime sans gluten.

– parfois une nutrition parentérale totale.

– mais le pronostic reste mauvais.

SPRUE TROPICALE :

“ La sprue tropicale est un trouble chronique acquis en zone tropicale et caractérisé par des anomalies architecturales et fonctionnelles de l’intestin grêle, s’aggravant avec le temps et conduisant à un syndrome carentiel. Elle peut être améliorée ou guérie par un traitement associant acide folique et antibiotiques. ”(J.-C. Rambaud)

Étiopathogénie :

La sprue tropicale est due à la colonisation chronique de l’intestin grêle par un ou plusieurs agents pathogènes acquis au cours d’un séjour dans une région tropicale.

– Cette colonisation induit des modifications de l’intestin grêle responsables d’une malabsorption de l’acide folique, qui aggrave les lésions intestinales.

– Celles-ci débutent au duodénum et s’étendent progressivement vers l’iléon. La malabsorption, due à un déficit fonctionnel de la bordure en brosse est aggravée par une entéropathie exsudative.

La sprue tropicale doit être distinguée de la malabsorption tropicale infraclinique qui associe une “ malabsorption ” d’au moins deux nutriments à une atrophie villositaire d’évolution régressive après le retour dans une région tempérée.

Manifestations cliniques :

Première phase : début brutal par une diarrhée aiguë parfois fébrile, souvent épidémique.

Deuxième phase : diarrhée chronique associée à une douleur abdominale, des borborygmes et des flatulences.

Troisième phase : installation et aggravation progressive du syndrome de malabsorption avec amaigrissement, œdèmes, signes cutanéo-muqueux (glossite), anémie, neuropathie périphérique, troubles psychiques.

Examens paracliniques :

Examens biologiques :

– anémie macrocytaire par carence en acide folique, puis en vitamine B12.

– baisse de la cholestérolémie, albuminémie, caroténémie, vitaminémie A.

– la calcémie corrigée et le temps de Quick sont longtemps normaux.

Explorations fonctionnelles :

– stéatorrhée (50 à 90 % des cas).

– test au D-xylose et test de Schilling perturbés.

Transit de l’intestin grêle : épaississement et transversalisation des plis, dilatation des anses grêles.

Endoscopie : épaississement et raréfaction des valvules conniventes.

Histologie :

– atrophie villositaire partielle (rarement totale).

– allongement des cryptes.

– anomalies entérocytaires absentes ou mineures.

– accumulation de gouttelettes lipidiques au sein d’un matériel collagène dense sous la membrane basale épithéliale.

Traitement :

–  Réhydratation et renutrition si nécessaire.

–  Acide folique (5 mg/j) et antibiotiques (oxytétracycline, 1 g/j ou vibramycine, 200 mg/j) pendant 3 à 6 mois en fonction de l’ancienneté des symptômes, du statut nutritionnel et de la persistance du risque (autochtone). La supplémentation en vitamine B12 est indiquée en cas de carence démontrée.

– Résultats :

– amélioration rapide des signes cliniques et des anomalies biologiques.

– réparation plus lente des fonctions d’absorption et des lésions histologiques.

– la réponse complète, inconstante, peut demander 3 à 8 mois, voire plus.

DEFICITS PRIMITIFS EN IMMUNOGLOBULINES :

Deux types de déficits primitifs en immunoglobulines (DPIG) peuvent être responsables d’une diarrhée chronique avec malabsorption :

– le déficit sélectif en IgA (prévalence : 1/500), avec ou sans atrophie villositaire totale ;

– l’hypogammaglobulinémie commune variable (prévalence : 1/10 000), avec ou sans atrophie villositaire totale.

Le mécanisme de la diarrhée au cours des déficits primitifs en immunoglobulines est complexe :

– lambliase.

– colonisation bactérienne chronique du grêle.

– atrophie villositaire.

– entéropathie exsudative.

– déficit en disaccharidases (lactase).

Déficit en IgA

Le déficit sélectif en IgA est défini par un taux d’IgA inférieur à 0,5 mg/l. Il s’accompagne de manifestations digestives dans 10 à 15 % des cas :

–  déficit en IgA avec atrophie villositaire totale :

– tableau typique de maladie cœliaque.

– colonisation bactérienne chronique du grêle et lambliase inhabituelles.

– atrophie villositaire totale et diminution des plasmocytes à IgA (immunofluorescence), parfois associée à une augmentation des plasmocytes à IgM.

– régime sans gluten efficace.

–  déficit en IgA sans atrophie villositaire totale :

– diarrhée et syndrome carentiel.

– colonisation bactérienne chronique du grêle et lambliase fréquentes ;

– transit de l’intestin grêle : aspect nodulaire diffus (hyperplasie folliculaire lymphoïde) ;

– histologie : villosités normales ou atrophie partielle, sans anomalie entérocytaire ni cryptique, nodules lymphoïdes dans le chorion.

– traitement : antibiothérapie (colonisation bactérienne chronique du grêle) et métronidazole (lambliase).

–  les déficits en IgA sont associés à :

– des infections récidivantes (ORL, broncho-pulmonaires).

– des maladies auto-immunes : polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux aigu disséminé, thyroïdite, maladie de Biermer, hépatites auto-immunes, vascularite…

Hypogammaglobulinémie commune variable

L’hypogammaglobulinémie commune variable (gammaglobulines inférieures à 6 g/l et IgG inférieures à 3 g/l) s’accompagne de manifestations digestives dans 30 à 60 % des cas :

–  hypogammaglobulinémie commune variable avec atrophie villositaire totale :

– malabsorption sévère.

– colonisation bactérienne chronique du grêle et lambliase fréquentes.

– atrophie villositaire totale, rares nodules lymphoïdes dans la lamina propria, raréfaction des plasmocytes.

– régime sans gluten inefficace, pronostic sévère.

–  hypogammaglobulinémie commune variable sans atrophie villositaire totale :

– diarrhée chronique avec malabsorption possible.

– infections broncho-pulmonaires récidivantes sévères.

– anomalies communes aux deux types :

– gastrite chronique atrophique (30 à 50 %).

– hyperplasie folliculaire lymphoïde de l’intestin grêle, parfois de l’estomac et du côlon ;

– déficit en lactase.

– infections entériques : Campylobacter, Salmonella, Shigella…

– colite ulcérée.

– infections broncho-pulmonaires et ORL sévères et récidivantes.

– risque accru de lithiase biliaire.

– insuffisance pancréatique exocrine, amylose, maladies auto-immunes.

– traitement : administration parentérale régulière de gammaglobulines.

Infiltration de la lamina propria :

MALADIE DE WHIPPLE :

Le syndrome de Whipple est une maladie infectieuse et systémique caractérisée par l’infiltration de certains organes par des macrophages PAS positif et par des bacilles à Gram positif (Tropheryma whippelii), touchant l’intestin grêle de façon presque constante.

Manifestations cliniques :

La maladie de Whipple prédomine chez l’homme (90 %) autour de la cinquantaine. Son expression clinique est variable en fonction des organes atteints et du stade évolutif de la maladie.

Signes généraux

Signes généraux (quasiment constants) : asthénie, amaigrissement, fièvre modérée et intermittente, sensible aux antibiotiques.

Manifestations digestives

Manifestations digestives (absentes dans 20 % des cas, souvent retardées) :

– diarrhée avec stéatorrhée par malabsorption et entéropathie exsudative.

– douleur abdominale, hémorragie digestive le plus souvent occulte, rarement ascite (chyleuse).

Manifestations articulaires

Manifestations articulaires fréquentes (60 à 70 %) et précoces (5 à 10 ans avant la diarrhée) :

– arthralgies fugaces (27 %).

– oligo-arthrite aiguë ou subaiguë, migratrice, touchant les grosses articulations des membres inférieurs, sans déformation ni ankylose avec anomalies radiologiques discrètes (déminéralisation, pincement de l’interligne).

– rhumatisme axial (19 %) associé à l’atteinte périphérique, touchant les sacro-iliaques de façon unilatérale ou bilatérale, et plus rarement le rachis. Antigène HLA B27 présent dans 30 à 40 % des cas.

Adénopathies

Adénopathies très fréquentes : périphériques (50 %) fermes et indolores, parfois profondes et volumineuses.

Autres manifestations

– Manifestations cutanées (65 %) : hyperpigmentation, érythème noueux, lésions psoriasiformes ou sarcoïdosiques.

– Atteintes pleuro-pulmonaires : épanchements pleuraux discrets (72 %), toux sèche, atteinte pseudo-sarcoïdosique parfois.

– Manifestations cardio-vasculaires, fréquemment retrouvées en histologie, d’expression clinique rare et souvent retardée (parfois après traitement) : péricardite, endocardite lente, artérite.

– Atteintes neurologiques (10 %) souvent retardées, de diagnostic difficile quand elles sont révélatrices :

– manifestations multiples : confusion, convulsions, myoclonies, céphalées, démence, déficit sensitif, ophtalmoplégie, nystagmus, atteinte hypothalamique (insomnie, hyperphagie, polydypsie).

– TDM : hypodensités de la substance blanche, atrophie corticale, dilatation ventriculaire.

– liquide céphalo-rachidien : hyperprotéinorachie, pléiocytose, cellules PAS positif parfois.

– biopsie cérébrale quelquefois nécessaire ;

– Manifestations oculaires : uvéite, choriorétinite, opacités du vitré.

Examens paracliniques :

Examens biologiques :

– hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, hyperéosinophilie importante parfois, thrombocytose ou thrombopénie.

– stéatorrhée (93 %).

– augmentation de la clairance de l’alpha-1-AT.

– anémie par carence en fer et/ou en acide folique.

– baisse des lipides, du TQ, de la caroténémie et de la calcémie.

– lymphopénie par entéropathie exsudative.

Imagerie :

– transit de l’intestin grêle : épaississement parfois nodulaire des valvules conniventes, transversalisation des plis duodénaux ou jéjunaux. Il n’y a pas de dilatation des anses grêles ni d’élargissement des espaces interplis et interanses.

– échographie, tomodensitométrie : adénopathies para-aortiques et rétropéritonéales ;

– endoscopie duodéno-jéjunale : épaississement et aspect blanchâtre des valvules, ulcérations, aspect de “ pseudo-RCH ” ; aspect parfois normal.

Biopsies duodénales :

– réalisées systématiquement même sur une muqueuse d’aspect normal, elles permettent un diagnostic formel car l’atteinte de l’intestin grêle proximal est précoce et quasi constante.

– infiltration de la lamina propria par des macrophages contenant des inclusions colorées par le PAS (corpuscule de Sieracki) et par la coloration de Gram (mais pas par celle de Ziehl, contrairement à l’infection à Mycobacterium). En microscopie électronique ces corpuscules correspondent à des bacilles altérés.

– anomalies associées : villosités épaissies, raccourcies et tortueuses ; dilatation des ganglions lymphatiques muqueux et sous-muqueux ; entérocytes peu modifiés.

Autres biopsies :

– l’infiltrat macrophagique PAS positif peut être observé dans d’autres organes (côlon, ganglions), mais sans spécificité ;

– la constatation de la présence de granulomes sarcoïdiens dans différents organes, comme le foie, pose souvent un problème de diagnostic avec la sarcoïdose.

Biologie moléculaire : la recherche par PCR de Tropheryma whippelii dans les leucocytes du sang périphérique ou dans les organes atteints facilitera le diagnostic des formes extra-digestives de la maladie de Whipple.

Traitement :

– Mesures symptomatiques non spécifiques.

– Antibiothérapie :

– pendant deux semaines : procaïne-pénicilline G parentérale (1,2 MU/j) associée à de la streptomycine 1 g/j.

– puis pendant 1 an triméthoprime-sulfaméthoxazole (Bactrim* Forte, 2 cp/j).

– chloramphénicol en cas d’intolérance au Bactrim*.

Évolution :

– L’évolution est fatale en l’absence de traitement.

– Sous traitement : l’état général s’améliore rapidement, la fièvre et la diarrhée disparaissent en 10 à 15 jours, l’infiltrat macrophagique peut persister pendant plusieurs années mais les bacilles ne sont plus détectés dans les lésions.

– Après traitement : risque de rechute (10-20 %), notamment neurologique ou cardiaque mettant en jeu le pronostic vital.

INFECTION A MYCOBACTERIUM AVIUM INTRACELLULAIRE :

SIDA

Au cours du SIDA où sa fréquence est évaluée à 20 % des cas, l’infection peut être disséminée, intéressant le tube digestif (grêle, côlon), les ganglions lymphatiques, le foie, la rate, le cœur, les reins, les poumons, la moelle osseuse. Elle traduit une immunodépression avancée.

Manifestations cliniques

Les manifestations cliniques associent une fièvre, une diarrhée chronique avec malabsorption réalisant un tableau proche de la maladie de Whipple (sans manifestations articulaires).

Diagnostic

–  Biopsie duodénale :

– infiltration de la lamina propria par des macrophages PAS positif et des corps bactériens (test de Ziehl positif).

– absence de lymphangiectasies.

–  Bactériologie :

– hémocultures.

– cultures de biopsies intestinales ou de moelle osseuse (à garder 6 semaines) ;

– Biologie moléculaire permettant un diagnostic rapide.

Traitement

Le traitement est difficile et d’efficacité inconstante.

SYNDROMES IMMUNOPROLIFERATIFS :

Maladie des chaînes alpha :

La maladie des chaînes alpha (MC alpha) est un syndrome immunoprolifératif du système IgA exocrine caractérisé par une prolifération monoclonale des cellules lymphoïdes B synthétisant une immunoglobuline constituée de chaînes lourdes alpha incomplètes et dépourvues de chaînes légères.

Elle intéresse de façon quasi constante l’intestin grêle, qu’elle peut déborder.

Données générales :

– la maladie des chaînes alpha touche les sujets jeunes (15 à 30 ans) des deux sexes, le plus souvent originaires du bassin méditerranéen, de niveau socio-économique bas.

– elle serait due à un ou plusieurs agents infectieux (non identifiés) qui induisent et perpétuent la stimulation d’un clone cellulaire anormal sécrétant la protéine de la maladie des chaînes alpha. Elle pourrait être favorisée par un déficit immunitaire sous-jacent ;

– l’atteinte intestinale, constante et diffuse (mais pouvant respecter l’iléon terminal), évolue en trois stades histologiques de malignité croissante. L’atteinte des ganglions mésentériques est très fréquente, tandis que des localisations extra-digestives (ganglions, foie, rate, anneau de Waldeyer, moelle osseuse) sont possibles à un stade avancé. Différents stades de malignité peuvent coexister dans des sites différents.

Manifestations cliniques :

– syndrome de malabsorption (avec entéropathie exsudative) de début brutal ou progressif et d’évolution continue ou intermittente, associant :

– une diarrhée, avec douleur abdominale et parfois vomissements.

– un amaigrissement constant avec parfois une fièvre modérée.

– des signes carentiels : œdèmes, crises de tétanie, hippocratisme digital (40 %).

– syndrome tumoral abdominal, parfois précoce et révélé par :

– une complication aiguë : invagination intestinale, perforation, nécrose tumorale.

– une masse abdominale, un tableau de sténose chronique de l’intestin grêle (syndrome de König).

– une hépatomégalie, une splénomégalie, des adénopathies parfois.

Données paracliniques :

– biologie :

– stéatorrhée quasi constante.

– test au D-xylose toujours anormal.

– test de Schilling anormal dans 50 % des cas.

– clairance de l’alpha-1-AT toujours augmentée.

– lambliase associée dans un tiers des cas.

– transit de l’intestin grêle : épaississement des plis, aspect polypoïde, sténose, ulcération, fistule, compression extrinsèque.

– endoscopie duodéno-jéjunale : aspect infiltré de la muqueuse, nodules ;

– biopsies duodénales et jéjunales avec étude immunochimique (sensibilité, 92 % ; spécificité, 100 %) :

– stade A : prolifération dense de plasmocytes matures dans la lamina propria ne franchissant pas la muscularis mucosae, villosités raccourcies et épaissies, cryptes rares et atrophiques envahies par des cellules centrocytiques like et des follicules lymphoïdes ;

– stade B : plasmocytes dystrophiques franchissant par endroit la muscularis mucosae, présence de quelques grandes cellules (immunoblastes, centroblastes).

– stade C : lymphome immunoblastique avec différenciation plasmocytaire.

– immunologie : la protéine de la maladie des chaînes alpha peut être détectée dans le sérum, les urines, le liquide jéjunal par immunoélectrophorèse combinée à une immunosélection. Les rares formes non sécrétantes sont reconnues par l’étude des biopsies en immunomarquage.

Traitement :

–  bilan préthérapeutique précisant le degré de malignité des différents sites atteints :

– endoscopies avec biopsies de l’estomac, du duodénum, du jéjunum, de l’iléon, du côlon et du rectum.

– transit de l’intestin grêle.

– radiographie thoracique.

– tomodensitométrie abdominale.

– tomodensitométrie du cavum.

– myélogramme et biopsie ostéo-médullaire.

– laparotomie en l’absence d’atteinte périphérique évidente.

–  moyens thérapeutiques :

–  antibiothérapie prolongée : tétracycline (2 g/j) associée pendant 1 mois au métronidazole, pour les stades A et B.

– résection chirurgicale d’une tumeur localisée.

– polychimiothérapie (avec anthracycline) indiquée aux stades B et C, ainsi qu’au stade A non amélioré au 6e mois ou non mis en rémission complète au 12e mois.

L’évolution peut être fatale à tous les stades de la maladie par cachexie carentielle ou évolution terminale.

– Le traitement permet d’obtenir une rémission complète (50 % des cas) définie par une régression des signes cliniques et biologiques, une disparition des anomalies morphologiques, une disparition de la protéine de la maladie des chaînes alpha et des plasmocytes ; des rechutes sont possibles.

– Un bilan complet (hormis la laparotomie) doit être refait en fin de traitement, puis tous les ans pendant 5 ans.

Autres syndromes immunoprolifératifs :

Les autres syndromes immunoprolifératifs parfois associés à une diarrhée par malabsorption sont les suivants.

Maladie immunoproliférative de l’intestin grêle

La maladie immunoproliférative de l’intestin grêle (IPSID) regroupe des entités anatomocliniques proches de la maladie des chaînes alpha dont elle peut différer par la nature des immunoglobulines synthétisées.

Lymphome méditerranéen

Lymphome méditerranéen regroupant différentes entités :

– maladie immunoproliférative de l’intestin grêle.

– lymphome de type occidental mais d’expression clinique proche de la maladie immunoproliférative de l’intestin grêle ;

– lymphome extensif intéressant la totalité ou la moitié supérieure de l’intestin grêle.

GASTRO-ENTERITE A EOSINOPHILES :

La gastro-entérite à éosinophiles est une affection rare, caractérisée par un infiltrat du tube digestif par des polynucléaires éosinophiles prédominant chez l’homme et touchant préférentiellement l’estomac et l’intestin grêle.

– En fonction de la profondeur de l’atteinte pariétale digestive (muqueuse, musculeuse, séreuse), on distingue trois formes d’expression clinique différente.

– Il existe des formes de passage entre la gastro-entérite à éosinophiles et le syndrome hyperéosinophilique idiopathique (syndrome de Chusid).

Manifestations cliniques

Les manifestations cliniques sont variables en fonction du degré d’infiltration pariétale :

– atteinte muqueuse : diarrhée par malabsorption et entéropathie exsudative, associée à des vomissements et des douleurs abdominales.

– atteinte musculaire : syndrome occlusif.

– atteinte séreuse : ascite riche en éosinophiles.

Diagnostic

– Terrain atopique (50 % des cas).

–  Hyperéosinophilie (75 %).

– Infiltration pariétale par des polynucléaires éosinophiles, parfois seulement détectée à l’examen d’une pièce de résection chirurgicale.

Traitement

–  Corticothérapie (cures répétées souvent nécessaires).

–  Cromoglycate disodique (Nalcron*), parfois efficace.

MALADIES SYSTEMIQUES :

Amylose :

L’amylose provoque des lésions digestives anatomiquement fréquentes (> 50 %) mais souvent latentes.

Manifestations cliniques de l’atteinte de l’intestin grêle

– Diarrhée chronique de mécanisme variable : motrice par neuropathie végétative, stéatorrhée par infiltration pariétale ou colonisation bactérienne chronique du grêle.

– Subocclusions répétées.

Diagnostic

Le diagnostic repose sur l’histologie (coloration au rouge Congo) :

– les biopsies de l’intestin grêle ne sont pas toujours contributives.

– la biopsie de muqueuse rectale (profonde) est souvent positive.

Sclérodermie systémique :

Dans la sclérodermie systémique, l’atteinte du tube digestif est fréquente (50 % des cas), et souvent diffuse.

Manifestations cliniques de l’atteinte intestinale

– Syndrome d’obstruction intestinale chronique.

– Diarrhée chronique avec stéatorrhée, de mécanisme complexe : colonisation bactérienne chronique du grêle, insuffisance pancréatique exocrine, ischémie, entéropathie exsudative…

Transit de l’intestin grêle

Transit de l’intestin grêle : dilatation des anses grêles prédominant sur le jéjunum, aspect pseudo-diverticulaire, stase barytée.

Diagnostic

– Signes cutanés.

– Atteinte œsophagienne : endoscopie, pH-métrie, manométrie.

– Anticorps antinucléaires : anticentromère, antinucléole, anti-SCL 70.

Colonisation bactérienne chronique de l’intestin grêle :

Définition :

La colonisation bactérienne chronique du grêle est un syndrome de malabsorption dû à l’implantation dans le grêle proximal d’une flore bactérienne dont la concentration est supérieure à 10E5 bactéries par ml de liquide intestinal (ou supérieure à 10E2 bactéries anaérobies par ml).

Généralités :

La colonisation bactérienne chronique de l’intestin grêle (colonisation bactérienne chronique du grêle) reconnaît deux mécanismes principaux :

– une pullulation par défaut des deux principaux facteurs protecteurs que sont l’acidité gastrique et la motilité intestinale.

– une contamination bactérienne à partir du côlon par reflux colo-grélique, ou des voies biliaires si elles sont infectées.

La colonisation bactérienne chronique du grêle aggrave le plus souvent une condition pathologique préexistante dont la symptomatologie est souvent au premier plan. Elle peut induire ou aggraver une malabsorption par différents mécanismes :

– catabolisme bactérien de certains nutriments : graisses, glucides, acides aminés, vitamine B12.

– déconjugaison et déshydroxylation des sels biliaires empêchant la formation des micelles et donc l’absorption des triglycérides, du cholestérol, des vitamines liposolubles ;

– anomalies structurales ou fonctionnelles de l’intestin grêle avec diminution de l’activité enzymatique entérocytaire.

– entéropathie exsudative.

– stimulation de la sécrétion d’eau et d’électrolytes par les produits du métabolisme bactérien.

– production d’acides organiques à chaîne courte qui augmente l’osmolarité et diminue le pH intraluminal.

– diminution de la motilité intestinale.

Diagnostic :

Le diagnostic de colonisation bactérienne chronique du grêle repose sur quatre critères.

Existence d’un facteur favorisant

L’existence d’un facteur favorisant, connu ou à rechercher, à type de stase intestinale ou de reflux colo-grélique. L’anamnèse et le transit de l’intestin grêle permettent de reconnaître la majorité des causes de colonisation bactérienne chronique du grêle.

Existence d’un syndrome de malabsorption

– Un syndrome de malabsorption est évoqué devant une diarrhée avec stéatorrhée, un amaigrissement, des signes de carence en vitamines liposolubles et en vitamine B12 (anémie mégaloblastique, troubles neurologiques tardifs). Il s’agit parfois d’une diarrhée hydrique avec ballonnement abdominal douloureux.

– Il est confirmé par la perturbation des tests dynamiques :

– le test au D-xylose et le test de Schilling (avec facteur intrinsèque) sont toujours perturbés ;

– la clairance de l’alpha-1-AT est augmentée.

Confirmation de la colonisation bactérienne

La confirmation de la colonisation bactérienne chronique du grêle repose sur deux types d’examens :

– l’étude qualitative et quantitative de la flore bactérienne de l’intestin grêle proximal qui permet en outre la réalisation d’un antibiogramme. Mais cette étude est coûteuse et difficile, sa réalisation est réservée à certaines situations particulières, souvent en seconde intention ;

– les tests respiratoires, de réalisation plus facile :

– le plus simple est le test respiratoire au glucose : mesure de l’hydrogène dans l’air expiré après ingestion de 50 g de glucose dans 250 ml d’eau, couplé à un index baryté afin de s’affranchir d’une accélération du transit responsable de faux positifs ;

– le test au D-xylose marqué au carbone 13 (13 D-xylose) est probablement le plus fiable mais de réalisation plus difficile.

Amélioration après antibiothérapie

L’amélioration du syndrome de malabsorption clinique et biologique après antibiothérapie représente le dernier critère diagnostique. Cependant, si la persistance des anomalies peut être en rapport avec un échec du traitement de la colonisation bactérienne chronique du grêle, elle peut aussi être en rapport avec son étiologie. Le recours à l’étude bactériologique est alors indiqué.

Traitement :

–  Traitement étiologique si possible :

– traitement chirurgical.

– traitement d’une hypomotilité par octréotide (50 µg/j) en cas de sclérodermie notamment.

– Traitement symptomatique des carences.

–  Traitement antibiotique de la colonisation bactérienne chronique du grêle : en l’absence d’antibiogramme on propose en première intention :

– amoxicilline-acide clavulanique (Augmentin*) à la dose de 1,5 g/j pendant 7 à 10 jours.

– norfloxacine (Noroxine*), 800 mg/j, seulement active sur la flore aérobie mais qui pourrait suffire.

– d’autres antibiotiques, seuls ou en association, sont également efficaces : céphalosporines, métronidazole.

–  Evaluation de l’efficacité du traitement sur les signes cliniques et biologiques ainsi que sur les tests fonctionnels :

– amélioration parfois durable (mois ou années).

– rechute précoce possible nécessitant le recours à des cures itératives d’antibiotiques (une semaine toutes les 6 semaines).

Entéropathie exsudative :

Définition :

Le syndrome de gastro-entéropathie exsudative est défini par l’exagération des pertes digestives de protéines plasmatiques.

Ce syndrome est associé à de nombreuses affections digestives qu’il révèle très rarement.

Dans certains cas cependant, l’entéropathie exsudative est au premier plan et pose le problème de son étiologie.

Mécanisme :

Le syndrome de fuite protéique reconnaît deux mécanismes principaux.

Rupture du revêtement épithélial

Pertes d’origine sanguine :

– avec lésions macroscopiques : érythème, œdème, ulcérations, tumeur ;

– sans lésions macroscopiques, par augmentation de la desquamation cellulaire ou anomalie des jonctions intercellulaires.

Hyperpression lymphatique

Pertes d’origine lymphatique :

– primitive (maladie de Waldman).

– secondaire, à un obstacle lymphatique ou à une hyperpression veineuse.

Seul le cadre de l’entéropathie exsudative par hyperpression lymphatique sera évoqué ici car il peut poser un problème diagnostique spécifique.

L’entéropathie exsudative par rupture du revêtement épithélial est un phénomène associé à la plupart des affections digestives.

Diagnostic :

Circonstances de découverte :

– manifestations cliniques :

– œdèmes.

– diarrhée chronique.

– crises de tétanie.

– latence clinique fréquente.

– signes biologiques :

– hypoprotidémie avec hypoalbuminémie et hypogammaglobulinémie.

– stéatorrhée.

– hypotriglycéridémie, hypocholestérolémie, hypocalcémie (en rapport avec l’hypoalbuminémie).

– lymphopénie inférieure à 800 éléments par mm3.

Confirmation :

–  exploration fonctionnelle :

– la mesure de la clairance fécale de l’alpha-1-AT (normale inférieure à 15 ml/24 h), fiable et de réalisation simple, est le premier examen à demander. Elle nécessite le recueil des selles de 3 jours et un prélèvement sanguin le dernier jour pour un dosage plasmatique de l’alpha-1-AT.

– la clairance fécale de l’albumine marquée au chrome51, test de référence, est de réalisation plus difficile et rarement nécessaire.

– l’endoscopie duodénale avec biopsies est intéressante car elle montre :

– parfois des anomalies macroscopiques de la muqueuse (épaississement des valvules) ;

– surtout des anomalies histologiques : lymphangiectasies dont la topographie villositaire ou sous-muqueuse permet d’orienter vers une hyperpression primitive ou secondaire.

Étiologies :

Entéropathie exsudative par hyperpression veineuse

– Les principales causes d’entéropathie exsudative par hyperpression veineuse sont :

– la péricardite chronique constrictive.

– l’insuffisance cardiaque droite.

– la thrombose veineuse cave supérieure.

– Elles sont évoquées par l’examen clinique, la radiographie thoracique, l’électrocardiographie et l’échocardiographie. Le cathétérisme cardiaque peut être indiqué.

Entéropathie exsudative par obstacle anatomique lymphatique

– Les principales causes d’entéropathie exsudative par obstacle anatomique lymphatique sont rapportées dans le.

– Les examens utiles sont l’échographie et la tomodensitométrie abdominale, l’échoendoscopie du pancréas et de la région cœliaque, parfois la lymphographie pédieuse. La laparotomie exploratrice peut être indiquée.

Lymphangiectasies intestinales primitives

Les lymphangiectasies intestinales primitives sont des affections rares, dominées par la maladie de Waldman, caractérisée par des malformations lymphatiques diffuses :

– manifestations cliniques :

– début dans l’enfance et avant 30 ans dans 90 % des cas.

– syndrome œdémateux similaire à celui d’un syndrome néphrotique avec parfois anasarque ou encore lymphœdème asymétrique d’un membre d’évolution intermittente.

– épanchement chyleux (péritoine, plèvre, péricarde) dans 50 % des cas ;

– diarrhée parfois sévère avec stéatorrhée, douleur abdominale et vomissements ;

– tétanie hypocalcémique.

– retard de croissance chez l’enfant.

– anomalies biologiques :

– tableau typique d’entéropathie exsudative par obstacle lymphatique (voir supra) ;

– normalité du test au D-xylose.

– anergie tuberculinique.

– imagerie :

– transit de l’intestin grêle : anormal dans 75 % des cas, il montre un épaississement des plis (supérieur à 2 mm) et de nombreux petits nodules correspondant à la dilatation lymphatique.

– lymphographie pédieuse : anomalies diffuses et bilatérales, reflux du produit de contraste dans les ganglions mésentériques.

– endoscopie duodénale :

– muqueuse œdémateuse, blanchâtre, multinodulaire, mieux visible après un repas riche en graisses (intérêt pour orienter les biopsies).

– les anomalies sont parfois très localisées sur le grêle (entéroscopie).

– biopsies duodénales ou jéjunales :

– dilatation des lymphatiques.

– étendue de la sous-muqueuse à l’apex villositaire, réalisant des cavités bordées d’un endothélium plus ou moins dystrophique, vide ou contenant des lipophages spumeux PAS négatif.

– œdème muqueux.

– absence d’atrophie villositaire et d’infiltrat inflammatoire.

– parfois nécessaire, la laparotomie exploratrice montre un épaississement de l’intestin grêle, recouvert d’un réseau à mailles blanchâtres et nacrées, une augmentation du volume des ganglions, une possible fibrose rétrécissant la lumière intestinale.

– évolution prolongée, parfois intermittente, dominée par le risque de complications infectieuses (tuberculose) et parfois malignes (cancers épithéliaux et lymphomes).

– traitement :

– absence de traitement spécifique.

– résection chirurgicale en cas de forme localisée.

– formes diffuses :

compensation des carences.

suppression des graisses à chaîne longue (moins de 5 g/j), remplacées par des triglycérides à    chaîne moyenne directement absorbés par voie portale.

régime sans sel avec ou sans diurétiques au début.

perfusion de gammaglobulines en cas d’infection sévère.

perfusion d’albumine en cas d’intervention chirurgicale.

Maladies inflammatoires :

Maladie de Crohn :

(Voir “ Diarrhées chroniques de cause colique ”.)

Jéjuno-iléites ulcérées non granulomateuses :

Les jéjuno-iléites ulcérées non granulomateuses sont des maladies rares et de cause inconnue, caractérisées par la présence d’ulcérations chroniques non spécifiques.

Manifestations cliniques

– Diarrhée chronique avec malabsorption.

– Entéropathie exsudative.

– Douleur abdominale.

– Complications : hémorragie digestive, occlusion, perforation.

Examens paracliniques

– Transit de l’intestin grêle : ulcérations rarement visibles.

– L’endoscopie digestive haute et basse, l’entéroscopie montrent parfois les ulcérations et précisent l’aspect de la muqueuse intercalaire.

– Laparotomie parfois nécessaire en cas de doute diagnostique (lymphome).

– Histologie :

– ulcérations plus ou moins profondes, très souvent multiples.

– atrophie villositaire possible, infiltrat inflammatoire non spécifique.

– muqueuse intercalaire normale.

Diagnostic différentiel

– Toutes les causes d’ulcérations de l’intestin grêle.

– Maladie cœliaque ulcérée : intérêt des anticorps anti-endomysium, du groupage HLA, et surtout des biopsies à distance des ulcérations montrant l’atrophie villositaire.

– Lymphome de l’intestin grêle de diagnostic très difficile.

Traitement

– Corticothérapie d’efficacité inconstante.

– Nutrition parentérale totale.

Pronostic

Le pronostic est sombre.

Ischémie intestinale chronique :

L’insuffisance circulatoire mésentérique chronique peut être responsable d’une diarrhée avec stéatorrhée par malabsorption, évoluant dans un contexte d’altération de l’état général avec amaigrissement important.

Les éléments utiles au diagnostic sont :

– l’existence d’un terrain vasculaire (athérosclérose diffuse), l’âge.

– un syndrome douloureux abdominal chronique, post-prandial précoce (“ claudication digestive ”).

– l’échographie-Doppler des vaisseaux mésentériques.

– l’artériographie cœlio-mésentérique.

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