Diarrhée chronique hydro-électrolytique de l’adulte

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Une diarrhée hydroélectrolytique sera évoquée après avoir écarté une diarrhée par atteinte de la paroi de l’intestin grêle (malabsorption) ou de la muqueuse colique.

COMMENT ÉVOQUER UNE DIARRHÉE HYDROELECTROLYTIQUE :

Éléments cliniques :

Aspect des selles :

Diarrhée chronique hydro-électrolytique de l'adulte– aqueuses ou fécales.

– abondance variable (300 g à plusieurs kiloggrammes par 24 heures).

– parfois acides et mousseuses ou impérieuses et post-prandiales.

– jamais huileuses, grasses, adhérentes (stéatorrhée).

– absence de sang, de glaire ou de pus (syndrome dysentériforme).

Examen clinique :

– souvent normal.

– parfois signes de retentissement (déshydratation, amaigrissement).

– jamais de syndrome carentiel.

Examens biologiques de routine :

Les examens biologiques de routine sont :

– souvent normaux.

– avec parfois signes de retentissement (hypokaliémie, insuffisance rénale).

– jamais de syndrome carentiel.

COMMENT ORIENTER LE DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE :

Par l’interrogatoire et l’examen clinique :

Contexte évocateur

Recherche d’un contexte évocateur :

– antécédents familiaux (intolérance au lactose, polyadénomatose, endocrinopathie…).

– antécédents personnels (chirurgie digestive récente…).

– contexte pathologique évolutif (diabète, hyperthyroïdie…).

– consommation chronique de substances responsables de diarrhée (laxatifs, médicaments, alcool…).

Recherche de signes associés

Recherche de signes associés orientant vers :

– une malabsorption des sucres : ballonnements, flatulences, météorisme.

– une endocrinopathie :

– tachycardie, amaigrissement, goitre : hyperthyroïdie.

– pyrosis, syndrome ulcéreux : syndrome de Zollinger-Ellison.

– hépatomégalie nodulaire, “ flushs ” : syndrome carcinoïdien.

– une neuropathie : malaises orthostatiques, polynévrite, troubles sphinctériens ou sudoraux.

A l’issue de l’interrogatoire et de l’examen clinique :

Une étiologie est suspectée :

– sa confirmation nécessite une démarche adaptée permettant d’aboutir rapidement au diagnostic, en se méfiant cependant de l’association, toujours possible, à une autre pathologie.

– l’étude du mécanisme prépondérant peut être nécessaire pour vérifier la relation entre l’étiologie suspectée et la diarrhée et, si besoin, pour adapter le traitement.

– dans tous les cas, l’efficacité du traitement devra être évaluée.

Aucune étiologie n’est suspectée :

– on suspend les explorations si on évoque un syndrome de l’intestin irritable :

– symptomatologie typique et aucun critère d’alarme (âge inférieur à 45 ans, absence d’antécédent de polype colique, examen clinique normal).

– le patient est traité et son état est réévalué à distance.

– on poursuit les explorations (seconde étape) car la symptomatologie n’est pas typique d’un syndrome de l’intestin irritable (ou signe d’alarme). On effectue en première intention :

– un examen parasitologique des selles.

– un examen biologique sanguin de routine.

– une coloscopie.

A l’issue de la seconde étape :

Une étiologie de diarrhée hydroélectrolytique est suspectée :

– parasitose.

– hyperthyroïdie, diabète…

– lésion colique diagnostiquée par la coloscopie (mélanose, polypose…).

Le bilan complémentaire n’est pas contributif.

Fécalogramme

Il faut alors effectuer un fécalogramme complet de type Trémolières et Sautier :

–  réalisation :

– recueil des selles réalisé sur 3 jours consécutifs.

– régime équilibré durant la semaine qui précède le recueil, et enrichi en lipides avant et pendant celui-ci (75 à 100 g/j).

– conservation des selles au réfrigérateur pour éviter une dessiccation et une fermentation excessives.

–  examens effectués :

– d’ordre quantitatif : poids frais, hydratation ; lipides totaux, dérivés glucidiques, activité protéolytique.

– de façon complémentaire : osmolarité, clairance de l’alpha-1-antitrypsine et recherche de laxatifs et de substances inabsorbables (Mg 2+, SO 4 2–, PO 4 3–) et dosage des sucres.

– La réalisation de cet examen n’est pas toujours facile, car elle nécessite des techniques complexes. En pratique, on recherche une stéatorrhée franche qui oriente vers une malabsorption de l’intestin grêle (voir question) et on effectue un test au rouge carmin.

Test au rouge carmin

–  Réalisation : 2 capsules de 0,5 g de rouge carmin sont ingérées à T0 ; on note le délai d’apparition de la première et de la dernière selle rouge.

–  Résultat chez un sujet normal : la première selle rouge est émise en 18 à 24 heures et la dernière en 24 à 48 heures.

–  Test au rouge carmin franchement positif : c’est une diarrhée motrice :

– l’examen clinique est normal, il n’y a pas de signe de retentissement clinique ni biologique : il s’agit probablement d’un syndrome de l’intestin irritable à traiter et à surveiller.

– il existe des signes d’alarme et/ou des signes de retentissement clinique ou biologique, on cherche une cause : endocrinienne (pathologie thyroïdienne, syndrome carcinoïde) ou neurologique (amylose, syndrome de Shy-Drager, affection du système nerveux central).

–  test au rouge carmin négatif ou non franchement positif :

– l’aspect des selles permet parfois d’évoquer : une diarrhée osmotique (selles mousseuses et brûlantes, ballonnements, météorisme…) ou une diarrhée sécrétoire (selles abondantes, diurnes et nocturnes avec signes de retentissement clinicobiologiques).

– l’aspect des selles n’est pas évocateur : le fécalogramme complet devient impératif, complété par l’épreuve du jeûne : le patient, placé sous perfusion, est soumis à un jeûne de 48 heures ; le résultat est positif si le débit fécal s’annule (normal) et négatif s’il persiste un débit supérieur à 200 g/j.

La confrontration de l’ensemble des données cliniques et des explorations fonctionnelles permet de préciser le mécanisme de la diarrhée.

Diarrhée osmotique :

PHYSIOPATHOLOGIE :

L’ingestion de substances non ou mal absorbables ou spécifiquement malabsorbées, possédant un pouvoir osmotique élevé, entraîne un appel d’eau et d’électrolytes dans la lumière intestinale.

L’augmentation du débit fécal à la sortie de l’iléon dépasse les capacités d’absorption du côlon et explique la diarrhée.

L’excès de gaz produit par le métabolisme bactérien de certaines de ces substances rend compte du ballonnement et des flatulences.

Cette diarrhée est caractérisée par une augmentation du trou osmolaire de l’eau fécale.

ORIENTATION DIAGNOSTIQUE :

Caractères de la diarrhée osmotique :

Clinique

– Selles mousseuses et irritantes, d’abondance variable.

– Flatulences, borborygmes et ballonnement abdominal douloureux.

– Météorisme à l’examen.

Fécalogramme

– Trou osmolaire supérieur à 50 mOsm/kg.

– Diminution du sodium et du potassium fécal.

Epreuve du jeûne positive

Annulation du débit fécal (sauf si prise cachée de laxatifs).

Temps de transit

Temps de transit normal ou légèrement raccourci.

Orientation étiologique :

Anamnèse

Fécalogramme

PH fécal et recherche de sucres réducteurs.

Recherche de laxatifs dans les selles

(Ions divalents et trivalents.)

Test respiratoire à l’hydrogène H2

– Le test respiratoire à l’hydrogène H2 recherche une malabsorption spécifique des hydrates de carbone par carence enzymatique.

–  Principe :

– la malabsorption du sucre ingéré provoque une fermentation colique avec production d’H2, ce dernier étant en partie absorbé puis éliminé par voie respiratoire ;

– la mise en évidence d’un excès d’hydrogène dans l’air expiré traduit la présence du sucre testée dans le côlon et donc son déficit d’absorption au niveau de l’intestin grêle.

–  Réalisation : ingestion après un jeûne de 12 heures du sucre incriminé et mesure de l’H2 dans l’air expiré à T0 puis toutes les 30 minutes pendant 4 heures.

–  Résultat : le test est positif pour une élévation de l’H2 supérieure à deux fois le taux basal.

–  Faux négatifs : prise récente d’antibiotiques ou de PEG 4 000.

ETIOLOGIES :

Malabsorption des ions divalents et trivalents :

–  Laxatifs osmotiques : sulfate de soude (SO4CNa2), sulfate de magnésie (SO4Mg) et phosphate de soude (PO4CNa3). Reconnue à l’interrogatoire, quand elle n’est pas dissimulée par le patient, la prise de ce type de laxatifs peut être détectée dans les selles par la recherche des ions sulfate et phosphate.

– La prise d’anti-acides à base d’oxyde ou d’hydroxyde de magnésium est évoquée par l’interrogatoire et confirmée par la mesure du débit (normale inférieure à 15 mmol/24 h) et de la concentration fécale (normale inférieure à 45 mmol/l) en magnésium.

Malabsorption spécifique des hydrates de carbone :

Le déficit absolu ou relatif en disaccharidases (lactase, saccharase-isomaltase) ou la consommation excessive de sucres naturellement mal absorbables, entraîne une diarrhée par élévation de l’osmolarité du liquide intestinal et une production gazeuse importante par fermentation colique.

Le diagnostic repose en première intention sur les tests respiratoires à l’hydrogène avec le sucre incriminé et, parfois, sur le dosage de l’activité enzymatique étudiée sur les biopsies jéjunales.

Le régime d’exclusion, voire le test de réintroduction, est parfois nécessaire.

Déficit en lactase

(“ Intolérance au lactose. ”)

–  Physiopathologie :

– la lactase scinde le lactose en glucose et en galactose.

– le déficit en lactase peut être congénital (diagnostiqué dès les premiers jours de vie) ou acquis (chez l’adulte).

– la décroissance physiologique de cette activité après le sevrage (jusqu’à moins de 10 % à l’âge de 10 ans) rend compte de l’intolérance au lactose, qui concerne surtout les Noirs et les Asiatiques.

– en Amérique du Nord et en Europe, une mutation génétique dominante lève cette répression enzymatique expliquant la moindre fréquence de l’intolérance dans ces populations.

– cependant, toute lésion entérocytaire, quelle qu’en soit la cause, peut induire un déficit enzymatique transitoire (diarrhées infectieuses, maladie cœliaque, maladie de Crohn…).

–  Diagnostic :

– suspicion : ethnie, contexte familial, déclenchement des symptômes par l’ingestion de produits laitiers.

– confirmation : test respiratoire au lactose, régime d’exclusion, éventuellement test de réintroduction.

–  Traitement :

– l’exclusion du lactose de l’alimentation, difficile et contraignante, doit être réservée au déficit congénital.

– chez l’adulte, une bonne répartition des aliments contenant du lactose et la consommation de produits laitiers frais permettent de limiter les symptômes.

– Le déficit en saccharase-isomaltase est une maladie de l’enfant.

Malabsorption des monosaccharides

– Glucose et galactose : pathologie néonatale.

– Fructose : par excès de consommation de jus de fruit. Le diagnostic repose sur l’anamnèse et sur le test respiratoire au fructose.

Ingestion de sucres alcools

– Mannitol.

– Sorbitol (diarrhée du chewing-gum…).

– Laxatifs : lactulose (Duphalac*, Lactulose*), lactitol (Importal*).

Diarrhée sécrétoire et volumogénique :

PHYSIOPATHOLOGIE :

La diarrhée résulte d’une fuite massive d’eau et d’électrolytes dans la lumière intestinale par augmentation de leur sécrétion et/ou diminution de leur absorption intestinale.

La diarrhée volumogénique est secondaire à l’inondation de l’intestin par une augmentation importante des sécrétions gastrique et bilio-pancréatique.

ORIENTATION DIAGNOSTIQUE :

Caractères de la diarrhée sécrétoire :

Clinique

– Diarrhée aqueuse, abondante, diurne et nocturne.

– Signes de retentissement (déshydratation, amaigrissement…).

Biologie

– Hypokaliémie avec ou sans tubulopathie hypokaliémique.

– Acidose métabolique par perte fécale de bicarbonates.

– Hémoconcentration.

– Insuffisance rénale fonctionnelle.

Fécalogramme

– Poids des selles supérieur à 500 g par 24 heures (parfois plus de 1 kg/24 h).

– Elévation du potassium fécal.

– Absence de stéatorrhée sauf s’il s’agit d’une diarrhée volumogénique.

Epreuve du jeûne négative

Persistance d’un débit fécal supérieur à 200 g/24 h.

Temps de transit

Temps de transit : normal ou légèrement raccourci.

Orientation étiologique :

– Interrogatoire : prise de laxatifs, de médicaments.

– Contexte pathologique associé : ulcère duodénal, urticaire pigmentaire.

– Examen parasitologique des selles.

– Iléo-coloscopie.

– Recherche de laxatifs irritants dans les selles.

– Etude de la sécrétion acide gastrique.

– Dosages hormonaux : gastrine, VIP (“ vasoactive intestinal peptide ”)…

ETIOLOGIES :

Laxatifs irritants :

La prise de laxatifs irritants (anthraquinones, phénolphtaléine et bisacodyl), parfois non signalée par le patient, voire dissimulée, doit être recherchée par un interrogatoire patient et mené dans un climat de confiance. Le diagnostic peut être confirmé :

– par la mise en évidence d’une mélanose colique (macroscopique ou microscopique) ;

– et surtout par la recherche de phénolphtaléine dans les selles, d’anthraquinones dans les selles et les urines ou de bisacodyl dans les urines.

Maladie des laxatifs

La maladie des laxatifs est une maladie grave, qui touche le plus souvent la femme jeune présentant des troubles de la personnalité.

La prise de laxatifs irritants (ou ioniques), dissimulée par la patiente, est fréquemment associée à la consommation d’autres médicaments (diurétiques, amphétamines, hormones thyroïdiennes…).

– Examen clinique :

– asthénie, amaigrissement, dénutrition presque constants.

– diarrhée, variable d’un jour à l’autre, de caractère sécrétoire ou osmotique selon le type de laxatif utilisé, douleurs abdominales, nausées, vomissements spontanés ou provoqués, anorexie.

– aménorrhée fréquente.

– déficit neurologique brutal lors d’une hypokaliémie aiguë.

– hyperpigmentation cutanée (phénolphtaléine), hippocratisme digital.

– structure phobique ou obsessionnelle, angoisse morbide endogène, anorexie mentale.

– Examens biologiques :

– hypokaliémie sévère avec tubulopathie dans les formes prolongées.

– alcalose métabolique secondaire à la perte de HCl due aux vomissements et/ou à la prise associée de diurétiques.

– hypoalbuminémie par carence d’apports et par entéropathie exsudative.

– Lavement baryté : atonie du côlon ascendant et de la dernière anse iléale, effacement du relief muqueux.

– Coloscopie : côlon d’aspect tubulé, mélanose colique confirmée par les biopsies.

– Mise en évidence de laxatifs dans les selles et/ou les urines.

– Traitement : correction des désordres hydroélectrolytiques et de la dénutrition, prise en charge psychiatrique (difficile).

Autres médicaments :

Les digitaliques, la colchicine, les biguanides… peuvent être responsables d’une diarrhée sécrétoire.

Parasitoses :

Une lambliase, une cryptosporidiose et une microsporidiose peuvent être en cause dans le cadre du SIDA.

Lésions iléo-coliques :

Syndrome de Zollinger-Ellison :

Physiopathologie

Le syndrome de Zollinger-Ellison est caractérisé par une augmentation importante de la sécrétion acide gastrique secondaire à une hypersécrétion de gastrine par une tumeur à cellules G (ou une hyperplasie diffuse) :

– l’hypersécrétion acide, due à la prolifération des cellules pariétales gastriques, associée à une augmentation compensatrice des sécrétions bilio-pancréatiques et duodéno-jéjunales, est responsable d’une diarrhée volumogénique par inondation intestinale.

– l’inactivation irréversible des enzymes pancréatiques par l’hyperacidité peut être cause de stéatorrhée.

– le gastrinome est une tumeur d’évolution lente, maligne dans 60 % des cas, de localisation souvent pancréatique (80 %) ou parfois duodénale, vésiculaire, gastrique, péritonéale ou hépatique.

– des métastases (ganglionnaires, hépatiques, spléniques, osseuses) sont présentes dans 20 % de cas lors du diagnostic ;

– le gastrinome s’inscrit dans une néoplasie endocrinienne multiple (NEM) de type 1 dans 25 % des cas.

Circonstances de découverte

–  Syndrome ulcéreux duodénal (85 %) souvent sévère, résistant au traitement médical, volontiers récidivant : ulcères multiples, de grande taille, de siège distal, associés à une duodénite postbulbaire et souvent à une œsophagite de reflux parfois compliquée (sténose).

– Diarrhée chronique volumogénique (65 %), avec stéatorrhée, isolée et révélatrice dans 10 à 20 % des cas.

Diagnostic positif

Chimisme gastrique associé aux tests de provocation :

– débit acide basal (DAB) supérieur à 15 mmol/h.

– concentration en ions H+ supérieure à 100 mmol par litre.

– gastrinémie : un taux supérieur à dix fois la normale confirme le diagnostic (spécificité, 100 %). Sinon, un test à la sécrétine est effectué et montre une augmentation paradoxale de la gastrinémie, pathognomonique du syndrome de Zollinger-Ellison.

Diagnostic topographique

La mise en évidence de la tumeur est difficile car elle est souvent petite ou multifocale. Dans 20 % des cas, il s’agit d’une hyperplasie diffuse :

– échographie et scanner abdominal : tumeur pancréatique, adénopathies, métastases ;

– fibroscopie : gastrinome duodénal.

– échoendoscopie pancréatique : tumeur pancréatique, adénopathies.

– artériographie cœliomésentérique : signes tumoraux.

– dosage de la gastrine sur des prélèvements veineux étagés.

– scintigraphie à la somatostatine marquée : technique prometteuse en cours d’évaluation ;

– laparoscopie en dernier recours.

Diagnostic d’une néoplasie endocrinienne multiple de type 1

– Antécédents familiaux de néoplasie endocrinienne multiple.

– Antécédents personnels de tumeurs associées : parathyroïdienne (adénome), antéhypophysaire (prolactinome…), pancréatique (insulinome), thyroïdienne, corticosurrénalienne…

– Effectuer systématiquement un bilan phosphocalcique, une radiographie de la selle turcique et des dosages répétés de la prolactinémie.

Traitement

–  Traitement curatif de la tumeur et/ou des métastases :

– chirurgie d’exérèse (35 % des cas) ;

– chimiothérapie : 5-fluoro-uracile, streptozocine.

– chimio-embolisation.

– transplantation hépatique en cas de métastases uniquement hépatiques résistant aux autres traitements. Sa place reste encore à définir.

– Traitement symptomatique :

– syndrome ulcéreux : inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole [Mopral*, Zoltum* ] ; lansoprazole [Lanzor*, Ogast* ] ; pantoprazole [Euprantol* ]) à posologie élevée et pendant une durée prolongée.

– la diarrhée cesse habituellement lors du traitement de l’hypersécrétion gastrique. Les dérivés de la somatostatine (octréotide) diminuent les sécrétions gastro-intestinales et posséderaient une action antiproliférative. Ils peuvent être utilisés dans les cas rebelles, mais leur coût élevé en limite l’utilisation.

Choléra endocrine :

Le choléra endocrine ou VIPome (syndrome de Verner-Morrison) est rare et s’intègre exceptionnellement dans une néoplasie endocrinienne multiple de type 1.

Physiopathologie

La diarrhée est due à l’élévation importante des sécrétions intestinales gréliques et coliques secondaire à une hypersécrétion de VIP :

– par une tumeur pancréatique (85 %) ou extra-pancréatique (ganglioneurome, ganglioneuroblastome, phéochromocytome) ;

– ou par une hyperplasie langerhansienne à cellules non bêta (2 %).

Signes cliniques et biologiques

– Diarrhée cholériforme (100 %), “ thé clair ”, profuse (1 à 5 l/24 h) avec des signes de retentissement (déshydratation, hypokaliémie).

– “ flushs ” (23 %), hyperpigmentation (13 %).

– Hépatomégalie métastatique (13 %).

– Hypercalcémie fréquente sans adénome parathyroïdien.

– Diabète parfois.

– Achlorhydrie gastrique inconstante.

Diagnostic positif

– Elévation du VIP sérique dans 90 % des cas sur des dosages répétés.

– Catécholamines sériques et urinaires (phéochromocytome).

Diagnostic topographique

– Echographie et scanner abdominal.

– Echoendoscopie pancréatique, très sensible.

– Artériographie cœliomésentérique : tumeur hypervascularisée.

– Scintigraphie à l’octréotide marqué : localisation de la tumeur et de ses métastases et prévision de la réponse au traitement par les dérivés de la somatostatine.

Diagnostic de malignité

Le diagnostic de malignité (60 %) repose sur la présence de métastases ou d’emboles vasculaires de cellules tumorales.

Traitement

– Traitement symptomatique :

– correction des troubles hydroélectrolytiques.

– dérivés de la somatostatine (octréotide).

– Traitement curatif :

– tumeur pancréatique : exérèse chirurgicale.

– hyperplasie diffuse : pancréatectomie subtotale.

– métastases : chimio-embolisation artérielle hépatique permettant de diminuer le volume tumoral et la symptomatologie, chimiothérapie (5-fluoro-uracile, streptozocine), interféron leucocytaire.

Mastocytose systémique :

Physiopathologie

– La diarrhée est liée à la libération d’histamine et d’autres neuromédiateurs humoraux par des mastocytes.

– C’est une maladie rare où l’atteinte digestive est présente dans 50 % des cas.

Signes cliniques et biologiques

– Diarrhée sécrétoire.

– Syndrome de malabsorption avec stéatorrhée (30 %) par infiltration de la lamina propria de l’intestin grêle par des mastocytes.

– Ulcères bulbaires (hypersécrétion acide associée).

– Hépatomégalie (50 à 70 %).

– Prurit, “ flushs ”, urticaire pigmentaire (signe de Darier : urticaire provoquée par la friction des lésions cutanées de la mastocytose).

Diagnostic

Biopsies de l’intestin grêle ou cutanées (infiltration mastocytaire).

Traitement

Antihistaminiques H1 et H2, cromoglycate de sodium ou corticoïdes.

Diarrhée motrice :

PHYSIOPATHOLOGIE :

La diarrhée motrice est due à une accélération du transit, essentiellement colique.

La diminution du temps de contact entre les nutriments et la muqueuse intestinale a pour conséquence une augmentation de l’élimination de l’eau et des électrolytes accompagnée d’un certain degré de malabsorption intestinale (stéatorrhée minime possible).

La régulation de la motricité colique est sous la dépendance de facteurs hormonaux et nerveux.

L’existence d’une pathologie endocrinienne ou neurologique perturbe cet équilibre, expliquant la diarrhée.

ORIENTATION DIAGNOSTIQUE :

Caractères de la diarrhée motrice :

Clinique

– Aspect de la diarrhée :

– nombre de selles élevé (trois à dix par jour) ;

– liquides, peu abondantes (moins de 500 g/j) contenant des résidus d’aliments ingérés le jour même (végétaux).

– impérieuses, matinales, post-prandiales.

– disparaissant souvent en début d’hospitalisation.

– sensible aux freinateurs du transit : lopéramide (Imodium*), diphénoxylate (Diarsed*).

– Douleurs abdominales inconstantes, en cadre et soulagées par l’émission de selles.

Fécalogramme

– Elévation du sodium et baisse du potassium fécal (composition proche de celle du liquide de l’iléon terminal).

– Stéatorrhée modérée (moins de 14 g/24 h) possible.

Temps de transit

Temps de transit franchement raccourci (test au rouge carmin et test H2 au lactulose) :

– lors du test au rouge carmin, la première selle rouge apparaît en moins de 8 heures et la dernière en moins de 24 heures.

–  test à l’hydrogène au lactulose :

– réalisation : après un jeûne de 12 heures, 50 g de lactulose sont ingérés dans 250 cc d’eau à T0. On mesure l’hydrogène expiré toutes les 30 minutes.

–  résultat : chez un sujet normal, il est de 4 à 6 heures.

Epreuve du jeûne positive

Diminution ou annulation du débit fécal.

Orientation étiologique :

Contexte

– Antécédents personnels de diabète, d’intervention chirurgicale digestive.

– Antécédents familiaux d’endocrinopathie (néoplasie endocrinienne multiple).

– Ethylisme chronique, stress.

– Liste des médicaments utilisés.

Signes fonctionnels

“ flushs ”.

Examen clinique

– Goitre ou nodule thyroïdien.

– Hépatomégalie nodulaire.

– Signes cutanés ou neurologiques.

Dosages hormonaux

– Hormones thyroïdiennes.

– Sérotoninémie.

– 5-hydroxy-indolacétique (5HIAA) urinaire.

ÉTIOLOGIES :

Étiologies endocriniennes :

Hyperthyroïdie

– La diarrhée motrice est présente dans 10 à 40 % des cas.

– Une stéatorrhée minime est fréquente.

– L’association à une tachycardie et à un amaigrissement est fortement évocatrice.

– Le diagnostic repose sur l’examen de la loge thyroïdienne, sur les dosages hormonaux (T4, TSH) et sur l’imagerie (échographie et scintigraphie thyroïdienne).

– Le traitement de la diarrhée passe par celui de l’hyperthyroïdie.

Cancer médullaire de la thyroïde

– Physiopathologie :

– il s’agit d’une tumeur rare, développée à partir des cellules parafolliculaires (cellules C) de la thyroïde, sécrétant la calcitonine, et comportant un stroma amyloïde ;

– il est présent dans les néoplasies endocriniennes multiples de type IIa (100 %) et IIb (90 %) ;

– l’hormone responsable de la diarrhée semble être plutôt la sérotonine que la thyrocalcitonine elle-même.

– Diagnostic positif :

– diarrhée motrice (un tiers des cas).

– tumeur thyroïdienne à la palpation de caractère néoplasique.

– adénopathies cervicales et médiastinales à stroma amyloïde.

– élévation de la thyrocalcitonine sérique et de l’antigène carcino-embryonnaire ;

– échographie et scintigraphie thyroïdiennes.

– Le traitement repose sur la thyroïdectomie totale avec curage ganglionnaire éventuellement associée à une radiothérapie ou à une chimiothérapie.

Adénome bénin à cellules C

Tumeur exceptionnelle de la thyroïde.

Syndrome carcinoïdien

–  Physiopathologie :

– le syndrome carcinoïdien est défini par l’ensemble des manifestations secondaires à la sécrétion de substances polypeptidiques et/ou hormonales par des cellules entérochromaffines (EC) ou entérochromaffines “ like ” (ECL) appartenant au système APUD (“ amine precursor uptake decarboxylation ”).

– ce sont des tumeurs malignes d’évolution lente, multiples dans 10 à 30 % des cas et pouvant s’intégrer dans une néoplasie endocrinienne multiple.

– les substances pouvant être sécrétées sont : le 5-hydroxytryptophane (5HT), la sérotonine, l’histamine, la bradykinine, les prostaglandines, la calcitonine, la motiline, l’insuline, le glucagon, l’ACTH, la gastrine, la PTH…

– la diarrhée serait essentiellement due à la sécrétine qui stimule la motricité jéjunale et qui augmente le débit des sécrétions intestinales.

–  Etiopathogénie :

– la localisation de la tumeur est digestive dans 90 % des cas (appendice [44 %], grêle [22 % ], rectum [19 %], côlon [2,6 %], estomac, pancréas ou vésicule biliaire).

– les localisations extra-digestives sont rares (ovaires, bronches, thymus…).

– les carcinoïdes appendiculaires s’accompagnent rarement de syndrome carcinoïdien et leur découverte est souvent fortuite (0,6 % des appendicectomies) ;

– la localisation des métastases est essentiellement hépatique et ganglionnaire mésentérique mais aussi pulmonaire, osseuse et cutanée.

– elles révèlent la maladie dans 10 à 30 % des cas.

– Le syndrome carcinoïdien s’observe dans les tumeurs hormonosécrétantes (essentiellement iléales). L’intensité des signes cliniques est proportionnelle à l’importance de la masse tumorale. Il est présent dans 10 à 20 % des cas et chez 50 % des patients ayant des métastases hépatiques :

– diarrhée (70 %), fibrose mésentérique.

– “ flushs ”, télangiectasies, érythrocyanose, lésions pseudo-pellagreuses.

– dyspnée asthmatiforme.

– hypotension artérielle (instabilité tensionnelle), souffle d’insuffisance tricuspidienne, insuffisance cardiaque droite par fibrose endocardique ;

– arthrites inflammatoires.

–  Syndrome tumoral :

– nausées, vomissements, douleurs abdominales.

– syndrome de König.

– hépatomégalie nodulaire métastatique.

– masse abdominale (adénopathie mésentérique).

– occlusion intestinale, hémorragie digestive, infarctus mésentérique…

Diagnostic

– Diagnostic du syndrome carcinoïdien :

– sérotoninémie.

– et 5HIAA urinaire.

– Diagnostic du syndrome tumoral :

– échographie, scanner abdominal avec biopsies dirigées si besoin (métastases, adénopathies).

– endoscopie et échoendoscopie digestives.

– transit baryté de l’intestin grêle : lacune, sténose, angulation anormale, compression extrinsèque.

– artériographie cœliomésentérique ;

– radiographie et scanner thoracique : localisation extra-digestive.

– scintigraphie au MIBG (méta-iodobenzylguanidine) : réservée en cas d’échec des techniques précédentes.

– scintigraphie à l’octréotide marqué, en cours d’évaluation, qui permettrait de visualiser la tumeur et ses métastases.

Traitement

– Traitement curatif :

– si possible exérèse complète de la tumeur ou réduction chirurgicale de la masse tumorale pour atténuer l’intensité de la symptomatologie.

– en cas de métastases hépatiques diffuses, il faut discuter une chimio-embolisation artérielle, une chimiothérapie générale (5-fluoro-uracile, streptozocine…) ou une transplantation hépatique chez un sujet jeune.

– Traitement symptomatique :

– analogues de la somatostatine (octréotide [Sandostatine*]) efficaces sur la diarrhée et les “ flushs ” dans 80 % des cas.

– antagonistes de la sérotonine (méthysergide, kétansérine).

– freinateurs du transit (lopéramide).

– antihistaminiques H1 actif sur les “ flushs ” et le bronchospasme.

Étiologies neurologiques :

Etiologie neurologique post-chirurgicale

–  Vagotomie :

– la diarrhée s’observe surtout au décours des vagotomies tronculaires (25 %), sélectives (12 %) et plus rarement hypersélectives (2 %).

– elle est le plus souvent précoce et transitoire mais elle peut persister durablement.

– elle serait due à une accélération de la vidange gastrique associée à des troubles de la motricité intestinale et biliaire.

– son traitement repose sur des mesures diététiques (éviction des aliments hypertoniques) et sur les freinateurs du transit et/ou la colestyramine (Questran*).

–  Sympathectomie : diarrhée dans 15 à 20 % des cas.

Neuropathie végétative

–  Neuropathie végétative diabétique :

– elle touche surtout les diabétiques insulinodépendants.

– une gastroparésie, une neuropathie périphérique, une hypotension orthostatique, des troubles sexuels et sphinctériens (incontinence anale) peuvent être associés ;

– la diarrhée est surtout nocturne et d’évolution transitoire ;

– son traitement repose sur les freinateurs du transit.

– Neuropathie végétative amyloïde : l’infiltration de la paroi intestinale, des plexus nerveux et parfois des ganglions sympathiques par la substance amyloïde peut provoquer une diarrhée chronique avec une malabsorption dans 15 % des cas.

–  Syndrome de Shy-Drager :

– il s’agit d’une maladie touchant le système sympathique, les régions latérales de la moelle et les noyaux gris centraux.

– l’hypotension orthostatique associée révèle habituellement la maladie.

Affections médullo-encéphaliques diverses.

Autres causes :

–  Alcoolisme chronique.

–  Stress.

–  Médicaments :

– prostaglandines (Cytotec*).

– ticlopidine (Ticlid*).

–  Gastrectomie : la diarrhée complique 5 à 20 % des gastrectomies (antrectomie-vagotomie, Billroth II, gastrectomie totale) souvent associée à un “ dumping syndrome ”.

–  Résections iléales (inférieures à 1 mètre) et/ou coliques surtout en cas de résection de la valvule de Bauhin.

Syndrome de l’intestin irritable :

Environ 15 à 20 % de la population occidentale présente des troubles fonctionnels intestinaux.

La physiopathologie, complexe, associe des troubles de la motricité et de la sensibilité coliques à des troubles psychiques variés inconstants (obsession, hystérie, dépression…).

Symptomatologie

– Douleurs abdominales (90 %), souvent anciennes et intermittentes, variables, diffuses ou localisées, soulagées par l’émission de gaz et de selles.

– Troubles du transit (90 %) à type de constipation, de diarrhée essentiellement matinale de caractère moteur ou d’alternance de diarrhée et de constipation.

– Inconfort digestif, flatulences, ballonnement, dyspepsie.

– Examen clinique normal.

– Signes fonctionnels extra-digestifs parfois associés : asthénie, dysménorrhée, dyspareunie, migraine, pollakiurie, cystalgie…

Diagnostic

– La présence d’une diarrhée motrice (test au rouge carmin positif) définit le syndrome de l’intestin irritable :

– le diagnostic sera porté après avoir éliminé une pathologie organique (inflammatoire, tumorale, endocrinienne…).

– cependant, chez un sujet jeune (moins de 45 ans) sans antécédents coliques familiaux, présentant des symptômes typiques et un examen clinique normal, le diagnostic peut être porté sans poursuivre les explorations.

– un suivi régulier en consultation permettra d’apprécier la réponse au traitement et de réorienter le diagnostic si nécessaire.

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